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Lettres de mon moulin (Alphonse Daudet, 1887), L’AGONIE DE LA SÉMILLANTE.

L'AGONIE DE LA SÉMILLANTE.

L'AGONIE DE LA SÉMILLANTE Puisque le mistral de l'autre nuit nous a jetés sur la côte corse, laissez-moi vous raconter une terrible histoire de mer dont les pêcheurs de là-bas parlent souvent à la veillée, et sur laquelle le hasard m'a fourni des renseignements fort curieux. … Il y a deux ou trois ans de cela.

Je courais la mer de Sardaigne en compagnie de sept ou huit matelots douaniers. Rude voyage pour un novice ! De tout le mois de mars, nous n'eûmes pas un jour de bon. Le vent d'est s'était acharné après nous, et la mer ne décolérait pas. Un soir que nous fuyions devant la tempête, notre bateau vint se réfugier à l'entrée du détroit de Bonifacio, au milieu d'un massif de petites îles… Leur aspect n'avait rien d'engageant : grands rocs pelés, couverts d'oiseaux, quelques touffes d'absinthe, des maquis de lentisques, et, çà et là, dans la vase, des pièces de bois en train de pourrir : mais, ma foi, pour passer la nuit, ces roches sinistres valaient encore mieux que le rouf d'une vieille barque à demi pontée, où la lame entrait comme chez elle, et nous nous en contentâmes. À peine débarqués, tandis que les matelots allumaient du feu pour la bouillabaisse, le patron m'appela, et, me montrant un petit enclos de maçonnerie blanche perdu dans la brume au bout de l'île : — Venez-vous au cimetière ? me dit-il.

— Un cimetière, patron Lionetti ! Où sommes-nous donc ?

— Aux îles Lavezzi, monsieur. C'est ici que sont enterrés les six cents hommes de la Sémillante, à l'endroit même où leur frégate s'est perdue, il y a dix ans… Pauvres gens ! ils ne reçoivent pas beaucoup de visites ; c'est bien le moins que nous allions leur dire bonjour, puisque nous voilà… — De tout mon cœur, patron.

Qu'il était triste le cimetière de la Sémillante !… Je le vois encore avec sa petite muraille basse, sa porte de fer, rouillée, dure à ouvrir, sa chapelle silencieuse, et des centaines de croix noires cachées par l'herbe… Pas une couronne d'immortelles, pas un souvenir ! rien… Ah ! les pauvres morts abandonnés, comme ils doivent avoir froid dans leur tombe de hasard !

Nous restâmes là un moment, agenouillés. Le patron priait à haute voix. D'énormes goélands, seuls gardiens du cimetière, tournoyaient sur nos têtes et mêlaient leurs cris rauques aux lamentations de la mer. La prière finie, nous revînmes tristement vers le coin de l'île où la barque était amarrée. En notre absence, les matelots n'avaient pas perdu leur temps. Nous trouvâmes un grand feu flambant à l'abri d'une roche, et la marmite qui fumait. On s'assit en rond, les pieds à la flamme, et bientôt chacun eut sur ses genoux, dans une écuelle de terre rouge, deux tranches de pain noir arrosées largement. Le repas fut silencieux : nous étions mouillés, nous avions faim, et puis le voisinage du cimetière… Pourtant, quand les écuelles furent vidées, on alluma les pipes et on se mit à causer un peu. Naturellement, on parlait de la Sémillante.

— Mais enfin, comment la chose s'est-elle passée ? demandai-je au patron, qui, la tête dans ses mains, regardait la flamme d'un air pensif. — Comment la chose s'est passée ? me répondit le bon Lionetti avec un gros soupir, hélas ! monsieur, personne au monde ne pourrait le dire. Tout ce que nous savons, c'est que la Sémillante, chargée de troupes pour la Crimée, était partie de Toulon, la veille au soir, avec le mauvais temps. La nuit, ça se gâta encore. Du vent, de la pluie, la mer énorme comme on ne l'avait jamais vue… Le matin, le vent tomba un peu, mais la mer était toujours dans tous ses états, et avec cela une sacrée brume du diable à ne pas distinguer un fanal à quatre pas… Ces brumes-là, monsieur, on ne se doute pas comme c'est traître… Ça ne fait rien, j'ai idée que la Sémillante a dû perdre son gouvernail dans la matinée ; car, il n'y a pas de brume qui tienne, sans une avarie, jamais le capitaine ne serait venu s'aplatir ici contre. C'était un rude marin, que nous connaissions tous. Il avait commandé la station en Corse pendant trois ans, et savait sa côte aussi bien que moi, qui ne sais pas autre chose.

— Et à quelle heure pense-t-on que la Sémillante a péri ?

