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Bram Stoker - Dracula, Part (35)

Part (35)

Mais je ne dois pas sauter d'étapes, et poursuivre ma narration. Je relevai dûment Van Helsing dans sa surveillance de Lucy. Nous voulions qu'Arthur aille également se reposer, mais il refusa d'abord. Ce ne fut que lorsque je lui dis que nous aurions besoin de son aide pendant la journée, et que nous ne devions pas tous nous écrouler de fatigue, ce dont Lucy pouvait avoir à souffrir, qu'il accepta d'y aller. Van Helsing se montra très gentil avec lui. « Venez, mon enfant », dit-il, « venez avec moi. Vous êtes malade et faible, et vous avez eu à supporter une grande douleur mentale, sans compter ce prélèvement dans vos forces vives que nous avons dû opérer. Vous ne devez pas rester seul; car la solitude est pleine de peurs et d'alarmes. Venez au salon, où il y a un bon feu, et deux sofas. Vous prendrez l'un, et moi l'autre, et notre sympathie nous apportera du réconfort, même si nous ne parlons pas, et même si nous dormons. » Arthur s'en alla avec lui, jetant un dernier regard désespéré sur le visage de Lucy, qui reposait sur son oreiller, presque plus blanc que le drap. Elle reposait parfaitement immobile, et je regardai attentivement autour de moi pour vérifier que tout était comme il le fallait. Je voyais que le changement de pièce n'avait rien retranché à la détermination du Professeur à faire usage de l'ail; les bords de la fenêtre en étaient garnis, et autour du cou de Lucy, par-dessus le mouchoir de soie fine que Van Helsing lui avait fait garder, se trouvait une grosse couronne de ces mêmes fleurs odorantes. Lucy respirait de manière quelque peu stertoreuse, et son visage était au plus mal, parce que sa bouche ouverte montrait ses gencives blanches. Ses dents, dans la lumière crépusculaire et incertaine, semblaient encore plus longues et plus acérées que le matin - et tout particulièrement ses canines, qui paraissaient encore allongées par un méchant jeu de lumière. Je m'assis près d'elle, et elle s'agita dans son sommeil. Au même instant me parvint le bruit sourd de quelque chose bruissant ou se cognant contre la fenêtre. Je m'y rendis sans faire de bruit, et soulevai le rideau par un coin. C'était la pleine lune, et je pus voir que le bruit était causé par une grande chauve-souris qui tournoyait - sans doute attirée par la lumière, même si celle- ci était faible - et qui, de loin en loin, tapait contre la vitre avec ses ailes. Quand je regagnai mon siège, je me rendis compte que Lucy avait légèrement bougé et avait arraché les fleurs d'ail de son cou. Je les replaçai, aussi bien que je pus, et m'assis auprès d'elle. Elle se réveilla à cet instant, et je lui donnai à manger, comme Van Helsing l'avait prescrit. Elle ne mangea que peu, et encore, avec langueur. L'instinct de survie, qui avait accompagné sa lutte lors de toute sa maladie, semblait l'avoir abandonnée. Une chose me frappa : au moment où la conscience lui revint, elle pressa les fleurs d'ail contre elle. Il était vraiment très étrange que lorsqu'elle plongeait dans son état léthargique, avec sa respiration stertoreuse, elle repoussât les fleurs, alors que lorsqu'elle s'éveillait, elle les serrât contre elle. Il était impossible que je fisse erreur là-dessus, car dans les longues heures qui suivirent, il lui arriva à de nombreuses reprises de s'endormir et de s'éveiller, et elle répéta les mêmes gestes à chaque fois. A six heures Van Helsing vint pour la relève. Arthur avait fini par s'assoupir, et il l'avait miséricordieusement laissée dormir. Quand il vit le visage de Lucy, je pus entendre le sifflement de son souffle, et il me dit dans un murmure impérieux : « Tirez les rideaux, je veux de la lumière! » Puis il se pencha, et, son visage effleurant celui de Lucy, il l'examina consciencieusement. Il retira les fleurs et souleva le mouchoir de soie de sa gorge. Et, ce faisant, il sursauta, et je pus l'entendre éructer: « Mein Gott! » comme s'il étouffait. Je me penchai également pour regarder, et un étrange frisson me parcourut. Les blessures de sa gorge avaient totalement disparu. Pendant cinq minutes entières, Van Helsing resta immobile, à la fixer, avec son visage le plus dur. Enfin, il se tourna vers moi et dit calmement : « Elle est en train de mourir. Cela ne sera plus long maintenant. Cela fera une énorme différence, croyez-moi, qu'elle meure consciente ou dans son sommeil. Allez réveiller ce pauvre garçon, et dites-lui de venir assister à sa fin; il nous fait confiance, et nous le lui avons promis. » J'allai dans la salle à manger et le réveillai. Il fut un peu confus pendant un moment, mais lorsqu'il vit la lumière du soleil percer à travers les volets, il pensa qu'il avait dormi trop tard, et exprima son angoisse. Je l'assurai que Lucy était toujours endormie, mais lui dis le plus gentiment possible que Van Helsing et moi-même craignions que sa fin ne fût proche. Il se couvrit le visage

