×

Nous utilisons des cookies pour rendre LingQ meilleur. En visitant le site vous acceptez nos Politique des cookies.


image

Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", Comment l'Irlande est devenue indépendante ? (1)

Comment l'Irlande est devenue indépendante ? (1)

Mes chers camarades bien le bonjour, avant de commencer,

je vous informe que cet épisode est sponsorisé par les éditions 10*18 leur nouveau roman

historique “Celui qui sait” de Ian McGuire. Ce que vous propose ce roman c'est de plonger

dans le Manchester des années 1867 pour découvrir l'Histoire de Stephen Doyle, un

indépendantiste irlandais qui prépare la guerre. Il va se retrouver confronter à James O'Connor,

qui est le chef de la police locale d'origine irlandaise, qui va tenter de déjouer ses plans.

Tout ça prend son sel dans un contexte historique ultra tendu, celui des martyrs de Manchester,

dont nous allons parler dans l'épisode qui vient. Si vous voulez en savoir plus, je vous mets le

lien du livre en description et on se retrouve en fin de vidéo pour en parler ! Bon visionnage.

Mes chers camarades bien le bonjour ! Quand j'étais gamin, mon père passait

son temps à traquer choper des triskèles qu'il collait sur sa voiture en écoutant à fond The

Corrs. Ouais...il était un peu à fond sur tout le truc celtique même s'il venait du 91 et

après tout, pourquoi pas. Le résultat c'est que j'ai toujours eu une image un peu romantique de

l'Irlande et de son histoire alors qu'en réalité, c'est pas très jojo...il y a quelques temps

je vous ai parlé de la Grande Famine en Irlande entre 1845 et 1851. On avait décrit ce cataclysme

démographique et évoqué notamment la culpabilité du gouvernement londonien de l'époque dans la

gestion désastreuse de la crise. Aujourd'hui c'est sur un autre point que je voudrais m'attarder,

la lutte pour l'indépendance des Irlandais. Lutte que la Grande Famine a d'ailleurs profondément

influencée en augmentant les tensions entre l'Empire britannique et sa province irlandaise.

Je vous propose donc de reprendre cette histoire de l'Irlande au début du XIXe siècle et de la

dérouler jusqu'aux années 1920, pour expliquer le long processus qui a finalement conduit à

l'indépendance de l'Irlande. Allez, c'est parti ! La genèse du nationalisme

La question de l'indépendance Irlandaise ne date en réalité pas de la Grande Famine. La

domination anglaise de l'île qui remonte au XIIe siècle a suscité à travers les âges de nombreuses

oppositions. Mais jusqu'à l'Acte d'Union en 1801, qui fait de l'Irlande une province à part entière

du Royaume-Uni, les Irlandais conservent une certaine autonomie. A la fin du XVIIIe siècle,

les Irlandais avaient même un Parlement, (le Parlement de Grattan, 1783-1801) qui

pouvait légiférer de manière autonome sur les questions économiques par exemple.

Les idées révolutionnaires françaises qui affluent dans les années 1790 donnent des idées aux

Irlandais. Une grande révolte républicaine échoue en 1798 et les Britanniques punissent l'Irlande

par l'Acte d'Union, qui rentre en application le 1er janvier 1801. Le Parlement irlandais est

supprimé. Cette Union qui doit théoriquement permettre une totale intégration de l'île

dans le Royaume-Uni marque en réalité le début des revendications nationalistes irlandaises.

Vous me direz : mais c'est plutôt une bonne chose pour l'Irlande d'intégrer

le Royaume-Uni non ? Parce qu'ils vont pouvoir profiter à fond de leur puissance économique et

politique ? Sur le papier peut-être mais la réalité est moins favorable aux irlandais.

