Oum Kalthoum, un siècle égyptien à travers une voix - Aliette de Laleu
Saskia : *Bonjour Aliette de Laleu!* Bonjour Saskia!
Saskia: *On parle beaucoup d'Egypte en ce moment*
*avec l'exposition Toutânkhamon à Paris qui vient d'ouvrir…* Et ce matin je ne vais pas vous parler de pharaons, mais d'une voix,
Une voix tellement puissante qu'on la surnommait la “voix de l'Egypte” : Musique - El Amal Oum Kalthoum
La chanteuse égyptienne Oum Kalthoum est née probablement en 1898
dans une famille nombreuse, pauvre et très pieuse.
Ses parents repèrent vite la belle voix de leur fille. Jusqu'à ses 16 ans, elle va chanter, accompagner son père, imam, pour psalmodier le coran,
mais elle sera habillée en garçon car il n'était pas pensable
qu'une petite fille se produise en public.
Saskia : *Dans les années 1920, sa réputation commence à grimper…*
Elle se fait repérer, part au Caire et débute une immense carrière.
Tout en restant très fidèle à qui elle est et d'où elle vient, Oum Kalthoum embrasse
la modernité : la jeune femme enregistre des premiers disques, utilise la radio
pour être diffusée et met en place un star system en se montrant peu. Toute sa vie, Oum Kalthoum fait les bons choix.
Elle s'entoure très bien, choisit les meilleurs musiciens, les plus talentueux compositeurs
du pays, et surtout, elle réfléchit avec beaucoup de soin aux textes qu'elle chante.
Musique - Les Ruines Al Atlal par Oum Kalthoum
Donne-moi ma liberté, dénoue mes mains, J'ai tout donné je n'ai rien gardé pour moi
Mes poings saignent encore à cause des menottes que tu m'as fait porter Pourquoi les garderai-je alors que tu m'as tout enlevé ?
Pourquoi tiendrais-je des promesses que tu n'as su protéger ? Pourquoi resterais-je captive alors que le monde est à moi ? C'est un extrait de la chanson Les Ruines, qui parle d'amour, mais qui parle aussi de liberté,
et ça elle en avait parfaitement conscience quand elle l'interprétait face au peuple égyptien.
Pour elle, les paroles étaient plus importantes que la musique. Elle disait : “Pour convaincre, il faut que je sois convaincue”.
Les poèmes qu'elle chantait mettaient souvent au même plan l'amour humain et l'amour divin.
Et il y avait une confusion des genres, ce qui fait qu'hommes et femmes
pouvaient se retrouver derrière ses chansons.
Saskia: *On dit d'ailleurs qu'elle était féministe.* Oum Kalthoum répétait aux femmes : “Vous êtes la moitié de l'humanité,
prenez votre destin en main”.
Son destin à elle, c'était d'être un modèle : d'une fille de paysan elle était
devenue une icône, une femme politique, une artiste engagée, le ciment des pays arabes
et un symbole de la grandeur de l'Egypte.
Un pays pour qui elle a beaucoup donné.
Par exemple, après la guerre des 6 jours, en 1967, elle organise une tournée
pour renflouer les caisses de l'Etat.
A sa mort, en 1975, des millions de personnes, une foule plus dense que pour la mort de l'ancien
président Nasser avec qui elle échangeait beaucoup, se rassemble pour honorer sa mémoire.
Oum Kalthoum était une voix, mais au-delà d'un aspect purement artistique.
On la compare souvent à Edith Piaf ou Maria Callas, mais elle était bien plus que cela...
D'ailleurs sa voix n'avait rien d'extraordinaire ou d'exceptionnel Musique - Les Ruines
Elle chantait bien, mais c'est surtout ses talents d'improvisations en concert
qui font d'elle une grande artiste.
Elle avait un don pour créer du suspens, une attente de la part du public.
Elle s'arrêtait sur une phrase, improvisait, les musiciens suivaient tant bien que mal,
faisait des longues notes, répétait encore et encore le même motif, pour enfin, délivrance,
conclure un refrain ou un couplet sous les applaudissements du public.
Une technique très utilisée dans la musique occidentale dite savante.
On oublie d'ailleurs souvent de présenter Oum Kalthoum comme celle qui a rendu accessible
la musique “classique” ou “savante” orientale.
Une musique qui était réservée à une élite mais qui, grâce au succès de la chanteuse,
à ses passages à la radio, au cinéma, dans des médias populaires,
a trouvé un autre public : plus divers, au-delà de toute considération de classes sociales :
des hommes, des femmes, des pauvres, des riches, des militants, des intégristes, des féministes, des chefs d'Etat…
La voix d'Oum Kalthoum était partout, elle a unifié les peuples
derrière une même cause : l'art, la culture, l'amour.
Aujourd'hui il faut s'en souvenir plus que jamais.
Saskia: *Merci Aliette pour ce tour en Egypte de bon matin…* *Cela fait partie de votre playlist, Maxime Pascal, Oum Kalthoum?* Maxime Pascal : *C'est quelqu'un de très important, car comme l'a dit Aliette, c'est une passeuse en fait.*
*Elle a transmis tout un répertoire, un monde, un univers, c'est quelqu'un d'important, bien sûr*
Saskia : *On va continuer à la découvrir. Merci beaucoup Aliette pour cette chronique*
*Qu'on réécoute sur francemusique.fr et qu'on retrouve en vidéo sur les réseaux sociaux, Bonne journée !*