La vérité sur 6 sociétés secrètes (2)
Pour cela, on fait la chasse aux Noirs mais aussi à leurs complices, les partisans de
l'égalité comme les fonctionnaires du Nord. Et c'est toute la palette de la violence
qui y passe : insultes, menaces, intimidations, harcèlement, humiliations, incendies et bien
entendu, meurtre. Inquiets de cette violence, les pouvoirs politiques
mettent la pression sur l'organisation poussant le général Forrest à la dissoudre en 1869.
De toutes manières, dans les États du Sud, le pouvoir (politique, économique, médiatique)
est dans les années 1870 aux mains des Blancs. Avec les lois de ségrégation votées à
partir de cette période, le Klan, victorieux sur les idées, devient inutile. Il disparaît
donc une première fois. En 1906, paraît un livre de Thomas Dixon,
L'Homme du clan qui est adapté en film en 1915 sous le titre « Naissance d'une
Nation ». Le film connaît un très grand succès et emporte de nombreux soutiens, dont
celui du président américain de l'époque, Woodrow Wilson.
Quand j'étais gamin j'ai voulu être paléontologue pendant presque 10 ans après
avoir vu Jurassic Park. Là, on voit qu'un film a réussi à relancer un mouvement comme
le Ku Klux Klan. Comme quoi il ne faut pas sous-estimer la puissance du cinéma.
Le Klan renaît donc dans cette dynamique et élargit ses combats : toujours contre
les noirs mais aussi contre l'immigration, les catholiques, les communistes, les juifs
et tant qu'à faire, les homosexuels. En 1922, le nouveau « Sorcier impérial », un
dentiste du Texas du nom de Evans, transforme le Klan en véritable entreprise : il faut
prendre sa cotisation, souscrire son assurance KKK et même acheter auprès de l'organisation,
son costume officiel, cagoule comprise. Dès lors, Le Klan devient un véritable succès
public, surtout dans les petites villes et campagnes américaines. De 10 000 membres
en 1920, le Ku Klux Klan en atteint 5 millions en 1925 !
C'est absolument énorme et moi même avant de bosser sur cet épisode je ne me doutais
absolument pas qu'il y avait eu à un moment donné autant de membres dans le Ku Klux Klan...
Les actions du Ku Klux Klan animent un peu les soirées du week-end avec embrasements
de croix, parades, masques, initiations et même barbecues entre membres. C'est en
quelque sorte une confrérie de racistes où l'on se reconnaît entre membres du Klan
par des signes et des codes. Dans un bar du sud des Etats-Unis, pour retrouver un copain
membre du Klan, il suffit de demander " Connaissez-vous un M. Ayak par ici ? ". Ayak signifie : « Are
you a klansman ? », c'est à dire : « Êtes-vous un homme du Klan ? ». Il faut bien imaginer
que dans les années 20, dans certains villages, presque toute la population blanche appartient
au Klan ou est sympathisante. Imaginez l'horreur pour les populations noires qui y résident.
En cas de violence ou de meurtre sur l'un d'entre eux, il y a rarement une enquête
car le policier local est lui-même membre du Klan… Ces millions de membres sont aussi
très influents surtout dans le sud où le Klan aurait fait élire plusieurs gouverneurs
et sénateurs. Mais si le pouvoir de cette société secrète
semble sans limite, ce n'est pas tout à fait vrai. Puisque plusieurs états américains,
hostiles au Ku Klux Klan, font finalement voter des lois interdisant le port du masque
en dehors des fêtes comme Mardi Gras et obligent le Klan à publier la liste de ses membres.
Et être un raciste anonyme, ça se vit plutôt bien mais se revendiquer raciste aux yeux
de tous, ça passe de moins en moins ! c'est donc le déclin inexorable de l'organisation.
Après 1945, le Ku Klux Klan n'est plus que l'ombre de lui-même et cela malgré
des violences de nouveau dans les années 60-70 avec incendies d'églises, de maisons
et même des meurtres. Il ne cesse de se diviser créant autant de petites structures de plus
en plus locales et surtout de plus en plus insignifiantes.
Aujourd'hui, on estime qu'il y a à peine 10 000 adhérents qui se retrouvent autour
de groupuscules incitant à la suprématie blanche. C'est encore beaucoup trop mais
c'est quand même vachement moins que 5 millions !
On reste aux États-Unis avec la prochaine société secrète, Skull and Bones !
