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Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", Une arme ancienne et redoutable : Histoire de l'arc !

Une arme ancienne et redoutable : Histoire de l'arc !

Mes chers camarades, bien le bonjour ! A votre avis, quelle est l'arme la plus universelle

et la plus intemporelle qui soit ? La lance ? Ah bah oui ça marche aussi... Même mieux.

Non en réalité je pensais à l'arc, dont je voulais vous parler à travers l'exemple

du musée de l'Archerie et du Valois de Crépy-en-Valois, qui possède la plus grosse

collection publique d'Europe en la matière, situé dans un magnifique château médiéval

ayant appartenu à la puissante famille des Valois, branche des Capétiens… mais c'est

une autre histoire.

Il est difficile de dire quand apparaît l'arc, pour une raison très simple : les matériaux

qui composaient les premiers exemplaires étant périssables, avec le temps, ils se sont donc

dégradés et ils ne nous sont pas parvenus. Pour autant, sachant que l'on a découvert

des flèches vieilles de 10 000 ans, on pense que l'arc était déjà utilisé bien avant

: a priori dès que l'on s'est rendus compte, tout bêtement, qu'en tendant une

liane entre les deux extrémités d'un bout de bois,ça permettait d'envoyer des trucs

vite et loin. Oui, je schématise, on est sur une chaîne

de vulgarisation de haute volée que voulez vous !

Dès lors, cette arme remplace son “prédécesseur”, en quelque sorte, le propulseur, qui permettait

d'envoyer, par un effet de levier, les sagaies, des lances de jet, plus loin et jusqu'à

trois fois plus vite, avec plus de précision, en augmentant l'amplitude du bras. Mais

l'arc s'avérant plus précis et répondant mieux aux évolutions climatiques, il lui

vole vite la vedette, et s'avèrera le plus fidèle allié de l'homme pour des millénaires,

jusqu'à encore très récemment… voire jusqu'à aujourd'hui pour certains !

On en trouve en effet tout autour du globe dés la préhistoire, à l'exception, a

priori, de l'Australie où les pratiques culturelles et manque de matériaux appropriés

semblent avoir entravés sa production. Et avec une telle diversité d'origines viennent

nécessairement deux choses : une grande variété d'arcs tout d'abord et des rapports très

différents à cet objet.

Si certains peuples le vénèrent quasiment, faisant de lui le compagnon d'une vie, incessible

à un autre guerrier, que l'on remet à son propriétaire lors d'un rite initiatique

et que l'on enterre avec lui, comme chez de nombreux peuples des steppes, notamment

les Scythes, d'autres cultures le voient sobrement comme un outil, qui, lorsqu'il

casse, est tout bonnement remplacé. D'autres y voient un objet rituel sacré dont la corde

notamment, par sa résonance, attire les esprits.

C'est pourquoi il va y avoir un fossé énorme entre les arcs persans finement décorés

comme on peut voir dans ce musée, et les arcs plus rudimentaires exposés à côté,

venant cette fois-ci de certaines régions d'Afrique, d'Océanie ou du sud de l'Asie.

C'est assez logique quand on y pense. Si on compte l'utiliser toute une vie, on le

bichonne, mais sinon, pourquoi prendre trois mois à le décorer pour qu'il pète au

bout de 6 ?

Rajoutez à ça la diversité des matériaux à disposition pour les construire, le lieu

dans lequel vous comptez l'utiliser, et l'usage que vous comptez en avoir, et on

comprend très vite pourquoi il y a des arcs de toutes les formes et de toutes les tailles.

On ne tire pas de la même manière à cheval dans la steppe avec un arc composite fait

d'une âme en bois, de corne pour sa rigidité et de tendons pour sa souplesse, qu'à pied

dans une forêt dense avec un arc de bois simple. Et cela vaut aussi pour les flèches

qui ont différents usages selon qu'on part à la chasse ou à la guerre.Pour info un

arc composite, c'est un arc qui regroupe plusieurs matériaux choisis pour leur alliage

de souplesse et de solidité.

Mais il serait réducteur de classer tous ces arcs du “mieux au moins bien” en fonction

des matériaux et des usages : c'est ce que veut éviter le musée dans cette salle

consacrée aux arcs du monde, où tous sont autant à l'honneur. Cet arc d'Afrique

semble plus simple et plus petit ? Oui, mais c'est compensé par un usage plus intensif

et plus expert des poisons.Cet arc chinois nécessite bien plus de force pour être bandé

? Oui, mais il ne sert justement qu'à ça, lors d'une épreuve de force initiatique,

et il ne peut pas être utilisé pour expédier un projectile.Cet arc chinois nécessite bien

plus de force pour être bandé ? Oui, mais il ne sert justement qu'à ça, lors d'une

épreuve de force initiatique, et il ne peut pas être utilisé pour expédier un projectile.