— Ce doit être à midi ; oui, monsieur, en plein midi… Mais dame ! avec la brume de mer, ce plein midi-là ne valait guère mieux qu'une nuit noire comme la gueule d'un loup… Un douanier de la côte m'a raconté que ce jour-là, vers onze heures et demie, étant sorti de sa maisonnette pour rattacher ses volets, il avait eu sa casquette emportée d'un coup de vent, et qu'au risque d'être enlevé lui-même par la lame, il s'était mis à courir après, le long du rivage, à quatre pattes. Vous comprenez ! les douaniers ne sont pas riches, et une casquette, ça coûte cher. Or il paraîtrait qu'à un moment notre homme, en relevant la tête, aurait aperçu tout près de lui, dans la brume, un gros navire à sec de toiles qui fuyait sous le vent du côté des îles Lavezzi. Ce navire allait si vite, si vite, que le douanier n'eut guère le temps de bien voir. Tout fait croire cependant que c'était la Sémillante, puisque une demi-heure après le berger des îles a entendu sur ces roches… Mais précisément voici le berger dont je vous parle, monsieur ; il va vous conter la chose lui-même… Bonjour, Palombo !… viens te chauffer un peu ; n'aie pas peur. Un homme encapuchonné, que je voyais rôder depuis un moment autour de notre feu et que j'avais pris pour quelqu'un de l'équipage, car j'ignorais qu'il y eût un berger dans l'île, s'approcha de nous craintivement. C'était un vieux lépreux, aux trois quarts idiot, atteint de je ne sais quel mal scorbutique qui lui faisait de grosses lèvres lippues, horribles à voir. On lui expliqua à grand'peine de quoi il s'agissait. Alors, soulevant du doigt sa lèvre malade, le vieux nous raconta qu'en effet, le jour en question, vers midi, il entendit de sa cabane un craquement effroyable sur les roches. Comme l'île était toute couverte d'eau, il n'avait pas pu sortir, et ce fut le lendemain seulement qu'en ouvrant sa porte il avait vu le rivage encombré de débris et de cadavres laissés là par la mer. Épouvanté, il s'était enfui en courant vers sa barque, pour aller à Bonifacio chercher du monde. Fatigué d'en avoir tant dit, le berger s'assit, et le patron reprit la parole : — Oui, monsieur, c'est ce pauvre vieux qui est venu nous prévenir. Il était presque fou de peur ; et, de l'affaire, sa cervelle en est restée détraquée. Le fait est qu'il y avait de quoi… Figurez-vous six cents cadavres, en tas sur le sable, pêle-mêle avec les éclats de bois et les lambeaux de toile… Pauvre Sémillante !… la mer l'avait broyée du coup, et si bien mise en miettes que dans tous ses débris le berger Palombo n'a trouvé qu'à grand'peine de quoi faire une palissade autour de sa hutte… Quant aux hommes, presque tous défigurés, mutilés affreusement… c'était pitié de les voir accrochés les uns aux autres, par grappes… Nous trouvâmes le capitaine en grand costume, l'aumônier son étole au cou ; dans un coin, entre deux roches, un petit mousse, les yeux ouverts… on aurait cru qu'il vivait encore ; mais non ! Il était dit que pas un n'en réchapperait… Ici le patron s'interrompit : — Attention, Nardi ! cria-t-il, le feu s'éteint. Nardi jeta sur la braise deux ou trois morceaux de planches goudronnées qui s'enflammèrent, et Lionetti continua : — Ce qu'il y a de plus triste dans cette histoire, le voici… Trois semaines avant le sinistre, une petite corvette, qui allait en Crimée comme la Sémillante, avait fait naufrage de la même façon, presque au même endroit ; seulement, cette fois-là, nous étions parvenus à sauver l'équipage et vingt soldats du train qui se trouvaient à bord… Ces pauvres tringlos n'étaient pas à leur affaire, vous pensez ! On les emmena à Bonifacio et nous les gardâmes pendant deux jours avec nous, à la marine… Une fois bien secs et remis sur pied bonsoir ! bonne chance ! ils retournèrent à Toulon, où, quelque temps après, on les embarqua de nouveau pour la Crimée… Devinez sur quel navire !… Sur la Sémillante, monsieur… Nous les avons retrouvés tous, tous les vingt, couchés parmi les morts, à la place où nous sommes… Je relevai moi-même un joli brigadier à fines moustaches, un blondin de Paris, que j'avais couché à la maison et qui nous avait fait rire tout le temps avec ses histoires… De le voir là, ça me creva le cœur… Ah ! Santa Madre !…

Là-dessus, le brave Lionetti, tout ému, secoua les cendres de sa pipe et se roula dans son caban en me souhaitant la bonne nuit… Pendant quelque temps encore, les matelots causèrent entre eux à demi-voix… Puis, l'une après l'autre, les pipes s'éteignirent… On ne parla plus… Le vieux berger s'en alla… Et je restai seul à rêver au milieu de l'équipage endormi. Encore sous l'impression du lugubre récit que je venais d'entendre, j'essayais de reconstruire dans ma pensée le pauvre navire défunt et l'histoire de cette agonie dont les goélands ont été seuls témoins. Quelques détails qui m'avaient frappé, le capitaine en grand costume, l'étole de l'aumônier, les vingt soldats du train, m'aidaient à deviner toutes les péripéties du drame… Je voyais la frégate partant de Toulon dans la nuit… Elle sort du port. La mer est mauvaise, le vent terrible ; mais on a pour capitaine un vaillant marin, et tout le monde est tranquille à bord…

Le matin, la brume de mer se lève. On commence à être inquiet. Tout l'équipage est en haut. Le capitaine ne quitte pas la dunette… Dans l'entre-pont, où les soldats sont renfermés, il fait noir ; l'atmosphère est chaude. Quelques-uns sont malades, couchés sur leurs sacs. Le navire tangue horriblement ; impossible de se tenir debout. On cause assis à terre, par groupes, en se cramponnant aux bancs ; il faut crier pour s'entendre. Il y en a qui commencent à avoir peur… Écoutez donc ! les naufrages sont fréquents dans ces parages-ci ; les tringlos sont là pour le dire, et ce qu'ils racontent n'est pas rassurant. Leur brigadier surtout, un Parisien qui blague toujours, vous donne la chair de poule avec ses plaisanteries :

— Un naufrage !… mais c'est très amusant, un naufrage. Nous en serons quittes pour un bain à la glace, et puis on nous mènera à Bonifacio, histoire de manger des merles chez le patron Lionetti.

Et les tringlos de rire…

Tout à coup, un craquement… Qu'est-ce que c'est ? Qu'arrive-t-il ?… — Le gouvernail vient de partir, dit un matelot tout mouillé qui traverse l'entrepont en courant. — Bon voyage ! crie cet enragé de brigadier ; mais cela ne fait plus rire personne.