Là, on évoque probablement la plus secrète de toutes ces organisations. Ses membres ont
l'interdiction totale de l'évoquer. Je vous arrête tout de suite, ça n'a rien
à voir ni avec le Fight club ni avec les pirates ! Mais plutôt avec une confrérie
d'étudiants de l'université américaine de Yale pour être plus précis, une des plus
prestigieuses du pays. Ce groupe aurait été fondé par un certain William Huntington Russell
en décembre 1832, sur le modèle d'une société secrète allemande, le pays étant
à l'époque assez spécialisé dans le genre et Russell y ayant étudié un an. Il
l'appelle « Skull and bones », aussi dénommée « Chapitre 322 » ou « La fraternité de
la mort ».
ça promet une ambiance bien sympatoche loin des bières pong et des concours de slip mouillés
que l'on voit dans les fraternités américaine au cinéma!
Chaque année, 15 étudiants en dernière année d'études sont approchées par les
membres du club. Évidemment, les étudiants les plus prometteurs sont choisis : les plus
puissants ou les plus brillants, académiquement ou sportivement. Longtemps restée un club
masculin, la société a accepté des femmes au compte-goutte à partir de 1991.
Une des raisons c'était surtout pour éviter des procès qui mettraient trop de lumière
sur l'organisation. Pour l'initiation, on retrouve le décorum
habituel. Les futurs membres, appelés « chevaliers » doivent suivre toutes sortes de rites initiatiques
dont l'un consiste à raconter toutes leurs expériences sexuelles ou d'autres à embrasser
un crâne et vénérer le chiffre «322». Cette société secrète est particulièrement
riche. La Russell Trust Association, qui est son nom commercial, a un patrimoine estimé
à plusieurs millions de dollars dont une île privée à la frontière du Canada.
De nombreuses légendes circulent sur « Skull and Bones ». On raconte ainsi que 6 « bonesmen
» dont le grand-père de George W. Bush, auraient volé en 1917 les ossements du chef
indien Geronimo pour les entreposer dans la maison du club. C'est discuté chez les
historiens mais dans le doute, l'arrière-petit-fils du chef apache attaque en justice l'université
en 2009. Sans succès puisque la procédure a été abandonnée en 2010.
Comme toutes les confréries étudiantes, « Skull and Bones » n'existe que dans
un seul but : placer ses membres dans des positions importantes afin qu'ils s'aident
ensuite les uns les autres. Et ça marche plutôt pas mal puisque les « bonesmen » célèbres
sont très nombreux. Parmi eux, les deux présidents Bush, George Senior et George W. Bush, Henry
Luce le fondateur de Time magazine, l'ancien candidat démocrate à la présidence John
Kerry et plus largement des sénateurs, juges, banquiers, sportifs, artistes et… responsables
de la CIA. Impressionnant mais aussi assez banal puisqu'on
retrouve le même type de fraternité dans les autres universités prestigieuses comme
le club « Fly » à Harvard par exemple. En tout cas, il existe peu d'enquêtes sur
« Skull and Bones » et les informations fiables sont assez rares. Du coup bah...vous
en savez maintenant à peu près autant que l'on peut en savoir !
Tout aussi mystérieuse, la société secrète de la Rose-Croix apparaît au grand jour avec
la publication en 1614-1615 de deux manifestes anonymes en Allemagne. Le premier, intitulé
Fama Fraternitatis, est très ambitieux : il s'appelle « Réforme universelle et générale
du monde entier » ! Adressé aux dirigeants politiques et religieux, il veut changer le
monde de façon utopique et comprend à l'intérieur de l'ouvrage, un autre texte se présentant
sous la forme d'un roman initiatique, le mouvement Rose-Croix. Il aurait été fondé
par un chevalier du XIVe siècle, appelé Christian Rosenkreutz (d'où le nom de Rose-croix)
qui aurait vécu 106 ans, après avoir voyagé en Orient où il aurait rencontré des sages
et fondé une nouvelle spiritualité. On aurait redécouvert son tombeau en 1604 dans lequel
on aurait trouvé un petit livre d'or comprenant son enseignement. En 1615, un 2ème texte
puis un troisième l'année suivante, complète la bible Rose-Croix.
Vous l'entendez, j'utilise beaucoup le conditionnel quand je présente ces histoires,
parce que justement, pour les historiens, tous ces textes sont largement légendaires.