de ses mains, et tomba à genoux à côté du sofa, où il resta peut-être une minute, le visage enfoui, priant, tandis que ses épaules étaient secouées de douleur. Je le pris par la main et l'aidai à se relever. « Venez », dis-je, « mon cher ami, rassemblez tout votre courage, cela sera mieux et plus facile pour elle. » Quand nous arrivâmes dans la chambre de Lucy, je pus voir que Van Helsing avait, avec sa prévoyance habituelle, tout arrangé et mis en ordre pour que les choses aient un air convenable. Il avait même brossé les cheveux de Lucy, qui reposaient sur l'oreiller dans leurs boucles familières et lumineuses. Quand nous entrâmes elle ouvrit les yeux, et murmura doucement : « Arthur ! Oh, mon amour, je suis si heureuse que vous soyez venu ! » Il s'apprêtait à l'embrasser, quand Van Helsing le repoussa en arrière. « Non », murmura-t-il. « Pas encore. Tenez sa main, cela la réconfortera davantage. » Arthur prit sa main et s'agenouilla près d'elle, qui avait retrouvé tout son attrait, les douces lignes de son visage soulignant la beauté angélique de ses yeux. Petit à petit, ses yeux se fermèrent, et elle s'endormit. Pendant un moment sa poitrine se souleva doucement, son souffle entrant et sortant comme celui d'un enfant fatigué. Alors, insensiblement, arriva l'étrange métamorphose que j'avais déjà remarquée pendant la nuit. Son souffle devint stertoreux, la bouche s'ouvrit, et les gencives pâles, rétractées, firent paraître les dents plus longues et plus acérées que jamais. D'une manière somnambulique, vague, inconsciente, elle ouvrit les yeux, qui étaient maintenant ternes et durs à la fois, et dit d'une voix câline, voluptueuse, telle que je ne l'avais jamais entendue sortir de ses lèvres : « Arthur ! Oh mon amour, je suis si heureuse que vous soyez venu ! Embrassez-moi ! » Arthur se précipita pour l'embrasser, mais à cet instant Van Helsing qui, comme moi, avait été alerté par sa voix, fondit sur lui, l'attrapa par le cou avec une force furieuse dont je ne l'imaginais pas capable, et le projeta presque à travers la pièce. « Je vous le défends, pour votre vie ! » cria-t-il « pour votre âme éternelle et pour la sienne ! » Et il se tint entre eux comme un lion aux abois. Arthur était si complètement pris au dépourvu qu'il ne sut pendant un moment que dire ou que faire; et avant qu'une impulsion violente pût s'emparer de lui, il se rappela la situation, et attendit, silencieux. Je gardai mes yeux fixés sur Lucy, tout comme Van Helsing, et nous vîmes un spasme de rage passer comme une ombre sur son visage; les dents acérées s'entrechoquèrent. Puis ses yeux se fermèrent, et elle respira lourdement. Très peu de temps après, elle ouvrit des yeux qui avaient retrouvé toute leur douceur, et, sortant une pauvre main pâle et maigre, elle prit la grande main brune de Van Helsing et, l'attirant à elle, elle l'embrassa. « Mon véritable ami », dit-elle, d'une voix faible, mais vibrante d'une douleur insupportable, « Mon véritable ami, et le sien aussi ! Oh, protégez-le, et donnez-moi la paix ! » « Je le jure », dit-il solennellement, agenouillé auprès d'elle et une main levée, comme quelqu'un qui prête serment. Puis il se tourna vers Arthur et lui dit : « Venez, mon enfant, prenez sa main dans la vôtre, et embrassez-la sur le front, une unique fois. » Leurs yeux se rencontrèrent plutôt que leurs lèvres; et c'est ainsi qu'ils se séparèrent. Les yeux de Lucy se fermèrent; et Van Helsing, qui avait tout observé de près, prit le bras d'Arthur, et l'écarta. « C'est fini », dit Van Helsing. « Elle est morte. » Je pris Arthur par le bras, et l'accompagnai dans la salle à manger, où il s'assit, et couvrit son visage de ses mains, sanglotant d'une manière qui me fendit le cœur.