Bref, de l'arc coréen entièrement rond quand il est débandé à l'arc amazonien

de deux mètres en passant par l'arc à double courbure oriental cher aux Mongols

ou à l'arc de jeu démontable japonais, vous trouverez dans cette salle différents

trésors d'archerie, voire même un écart du côté de la grande rivale de l'arc,

l'arbalète, avec cette splendide chu ko nu chinoise… Et en plus, vous retrouverez

aussi cette variété au niveau des pratiques de décoche (tir instinctif, tir mongol avec

une bague d'archer), mais aussi des flèches même, car toutes les pointes ne sont pas

identiques : flèches sifflantes pour effrayer les singes, flèches pour assommer les oiseaux

sans abîmer leur plumage, flèches creusé d'un sillon pour laisser passer l'âme

de la victime…Il y en a vraiment pour tous les goûts ! Même si on peut avoir du mal

à comprendre spontanément comme une flèche peut laisser passer l'âme d'une victime...je

vous l'accorde...n'empêche qu'il y a beaucoup de peuples qui confèrent à l'arc

une dimension symbolique et ésotérique importante, que l'on retrouve dans de nombreux mythes

! Les Grecs racontant qu'Ulysse est le seul à pouvoir bander son arc afin de tuer les prétendants de sa femme. Les Hindous vantent les exploits de Râmâ triomphant de nombreux

dangers avec son arc dans le Râmâyana; Les chrétiens, eux, connaissent la figure de

Saint Sébastien, patron des archers, qui fut transpercé de flèches par les Romains.

Le 2ème étage du musée est d'ailleurs entièrement dédié à l'art religieux

où évidemment Saint Sébastien tient la place d'honneur.

D'autres peuples confèrent à la pratique de l'arc de grandes vertus spirituelles

liées à la méditation, que ce soit le plus célèbre, le kyudo japonais, ou chez les

Mamluks pratiquant avec beaucoup d'attention la furusiyya, l'art de la chevalerie dans

le monde musulman, où l'arc, en plus d'être indispensable, n'est pas qu'une arme,

mais aussi une manière de définir son rapport au monde.Et dans le cadre des japonais et

des mamluks, cette pratique de l'arc rappelle l'importance du tireur, de l'arc, de la

flèche et de la cible : 4 notions qui forment un tout !

Certains peuples lui prêtent même des pouvoirs magiques, comme certaines anciennes tribus

arabes ou chaldéennes pratiquant la bélomancie, l'art de lire l'avenir dans les flèches

! Les populations chinoises antiques, elles, avaient pour coutume, à la naissance d'un

fils, de tirer des flèches au-dessus de leur demeure pour chasser les mauvais esprits…Ce

qui peut vite s'avérer dangereux quand Gérard passe à ce moment-là pour aller

chercher de l'eau au puits. Mais bon...la tradition !

L'arc peut aussi représenter le pouvoir, comme lorsque les pharaons d'Egypte Ancienne

tiraient, à leur avènement, une flèche dans les quatre directions cardinales afin

de marquer que leur pouvoir s'étendait en tout sens. Les maîtres tireurs japonais

étaient grandement respectés eux aussi dans tout le Japon médiéval. Bref, vous l'avez

compris : l'arc est partout géographiquement, mais aussi culturellement - et je ne parle

même pas des mythes récents, comme Robin des Bois, Legolas, Katniss ou Oeil-de-Faucon.

Maintenant, il faut bien l'avouer et c'est là que nous emmène le 1er étage du musée,

en Europe de l'Ouest, l'arc fait automatiquement penser au Moyen- ge, où son usage est assez

répandu. On pense tous assez rapidement à la Guerre de Cent Ans, où l'Angleterre

s'impose, grâce à ses compagnies d'archers, comme une redoutable puissance militaire !

La Guerre de Cent Ans est en effet, d'un point de vue technique, le théâtre d'un

affrontement mythique entre archer et chevalier. Là où les nobles Français sont capables

de mobiliser de très nombreux chevaliers à l'équipement coûteux, L'Angleterre,

moins riche, préfère déployer des compagnies d'archers beaucoup moins onéreuses qui

par le passé ont fait merveille face aux rebelles gallois et écossais.

Ils doivent particulièrement leur réussite au redoutable longbow, un arc droit d'1m70

à plus de 2m, connu depuis les Saxons et dont on a retrouvé bon nombre d'exemplaires

dans l'épave du Mary Rose, un navire anglais ayant coulé en 1545. La plupart du temps,

le longbow est en if, un bois dont la particularité fait aussi la qualité : ses différentes

parties n'ont pas la même résistance, ce qui lui permet de se comporter comme un

arc composite. Hors ici, le longbow est un arc simple qui a les qualités du composite

grâce à son bois. L'if est tellement prisé qu'Henry VIII, roi d'Angleterre au XVIème

siècle, enverra chercher les meilleurs ifs à travers l'Europe, à une époque où

pourtant l'on se tourne de plus en plus vers les armes à feu.