Christian Rosenkreutz n'a pas existé et le mouvement serait parti en fait de jeunes
luthériens au début du XVIIe siècle qui auraient souhaité une réforme plus radicale
encore que la réforme protestante. C'était une utopie visant à créer une religion universelle
réconciliant l'homme, la science et la nature. Le tout avec une bonne dose d'alchimie,
d'ésotérisme et de principes de la Renaissance. Ce type d'utopie n'est d'ailleurs pas
isolé et on en trouve d'autres en Europe à l'époque.
Les dimensions mystérieuses et prophétiques de ces textes vont intéresser de nombreux
savants de l'époque, entraînant de nombreuses polémiques d'abord dans le monde germanique
puis dans l'ensemble de l'Europe. Certains y voient une révélation, d'autres de la
pure sorcellerie. Des ordres rosicruciens sont créés à partir
du XVIIe siècle et se donnent des origines lointaines, remontant aux philosophes grecs
et même à l'Égypte antique ! Des liens se font naturellement avec la franc-maçonnerie,
qui considère les Rose-Croix comme une de leurs inspirations.
Actuellement, de très nombreux mouvements et associations ésotériques se réclament
de cette tradition, le fonds de pensée philosophique, intellectuel et spirituel Rose-Croix étant
du domaine public. En fait, c'est un peu devenu le logiciel
libre de la société ésotérique !
Pour la dernière partie de cette émission,
je vous propose de revenir ensemble sur une société secrète / secte que vous connaissez
surement de loin grâce à la saga Assassin's Creed, celle des Assassins !
Pour la comprendre un peu mieux, il faut remonter au conflit entre les deux principales branches
de l'Islam : les sunnites et les chiites. Lors des guerres qui les opposent à partir
de la fin du VIIe siècle (et toujours maintenant soit dit en passant), les chiites sont battus.
Ils se maintiennent cependant dans certaines zones et développent leur propre culture
et clergé. Mais l'arrivée des Turcs Seldjoukides à partir des années 1050, change la donne.
Ce sont des sunnites qui entendent bien faire revenir tous les musulmans du Proche-Orient
au sunnisme. En Iran, se développe un foyer de résistance
chiite à partir des années 1090. A sa tête, Hassan Sabbah. Il s'est converti à l'ismaélisme,
une branche du chiisme et a pris le contrôle d'une forteresse en Perse, Alamut (ce qui
veut dire « le nid de l'aigle »), située à une centaine de kilomètres au nord-ouest
de Téhéran, dans le massif de l'Alborz. Surnommé « le vieil homme des montagnes
», Hassan Sabbah y fonde sa secte et forme des combattants destinés à lutter d'abord
contre les Abassides sunnites puis contre les Turcs Seldjoukides. Le mouvement que l'on
appelle les Nizârites (ou Nizâriens), est très structuré, efficace et ses membres
observent une discipline et obéissance totale. On a d'ailleurs pu le comparer dans son
organisation aux templiers.
Qui eux aussi déchaînent les passions autour de tout un tas d'histoires légendaires.
Je vous propose de voir mon épisode Arville, la plus vieille commanderie templière de
France et celui sur le procès des templiers pour en savoir plus.
Sur cette digression, retournons aux assassins !
Une branche du mouvement s'établit en Syrie au XIIe siècle. S'il dispose de bons combattants,
Hassan Sabbah est conscient cependant de l'inégalité des forces. Loin d'être fou, plutôt que
de miser sur les batailles rangées, il préfère développer des assassinats ciblés de dirigeants
sunnites. Ses soldats d'élite sont les fedayins («ceux qui se sacrifient»), un
mode d'action assez révolutionnaire pour l'époque. La méthode est toujours la même
: le combattant s'infiltre discrètement près de sa cible puis la poignarde en public, en
plein jour, de préférence devant une mosquée et à l'heure de la prière, pour qu'il
y ait un maximum de témoins. Et tout ça avant d'être tué lui-même dans la foulée.
Oui, ça ne finit pas exactement comme dans le jeu vidéo sauf si vous êtes mauvais.
Parmi les meurtres les plus connus, il y a tout de même le sultan et le vizir de Bagdad,
ce qui entraîne une guerre de succession dans l'empire. On peut citer aussi le gouverneur
de Mossoul, l'émir d'Alep et son fils. Quelques chrétiens croisés aussi comme Conrad
de Montferrat, roi de Jérusalem ou Raymond II de Tripoli mais l'essentiel des morts