Je retournai dans la chambre, et trouvai Van Helsing contemplant cette pauvre Lucy, et son visage était plus ferme que jamais. Un changement était survenu sur le corps de la jeune fille. La mort lui avait restitué une part de sa beauté; car son front et ses joues avaient retrouvé leurs lignes fluides; même les lèvres avaient perdu leur pâleur mortelle. C'était comme si le sang, qui n'était plus nécessaire pour faire battre le cœur, avait reflué pour rendre la dureté de la mort moins horrible. « Nous pouvions croire qu'elle était mourante lorsqu'elle dormait, Et endormie, lorsqu'elle mourut. » Je demeurai à côté de Van Helsing et dis : « Eh bien, pauvre fille, elle aura malgré tout trouvé la paix, à la fin ! » Il se tourna vers moi, et dit avec une profonde solennité : « Non, hélas ! Il n'en est pas ainsi. Ce n'est que le commencement ! » Quand je lui demandai ce qu'il voulait dire, il se contenta de secouer la tête et répondit : « Nous ne pouvons rien faire de plus pour le moment. Wait and see. » CHAPITRE 13 Journal du Dr. Seward – suite Les funérailles furent organisées pour le surlendemain, afin que Lucy et sa mère pussent être inhumées ensemble. Je m'occupai de toutes les sinistres formalités, et l'entrepreneur des pompes funèbres fit la preuve que tous ses employés se trouvaient affligés – ou doués - de la même obséquieuse suavité dont il avait lui-même fait montre. Même la femme qui prépara le corps me fit remarquer, en toute confidence, et comme s'adressant à un confrère, quand elle sortit de la chambre mortuaire : « Elle fait une très belle morte, Sir. C'est un privilège de s'occuper d'elle. Ce n'est pas exagéré de dire qu'elle fera honneur à notre établissement ! » Je remarquai que Van Helsing ne s'éloignait jamais. La désorganisation qui régnait dans la maison rendait cela possible. Il n'y avait aucun parent dans le voisinage, et comme Arthur devait rentrer le lendemain pour assister aux funérailles de son père, nous n'avions pas la possibilité de prévenir ceux qui auraient dû être avertis. Dans ces circonstances, Van Helsing et moi- même décidâmes de fouiller parmi les papiers de la maison. Il insista pour examiner lui-même les documents de Lucy. Je lui demandai pourquoi : je croyais qu'étant étranger, il pouvait ne pas être parfaitement averti des détails de la loi anglaise, et pourrait ainsi, par ignorance, causer quelques difficultés. Il me répondit : « Je sais, je sais. Vous oubliez que je suis juriste, aussi bien que médecin. Mais il n'est pas question ici de loi. Vous le saviez, quand vous avez dit qu'il fallait éviter une enquête. Il y a beaucoup plus que cela à éviter. Peut-être trouverons-nous des papiers plus… comme ceci. » Et tout en parlant, il sortit de sa poche le mémorandum que Lucy avait gardé sur elle, et qu'elle avait déchiré dans son sommeil. « Si vous trouvez quoi que ce soit à propos de l'avoué de feue Mrs. Westenra, mettez tous les papiers sous scellés, et écrivez-lui dès ce soir. Quant à moi, je vais fouiller toute la nuit cette chambre, ainsi que l'ancienne chambre de Miss Lucy, pour voir ce que je pourrai trouver. Il ne serait pas bon que ses pensées intimes tombent entre des mains étrangères.

