Leçon 22 - À la recherche d'une invitation I
(Il est midi à Paris. Marie-Laure, qui jouait au Luxembourg, rentre à la maison. Elle chante: “Midi! Qui l'a dit? La petite souris! Où est-elle? À la chapelle. Que fait-elle? De la dentelle. Pour qui? Pour les dames de Paris.”)
Mme Belleau: Marie-Laure, c'est toi? Va te laver les mains. Dépêche-toi, tu es en retard!
(Il est midi cinq. Robert est seul à la terrasse de la Closerie des Lilas. Mireille est partie; elle est allée chez elle pour déjeuner avec Papa, Maman, et la petite soeur. Il est six heures cinq—du matin—à New York, et six heures cinq—du soir—à Bombay. Robert a mis sa montre à l'heure française. Il vient de finir son troisième kir. Il appelle le garçon.)
Le garçon: Monsieur?
Robert: Est-ce que je peux téléphoner?
Le garçon: Oui, Monsieur, au sous-sol, à côté des toilettes.
Robert: Euh, ce n'est pas pour les toilettes; c'est pour téléphoner.
Le garçon: Oui, Monsieur. Les cabines téléphoniques sont au sous-sol, en bas, à côté des toilettes, au fond de la salle, à droite.
Robert: Merci.
(Robert se lève, entre dans la salle, et descend au sous-sol pour téléphoner. Il est suivi par un étrange personnage, tout en noir. Robert entre dans la cabine; il essaie de mettre une pièce dans la fente de l'appareil, sans succès. Il sort de la cabine. Il remonte dans la salle. Il va à la caisse.)
Robert: Pour téléphoner, s'il vous plaît?
La caissière: Il faut un jeton.
Robert: Je peux en avoir un, s'il vous plaît?
La caissière: Voilà. Ça fait deux francs. Merci.
(Robert redescend au sous-sol, entre dans la cabine, essaie encore, et cette fois, ça marche.)
Robert: Allô, Madame Courtois?
Une voix, à l'accent portugais: Non, la madame, elle n'est pas là. La madame, elle est sortie. Elle est allée promener Minouche. Elle n'est pas rentrée. Elle va rentrer tout à l'heure, pour déjeuner. Rappelez vers midi, midi et demi.
Robert: Ah, bon. Merci, merci beaucoup. Je vais rappeler dans une demi-heure. Au revoir, Madame.
(Robert sort de la cabine, toujours suivi par l'étrange homme en noir. Robert revient à sa table.)
Robert: Ça fait combien?
Le garçon: Trente et trente: soixante, et quinze: soixante-quinze. Soixante-quinze francs.
Robert: Le service est compris?
Le garçon: Oui, Monsieur, quinze pour cent. Au revoir, Monsieur; merci, Monsieur.
(Robert marche maintenant le long du boulevard Montparnasse. Puis il regarde sa montre, cherche une cabine téléphonique. Ah! En voilà une! Mais Robert n'a pas l'air de comprendre comment elle marche.)
Un passant: Il faut une carte, une carte magnétique. Essayez l'autre; elle marche avec des pièces. Vous avez de la monnaie?
(Robert lui montre une pièce de 10F.)
Robert: C'est tout ce que j'ai.
Le passant: Ah, non, ça ne va pas. C'est pour Paris?
Robert: Oui.
Le passant: Il faut des pièces de 50 centimes, 1 franc, ou 5 francs. Vous n'avez pas de monnaie?
Robert: Pas du tout.
Le passant: Attendez, je vais voir si j'en ai . . . Tenez!
Robert: Merci, au revoir!
(Et Robert peut enfin téléphoner.)
Robert: Allô, Madame Courtois?
La voix à l'accent portugais: Ah, non, c'est la bonne! Attendez, je vous la passe. Madame! C'est le monsieur de tout à l'heure!
Mme Courtois: Allô! Allô, oui!
Robert: Allô, bonjour, Madame.
Mme Courtois: Allô, j'écoute!
Robert: Ici Robert Taylor.