Avec l'Union, les députés irlandais viennent siéger à Westminster. Ils sont plafonnés à

100 sièges sur les 658 que comptent la Chambre des Communes. L'Union favorise

les échanges commerciaux entre les îles mais elle anéantit l'industrie irlandaise naissante,

en permettant aux produits manufacturés anglais d'inonder le marché irlandais. L'île est cantonnée

à un rôle de fournisseur de denrées agricoles. Pourtant les premières revendications contre cette

Union ne sont pas économiques mais religieuses. On le rappelle, l'Angleterre pratique elle le

culte anglican, une forme de protestantisme qui est présente en Irlande dans les comtés du Nord,

les plus liés à la Grande-Bretagne. Le reste de l'Irlande est très majoritairement catholique.

En 1823, Daniel O'connell avocat de formation, crée l'Association catholique. Rejointe

officiellement par l'Eglise catholique d'Irlande, cette association devient la première pierre du

nationalisme irlandais, qui est donc dès l'origine, religieux. La lutte de cette

association est victorieuse puisqu'O'connell obtient en 1829 la loi d'Emancipation des

catholiques, qui met fin à leur discrimination, et leur ouvre toutes les professions.

En accédant à cette demande qui ne lui coûte finalement pas grand-chose,

le gouvernement londonien espère se débarrasser des contestations en Irlande,

mais comme on le verra par la suite, ce n'est jamais aussi simple. Quand tu files un doigt,

on te prend tout le bras dit la célèbre expression que je viens d'inventer.

L'Association catholique, ayant atteint son but, est dissoute, et O'connell fonde pour la

remplacer l'Association pour l'abrogation, qui souhaite tout simplement en finir avec l'Union.

Ce changement d'objectif, de la religion vers le nationalisme, lui coûte le soutien

de l'Eglise catholique, qui appelle à rejeter tout acte révolutionnaire. Londres donne alors

le contrôle de l'enseignement en Irlande à l'Eglise catholique pour la remercier de son

soutien contre les nationalistes. Radicalisation et compromis

Cette scission entre plusieurs mouvements de contestations fait que les revendications des

irlandais prennent à ce moment des chemins assez différents.

Le mouvement Jeune Irlande naît en 1842 avec pour objectif de promouvoir la culture gaélique à

travers la langue, la littérature, le sport, etc. Six ans plus tard est créée dans la communauté

irlandaise de New York, la Fenian Brotherhood, du nom d'un héros de la mythologie celtique.

Et là déjà, on rigole plus puisque c'est une organisation

militaire qui veut faire mettre en place une République indépendante par la lutte armée.

Nous sommes alors en 1848 et cette radicalisation est une conséquence directe de la Grande Famine

qui est en train de décimer les Irlandais. Un million d'entre eux traversent l'Atlantique pour

fuir la faim et en 1855, un tiers des habitants de New York sont des Irlandais. Les Fenians

new-yorkais se déploient rapidement dans la mère patrie, et deviennent des acteurs de premier plan

avec l'affaire des « martyrs de Manchester ». En 1867, trois hommes liés aux Fenians,

tentent de faire évader d'un fourgon de police de Manchester, deux chefs de l'organisation.

Mais dans l'attaque du fourgon, un policier est tué et les trois hommes, William Allen,

Michael Larkin et Michael O'Brien sont condamnés à mort et exécutés. Ces exécutions secouent

l'opinion publique irlandaise qui y voit une volonté d'écraser leurs revendications. La

presse irlandaise dépeint les trois jeunes hommes en braves idéalistes morts pour leur patrie,

d'où leur surnom de « martyrs de Manchester ». Face au nationalisme irlandais, le gouvernement

londonien tergiverse. Il tente de se montrer conciliant pour ne pas attiser le mécontentement.

Il promulgue ainsi plusieurs lois sociales pour rendre les terres détenues par des Anglais aux

paysans irlandais. Ainsi, en 1870 sont étendues à toute l'île les conditions de rachat des terres en

vigueur en Ulster, c'est-à-dire l'Irlande du Nord. Pour être plus clair : les paysans obtiennent des

facilités pour emprunter de l'argent et racheter la terre qu'ils louent. Ils reçoivent même une

compensation financière en cas d'expulsion pour impayé. Les paysans qui ne sont que 3 % à être

propriétaires de leur terre en 1870, seront 64 % en 1916 grâce aux lois agraires successives.

