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Les Fleurs du mal, AU LECTEUR narrated by Fabrice Luchini

AU LECTEUR narrated by Fabrice Luchini

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine, Occupent nos esprits et travaillent nos corps, Et nous alimentons nos aimables remords, Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ; Nous nous faisons payer grassement nos aveux, Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux, Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste Qui berce longuement notre esprit enchanté, Et le riche métal de notre volonté Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent ! Aux objets répugnants nous trouvons des appas ; Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas, Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange Le sein martyrisé d'une antique catin, Nous volons au passage un plaisir clandestin Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes, Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons, Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie, N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins Le canevas banal de nos piteux destins, C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices, Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents, Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants, Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde ! Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris, Il ferait volontiers de la terre un débris Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C'est l'Ennui ! — l'œil chargé d'un pleur involontaire, Il rêve d'échafauds en fumant son houka. Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat, — Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère !


AU LECTEUR narrated by Fabrice Luchini AU LECTEUR erzählt von Fabrice Luchini AU LECTEUR narrated by Fabrice Luchini AU LECTEUR narrado por Fabrice Luchini AU LECTEUR narrato da Fabrice Luchini AU LECTEUR verteld door Fabrice Luchini AU LECTEUR narrado por Fabrice Luchini

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine, Occupent nos esprits et travaillent nos corps, Et nous alimentons nos aimables remords, Comme les mendiants nourrissent leur vermine. Foolishness, error, sin, skimping, Occupy our minds and work our bodies, And we feed our amiable remorse, As beggars feed their vermin.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ; Nous nous faisons payer grassement nos aveux, Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux, Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches. Our sins are stubborn, our repentances are cowardly; We make ourselves pay handsomely for our confessions, And we return cheerfully to the muddy path, Believing that vile tears will wash away all our stains.

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste Qui berce longuement notre esprit enchanté, Et le riche métal de notre volonté Est tout vaporisé par ce savant chimiste. On the pillow of evil it is Satan Trismegistus Who rocks our enchanted spirit for a long time, And the rich metal of our will Is all vaporized by this learned chemist.

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent ! Aux objets répugnants nous trouvons des appas ; Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas, Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent. To repulsive objects we find charms; Each day to Hell we descend one step, Without horror, through stinking darkness.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange Le sein martyrisé d'une antique catin, Nous volons au passage un plaisir clandestin Que nous pressons bien fort comme une vieille orange. Like a poor debauchee who kisses and eats The martyred breast of an ancient whore, We steal along the way a clandestine pleasure Which we squeeze very hard like an old orange.

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes, Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons, Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes. Tight, swarming, like a million helminths, In our brains cavorts a people of Demons, And, when we breathe, Death in our lungs Descends, invisible river, with deaf complaints.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie, N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins Le canevas banal de nos piteux destins, C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices, Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents, Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants, Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde ! Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris, Il ferait volontiers de la terre un débris Et dans un bâillement avalerait le monde ; Although he does not make great gestures or loud cries, He would willingly make the earth a debris And in a yawn would swallow the world;

C'est l'Ennui ! — l'œil chargé d'un pleur involontaire, Il rêve d'échafauds en fumant son houka. Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat, — Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère ! You know him, reader, this delicate monster, — Hypocrite reader, — my fellow man, — my brother!