Avec ce longbow, la portée de tir oscille de 150 à 230 mètres, voire plus dans certains

cas, et est capable à moindre distance de percer une cotte de maille ou une armure de

plates : les chevaliers d'en face sont donc plutôt en mauvaise posture. Ajoutez à ça

une cadence de tir très soutenue, avec 10 tirs à la minute, et vous comprenez pourquoi

on est pas passé loin de parler anglais.

Les Français tentent d'ailleurs plusieurs ripostes : améliorer les armures de plates,

éviter les champs de bataille ouverts tout simplement, privilégier la guerre de siège,

ou... recruter des arbalétriers, notamment génois. Et on en vient ici au deuxième affrontement

mythique : arc contre arbalète !

L'arbalète demeure effectivement la grande ennemie de l'arc, jugée si meurtrière

et facile d'utilisation tout au long du Moyen- ge que la papauté en interdit très

tôt l'usage… entre chrétiens : avec les “Sarrasins”, ça passe. N'empêche

qu'interdit ou pas, tout le monde s'en sert : Richard Coeur de Lion mourra d'un

carreau d'arbalète devant le château de Châlus en 1199… et on peut pas dire qu'il

ressemblait à un Sarrasin, même s'il revenait de Terre Sainte.

Mais malgré cette terrible réputation, l'arbalète ne fait pas le poids non plus. Non content

de coûter plus cher à la fabrication et à l'entretien là où le longbow peut être

fabriqué en une journée assez facilement, l'arc peut tirer 10 flèches minutes, les

flèches étant plantées ou posées au sol devant les archers pour plus de rapidité

qu'avec un carquois (bien que certains historiens pensent qu'ils n'en portaient pas car,

les archers gallois étant assez rebelles, on leur remettait leurs flèches à la dernière

minute, de sorte qu'ils n'avaient d'autre choix que de se défendre avec au lieu de

viser leurs capitaines). 10 flèches à la minute pour un arc donc...les arbalétriers

eux, n'en tirent que 4. Mais surtout, là où les tendons des cordes des arbalètes

craignent la pluie, les cordes de chanvre anglaises se durcissent une fois humides,

et deviennent même plus efficaces. Et en même temps, pour ce qui est de gérer la

pluie, je pense qu'on peut faire confiance aux Anglais…

Bref, l'arc anglais est si redoutable que le premier qui en souffre… c'est l'archer

lui-même : l'archéologie a montré que les corps d'archers gallois avaient la colonne

vertébrale déformée à force de bander leurs armes, dont la force était telle qu'il

fallait des années de pratique avant de pouvoir l'utiliser correctement. Typiquement, un

archer expérimenté, revêtu d'une salade, un casque de forme ronde, et d'une brigandine,

une protection moins efficace qu'une armure mais robuste et suffisamment souple pour pratiquer

le tir, gardait le bras tenant l'arc légèrement courbé pour éviter que le choc de la déflagration

ne vienne se répercuter directement dans sa nuque, et avait l'avant bras couvert

d'une protection de cuir, de corne ou d'ivoire comme on peut en voir quelques splendides

pièces au musée, afin d'éviter de recevoir le véritable coup de fouet que faisait la

corde en se relâchant. J'ai fait 5 ans de tir à l'arc et clairement au début

quand tu as une petite protection tu te dis “ouais c'est bon ça va je gère….”

Et puis quand tu mets pas ta protection et que la corde vient te chatouiller l'avant

bras, en général tu les remets vite...croyez moi !

Au final, la meilleure solution trouvée par les Français pour contrer les archers anglais…

est de former eux-mêmes des compagnies de francs-archers à partir de 1448 sous Charles

VII, c'est-à-dire presqu'à la fin de la Guerre : il était temps. Ces compagnies

s'inspirent des milices alors recrutées par les villes, depuis le XIIè siècle au

moins, pour se défendre, et reposent, un peu comme les archers anglais, sur le recrutement

de roturiers chargés d'entretenir leur équipement. En échange de leur service,

mobilisable à n'importe quel moment, on les exempte de la taille, un impôt qui file

direct dans les poches du seigneur. C'est d'ailleurs de là qu'ils tiennent leur

nom de “francs-archers”, non pas archers Français, mais archers affranchis de cet

impôt médiéval. Mais bon, avec l'arrivée progressive des armes à feu, et leur manque

d'organisation, les compagnies ne feront pas (long) feu si on peut dire : elles sont

délaissées au bout de 30 ans, François Ier fera encore appel à elles sous son règne

avant de finalement les laisser au placard.