L'idée du gouvernement derrière tout ça est très simple : il s'agit en fait de transformer

les prolétaires révolutionnaires en petits bourgeois conservateurs

qui seront moins à même de mettre le boxon ! Londres fait aussi supprimer l'impôt religieux

en faveur de l'Eglise anglicane en 1869, et tente de mettre en valeur les régions pauvres. Cette

générosité est censée couper l'herbe sous le pied des nationalistes et conquérir les cœurs et les

esprits des Irlandais. Mais d'un autre côté, les Britanniques ne peuvent s'empêcher de réprimer par

la force les nombreuses révoltes paysannes. Donc non seulement les lois sociales ne

calment pas les indépendantistes, mais elles mécontentent en plus les unionistes anglicans,

c'est-à-dire les Irlandais attachés à la domination britannique. C'est ce

qu'on appelle avoir le cul entre deux chaises ! C'est d'ailleurs l'un d'entre eux, Isaac Butt qui,

assez étonnamment, porte la contestation irlandaise contre le gouvernement londonien.

Une forme d'alliance contre-nature voit le jour entre catholiques et protestants pour

demander une émancipation de la tutelle britannique. Butt imagine un gouvernement

fédéral où les régions irlandaises auraient une large autonomie et dans lequel le Nord

n'aurait pas à subir les diktats du Sud. Il crée donc une Association pour un gouvernement

autonome qui devient la Home Rule League en 1873. Une revendication politique : le « Home Rule »

A partir de cette date et jusque dans les années 1920, la question du Home Rule devient centrale

dans les revendications en Irlande. « Home Rule » peut d'ailleurs être traduit par loi

d'Autonomie, c'est un projet qui vise à rendre l'essentiel de sa souveraineté à l'Irlande.

La Home Rule League parvient à envoyer soixante députés au Parlement de Westminster aux élections

de 1874. Mais malgré ce succès électoral, leur poids reste trop limité pour changer le sort

de l'Irlande et les membres de la League s'entredéchirent dans les années qui suivent,

l'unité de façade entre catholiques et protestants disparaît rapidement.

De mauvaises récoltes en 1877-1878 font craindre une nouvelle famine, et remettent sur le devant

de la scène les questions agraires, d'autant que les terres sont toujours détenues par

quelques riches propriétaires : 750 d'entre eux possèdent plus de la moitié de l'île à

l'époque. C'est dans ce contexte que naît la Land League dirigée par le protestant

Charles Stewart Parnell qui va faire de cet enjeu agraire un tremplin vers la question nationale.

En 1879 un vaste mouvement de contestation agraire qui débute dans le comté de Mayo,

à l'ouest, se répand dans toute l'île et Parnell est élu pour représenter les intérêts des paysans

irlandais dans l'Irish National Land League. Et ce mouvement met en place des modes d'actions

nouveaux comme le boycott. La création du mot « boycott » date d'ailleurs de cette révolte,

puisqu'un certain Charles Cunningham Boycott, réputé pour maltraiter ses fermiers locataires,

a été ciblé par les paysans qui refusaient de travailler pour lui.

Cette stratégie de représailles non-violentes devient une arme de redoutable efficacité et

est étendue à tous les propriétaires terriens malveillants, qui ne trouvent plus personne

pour occuper leurs terres. Les troubles se généralisant,

le gouvernement londonien intervient. Les épisodes de répression font des morts et une partie des

députés irlandais sont renvoyés du Parlement, ce qui manque d'embraser toute l'île. Mais Parnell,

résolument pacifiste, veut éviter l'escalade et choisit de négocier. Il obtient de Londres

en 1881 une loi agraire étendue qui accélère encore le transfert des terres aux Irlandais.

