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InnerFrench - Vol. 1, #82 - Faut-il arrêter de prendre l'avion? (2)

#82 - Faut-il arrêter de prendre l'avion? (2)

En 2015, les pays du monde entier se sont réunis à Paris pour signer des accords sur la protection de l'environnement, les accords de Paris. Bon ensuite, certains pays ont décidé de sortir de ces accords à cause de décisions de certains présidents, bref… Ce qu'il faut savoir, c'est que l'objectif des accords de Paris, c'est de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C (degrés Celsius, évidemment) d'ici 2050.

Au niveau individuel, qu'est-ce que ça représente ? En fait, si on veut respecter les accords de Paris, il faut que chaque personne n'émette pas plus de deux tonnes de CO2 par an. Alors, ça peut sembler beaucoup. 2 tonnes de CO2, c'est un peu difficile de se rendre compte de ce que ça représente.

Alors pour savoir ça, il y a plein d'outils qui sont disponibles sur internet. Vous pouvez calculer votre budget [en dioxyde de] carbone, combien vous émettez de [dioxyde de] carbone chaque année en fonction de l'endroit où vous vivez, de votre logement, du chauffage, de votre alimentation, est-ce que vous possédez une voiture ou pas, est-ce que vous prenez l'avion souvent, etc. En entrant toutes ces informations, vous pouvez voir combien de tonnes de [dioxyde de] carbone vous émettez chaque année.

Alors moi, je l'ai fait et j'ai été assez choqué des résultats. Par exemple, vous vous rappelez peut-être que l'été dernier, je suis allé passer des vacances en Thaïlande. Et simplement ce voyage pour aller en Thaïlande, ça représente 4 tonnes de CO2. Autrement dit, 2 fois la quantité annuelle que je devrais respecter pour respecter les accords de Paris. Donc voilà, simplement pour aller en Thaïlande 2 semaines, j'ai explosé mon budget de CO2 ! Comme j'habite en Pologne, j'essaye aussi de rentrer en France régulièrement, deux fois par an. J'aimerais bien rentrer un peu plus souvent, mais c'est pas toujours possible. Alors, si je fais deux allers-retours Paris-Varsovie en avion, eh bien ça représente 1,16 tonnes de CO2 : plus de la moitié de mon budget annuel en émissions de CO2 !

Alors, si je prends pas en compte ces vacances en Thaïlande et que j'analyse seulement les émissions qui sont liées à mon mode de vie. Eh bien, là aussi, le verdict est plutôt négatif parce que j'émets 4,5 tonnes de CO2 par an, qui sont liées principalement au chauffage de mon appartement, à mes repas et aux déchets que je produis. Je vis pas dans un très grand appartement, mais c'est quand même quelque chose qui émet beaucoup de CO2 pour pouvoir le chauffer. Surtout qu'en Pologne, il fait plutôt froid l'hiver. Je n'ai pas de voiture. Je n'ai pas besoin, même, de prendre les transports en commun pour aller au travail parce que je travaille à la maison. Je trie mes déchets. Je suis végane (et c'est vrai que l'alimentation végétalienne est meilleure pour l'environnement qu'une alimentation carnée, une alimentation avec de la viande). Mais malgré tout ça, j'émets deux fois plus de CO2 que je le devrais. Donc, quand on voit ce genre de résultat, je peux vous dire que c'est assez décourageant.

Maintenant que j'ai tous ces résultats, la question, c'est : pourquoi je fais rien ? Pourquoi je n'essaye pas de changer la situation ? Et là, je me rends compte que j'utilise un peu les mêmes arguments que ceux que j'entends souvent chez les personnes qui ne veulent pas arrêter de manger de la viande. Je sais que prendre l'avion, c'est mauvais pour l'environnement. Mais moi, j'adore partir en vacances. J'ai pas envie de me priver de mes vacances. J'en ai besoin parce que je travaille dur toute l'année. Donc voilà, je mérite des vacances l'été ! Et là, on peut me dire : «Oui, mais tu pourrais partir en vacances en Pologne, par exemple.» En Pologne, il y a la mer, il y a la montagne. Je pourrais y aller en train. Et il y aurait beaucoup moins d'émissions de CO2.

