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InnerFrench - Vol. 1, #56 - Noël en France (2)

#56 - Noël en France (2)

Et c'est la même chose pour les fonctionnaires, les agents publics. Quand ils travaillent, ils n'ont pas le droit de porter de signe religieux visible : pas de croix catholique ni de kippa ni de voile. Tous ces signes sont interdits. Et d'ailleurs, depuis 2004, ces signes religieux sont aussi interdits à l'école. Donc les élèves n'ont pas non plus le droit d'en porter.

Je sais que ça peut sembler assez radical. Cette 1ère loi, celle de 1905, elle concernait surtout les catholiques parce qu'ils constituaient la religion la plus puissante en France. Mais aujourd'hui, certains disent que ces deux lois, celle de 1905 et celle de 2004, eh bien elles sont principalement utilisées pour discriminer les musulmans. Personnellement, je trouve que ce débat sur la laïcité est passionnant mais je suis pas sûr que ça vous intéresse. Si ça vous intéresse dîtes-le moi et j'y consacrerai un épisode.

Maintenant, vous comprenez peut-être pourquoi les crèches sont polémiques. Comme c'est un signe religieux, il ne devrait pas y en avoir dans les lieux administratifs. Le problème, c'est qu'on en voit parfois dans les mairies. La mairie, vous savez, c'est l'institution qui est en charge de la gestion d'une ville. Donc dans chaque ville, il y a une mairie. Et le maire, c'est la personne qui dirige la ville. D'ailleurs faites attention à ne pas confondre « maire » (m-a-i-r-e) pour parler de ce politicien et « la mère » (m-è-r-e) d'un enfant. C'est la même prononciation, deux orthographes différentes et ça ne veut pas dire la même chose.

Bref, plusieurs mairies ont eu des problèmes parce qu'elles avaient décidé d'installer une crèche pour Noël. En général, elles se défendent en disant que la crèche est devenue une tradition culturelle, qu'elle n'est plus religieuse. Forcément, comme la religion catholique est présente depuis longtemps en France, c'est devenu difficile de séparer la dimension religieuse et la dimension culturelle. Mais c'est problématique parce que les personnes qui ne sont pas catholiques peuvent être gênées de voir une crèche et un petit Jésus dans leur mairie qui est censée être neutre. Surtout que, comme je vous l'ai dit, tous les autres signes religieux sont formellement interdits. Donc pourquoi devrait-on faire une exception pour les crèches ? Finalement face à toutes ces polémiques, le Conseil d'Etat a décidé en 2016 d'interdire les crèches dans les espaces publics.

Maintenant, on va laisser de côté la dimension religieuse de Noël et on va analyser sa dimension sociologique. Au niveau sociologique, la fête de Noël en dit long sur l'état de la famille. Ah oui, ça c'est une expression très utile : « en dire long sur ». « En dire long sur », ça signifie tout simplement que ça nous donne beaucoup d'informations, c'est révélateur, c'est significatif. Alors Noël en dit long sur la famille, parce que pendant cet événement, on peut voir quelle vision les Français ont de la famille. Justement, depuis quelques années, il y a une tendance assez visible dans les médias, c'est les articles contre Noël. On voit de plus en plus d'articles qui ont pour titre « Pourquoi je déteste Noël », « Ces Français qui ont arrêté de fêter Noël », etc. etc. Critiquer Noël, c'est devenu très à la mode. Et les auteurs de ces articles ou les personnes qui témoignent ont plusieurs arguments pour expliquer pourquoi ils n'aiment pas Noël.

D'abord, il y a toute la préparation qui précède l'événement. Bien sûr, il faut acheter les cadeaux mais aussi décorer la maison et le sapin, faire les courses pour le repas, etc. Souvent, les Français font deux repas: un dîner le soir du 24 et un déjeuner le lendemain, le 25. Et tout doit être parfait ! Il faut trouver le bon cadeau pour chacun, que tous les plats soient délicieux et que tout le monde passe un bon moment. Donc cette exigence de perfection peut vite devenir stressante, surtout pour ceux qui préparent le repas. Ou plutôt « celles » qui préparent le repas parce qu'en général, ce sont souvent les femmes qui s'occupent de tout ça. Car oui, en France, le partage des taches domestiques, c'est pas encore ça!