Grand tumulte sur le pont. La brume empêche de se voir. Les matelots vont et viennent, effrayés, à tâtons… Plus de gouvernail ! La manœuvre est impossible… La Sémillante, en dérive, file comme le vent… C'est à ce moment que le douanier la voit passer ; il est onze heures et demie. À l'avant de la frégate, on entend comme un coup de canon… Les brisants ! les brisants !… C'est fini, il n'y a plus d'espoir, on va droit à la côte… Le capitaine descend dans sa cabine… Au bout d'un moment, il vient reprendre sa place sur la dunette, — en grand costume… Il a voulu se faire beau pour mourir. Dans l'entre-pont, les soldats, anxieux, se regardent, sans rien dire… Les malades essayent de se redresser… le petit brigadier ne rit plus… C'est alors que la porte s'ouvre et que l'aumônier paraît sur le seuil avec son étole : — À genoux, mes enfants !

Tout le monde obéit. D'une voix retentissante, le prêtre commence la prière des agonisants. Soudain un choc formidable, un cri, un seul cri, un cri immense, des bras tendus, des mains qui se cramponnent, des regards effarés où la vision de la mort passe comme un éclair…

Miséricorde !…

C'est ainsi que je passai toute la nuit à rêver, évoquant, à dix ans de distance, l'âme du pauvre navire dont les débris m'entouraient… Au loin, dans le détroit, la tempête faisait rage ; la flamme du bivac se courbait sous la rafale ; et j'entendais notre barque danser au pied des roches en faisant crier son amarre.

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L’AGONIE DE LA SÉMILLANTE. The AGONY|OF|THE|SEMILLANTE DIE AGONIE DER SERAMIS. LA AGONÍA DE LOS VIVACES. DE KWELLING VAN HET LEVENDIGE. THE AGONY OF THE SEMILLANTE.

L'AGONIE DE LA SÉMILLANTE The AGONY|OF|THE|SEMILLANTE THE AGONY OF THE SEMILLANTE Puisque le mistral de l'autre nuit nous a jetés sur la côte corse, laissez-moi vous raconter une terrible histoire de mer dont les pêcheurs de là-bas parlent souvent à la veillée, et sur laquelle le hasard m'a fourni des renseignements fort curieux. Since|the|mistral|of|the other|night|we|it has|thrown|on|the|coast|Corsican|||you|to tell|a|terrible|story|of|sea|of which|the|fishermen|of|||they speak|often|at|the|evening|and|on|which|the|chance|it has given me|provided|some|information|very|curious Since the mistral from the other night has thrown us onto the Corsican coast, let me tell you a terrible sea story that the fishermen there often talk about in the evening, and about which chance has provided me with some very curious information. … Il y a deux ou trois ans de cela. It|there|there is|two|or|three|years|of|that ... It was two or three years ago.

Je courais la mer de Sardaigne en compagnie de sept ou huit matelots douaniers. I|I was running|the|sea|of|Sardinia|in|company|of|seven|or|eight|sailors|customs I was running the sea of Sardinia in the company of seven or eight customs sailors. Rude voyage pour un novice ! Harsh|journey|for|a|novice A tough journey for a novice! De tout le mois de mars, nous n'eûmes pas un jour de bon. Of|all|the|month|of|March|we|we had|not|a|day|of|good Throughout the month of March, we didn't have a single good day. Le vent d'est s'était acharné après nous, et la mer ne décolérait pas. The|wind|from the east|it had|it had lashed|after|us|and|the|sea|not|it calmed|not The east wind had been relentless against us, and the sea wouldn't calm down. Un soir que nous fuyions devant la tempête, notre bateau vint se réfugier à l'entrée du détroit de Bonifacio, au milieu d'un massif de petites îles… Leur aspect n'avait rien d'engageant : grands rocs pelés, couverts d'oiseaux, quelques touffes d'absinthe, des maquis de lentisques, et, çà et là, dans la vase, des pièces de bois en train de pourrir : mais, ma foi, pour passer la nuit, ces roches sinistres valaient encore mieux que le rouf d'une vieille barque à demi pontée, où la lame entrait comme chez elle, et nous nous en contentâmes. ||||were fleeing||||||||||||||Bonifacio||||||||||||inviting|||peeled||||tufts|||||lentisks|||||||vase||||||||||||||||||||||||rocks|||boat|||mounted||||||||||||content One evening as we were fleeing from the storm, our boat took refuge at the entrance of the Bonifacio strait, amidst a mass of small islands... Their appearance was not inviting: large bare rocks, covered with birds, a few tufts of wormwood, maquis of mastic trees, and here and there, in the mud, pieces of wood rotting away: but, my faith, to spend the night, these sinister rocks were still better than the deck of an old half-decked boat, where the waves came in as if at home, and we made do with it. À peine débarqués, tandis que les matelots allumaient du feu pour la bouillabaisse, le patron m'appela, et, me montrant un petit enclos de maçonnerie blanche perdu dans la brume au bout de l'île : ||landed|while||||||||||||||||||enclosure||||||||at||| Barely disembarked, while the sailors were lighting a fire for the bouillabaisse, the captain called me, and, pointing to a small white masonry enclosure lost in the mist at the end of the island: — Venez-vous au cimetière ? — Are you coming to the cemetery? me dit-il. he said to me.

— Un cimetière, patron Lionetti ! A|cemetery|boss|Lionetti — A cemetery, boss Lionetti! Où sommes-nous donc ? Where|we are|we|then Where are we then?

— Aux îles Lavezzi, monsieur. In the|islands|Lavezzi|sir — At the Lavezzi Islands, sir. C'est ici que sont enterrés les six cents hommes de la Sémillante, à l'endroit même où leur frégate s'est perdue, il y a dix ans… Pauvres gens ! It is|here|that|they are|buried|the|six|hundred|men|of|the|Sémillante|at|the place|same|where|their|frigate|it has|lost|it|there|there is|ten|years|Poor|people This is where the six hundred men of the Sémillante are buried, at the very spot where their frigate was lost, ten years ago... Poor souls! ils ne reçoivent pas beaucoup de visites ; c'est bien le moins que nous allions leur dire bonjour, puisque nous voilà… they|not|they receive|not|many|of|visits|it's|well|the|least|that|we|we go|to them|to say|hello|since|we|here they don't get many visitors; it's the least we can do to say hello to them, since here we are... — De tout mon cœur, patron. From|all|my||boss — With all my heart, boss.