C'est à cette époque que le champ d'action de l'arc se réduit au fur et à mesure,

délaissant le domaine martial pour se concentrer sur des pratiques de “délassement”, comme

la chasse, le noble jeu de l'arc ou tout simplement comme loisir. C'est ce qui nous

est montré dans l'aménagement de cette troisième salle du musée, faisant passer

de la guerre de Cent Ans aux XVIIè-XVIIIè siècle où le tir à l'arc devient alors

un excellent sport… notamment pour les femmes de bonne réputation.Et oui, on peut rester

bien habillée, il n'y a pas de proximité des corps, et on ne sue presque pas, c'est

donc tout à fait respectable comme sport !

C'est ensuite paradoxalement avec la Guerre de Sécession, l'une des premières guerres

pleinement modernes de l'Histoire de par la taille de ses armées, ses taux de mortalité

ou son usage des armes à feu, que l'arc refait sa grande entrée dans le monde de

la chasse. Car si la chasse à l'arc est une pratique apparue à la Préhistoire, elle

avait été délaissé avec l'arrivée des armes à feu. Une fois vainqueur les Nordistes

- Unionistes interdisent aux Sudistes - Confédérés, l'usage des armes à feu, par mesure de

sécurité. Ainsi, entre sport féminin de bonne réputation

en vogue depuis la fin du XVIIIè siècle, vieille tradition militaire des archers médiévaux

anglais et français, et nécessité pour la chasse aux Etats-Unis, le tir à l'arc

revient triomphalement à l'honneur au XXème siècle, notamment lors des différents J.O,

comme en témoigne une section du musée. Et ce n'est pas parce que le tir à l'arc

est une activité humaine très ancienne qu'on ne peut pas innover ! Comme on l'a vu, tout

au long de son histoire, l'arc a évolué en fonction des régions et des matériaux

trouvés, et ça continue encore : avec les progrès de la science ces derniers siècles,

nos arcs sont de plus en plus évolués et précis, et loin du vieil if médiéval ou

de la corne des steppes, on trouve maintenant des arcs en carbone, en aluminium, etc. Même

si on va pas se le cacher, un arc fabriqué avec des matériaux naturels ça reste très

beau et très chouette à manier !

Dans le nord de la France, en Picardie et en île de France notamment, comme ici à Crepy en Valois,

Le tir Beursault est une très ancienne pratique reconnu comme patrimoine culturel immateriel par le ministère de la culture

comme le montre cette autre salle du musée.

Le tir Beursault est sans doute inspiré justement de ces milices d'archers médiévales engagées

par les villes pour se défendre, et là où dans la plupart des villes on trouverait un

terrain de foot ou de basket, on a ici ce qu'on appelle des “jeux d'arc”. Ce

sont des stands de tir, si vous préférez, où se réunissent les compagnies locales,

héritées elles aussi du Moyen- ge, dans une pratique très codifiée depuis le XVIIIè

siècle notamment par l'abbé Charles Arnaud de Pomponne, passionné d'archerie et auteur

en 1733 des “Statuts et règlements généraux du noble jeu de l'arc”. Ces codes, très

précis, doivent être respectés à la lettre par les tireurs, et mêlent autant rituels

que sécurité et titulatures diverses : formules précises à respecter, itinéraires à suivre,

noms aussi variés que chevalier, roy, empereur, etc. Ces compagnies s'entraînent donc sans

relâche lors de tirs traditionnels qui viennent rythmer une année : tir de la Saint-Sébastien,

tir du Roy, tir du bouquet provincial qui est la grande fête de l'archerie traditionnelle.

Il existe aussi des titres, par exemple le gagnant du tir de l'abat l'oiseau est

désigné comme roy et s'il remporte le tir trois années de suite il devient alors

‘empereur', à vie. D'ailleurs, je dois vous laisser, si justement je veux devenir

empereur, faut encore que je m'entraîne un peu ! Merci à tous d'avoir suivi ce reportage

sur l'Histoire de l'arc préparé avec Frédéric Louarn de la chaîne Herodot'com

! Merci au musée de l'archerie de nous avoir contacté, ça fait vraiment plaisir

pour un gars comme moi qui a passé mon adolescence à décocher des flèches dans un champ ! Merci

également aux facteur d'arc Laurent Messiasse de chez LM Nature et Bois, grâce à qui nous

avons pu tester des modèles. Si vous passez dans le coin n'hésitez pas à venir voir

les collections du musée, honnêtement c'est juste fou on a montré qu'une petite partie

dans cette vidéo et il y a bien d'autres choses à découvrir à propos de l'arc

! On se retrouve très bientôt sur Nota Bene. Ciao !

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