Le mouvement agraire ayant obtenu gain de cause, Parnell fonde avec d'autres un nouveau mouvement,

l'Irish National League, dont l'objectif affiché est l'obtention du Home Rule.

Oui, ça fait beaucoup de ligues, mais ce qu'il faut retenir c'est que la question agraire a

réussi à politiser les masses paysannes d'Irlande et les nationalistes y voient le moment idéal pour

appuyer leurs revendications. Le premier échec du Home Rule

En 1886, les nationalistes irlandais trouvent un relai inattendu de leurs revendications en la

personne du nouveau premier ministre britannique, le libéral William Gladstone. Ce dernier,

qui a eu besoin des députés irlandais pour former une alliance au Parlement, envisage

de lâcher du lest sur la question irlandaise, en s'inspirant de ce qui a été fait pour le Canada

vingt ans plus tôt. Le Canada est en effet devenu un dominion, c'est-à-dire un Etat indépendant mais

toujours membre de l'empire britannique, qui gère pour lui sa politique étrangère et ses alliances

militaires. Gladstone fait finalement le calcul que rétablir une assemblée législative en Irlande,

permettrait de pacifier les Irlandais, tout en les gardant dans le giron britannique.

Mais ce projet du Home Rule irlandais est très mal vu en Angleterre, beaucoup craignent que

cela constitue un précédent et que les Ecossais et les Gallois fassent ensuite la même demande.

En plus, les Irlandais du Nord, majoritairement protestants et unionistes le rejettent également,

ils souhaitent à tout prix rester rattachés à la Grande-Bretagne et ne veulent pas devenir

minoritaires dans une nation catholique. Au Parlement londonien, les Conservateurs, dans

l'opposition, sont fermement opposés au Home Rule, ainsi qu'une partie des Libéraux, le parti au


Comment l'Irlande est devenue indépendante ? (1) Wie Irland unabhängig wurde (1) How Ireland became independent (1) 아일랜드가 독립한 방법 (1)

Mes chers camarades bien le  bonjour, avant de commencer, Greetings, dear comrades, before we begin,

je vous informe que cet épisode est sponsorisé  par les éditions 10*18 leur nouveau roman

historique “Celui qui sait” de Ian McGuire.  Ce que vous propose ce roman c'est de plonger by Ian McGuire. What this novel offers you is an immersion

dans le Manchester des années 1867 pour   découvrir l'Histoire de Stephen Doyle, un in Manchester in 1867 to discover the story of Stephen Doyle, a young

indépendantiste irlandais qui prépare la guerre.  Il va se retrouver confronter à James O'Connor, who's preparing for war. He finds himself up against James O'Connor,

qui est le chef de la police locale d'origine  irlandaise, qui va tenter de déjouer ses plans. who is the local police chief of Irish origin, who will try to foil his plans.

Tout ça prend son sel dans un contexte historique  ultra tendu, celui des martyrs de Manchester,

dont nous allons parler dans l'épisode qui vient.  Si vous voulez en savoir plus, je vous mets le

lien du livre en description et on se retrouve  en fin de vidéo pour en parler ! Bon visionnage.

Mes chers camarades bien le bonjour !  Quand j'étais gamin, mon père passait

son temps à traquer choper des triskèles qu'il  collait sur sa voiture en écoutant à fond The

Corrs. Ouais...il était un peu à fond sur tout  le truc celtique même s'il venait du 91 et

après tout, pourquoi pas. Le résultat c'est que  j'ai toujours eu une image un peu romantique de

l'Irlande et de son histoire alors qu'en réalité,  c'est pas très jojo...il y a quelques temps

je vous ai parlé de la Grande Famine en Irlande  entre 1845 et 1851. On avait décrit ce cataclysme

démographique et évoqué notamment la culpabilité  du gouvernement londonien de l'époque dans la

gestion désastreuse de la crise. Aujourd'hui c'est  sur un autre point que je voudrais m'attarder,

la lutte pour l'indépendance des Irlandais. Lutte  que la Grande Famine a d'ailleurs profondément

influencée en augmentant les tensions entre  l'Empire britannique et sa province irlandaise.