Qu'il était triste le cimetière de la Sémillante !… Je le vois encore avec sa petite muraille basse, sa porte de fer, rouillée, dure à ouvrir, sa chapelle silencieuse, et des centaines de croix noires cachées par l'herbe… Pas une couronne d'immortelles, pas un souvenir ! How it|it was|sad|the|cemetery|of|the|Sémillante|I|it|I see|still|with|its|small|wall|low|its|door|of|iron|rusty|hard|to|to open|its|chapel|silent|and|some|hundreds|of|crosses|black|hidden|by|the grass|Not|a|wreath|of immortelles|not|a|memory How sad the cemetery of the Sémillante was!… I can still see it with its low little wall, its rusty iron gate, hard to open, its silent chapel, and hundreds of black crosses hidden by the grass… Not a crown of immortelles, not a memory! rien… Ah ! nothing|Ah nothing… Ah! les pauvres morts abandonnés, comme ils doivent avoir froid dans leur tombe de hasard ! the|poor|dead|abandoned|as|they|they must|to have|cold|in|their|grave|of|chance the poor abandoned dead, how cold they must be in their random grave!

Nous restâmes là un moment, agenouillés. We|we remained|there|a|moment|kneeling We stayed there for a moment, kneeling. Le patron priait à haute voix. The|boss|he was praying|in|loud|voice The boss was praying aloud. D'énormes goélands, seuls gardiens du cimetière, tournoyaient sur nos têtes et mêlaient leurs cris rauques aux lamentations de la mer. Huge|seagulls|only|guardians|of the|cemetery|they were swirling|on|our|heads|and|they mixed|their|cries|hoarse|with the|lamentations|of|the|sea Huge seagulls, the only guardians of the cemetery, circled above our heads and mixed their hoarse cries with the lamentations of the sea. La prière finie, nous revînmes tristement vers le coin de l'île où la barque était amarrée. The|prayer|finished|we|we returned|sadly|towards|the|corner|of|the island|where|the|boat|it was|moored The prayer finished, we sadly returned to the corner of the island where the boat was moored. En notre absence, les matelots n'avaient pas perdu leur temps. In|our|absence|the|sailors|they had not|not|lost|their|time In our absence, the sailors had not wasted their time. Nous trouvâmes un grand feu flambant à l'abri d'une roche, et la marmite qui fumait. We|we found|a|large|fire|blazing|in|the shelter|of a|rock|and|the|pot|which|it was smoking We found a large blazing fire sheltered by a rock, and the pot steaming. On s'assit en rond, les pieds à la flamme, et bientôt chacun eut sur ses genoux, dans une écuelle de terre rouge, deux tranches de pain noir arrosées largement. We|we sat|in|a circle|the|feet|at|the|flame|and|soon|each|he had|on|his|knees|in|a|bowl|of|clay|red|two|slices|of|bread|black|soaked|generously We sat in a circle, feet to the flame, and soon each had on their laps, in a red earthenware bowl, two slices of black bread generously soaked. Le repas fut silencieux : nous étions mouillés, nous avions faim, et puis le voisinage du cimetière… Pourtant, quand les écuelles furent vidées, on alluma les pipes et on se mit à causer un peu. The|meal|it was|silent|we|we were|wet|we|we had|hunger|and|then|the|vicinity|of the|cemetery|However|when|the|bowls|they were|emptied|we|we lit|the|pipes|and|we|ourselves|we began|to|to talk|a|little The meal was silent: we were wet, we were hungry, and then the proximity of the cemetery... However, when the bowls were emptied, we lit our pipes and started to chat a little. Naturellement, on parlait de la Sémillante. Naturally|we|we were talking|about|the|Sémillante Naturally, we talked about the Sémillante.

— Mais enfin, comment la chose s'est-elle passée ? But|finally|how|it|thing|||happened — But finally, how did it happen? demandai-je au patron, qui, la tête dans ses mains, regardait la flamme d'un air pensif. ||to the|boss|who|the|head|in|his|hands|he was looking|the|flame|with a|air|thoughtful I asked the boss, who, with his head in his hands, was looking at the flame with a thoughtful expression. — Comment la chose s'est passée ? How|the|thing|it is|happened — How did it happen? me répondit le bon Lionetti avec un gros soupir, hélas ! to me|he replied|the|good|Lionetti|with|a|big|sigh|alas the good Lionetti replied to me with a big sigh, alas! monsieur, personne au monde ne pourrait le dire. sir|no one|in the|world|not|we could|it|to say Sir, no one in the world could say. Tout ce que nous savons, c'est que la Sémillante, chargée de troupes pour la Crimée, était partie de Toulon, la veille au soir, avec le mauvais temps. All|that|which|we|we know|it's|that|the|Sémillante|loaded|with|troops|for|the|Crimea|it was|departed|from|Toulon|the|eve|in the|evening|with|the|bad|weather All we know is that the Sémillante, loaded with troops for Crimea, left Toulon the night before, in bad weather. La nuit, ça se gâta encore. The|night|it|itself|it got worse|again At night, things got worse. Du vent, de la pluie, la mer énorme comme on ne l'avait jamais vue… Le matin, le vent tomba un peu, mais la mer était toujours dans tous ses états, et avec cela une sacrée brume du diable à ne pas distinguer un fanal à quatre pas… Ces brumes-là, monsieur, on ne se doute pas comme c'est traître… Ça ne fait rien, j'ai idée que la Sémillante a dû perdre son gouvernail dans la matinée ; car, il n'y a pas de brume qui tienne, sans une avarie, jamais le capitaine ne serait venu s'aplatir ici contre. Some|wind|of|the|rain|the|sea|huge|as|we|not|we had|ever|seen|The|morning|the|wind|it fell|a|little|but|the|sea|it was|always|in|all|its|states|and|with|that|a|hell of a|fog|of the|devil|to|not|steps|||beacon|||not||||||not||||||traitor||not||||||||||||||||||||||fog|||without||damage|never||||he would have been|come|to flatten|here|against Wind, rain, the sea enormous like we had never seen it before… In the morning, the wind died down a bit, but the sea was still in turmoil, and with that a hell of a devil's fog that made it impossible to see a lantern four steps away… Those fogs, sir, you have no idea how treacherous they are… It doesn't matter, I have a feeling that the Sémillante must have lost her rudder in the morning; because, there is no fog that holds without some damage, the captain would never have come to flatten himself here otherwise. C'était un rude marin, que nous connaissions tous. It was|a|tough|sailor|whom|we|we knew|all He was a tough sailor, whom we all knew. Il avait commandé la station en Corse pendant trois ans, et savait sa côte aussi bien que moi, qui ne sais pas autre chose. He|he had|commanded|the|station|in|Corsica|for|three|years|and|he knew|its|coast|as|well|as|I|who|not|I know|not|other|thing He had commanded the station in Corsica for three years, and knew its coast as well as I do, who knows nothing else.