Part (35) Anteil (35) Part (35) Часть (35) Parça (35)

Mais je ne dois pas sauter d'étapes, et poursuivre ma narration. Je relevai dûment Van Helsing dans sa surveillance de Lucy. Nous voulions qu'Arthur aille également se reposer, mais il refusa d'abord. Ce ne fut que lorsque je lui dis que nous aurions besoin de son aide pendant la journée, et que nous ne devions pas tous nous écrouler de fatigue, ce dont Lucy pouvait avoir à souffrir, qu'il accepta d'y aller. Van Helsing se montra très gentil avec lui. « Venez, mon enfant », dit-il, « venez avec moi. Vous êtes malade et faible, et vous avez eu à supporter une grande douleur mentale, sans compter ce prélèvement dans vos forces vives que nous avons dû opérer. Vous ne devez pas rester seul; car la solitude est pleine de peurs et d'alarmes. Venez au salon, où il y a un bon feu, et deux sofas. Vous prendrez l'un, et moi l'autre, et notre sympathie nous apportera du réconfort, même si nous ne parlons pas, et même si nous dormons. » Arthur s'en alla avec lui, jetant un dernier regard désespéré sur le visage de Lucy, qui reposait sur son oreiller, presque plus blanc que le drap. Elle reposait parfaitement immobile, et je regardai attentivement autour de moi pour vérifier que tout était comme il le fallait. Je voyais que le changement de pièce n'avait rien retranché à la détermination du Professeur à faire usage de l'ail; les bords de la fenêtre en étaient garnis, et autour du cou de Lucy, par-dessus le mouchoir de soie fine que Van Helsing lui avait fait garder, se trouvait une grosse couronne de ces mêmes fleurs odorantes. Lucy respirait de manière quelque peu stertoreuse, et son visage était au plus mal, parce que sa bouche ouverte montrait ses gencives blanches. Ses dents, dans la lumière crépusculaire et incertaine, semblaient encore plus longues et plus acérées que le matin - et tout particulièrement ses canines, qui paraissaient encore allongées par un méchant jeu de lumière. Je m'assis près d'elle, et elle s'agita dans son sommeil. Au même instant me parvint le bruit sourd de quelque chose bruissant ou se cognant contre la fenêtre. Je m'y rendis sans faire de bruit, et soulevai le rideau par un coin. C'était la pleine lune, et je pus voir que le bruit était causé par une grande chauve-souris qui tournoyait - sans doute attirée par la lumière, même si celle- ci était faible - et qui, de loin en loin, tapait contre la vitre avec ses ailes. Quand je regagnai mon siège, je me rendis compte que Lucy avait légèrement bougé et avait arraché les fleurs d'ail de son cou. Je les replaçai, aussi bien que je pus, et m'assis auprès d'elle. Elle se réveilla à cet instant, et je lui donnai à manger, comme Van Helsing l'avait prescrit. Elle ne mangea que peu, et encore, avec langueur. L'instinct de survie, qui avait accompagné sa lutte lors de toute sa maladie, semblait l'avoir abandonnée. Une chose me frappa : au moment où la conscience lui revint, elle pressa les fleurs d'ail contre elle. Il était vraiment très étrange que lorsqu'elle plongeait dans son état léthargique, avec sa respiration stertoreuse, elle repoussât les fleurs, alors que lorsqu'elle s'éveillait, elle les serrât contre elle. Il était impossible que je fisse erreur là-dessus, car dans les longues heures qui suivirent, il lui arriva à de nombreuses reprises de s'endormir et de s'éveiller, et elle répéta les mêmes gestes à chaque fois. A six heures Van Helsing vint pour la relève. Arthur avait fini par s'assoupir, et il l'avait miséricordieusement laissée dormir. Quand il vit le visage de Lucy, je pus entendre le sifflement de son souffle, et il me dit dans un murmure impérieux : « Tirez les rideaux, je veux de la lumière! » Puis il se pencha, et, son visage effleurant celui de Lucy, il l'examina consciencieusement. Il retira les fleurs et souleva le mouchoir de soie de sa gorge. Et, ce faisant, il sursauta, et je pus l'entendre éructer: « Mein Gott! » comme s'il étouffait. Je me penchai également pour regarder, et un étrange frisson me parcourut. Les blessures de sa gorge avaient totalement disparu. Pendant cinq minutes entières, Van Helsing resta immobile, à la fixer, avec son visage le plus dur. Enfin, il se tourna vers moi et dit calmement : « Elle est en train de mourir. Cela ne sera plus long maintenant. Cela fera une énorme différence, croyez-moi, qu'elle meure consciente ou dans son sommeil. Allez réveiller ce pauvre garçon, et dites-lui de venir assister à sa fin; il nous fait confiance, et nous le lui avons promis. » J'allai dans la salle à manger et le réveillai. Il fut un peu confus pendant un moment, mais lorsqu'il vit la lumière du soleil percer à travers les volets, il pensa qu'il avait dormi trop tard, et exprima son angoisse. Je l'assurai que Lucy était toujours endormie, mais lui dis le plus gentiment possible que Van Helsing et moi-même craignions que sa fin ne fût proche. Il se couvrit le visage