Je vous propose donc de reprendre cette histoire  de l'Irlande au début du XIXe siècle et de la

dérouler jusqu'aux années 1920, pour expliquer  le long processus qui a finalement conduit à

l'indépendance de l'Irlande. Allez, c'est parti !  La genèse du nationalisme

La question de l'indépendance Irlandaise ne  date en réalité pas de la Grande Famine. La

domination anglaise de l'île qui remonte au XIIe  siècle a suscité à travers les âges de nombreuses

oppositions. Mais jusqu'à l'Acte d'Union en 1801,  qui fait de l'Irlande une province à part entière

du Royaume-Uni, les Irlandais conservent une  certaine autonomie. A la fin du XVIIIe siècle,

les Irlandais avaient même un Parlement,  (le Parlement de Grattan, 1783-1801) qui

pouvait légiférer de manière autonome sur  les questions économiques par exemple.

Les idées révolutionnaires françaises qui affluent  dans les années 1790 donnent des idées aux

Irlandais. Une grande révolte républicaine échoue  en 1798 et les Britanniques punissent l'Irlande

par l'Acte d'Union, qui rentre en application  le 1er janvier 1801. Le Parlement irlandais est

supprimé. Cette Union qui doit théoriquement  permettre une totale intégration de l'île

dans le Royaume-Uni marque en réalité le début  des revendications nationalistes irlandaises.

Vous me direz : mais c'est plutôt une  bonne chose pour l'Irlande d'intégrer

le Royaume-Uni non ? Parce qu'ils vont pouvoir  profiter à fond de leur puissance économique et

politique ? Sur le papier peut-être mais la  réalité est moins favorable aux irlandais.

Avec l'Union, les députés irlandais viennent  siéger à Westminster. Ils sont plafonnés à

100 sièges sur les 658 que comptent la  Chambre des Communes. L'Union favorise

les échanges commerciaux entre les îles mais  elle anéantit l'industrie irlandaise naissante,

en permettant aux produits manufacturés anglais  d'inonder le marché irlandais. L'île est cantonnée

à un rôle de fournisseur de denrées agricoles. Pourtant les premières revendications contre cette

Union ne sont pas économiques mais religieuses.  On le rappelle, l'Angleterre pratique elle le

culte anglican, une forme de protestantisme qui  est présente en Irlande dans les comtés du Nord,

les plus liés à la Grande-Bretagne. Le reste de  l'Irlande est très majoritairement catholique.

En 1823, Daniel O'connell avocat de formation,  crée l'Association catholique. Rejointe

officiellement par l'Eglise catholique d'Irlande,  cette association devient la première pierre du

nationalisme irlandais, qui est donc dès  l'origine, religieux. La lutte de cette

association est victorieuse puisqu'O'connell  obtient en 1829 la loi d'Emancipation des

catholiques, qui met fin à leur discrimination,  et leur ouvre toutes les professions.

En accédant à cette demande qui ne  lui coûte finalement pas grand-chose,

le gouvernement londonien espère se  débarrasser des contestations en Irlande,

mais comme on le verra par la suite, ce n'est  jamais aussi simple. Quand tu files un doigt,

on te prend tout le bras dit la célèbre  expression que je viens d'inventer.

L'Association catholique, ayant atteint son  but, est dissoute, et O'connell fonde pour la

remplacer l'Association pour l'abrogation, qui  souhaite tout simplement en finir avec l'Union.

Ce changement d'objectif, de la religion  vers le nationalisme, lui coûte le soutien

de l'Eglise catholique, qui appelle à rejeter  tout acte révolutionnaire. Londres donne alors

le contrôle de l'enseignement en Irlande à  l'Eglise catholique pour la remercier de son

soutien contre les nationalistes. Radicalisation et compromis

Cette scission entre plusieurs mouvements de  contestations fait que les revendications des

irlandais prennent à ce moment  des chemins assez différents.