Mme Courtois: Ah, Robert! Comment allez-vous, mon cher petit? Quelle coïncidence! Nous parlions justement de vous hier avec mon mari! Il y a longtemps que vous êtes arrivé?
Robert: Depuis hier, non, oui, enfin . . . avant-hier. Je suis arrivé avant-hier.
Mme Courtois: Ah! Et comment allez-vous? Vous avez fait un bon voyage? Pas trop fatigant, non, avec le décalage horaire? Mon mari, qui voyage beaucoup, dit que ce qu'il y a de plus dur, c'est le décalage horaire. Moi, je ne voyage pas. Je reste à la maison. Qu'est-ce que vous voulez. Avec Minouche, je ne peux pas voyager. Alors, votre maman n'est pas venue? Elle ne vous a pas accompagné? Elle est toujours en Argentine? Sa lettre nous a fait très plaisir. Nous sommes impatients de vous voir. Et je suis sûre que Minouche sera ravie de faire votre connaissance. Minouche? C'est ma chatte. C'est un peu comme notre fille, vous savez. Alors, quand venez-vous nous voir? Alors, aujourd'hui, malheureusement, ce n'est pas possible: Minouche ne va pas très bien. Non, je ne sais pas ce qu'elle a, et il faut que je l'amène cet après-midi chez le docteur. Et puis, mon mari est absent; il est en voyage. Il n'est jamais à la maison, toujours en voyage. Les affaires, vous savez ce que c'est! Je le lui répète tous les jours: tu devrais faire attention! Tu te fatigues trop, ça finira mal; tu vas me faire un infarctus! Il ne m'écoute pas. Il rit! Ah, les hommes! Tous les mêmes! Alors, quand, voyons, quand? Euh . . . après-demain? C'est ça, venez donc dîner après-demain, tout simplement. Nous serons si heureux de vous voir! Alors, c'est entendu: après-demain, disons 7 heures et demie? Ça vous va? Vous avez l'adresse? C'est à côté du Nikko, l'hôtel japonais. Vous trouverez? Alors, nous vous attendons! Au revoir! Et à après-demain, n'oubliez pas, surtout!
(Il est midi 45. Robert a faim. Il aperçoit un café-restaurant et s'assied à une table libre. La serveuse sert un jeune homme à côté.)
La serveuse: Un jambon de pays . . . et un verre de beaujolais. Voilà. Et pour Monsieur, qu'est-ce que ça sera?
Robert: Euh . . . un jambon de pays et un verre de beaujolais, s'il vous plaît.
(Puis, Robert continue sa promenade. Il est une heure 30. Robert hésite, et revient au jardin du Luxembourg. Marie-Laure arrive peu après.)
Marie-Laure: Salut!
Robert: Bonjour!
Marie-Laure: Ça va?
Robert: Mmm . . . Et alors, ce devoir d'anglais, où est-il?
Marie-Laure: Bah, je n'ai pas de devoir d'anglais! Je suis à l'école primaire: on ne fait pas d'anglais, enfin, pas vraiment! Je fais de l'anglais, mais ce n'est pas sérieux! On apprend: “How do you dooo? Very well, thank you." C'est tout.
Robert: Mais alors, pourquoi est-ce que je suis venu ici, moi?
Marie-Laure: Mystère et boule de gomme. Vous en voulez une? C'était bien, la Closerie? Qu'est-ce que vous avez bu?
Robert: Un kir.
Marie-Laure: Ah! Je ne bois que de l'Orangina. Maintenant, vous savez, les jeunes ne boivent plus d'alcool.
(À ce moment, elle aperçoit un mystérieux homme en noir qui se cache derrière un arbre et les regarde.)
Marie-Laure: Vous avez vu ce monsieur, là-bas?
Robert: Tiens! Comme c'est bizarre!
Marie-Laure: Vous le connaissez?
Robert: Non, mais tout à l'heure, à la Closerie, je suis allé téléphoner et il est descendu derrière moi. Il est entré dans la cabine à côté, il y est resté pendant que je téléphonais, il est sorti quand je suis sorti, et il est monté derrière moi. C'est vraiment bizarre.
Marie-Laure: Bizarre, bizarre!