de ses mains, et tomba à genoux à côté du sofa, où il resta peut-être une minute, le visage enfoui, priant, tandis que ses épaules étaient secouées de douleur. Je le pris par la main et l'aidai à se relever. « Venez », dis-je, « mon cher ami, rassemblez tout votre courage, cela sera mieux et plus facile pour elle. » Quand nous arrivâmes dans la chambre de Lucy, je pus voir que Van Helsing avait, avec sa prévoyance habituelle, tout arrangé et mis en ordre pour que les choses aient un air convenable. Il avait même brossé les cheveux de Lucy, qui reposaient sur l'oreiller dans leurs boucles familières et lumineuses. Quand nous entrâmes elle ouvrit les yeux, et murmura doucement : « Arthur ! Oh, mon amour, je suis si heureuse que vous soyez venu ! » Il s'apprêtait à l'embrasser, quand Van Helsing le repoussa en arrière. « Non », murmura-t-il. « Pas encore. Tenez sa main, cela la réconfortera davantage. » Arthur prit sa main et s'agenouilla près d'elle, qui avait retrouvé tout son attrait, les douces lignes de son visage soulignant la beauté angélique de ses yeux. Petit à petit, ses yeux se fermèrent, et elle s'endormit. Pendant un moment sa poitrine se souleva doucement, son souffle entrant et sortant comme celui d'un enfant fatigué. Alors, insensiblement, arriva l'étrange métamorphose que j'avais déjà remarquée pendant la nuit. Son souffle devint stertoreux, la bouche s'ouvrit, et les gencives pâles, rétractées, firent paraître les dents plus longues et plus acérées que jamais. D'une manière somnambulique, vague, inconsciente, elle ouvrit les yeux, qui étaient maintenant ternes et durs à la fois, et dit d'une voix câline, voluptueuse, telle que je ne l'avais jamais entendue sortir de ses lèvres : « Arthur ! Oh mon amour, je suis si heureuse que vous soyez venu ! Embrassez-moi ! » Arthur se précipita pour l'embrasser, mais à cet instant Van Helsing qui, comme moi, avait été alerté par sa voix, fondit sur lui, l'attrapa par le cou avec une force furieuse dont je ne l'imaginais pas capable, et le projeta presque à travers la pièce. « Je vous le défends, pour votre vie ! » cria-t-il « pour votre âme éternelle et pour la sienne ! » Et il se tint entre eux comme un lion aux abois. Arthur était si complètement pris au dépourvu qu'il ne sut pendant un moment que dire ou que faire; et avant qu'une impulsion violente pût s'emparer de lui, il se rappela la situation, et attendit, silencieux. Je gardai mes yeux fixés sur Lucy, tout comme Van Helsing, et nous vîmes un spasme de rage passer comme une ombre sur son visage; les dents acérées s'entrechoquèrent. Puis ses yeux se fermèrent, et elle respira lourdement. Très peu de temps après, elle ouvrit des yeux qui avaient retrouvé toute leur douceur, et, sortant une pauvre main pâle et maigre, elle prit la grande main brune de Van Helsing et, l'attirant à elle, elle l'embrassa. « Mon véritable ami », dit-elle, d'une voix faible, mais vibrante d'une douleur insupportable, « Mon véritable ami, et le sien aussi ! Oh, protégez-le, et donnez-moi la paix ! » « Je le jure », dit-il solennellement, agenouillé auprès d'elle et une main levée, comme quelqu'un qui prête serment. Puis il se tourna vers Arthur et lui dit : « Venez, mon enfant, prenez sa main dans la vôtre, et embrassez-la sur le front, une unique fois. » Leurs yeux se rencontrèrent plutôt que leurs lèvres; et c'est ainsi qu'ils se séparèrent. Les yeux de Lucy se fermèrent; et Van Helsing, qui avait tout observé de près, prit le bras d'Arthur, et l'écarta. « C'est fini », dit Van Helsing. « Elle est morte. » Je pris Arthur par le bras, et l'accompagnai dans la salle à manger, où il s'assit, et couvrit son visage de ses mains, sanglotant d'une manière qui me fendit le cœur.