Le mouvement Jeune Irlande naît en 1842 avec  pour objectif de promouvoir la culture gaélique à

travers la langue, la littérature, le sport, etc.  Six ans plus tard est créée dans la communauté

irlandaise de New York, la Fenian Brotherhood,  du nom d'un héros de la mythologie celtique.

Et là déjà, on rigole plus  puisque c'est une organisation

militaire qui veut faire mettre en place une  République indépendante par la lutte armée.

Nous sommes alors en 1848 et cette radicalisation  est une conséquence directe de la Grande Famine

qui est en train de décimer les Irlandais. Un  million d'entre eux traversent l'Atlantique pour

fuir la faim et en 1855, un tiers des habitants  de New York sont des Irlandais. Les Fenians

new-yorkais se déploient rapidement dans la mère  patrie, et deviennent des acteurs de premier plan

avec l'affaire des « martyrs de Manchester ». En 1867, trois hommes liés aux Fenians,

tentent de faire évader d'un fourgon de police  de Manchester, deux chefs de l'organisation.

Mais dans l'attaque du fourgon, un policier  est tué et les trois hommes, William Allen,

Michael Larkin et Michael O'Brien sont condamnés  à mort et exécutés. Ces exécutions secouent

l'opinion publique irlandaise qui y voit une  volonté d'écraser leurs revendications. La

presse irlandaise dépeint les trois jeunes hommes  en braves idéalistes morts pour leur patrie,

d'où leur surnom de « martyrs de Manchester ». Face au nationalisme irlandais, le gouvernement

londonien tergiverse. Il tente de se montrer  conciliant pour ne pas attiser le mécontentement.

Il promulgue ainsi plusieurs lois sociales pour  rendre les terres détenues par des Anglais aux

paysans irlandais. Ainsi, en 1870 sont étendues à  toute l'île les conditions de rachat des terres en

vigueur en Ulster, c'est-à-dire l'Irlande du Nord.  Pour être plus clair : les paysans obtiennent des

facilités pour emprunter de l'argent et racheter  la terre qu'ils louent. Ils reçoivent même une

compensation financière en cas d'expulsion pour  impayé. Les paysans qui ne sont que 3 % à être

propriétaires de leur terre en 1870, seront 64  % en 1916 grâce aux lois agraires successives.

L'idée du gouvernement derrière tout ça est  très simple : il s'agit en fait de transformer

les prolétaires révolutionnaires  en petits bourgeois conservateurs

qui seront moins à même de mettre le boxon ! Londres fait aussi supprimer l'impôt religieux

en faveur de l'Eglise anglicane en 1869, et tente  de mettre en valeur les régions pauvres. Cette

générosité est censée couper l'herbe sous le pied  des nationalistes et conquérir les cœurs et les

esprits des Irlandais. Mais d'un autre côté, les  Britanniques ne peuvent s'empêcher de réprimer par

la force les nombreuses révoltes paysannes. Donc non seulement les lois sociales ne

calment pas les indépendantistes, mais elles  mécontentent en plus les unionistes anglicans,

c'est-à-dire les Irlandais attachés  à la domination britannique. C'est ce

qu'on appelle avoir le cul entre deux chaises ! C'est d'ailleurs l'un d'entre eux, Isaac Butt qui,

assez étonnamment, porte la contestation  irlandaise contre le gouvernement londonien.

Une forme d'alliance contre-nature voit le  jour entre catholiques et protestants pour

demander une émancipation de la tutelle  britannique. Butt imagine un gouvernement

fédéral où les régions irlandaises auraient  une large autonomie et dans lequel le Nord

n'aurait pas à subir les diktats du Sud. Il  crée donc une Association pour un gouvernement

autonome qui devient la Home Rule League en 1873. Une revendication politique : le « Home Rule »

A partir de cette date et jusque dans les années  1920, la question du Home Rule devient centrale

dans les revendications en Irlande. « Home  Rule » peut d'ailleurs être traduit par loi

d'Autonomie, c'est un projet qui vise à rendre  l'essentiel de sa souveraineté à l'Irlande.