Bon, ça, ok. Mais d'un autre côté, je dois rentrer en France. J'ai pas le choix ! Ma famille est là-bas. Je dois voir ma famille. Oui, mais là, on pourrait me dire de prendre le train. Ah oui, mais prendre le train, c'est difficile. C'est vrai que l'avion est plus rapide et souvent moins cher que les autres modes de transport. Par exemple, si je voulais rentrer à Paris en train depuis Varsovie, ça serait deux fois plus cher et trois fois plus longs qu'en avion. En plus, il faudrait que je prenne 3 trains différents. Donc, c'est vraiment pas pratique.

Bon, ces difficultés, elles sont pas insurmontables. «Insurmontable», ça veut dire que quelque chose est impossible à surmonter, à dépasser. Par exemple, on dit souvent «un obstacle insurmontable», ça veut dire qu'on ne peut pas dépasser cet obstacle. Ces difficultés, elles ne sont pas insurmontables, mais pour être honnête, je ne suis pas prêt à faire ce genre de sacrifices.

Et là, je pense qu'on touche au coeur du problème. Arrêter de prendre l'avion pour diminuer ses émissions de CO2, ça demande de sacrifier du temps, de l'argent, du confort ou du plaisir. Et la vérité, c'est que peu de personnes, moi y compris, sont prêtes à faire ces sacrifices. Je sais qu'une fois, une auditrice du podcast avait envoyé un témoignage où elle disait qu'elle ne prenait pas l'avion, justement, pour protéger l'environnement et j'avais trouvé ça très courageux. Mais moi, je ne suis pas prêt à faire ce genre de sacrifices alors que je suis conscient des dangers, des risques que ça représente pour l'environnement, que voyager n'est pas non plus une passion pour moi. Je pense que je pourrais m'en passer. Je pourrais faire sans. Je pourrais ne pas voyager dans des pays exotiques. Mais comment est-ce qu'on peut renoncer à tout ça ?

Et en plus, c'est assez décourageant quand on voit que d'autres personnes, peut-être un peu moins conscientes que nous, ou encore plus égoïstes que nous, ne se privent pas de le faire, et qu'elles publient leurs photos sur Instagram pour nous montrer un super coucher de soleil à Bali. Et nous, on est chez nous, dans notre canapé, en face de Netflix et on est jaloux de tout ça. À ce moment-là, on peut avoir l'impression d'avoir fait tous ces sacrifices pour rien, alors que d'autres continuent d'en profiter et de vivre leur vie sans faire aucun sacrifice.

Alors, quelles solutions existent pour essayer de résoudre ce dilemme ?

Déjà, on peut se demander ce que les Etats pourraient faire. En France, l'année dernière, il y a eu une proposition de loi pour supprimer les vols internes quand une liaison de train existe et que cette liaison de train prend seulement 2h30 de plus, qu'il y a seulement 2h30 de différence entre le vol en avion et le même trajet en train. Mais cette proposition de loi, malheureusement, a été rejetée.

Une autre raison, c'est qu'en France, les vols sont très peu taxés. C'est pour ça qu'ils sont si peu chers. Alors, ça pourrait être une bonne idée de taxer le kérosène (autrement dit, l'essence qu'on utilise pour les avions). Parce qu'aujourd'hui, le kérosène n'est pas taxé donc c'est pas très cher pour les avions d'acheter du carburant, contrairement à l'essence pour les voitures. L'essence pour les voitures, elle, elle est taxée. Et c'est pareil en ce qui concerne la TVA. Vous savez, en Europe, on a une taxe spéciale sur la consommation, la taxe sur la valeur ajoutée. Et en France, cette TVA sur les vols internationaux, elle bénéficie d'un taux réduit de seulement 10% alors que le taux normal, c'est 20%.