— Et à quelle heure pense-t-on que la Sémillante a péri ? And|at|what|hour||||that|the|Sémillante|it has|perished — And at what time do we think the Sémillante perished?

— Ce doit être à midi ; oui, monsieur, en plein midi… Mais dame ! It|it must|to be|at|noon|yes|sir|in|full|noon|| — It must have been at noon; yes, sir, right at noon… But, you see, avec la brume de mer, ce plein midi-là ne valait guère mieux qu'une nuit noire comme la gueule d'un loup… Un douanier de la côte m'a raconté que ce jour-là, vers onze heures et demie, étant sorti de sa maisonnette pour rattacher ses volets, il avait eu sa casquette emportée d'un coup de vent, et qu'au risque d'être enlevé lui-même par la lame, il s'était mis à courir après, le long du rivage, à quatre pattes. with|the|fog|of|sea|that|full|noon|there|not|it was worth|hardly|better|than a|night|black|like|the|mouth|of a|wolf|A|customs officer|of|the|coast|he told me|told|that|that|||around|eleven|hours|and|half|being|out|of|his|small house|to|to fasten|his|shutters|he|he had|had|his|cap|blown away|by a|gust|of|wind|and|that at the|risk|of being|swept away|||by|the|wave|he|he had|started|to|to run|after|it|along|the|shore|on|four|paws with the sea mist, that noon was hardly better than a pitch-black night like a wolf's mouth… A customs officer from the coast told me that on that day, around eleven-thirty, having stepped out of his little house to fasten his shutters, he had his cap blown away by a gust of wind, and at the risk of being swept away himself by the wave, he started to run after it, along the shore, on all fours. Vous comprenez ! You|you understand You understand! les douaniers ne sont pas riches, et une casquette, ça coûte cher. the|customs officers|not|they are|not|rich|and|a|cap|it|it costs|expensive Customs officers are not rich, and a cap costs a lot. Or il paraîtrait qu'à un moment notre homme, en relevant la tête, aurait aperçu tout près de lui, dans la brume, un gros navire à sec de toiles qui fuyait sous le vent du côté des îles Lavezzi. But|it|it would seem|that at|a|moment|our|man|while|raising|the|head|he would have|spotted|all|near|of|him|in|the|mist|a|big|ship|at|dry|of|sails|which|it was fleeing|under|the|wind|from|side|of the|islands|Lavezzi However, it seems that at one point our man, raising his head, spotted very close to him, in the mist, a large ship stripped of sails that was fleeing under the wind towards the Lavezzi islands. Ce navire allait si vite, si vite, que le douanier n'eut guère le temps de bien voir. This|ship|it was going|so|fast|so|fast|that|the|customs officer|he had|hardly|the|time|to|well|see The ship was going so fast, so fast, that the customs officer hardly had time to see it well. Tout fait croire cependant que c'était la Sémillante, puisque une demi-heure après le berger des îles a entendu sur ces roches… Mais précisément voici le berger dont je vous parle, monsieur ; il va vous conter la chose lui-même… Bonjour, Palombo !… viens te chauffer un peu ; n'aie pas peur. All|it makes|to believe|however|that|it was|the|Sémillante|since|a|||after|the|shepherd|of the|islands|he has|heard|on|those|rocks|But|precisely|here is|the|shepherd|of whom|I|you|I speak|sir|he|he is going|you|to tell|the|thing|||Hello|Palombo|come|yourself|to warm|a|little|don't have||fear Everything suggests, however, that it was the Sémillante, since half an hour later the shepherd of the islands heard on these rocks… But precisely here is the shepherd I am talking about, sir; he will tell you the story himself… Hello, Palombo!… come warm yourself a bit; don't be afraid. Un homme encapuchonné, que je voyais rôder depuis un moment autour de notre feu et que j'avais pris pour quelqu'un de l'équipage, car j'ignorais qu'il y eût un berger dans l'île, s'approcha de nous craintivement. ||||||lurk|||||||||||||||||||||||||||| A hooded man, whom I had seen lurking for a while around our fire and whom I had taken for someone from the crew, as I was unaware that there was a shepherd on the island, approached us fearfully. C'était un vieux lépreux, aux trois quarts idiot, atteint de je ne sais quel mal scorbutique qui lui faisait de grosses lèvres lippues, horribles à voir. |||leper||||||||||||scorbutic|||||||||| He was an old leper, three-quarters idiotic, afflicted with some scurvy-like disease that gave him large, horrible, lip-like lips. On lui expliqua à grand'peine de quoi il s'agissait. We explained to him with great difficulty what was going on. Alors, soulevant du doigt sa lèvre malade, le vieux nous raconta qu'en effet, le jour en question, vers midi, il entendit de sa cabane un craquement effroyable sur les roches. Then, lifting his diseased lip with his finger, the old man told us that indeed, on the day in question, around noon, he heard a dreadful cracking on the rocks from his hut. Comme l'île était toute couverte d'eau, il n'avait pas pu sortir, et ce fut le lendemain seulement qu'en ouvrant sa porte il avait vu le rivage encombré de débris et de cadavres laissés là par la mer. As|the island|it was|all|covered|with water|he|he had not||been able|to go out|and|that|it was|the|next day|only|that when|opening|his|door|he|he had|seen|the|shore|cluttered|with|debris|and|of|corpses|left|there|by|the|sea As the island was completely covered in water, he had not been able to go out, and it was only the next day that upon opening his door he saw the shore cluttered with debris and corpses left there by the sea. Épouvanté, il s'était enfui en courant vers sa barque, pour aller à Bonifacio chercher du monde. Terrified|he|he had|fled|in|running|towards|his|boat|to|to go|to|Bonifacio|to look for|some|people Horrified, he ran away towards his boat to go to Bonifacio to seek help. Fatigué d'en avoir tant dit, le berger s'assit, et le patron reprit la parole : Tired|of having|to have|so much|said|the|shepherd|he sat|and|the|boss|he resumed|the|word Tired of having said so much, the shepherd sat down, and the captain resumed speaking: — Oui, monsieur, c'est ce pauvre vieux qui est venu nous prévenir. Yes|sir|it's|that|poor|old|who|he is|come|to us|to warn — Yes, sir, it is that poor old man who came to warn us. Il était presque fou de peur ; et, de l'affaire, sa cervelle en est restée détraquée. It|it was|almost|crazy|of|fear|and|of|the matter|his|brain|in|it is|remained|deranged He was almost mad with fear; and as for the matter, his mind has remained disturbed. Le fait est qu'il y avait de quoi… Figurez-vous six cents cadavres, en tas sur le sable, pêle-mêle avec les éclats de bois et les lambeaux de toile… Pauvre Sémillante !