La Home Rule League parvient à envoyer soixante  députés au Parlement de Westminster aux élections

de 1874. Mais malgré ce succès électoral, leur  poids reste trop limité pour changer le sort

de l'Irlande et les membres de la League  s'entredéchirent dans les années qui suivent,

l'unité de façade entre catholiques  et protestants disparaît rapidement.

De mauvaises récoltes en 1877-1878 font craindre  une nouvelle famine, et remettent sur le devant

de la scène les questions agraires, d'autant  que les terres sont toujours détenues par

quelques riches propriétaires : 750 d'entre  eux possèdent plus de la moitié de l'île à

l'époque. C'est dans ce contexte que naît  la Land League dirigée par le protestant

Charles Stewart Parnell qui va faire de cet enjeu  agraire un tremplin vers la question nationale.

En 1879 un vaste mouvement de contestation  agraire qui débute dans le comté de Mayo,

à l'ouest, se répand dans toute l'île et Parnell  est élu pour représenter les intérêts des paysans

irlandais dans l'Irish National Land League. Et ce mouvement met en place des modes d'actions

nouveaux comme le boycott. La création du mot  « boycott » date d'ailleurs de cette révolte,

puisqu'un certain Charles Cunningham Boycott,  réputé pour maltraiter ses fermiers locataires,

a été ciblé par les paysans qui  refusaient de travailler pour lui.

Cette stratégie de représailles non-violentes  devient une arme de redoutable efficacité et

est étendue à tous les propriétaires terriens  malveillants, qui ne trouvent plus personne

pour occuper leurs terres. Les troubles se généralisant,

le gouvernement londonien intervient. Les épisodes  de répression font des morts et une partie des

députés irlandais sont renvoyés du Parlement, ce  qui manque d'embraser toute l'île. Mais Parnell,

résolument pacifiste, veut éviter l'escalade  et choisit de négocier. Il obtient de Londres

en 1881 une loi agraire étendue qui accélère  encore le transfert des terres aux Irlandais.

Le mouvement agraire ayant obtenu gain de cause,  Parnell fonde avec d'autres un nouveau mouvement,

l'Irish National League, dont l'objectif  affiché est l'obtention du Home Rule.

Oui, ça fait beaucoup de ligues, mais ce qu'il  faut retenir c'est que la question agraire a

réussi à politiser les masses paysannes d'Irlande  et les nationalistes y voient le moment idéal pour

appuyer leurs revendications. Le premier échec du Home Rule

En 1886, les nationalistes irlandais trouvent  un relai inattendu de leurs revendications en la

personne du nouveau premier ministre britannique,  le libéral William Gladstone. Ce dernier,

qui a eu besoin des députés irlandais pour  former une alliance au Parlement, envisage

de lâcher du lest sur la question irlandaise, en  s'inspirant de ce qui a été fait pour le Canada

vingt ans plus tôt. Le Canada est en effet devenu  un dominion, c'est-à-dire un Etat indépendant mais

toujours membre de l'empire britannique, qui gère  pour lui sa politique étrangère et ses alliances

militaires. Gladstone fait finalement le calcul  que rétablir une assemblée législative en Irlande,

permettrait de pacifier les Irlandais, tout  en les gardant dans le giron britannique.

Mais ce projet du Home Rule irlandais est très  mal vu en Angleterre, beaucoup craignent que

cela constitue un précédent et que les Ecossais  et les Gallois fassent ensuite la même demande.

En plus, les Irlandais du Nord, majoritairement  protestants et unionistes le rejettent également,

ils souhaitent à tout prix rester rattachés à  la Grande-Bretagne et ne veulent pas devenir

minoritaires dans une nation catholique. Au  Parlement londonien, les Conservateurs, dans

l'opposition, sont fermement opposés au Home Rule,  ainsi qu'une partie des Libéraux, le parti au