Et là, vous vous demandez peut-être : mais pourquoi les vols sont si peu taxés. Pourquoi les vols sont moins taxés que les trajets en train ou en voiture, par exemple ? En tout cas, moi, je me suis posé la question. Et l'explication, c'est qu'après la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements ont voulu reconvertir l'aviation militaire en aviation civile, encourager les gens à prendre l'avion pour aller dans les autres pays, pour se connaître, etc. Donc c'est pour ça que les vols étaient très peu taxés. Mais bon, aujourd'hui, c'est plus le même contexte. On est dans une nouvelle guerre, la guerre climatique, donc ça n'a pas vraiment de sens de moins taxer les vols que les autres formes de transport.

Et puis, il faut savoir que dans beaucoup de pays, le secteur de l'aviation représente un poids important dans l'économie. Par exemple en France, l'aviation représente plus de 100 000 emplois directs. Vous connaissez peut-être l'entreprise Airbus qui produit des avions. C'est le principal concurrent de Boeing. Eh bien il y a beaucoup d'usines Airbus, de lieux d'assemblage, qui se trouvent en France, notamment à Toulouse. Comme c'est un secteur important, l'Etat continue d'essayer de le stimuler, notamment avec des taxes qui restent faibles.

Alors, peut-être que la responsabilité en incombe aux entreprises. Peut-être que ce sont les entreprises qui doivent faire des efforts pour limiter les émissions de CO2 de l'aviation.

On entend de plus en plus souvent parler de l'avion vert. Ça serait un avion qui serait capable de voler en ayant des émissions de CO2 très faibles grâce à des améliorations techniques qui permettraient d'utiliser moins de carburant, ou alors des énergies moins polluantes. Mais beaucoup d'experts pensent que c'est plus un rêve qu'une réalité. Il y a eu déjà beaucoup d'améliorations techniques ces 20, 30 dernières années. Donc, il est peu probable que d'ici 2050, les entreprises réussissent à produire un avion vert, un avion, par exemple, qui soit… qui fonctionne grâce à l'électricité. C'est plus un rêve qu'une réalité envisageable.

L'autre solution, un peu plus réaliste et qui est déjà en place, c'est, comme je l'ai dit en introduction, les compensations de CO2. La façon dont ça fonctionne, c'est que les passagers donnent de l'argent, quand ils achètent leur billet d'avion, ils payent un supplément. Et cet argent est utilisé pour planter des arbres ou pour développer des zones agricoles. Grâce à ça, grâce à ces plantes, ces arbres, on peut créer des puits de CO2, autrement dit des zones qui vont absorber le dioxyde de carbone et qui vont permettre d'être à l'équilibre, que les émissions soient compensées par tous ces arbres, toutes ces zones agricoles qu'on va planter.

Le problème, c'est que planter des arbres, ça ne suffit pas. Ça demande des compétences en gestion de forêts et ça demande de suivre ces arbres et leur croissance sur plusieurs dizaines d'années. Il y a eu une tentative avec un programme en Turquie, où 11 millions d'arbres ont été plantés en novembre 2019 et seulement quelques mois plus tard, la plupart de ces arbres étaient déjà morts. Donc ce sont des beaux projets sur le papier, mais ensuite ils ne sont pas toujours bien réalisés.

Un autre problème, c'est que planter tous ces arbres, eh bien ça demande des surfaces importantes. Par exemple, si on voulait seulement compenser les émissions de CO2 du secteur aérien, il faudrait une forêt qui fasse la taille de 2,2 fois la France. Donc, il faudrait une forêt qui fasse 2,2 fois la taille de la France pour pouvoir absorber tout le CO2 qui est émis par le transport aérien. Le problème, c'est qu'il y a d'autres secteurs qui produisent encore plus de CO2 que le transport aérien. Vous le savez, j'en ai parlé un peu plus tôt. Alors, comment on fait ? Est-ce qu'on pourrait planter suffisamment d'arbres ? Est-ce qu'il y aurait assez de place pour pouvoir compenser les émissions de CO2 de tous ces secteurs ? C'est assez peu réaliste.