Je retournai dans la chambre, et trouvai Van Helsing contemplant cette pauvre Lucy, et son visage était plus ferme que jamais. Un changement était survenu sur le corps de la jeune fille. La mort lui avait restitué une part de sa beauté; car son front et ses joues avaient retrouvé leurs lignes fluides; même les lèvres avaient perdu leur pâleur mortelle. C'était comme si le sang, qui n'était plus nécessaire pour faire battre le cœur, avait reflué pour rendre la dureté de la mort moins horrible. « Nous pouvions croire qu'elle était mourante lorsqu'elle dormait, Et endormie, lorsqu'elle mourut. » Je demeurai à côté de Van Helsing et dis : « Eh bien, pauvre fille, elle aura malgré tout trouvé la paix, à la fin ! » Il se tourna vers moi, et dit avec une profonde solennité : « Non, hélas ! Il n'en est pas ainsi. Ce n'est que le commencement ! » Quand je lui demandai ce qu'il voulait dire, il se contenta de secouer la tête et répondit : « Nous ne pouvons rien faire de plus pour le moment. Wait and see. » CHAPITRE 13 Journal du Dr. Seward – suite Les funérailles furent organisées pour le surlendemain, afin que Lucy et sa mère pussent être inhumées ensemble. Je m'occupai de toutes les sinistres formalités, et l'entrepreneur des pompes funèbres fit la preuve que tous ses employés se trouvaient affligés – ou doués - de la même obséquieuse suavité dont il avait lui-même fait montre. Même la femme qui prépara le corps me fit remarquer, en toute confidence, et comme s'adressant à un confrère, quand elle sortit de la chambre mortuaire : « Elle fait une très belle morte, Sir. C'est un privilège de s'occuper d'elle. Ce n'est pas exagéré de dire qu'elle fera honneur à notre établissement ! » Je remarquai que Van Helsing ne s'éloignait jamais. La désorganisation qui régnait dans la maison rendait cela possible. Il n'y avait aucun parent dans le voisinage, et comme Arthur devait rentrer le lendemain pour assister aux funérailles de son père, nous n'avions pas la possibilité de prévenir ceux qui auraient dû être avertis. Dans ces circonstances, Van Helsing et moi- même décidâmes de fouiller parmi les papiers de la maison. Il insista pour examiner lui-même les documents de Lucy. Je lui demandai pourquoi : je croyais qu'étant étranger, il pouvait ne pas être parfaitement averti des détails de la loi anglaise, et pourrait ainsi, par ignorance, causer quelques difficultés. Il me répondit : « Je sais, je sais. Vous oubliez que je suis juriste, aussi bien que médecin. Mais il n'est pas question ici de loi. Vous le saviez, quand vous avez dit qu'il fallait éviter une enquête. Il y a beaucoup plus que cela à éviter. Peut-être trouverons-nous des papiers plus… comme ceci. » Et tout en parlant, il sortit de sa poche le mémorandum que Lucy avait gardé sur elle, et qu'elle avait déchiré dans son sommeil. « Si vous trouvez quoi que ce soit à propos de l'avoué de feue Mrs. Westenra, mettez tous les papiers sous scellés, et écrivez-lui dès ce soir. "If you find anything about the late Mrs. Westenra's solicitor, put all the papers under seal, and write to him this evening. Quant à moi, je vais fouiller toute la nuit cette chambre, ainsi que l'ancienne chambre de Miss Lucy, pour voir ce que je pourrai trouver. Il ne serait pas bon que ses pensées intimes tombent entre des mains étrangères.