… la mer l'avait broyée du coup, et si bien mise en miettes que dans tous ses débris le berger Palombo n'a trouvé qu'à grand'peine de quoi faire une palissade autour de sa hutte… Quant aux hommes, presque tous défigurés, mutilés affreusement… c'était pitié de les voir accrochés les uns aux autres, par grappes… Nous trouvâmes le capitaine en grand costume, l'aumônier son étole au cou ; dans un coin, entre deux roches, un petit mousse, les yeux ouverts… on aurait cru qu'il vivait encore ; mais non ! The|fact|it is|that it|there|there were|of|what|||six|hundred|corpses|in|piles|on|the|sand|||with|the|splinters|of|wood|and|the|scraps|of|canvas|Poor|Sémillante|the|sea|it had|crushed|in|one blow|and|so|well|put|in|pieces|that|in|all|its|debris|the|shepherd|Palombo|he has|found|only to|great difficulty|of|what|to make|a|fence|around|of|his|hut|As for|to the|men|almost|all|disfigured|mutilated|horrifically|it was|pity|to|them|to see|hanging|the|one|to the|others|in|clusters|We|we found|the|captain|in|full|uniform|the chaplain|his|stole|around|neck|in|a|corner|between|two|rocks|a|little|cabin boy|the|eyes|open|we|we would have|believed|that he|he was living|still|but|no The fact is that there was enough to be afraid of… Imagine six hundred corpses, piled on the sand, mixed with splinters of wood and scraps of canvas… Poor Sémillante!… the sea had crushed her in one blow, and so thoroughly shattered her that in all her debris the shepherd Palombo could barely find enough to make a fence around his hut… As for the men, almost all disfigured, horrifically mutilated… it was a pity to see them clinging to each other, in clusters… We found the captain in full uniform, the chaplain with his stole around his neck; in a corner, between two rocks, a little cabin boy, his eyes open… one would have thought he was still alive; but no! Il était dit que pas un n'en réchapperait… It|it was|said|that|not|one|of them|we would escape It was said that not one would escape... Ici le patron s'interrompit : Here|the|captain|he interrupted himself Here the captain interrupted himself: — Attention, Nardi ! Attention|Nardi — Watch out, Nardi! cria-t-il, le feu s'éteint. |||the|fire|it goes out he shouted, the fire is going out. Nardi jeta sur la braise deux ou trois morceaux de planches goudronnées qui s'enflammèrent, et Lionetti continua : Nardi|he threw|on|the|embers|two|or|three|pieces|of|boards|tarred|which|they caught fire|and|Lionetti|he continued Nardi threw two or three pieces of tarred planks onto the embers, which ignited, and Lionetti continued: — Ce qu'il y a de plus triste dans cette histoire, le voici… Trois semaines avant le sinistre, une petite corvette, qui allait en Crimée comme la Sémillante, avait fait naufrage de la même façon, presque au même endroit ; seulement, cette fois-là, nous étions parvenus à sauver l'équipage et vingt soldats du train qui se trouvaient à bord… Ces pauvres tringlos n'étaient pas à leur affaire, vous pensez ! This|that it|there|there is|of|more|sad|in|this|story|it|here it is|Three|weeks|before|the|disaster|a|small|corvette|which|it was going|to|Crimea|like|the|Sémillante|it had|it had|shipwreck|in|the|same|way|almost|in the|same|place|only|that|||we|we were|managed|to|to save|the crew|and|twenty|soldiers|of the|train|who|themselves|they were|on|board|These|poor|sailors|they were not|not|in|their|element|you|you think — The saddest part of this story is this… Three weeks before the disaster, a small corvette, which was heading to Crimea like the Sémillante, had shipwrecked in the same way, almost in the same place; only, that time, we managed to save the crew and twenty soldiers from the train who were on board… Those poor fellows were not up to the task, you can imagine! On les emmena à Bonifacio et nous les gardâmes pendant deux jours avec nous, à la marine… Une fois bien secs et remis sur pied bonsoir ! We|them|we took|to|Bonifacio|and|we|them|we kept|for|two|days|with|us|at|the|navy|One|once|well|dry|and|recovered|on|feet|good evening They took them to Bonifacio and we kept them with us for two days, at the marina... Once they were dry and back on their feet, goodbye! bonne chance ! good|luck Good luck! ils retournèrent à Toulon, où, quelque temps après, on les embarqua de nouveau pour la Crimée… Devinez sur quel navire !… Sur la Sémillante, monsieur… Nous les avons retrouvés tous, tous les vingt, couchés parmi les morts, à la place où nous sommes… Je relevai moi-même un joli brigadier à fines moustaches, un blondin de Paris, que j'avais couché à la maison et qui nous avait fait rire tout le temps avec ses histoires… De le voir là, ça me creva le cœur… Ah ! they|they returned|to|Toulon|where|some|time|after|we|them|we embarked|of|again|for|the|Crimea|Guess|on|which|ship|On|the|Sémillante|sir|We|them|we have|found|all|all|the|twenty|lying|among|the|dead|at|the|place|where|we|we are|I|I picked up|||a|nice|brigadier|with|fine|mustaches|a|blond|from|Paris|whom|I had|laid|at|the|home|and|who|us|he had|made|laugh|all|the|time|with|his|stories|To|him|to see|there|it|to me|it pierced|the||Ah They returned to Toulon, where, some time later, they were shipped again to Crimea... Guess on which ship!... On the Sémillante, sir... We found them all, all twenty of them, lying among the dead, at the place where we are... I personally picked up a nice sergeant with fine mustaches, a blond from Paris, whom I had laid down at home and who had made us laugh the whole time with his stories... To see him there, it broke my heart... Ah! Santa Madre !… Holy|Mother Holy Mother!...