Bref, on a tellement envie que tout soit parfait que ça crée parfois des tensions. D'ailleurs, dans un sondage de 2015, « 39% des Français disaient avoir peur de se disputer au repas de Noël ». 39% ! C'est comme si la dispute était devenue un plat à part entière, entre le fromage et le dessert. Bon, je caricature un peu. Dans ma famille, on ne se dispute jamais pour Noël. Mais alors pourquoi certaines personnes ont peur de ça ?

Souvent, c'est parce qu'à Noël, on est obligé de porter un masque. On n'est pas complètement soi-même. Bon, vous pouvez me dire que c'est toujours le cas. Dans chaque sphère de notre vie, on doit jouer un certain rôle : au travail, on est un employé ou un directeur, à la maison, on est un parent ou un enfant, avec nos amis, on est cette personne toujours sympa ou sarcastique. Bref, on adapte un peu notre personnalité aux personnes avec qui on est. Le problème à Noël, c'est qu'on peut être obligé de porter plusieurs masques en même temps pour faire plaisir à tout le monde. Ou alors, on est obligé d'en porter un en particulier qu'on déteste.

Vous savez, il y a toujours ces histoires, ces anecdotes, qu'on raconte aux repas de famille. Le jour où la petite Julie a pleuré parce qu'elle n'a pas reçu le cadeau qu'elle voulait pour Noël. Ensuite, des années plus tard, quand Julie n'est plus une petite fille, elle continue d'entendre cette histoire à chaque Noël. Sa famille continue de la voir comme cette petite fille capricieuse même si maintenant, elle est complètement différente. Et d'une certaine manière, elle doit continuer de jouer ce rôle que sa famille lui a attribué.

J'ai trouvé une citation dans un de ces articles qui dit : « Noël est le moment idéal pour célébrer l'hypocrisie qui est à la base de toute société ». Bon, vous pouvez trouver ça un peu exagéré mais peut-être qu'il y a une part de vérité. Je vais mettre cet article dans les sources de l'épisode pour que vous puissiez le lire si vous avez envie.

Si on prend du recul par rapport à tout ça, on voit que notre rapport à la famille a évolué. Les gens sont devenus beaucoup plus individualistes. Avant, c'était normal de porter ce masque devant sa famille. On y était habitués, on le faisait toute notre vie. Mais ça devient de plus en plus difficile. Les gens n'ont plus envie de « faire semblant », de prétendre être quelqu'un d'autre. Ils préféreraient peut-être rester chez eux et se faire des cadeaux eux-mêmes.

Certaines personnes voient Noël comme une forme d'obligation, de devoir familial. Un devoir qui est de moins en moins nécessaire parce que, contrairement à avant, aujourd'hui l'individu n'a plus besoin de sa famille pour sa survie économique. Ça, il me semble que j'en ai déjà parlé dans l'épisode 39, l'épisode sur l'amour avec la théorie de la sociologue Eva Illouz. Comme l'individu n'a plus besoin de sa famille pour sa sécurité et son confort matériel, il ne comprend pas pourquoi il devrait se forcer à porter un masque. Je sais que c'est un peu cynique comme analyse et qu'on ne peut pas résumer la famille à ça. Mais on ne peut pas nier que la famille est une construction sociale et qu'elle ne joue pas le même rôle dans chaque société. Donc je pense que c'est assez intéressant d'analyser son évolution à travers l'exemple de Noël.