Bref, ce mécanisme de compensation de CO2, c'est mieux que rien, comme on dit en français, «c'est mieux que rien», mais c'est pas une solution miracle. Non seulement, elle ne compense pas vraiment les émissions de CO2. Mais en plus, elle retarde les transitions nécessaires. On pense que c'est une solution efficace et qu'on n'a pas besoin de faire d'autres efforts. Mais là aussi, c'est plutôt une illusion.

Alors maintenant, il reste la société civile. Vous et moi, qu'est-ce qu'on peut faire pour essayer d'améliorer la situation ?

En fait, le vrai changement, il doit venir de la demande, de nous. On doit changer nos habitudes et nos attitudes par rapport à l'avion. Ça peut sembler difficile, mais dans certains pays, ça commence déjà à apparaître. Par exemple, en Suède, il y a un nouveau mot qui est apparu : «flygskam». Ça veut dire (bon, excusez mon accent suédois, je ne parle pas du tout suédois) mais c'est «la honte de prendre l'avion». En français, on a trouvé l'équivalent «avihonte» (donc a-v-i-h-o-n-t-e). C'est un mélange de «avion» et du mot «honte», quand on a honte de quelque chose. De plus en plus de personnes ont honte de prendre l'avion. Par exemple, j'ai des amis qui sont allés en vacances au Mexique, il y a quelques temps, et ils m'ont dit que beaucoup de personnes autour d'eux ont essayé de les faire culpabiliser en leur disant que ce n'était pas raisonnable de prendre l'avion pour aller aussi loin, que c'était mauvais pour l'environnement, etc.

Donc, il y a une espèce de pression sociale qui commence à apparaître. Et la pression sociale, c'est toujours un bon moteur de changement. Quand partir en vacances à l'autre bout du monde ne suscitera plus l'admiration de vos amis, mais au contraire leur mépris, à ce moment-là, ça sera plus facile d'y renoncer.

Ça sera aussi plus facile de renoncer à ces longs voyages quand il y aura davantage d'alternatives. Et ça aussi, ça se développe beaucoup, ce qu'on appelle le tourisme local, quand vous partez en vacances pas très loin de chez vous, en train, par exemple. En France, c'est super parce que la France a beaucoup de régions magnifiques. Donc, on est très chanceux. On a aussi la mer, la montagne. C'est très facile de partir en vacances en France. Mais en règle générale, quand les gens vont redécouvrir leur pays, redécouvrir qu'il y a des destinations très sympas pas très loin de chez eux, eh bien ils vont peut-être arrêter d'avoir ce réflexe de prendre des billets d'avion pour partir à l'autre bout du monde.

Les mentalités ont besoin de temps pour évoluer. C'est pas un changement qui va se produire du jour au lendemain. Mais parfois, il suffit de pas grand-chose pour obtenir de bons résultats. Par exemple, moi, je suis loin d'être parfait en matière d'environnement. Je pense que j'ai encore beaucoup d'efforts à faire. Mais grâce à ce podcast, j'ai pu influencer certains d'entre vous. Par exemple, il y a quelques jours, Juan a laissé un commentaire sur l'épisode au sujet de la menace plastique, de la pollution plastique dans les océans. Et dans ce commentaire, il disait : «Je vais commencer une initiative dans mon université pour réduire l'utilisation du plastique au resto U» (autrement dit, au resto universitaire, la cantine pour les étudiants).

Donc voilà, vous voyez parfois en faisant… simplement en discutant de ça, en en parlant autour de vous, ça peut avoir… ça peut inspirer d'autres personnes. Comme ça, vous pouvez continuer de ne rien faire en espérant que les autres feront tout le travail à votre place !

Voilà, c'est la fin de cet épisode. Je vois que j'ai dépassé les 30 minutes. Encore une fois, je n'ai pas réussi à tenir ma promesse. Bon, peut-être la prochaine fois. Comme je vous l'ai dit, je vais faire une petite pause. Profitez bien de vos vacances si vous en avez. N'oubliez pas de faire un peu de français tous les jours et on se retrouve au mois de septembre. Bonnes vacances, ciao !

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