Là-dessus, le brave Lionetti, tout ému, secoua les cendres de sa pipe et se roula dans son caban en me souhaitant la bonne nuit… Pendant quelque temps encore, les matelots causèrent entre eux à demi-voix… Puis, l'une après l'autre, les pipes s'éteignirent… On ne parla plus… Le vieux berger s'en alla… Et je restai seul à rêver au milieu de l'équipage endormi. On this, the brave Lionetti, all moved, shook the ashes from his pipe and wrapped himself in his coat while wishing me good night... For a while longer, the sailors spoke among themselves in low voices... Then, one after another, the pipes went out... No more talking... The old shepherd left... And I remained alone dreaming in the midst of the sleeping crew. Encore sous l'impression du lugubre récit que je venais d'entendre, j'essayais de reconstruire dans ma pensée le pauvre navire défunt et l'histoire de cette agonie dont les goélands ont été seuls témoins. ||||gloomy|||||||||||||||deceased||||||||seagulls|||| Still under the impression of the grim tale I had just heard, I tried to reconstruct in my mind the poor deceased ship and the story of its agony, of which the seagulls were the only witnesses. Quelques détails qui m'avaient frappé, le capitaine en grand costume, l'étole de l'aumônier, les vingt soldats du train, m'aidaient à deviner toutes les péripéties du drame… Je voyais la frégate partant de Toulon dans la nuit… Elle sort du port. |||||||||||||||||||||||péripeties|||||||||||||||| Some details that had struck me, the captain in full uniform, the chaplain's stole, the twenty soldiers of the train, helped me to guess all the twists and turns of the drama... I saw the frigate leaving Toulon in the night... It is leaving the port. La mer est mauvaise, le vent terrible ; mais on a pour capitaine un vaillant marin, et tout le monde est tranquille à bord… |||||||||||||valiant||||||||| The sea is rough, the wind terrible; but there is a brave sailor as captain, and everyone is calm on board...

Le matin, la brume de mer se lève. The|morning|the|fog|of|sea|itself|it rises In the morning, the sea mist rises. On commence à être inquiet. We|we start|to|to be|worried We are starting to get worried. Tout l'équipage est en haut. All|the crew|it is|in|up The whole crew is up top. Le capitaine ne quitte pas la dunette… Dans l'entre-pont, où les soldats sont renfermés, il fait noir ; l'atmosphère est chaude. The|captain|not|he leaves|not|the|deck|In|||where|the|soldiers|they are|confined|it|it is|dark|the atmosphere|it is|warm The captain does not leave the bridge... In the between-decks, where the soldiers are confined, it is dark; the atmosphere is warm. Quelques-uns sont malades, couchés sur leurs sacs. ||they are|sick|lying down|on|their|bags Some are sick, lying on their bags. Le navire tangue horriblement ; impossible de se tenir debout. The|ship|it rocks|horribly|impossible|to|oneself|to stand|upright The ship is rocking horribly; it's impossible to stand up. On cause assis à terre, par groupes, en se cramponnant aux bancs ; il faut crier pour s'entendre. We|we talk|sitting|on|ground|in|groups|while|ourselves|clinging|to the|benches|it|we must|to shout|to|to hear each other People are talking sitting on the ground, in groups, clinging to the benches; you have to shout to hear each other. Il y en a qui commencent à avoir peur… Écoutez donc ! There|there|some|there are|who|they start|to|to have|fear|Listen|then Some are starting to get scared... Just listen! les naufrages sont fréquents dans ces parages-ci ; les tringlos sont là pour le dire, et ce qu'ils racontent n'est pas rassurant. the|shipwrecks|they are|frequent|in|these|areas||the|sailors|they are|there|to|it|to say|and|what|that they|they tell|it is not|not|reassuring Shipwrecks are frequent in these waters; the locals are there to tell you, and what they recount is not reassuring. Leur brigadier surtout, un Parisien qui blague toujours, vous donne la chair de poule avec ses plaisanteries : Their|sergeant|especially|a|Parisian|who|jokes|always|you|he gives|the|flesh|of|hen|with|his|jokes Their sergeant especially, a Parisian who always jokes, gives you the creeps with his jokes:

— Un naufrage !… mais c'est très amusant, un naufrage. A|shipwreck|but|it's|very|amusing|a|shipwreck — A shipwreck!… but it's very amusing, a shipwreck. Nous en serons quittes pour un bain à la glace, et puis on nous mènera à Bonifacio, histoire de manger des merles chez le patron Lionetti. We|of it|we will be|done|for|a|bath|in|the|ice|and|then|we|ourselves|we will be taken|to|Bonifacio|story|to|to eat|some|blackbirds|at|the|owner|Lionetti We'll just end up with a cold bath, and then we'll be taken to Bonifacio, just to eat blackbirds at the Lionetti's.