Pour finir, on va parler de la dimension économique de Noël. Décembre, c'est un très bon mois pour les entreprises dans le secteur de la distribution. Elles sont dans une situation idéale parce qu'elles ont en face d'elles des clients qui sont obligés d'acheter. Je dis « obligés » parce que oui, il y a une forme d'obligation, de pression sociale, de faire des cadeaux. Vous imaginez des parents qui disent qu'ils ne font pas de cadeaux à leurs enfants pour Noël ? Les monstres ! Même si ces parents s'occupent très bien de leurs enfants et de leur éducation par ailleurs. À Noël, la société nous dit qu'il faut faire des cadeaux aux enfants. Et les enfants l'ont bien compris. Ils découvrent de plus en plus tôt que le Père Noël n'existe pas et que ce sont leurs parents qui achètent les cadeaux qu'ils ont mis sur leur liste. Mais évidemment ça ne change rien, ils continuent de demander des cadeaux. Ensuite, quand ils sont trop vieux pour ça, on leur donne de l'argent.

Et c'est la même chose entre adultes. Si on veut montrer à une personne qu'on tient à elle, qu'elle est importante pour nous, la société nous dit qu'on doit lui offrir quelque chose.

Évidemment, je suis mal placé pour critiquer ça. J'ai eu la chance de recevoir beaucoup de cadeaux à Noël (et j'en reçois toujours). Bien sûr, les gens le font d'abord par générosité. Mais j'ai l'impression que c'est une générosité qui est de plus en plus imposée, dictée par la société et par les sociétés. Quand je dis « les sociétés », je fais référence aux entreprises parce qu'on dit aussi « une société » pour parler d'une entreprise. À Noël, ces sociétés mettent en scène cette générosité dans leurs campagnes publicitaires. Selon elles, un Noël réussi, c'est un Noël avec des enfants qui ouvrent des tonnes de cadeaux et qui font une indigestion de chocolat !

Mais aujourd'hui, il y a de plus en plus de gens qui s'opposent à cette consommation forcée. Ils savent qu'elle a un impact négatif sur l'environnement, que beaucoup de ces cadeaux ne sont jamais utilisés. Maintenant, il y a même tout un business de revente de cadeaux de Noël sur internet. Après les fêtes, les gens revendent les cadeaux qu'on leur a offerts parce qu'ils les aiment pas ou qu'ils en ont pas besoin. C'est un peu absurde non ?! On passe du temps à chercher et acheter des cadeaux, et ensuite les gens à qui on les a offerts doivent aussi passer du temps à les revendre.

Noël, c'est une période de grand gaspillage. « Le gaspillage », ça vient du verbe « gaspiller ». Et « gaspiller », ça veut dire qu'on n'utilise mal ou pas totalement quelque chose et qu'à cause de ça, on le perd. Ici, dans cet exemple, si on prépare trop de nourriture pour le repas de Noël, on la gaspille parce qu'on ne mange pas tout et qu'on doit la jeter à la poubelle. Alors qu'à côté, il y a des gens qui n'ont pas assez à manger. Bien sûr, ça n'est pas seulement le cas à Noël, c'est comme ça toute l'année. Mais malheureusement à Noël, ce gaspillage est encore plus démesuré.

Voilà, je vais m'arrêter là parce que j'ai pas envie de gâcher, de ruiner votre Noël. Simplement, que ce soit à Noël ou pour d'autres occasions, je pense que c'est important de faire attention à ceux qui nous entourent, ceux qui sont autour de nous. Notre famille bien sûr, mais aussi tous ceux qui n'ont peut-être pas le même confort matériel que nous et qui, eux, ont vraiment besoin de notre générosité. Par exemple au lieu d'acheter des cadeaux inutiles, on peut faire un don à une association.

Pour finir, j'espère vous avoir aidé à faire des progrès en français cette année, et j'espère que vous aurez toujours envie de m'écouter l'année prochaine ! En tout cas moi, je suis très motivé pour continuer. Un grand merci à vous pour votre soutien, pour tous les gentils messages et les encouragements que vous m'avez envoyés. Je vous rappelle que les transcriptions de tous les épisodes sont disponibles sur mon site innerfrench.com donc n'hésitez pas à aller y faire un tour si vous voulez les lire. Passez de très bonnes fêtes de fin d'année et on se retrouve en 2019 !

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