Et les tringlos de rire… And|the|giggles|of|laughter And they burst out laughing…

Tout à coup, un craquement… Qu'est-ce que c'est ? All|at|once|a|crack|||that|it is Suddenly, a crack… What is that? Qu'arrive-t-il ?… What is happening?… — Le gouvernail vient de partir, dit un matelot tout mouillé qui traverse l'entrepont en courant. The|rudder|it comes|from|to leave|he says|a|sailor|all|wet|who|he crosses|the hold|in|running — The rudder just came off, says a wet sailor running across the hold. — Bon voyage ! Good|journey — Have a good trip! crie cet enragé de brigadier ; mais cela ne fait plus rire personne. he shouts|this|enraged|of|brigadier|but|that|not|it makes|anymore|to laugh|anyone shouts this enraged brigadier; but it no longer amuses anyone.

Grand tumulte sur le pont. Great|tumult|on|the|deck Great turmoil on the deck. La brume empêche de se voir. The|fog|it prevents|from|oneself|to see The fog prevents visibility. Les matelots vont et viennent, effrayés, à tâtons… Plus de gouvernail ! The|sailors|they go|and|they come|frightened|at|groping|More|of|rudder The sailors come and go, frightened, groping... No more rudder! La manœuvre est impossible… La Sémillante, en dérive, file comme le vent… C'est à ce moment que le douanier la voit passer ; il est onze heures et demie. The||it is|impossible|The|Sémillante|in|drift|it sails|like|the|wind|It is|at|this|moment|that|the|customs officer|it|he sees|passing|it|it is|eleven|hours|and|half The maneuver is impossible... The Sémillante, adrift, is flying like the wind... It is at this moment that the customs officer sees her pass; it is half past eleven. À l'avant de la frégate, on entend comme un coup de canon… Les brisants ! At|the front|of|the|frigate|we|we hear|like|a|shot|of|cannon|The|breakers At the front of the frigate, one hears what sounds like a cannon shot... The breakers! les brisants !… C'est fini, il n'y a plus d'espoir, on va droit à la côte… Le capitaine descend dans sa cabine… Au bout d'un moment, il vient reprendre sa place sur la dunette, — en grand costume… Il a voulu se faire beau pour mourir. the|breakers|It is|finished|there|there is not|there is|more|hope|we|we go|straight|to|the|coast|The|captain|he goes down|in|his|cabin|After|end|of a|moment|he|he comes|to take back|his|place|on|the|poop deck|in|full|uniform|He|he has|wanted|himself|to make|handsome|to|die The breakers!... It's over, there is no more hope, we are heading straight for the coast... The captain goes down to his cabin... After a while, he comes back to his place on the poop deck, — in full dress... He wanted to look good to die. Dans l'entre-pont, les soldats, anxieux, se regardent, sans rien dire… Les malades essayent de se redresser… le petit brigadier ne rit plus… C'est alors que la porte s'ouvre et que l'aumônier paraît sur le seuil avec son étole : In|||the|soldiers|anxious|themselves|they look at each other|without|anything|to say|The|sick|they try|to|themselves|to sit up|the|little|brigadier|not|he laughs|anymore|It is|then|that|the|door|it opens|and|that|the chaplain|he appears|on|the|threshold|with|his|stole In the space between decks, the soldiers, anxious, look at each other without saying anything... The sick try to sit up... the little brigadier no longer laughs... It is then that the door opens and the chaplain appears in the doorway with his stole: — À genoux, mes enfants ! On|knees|my|children — On your knees, my children!

Tout le monde obéit. All|the|world|it obeys Everyone obeys. D'une voix retentissante, le prêtre commence la prière des agonisants. In a|voice|resounding|the|priest|he begins|the|prayer|of the|dying In a resounding voice, the priest begins the prayer for the dying. Soudain un choc formidable, un cri, un seul cri, un cri immense, des bras tendus, des mains qui se cramponnent, des regards effarés où la vision de la mort passe comme un éclair… Suddenly|a|shock|tremendous|a|cry|a|single|cry|a|cry|immense|some|arms|outstretched|some|hands|that|themselves|they cling|some|looks|terrified|where|the|vision|of|the|death|it passes|like|a|flash Suddenly a tremendous shock, a scream, a single scream, an immense scream, outstretched arms, hands gripping, terrified gazes where the vision of death passes like a flash…

Miséricorde !… Mercy Mercy!…

C'est ainsi que je passai toute la nuit à rêver, évoquant, à dix ans de distance, l'âme du pauvre navire dont les débris m'entouraient… Au loin, dans le détroit, la tempête faisait rage ; la flamme du bivac se courbait sous la rafale ; et j'entendais notre barque danser au pied des roches en faisant crier son amarre. It is|thus|that|I|I spent|all|the|night|to|dreaming|evoking|at|ten|years|of|distance|the soul|of the|poor|ship|of which|the|debris|they surrounded me|In the|distance|in|the|strait|the|storm|it was raging|it raged|the|flame|of the|bivouac|itself|it bent|under|the|gust|and|I heard|our|boat|dancing|at the|foot|of the|rocks|while|making|to cry|its|mooring Thus I spent the whole night dreaming, recalling, ten years later, the soul of the poor ship whose wreckage surrounded me… In the distance, in the strait, the storm raged; the flame of the bivouac bent under the gust; and I could hear our boat dancing at the foot of the rocks, making its mooring line scream.

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