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Enlevé Kidnapped, Chapitre 7

Chapitre 7

VII. Je prends la mer sur le brick « Covenant », de Dysart

Je revins à moi dans l'obscurité, souffrant beaucoup, mains et pieds liés, et assourdi par des bruits insolites. Mes oreilles étaient emplies d'une rumeur d'eaux pareilles à celle d'un énorme ru de moulin, de la pesante retombée des embruns, du tonnerre des voiles, et des cris aigus des matelots. Mon univers tantôt se haussait vertigineusement, tantôt s'enfonçait vertigineusement en moi ; et j'étais physiquement si faible et brisé, et j'avais l'esprit tellement confus, qu'il me fallut longtemps pour rattraper au vol mes idées vacillantes, tandis que la douleur me lancinait à nouveau, – pour comprendre que je devais être enfermé quelque part dans le ventre de cet infâme navire, et que la brise devait avoir renforcé en bourrasque. Avec la nette perception de mon état, un sombre désespoir s'empara de moi, joint au remords cuisant de ma folie, et à une rage furieuse contre mon oncle, qui me priva encore une fois de mes sens.

Lorsque je revins de nouveau à moi, le même tumulte, la même agitation violente et désordonnée continuaient de me secouer et de m'assourdir. En outre, à ma détresse et à mes douleurs s'ajoutait le malaise qu'éprouve un terrien non habitué à la mer. Durant cette période de ma jeunesse aventureuse, j'ai souffert beaucoup de maux, mais aucun ne me ravagea autant l'esprit et le corps, ou me laissa aussi peu d'espérance, que ces quelques heures passées à bord du brick.

J'entendis un coup de canon, et me figurai que la tempête était devenue trop forte pour nous, et que l'on tirait le signal de détresse. L'idée de la délivrance, me vînt-elle par la mort aux profondeurs de la mer, je l'accueillis avec joie. Cependant, ce coup de canon n'était pas un signal de détresse, mais (comme je l'appris plus tard) une habitude du capitaine, que je relate ici pour montrer que le plus méchant homme peut avoir son bon côté. Nous passions alors à quelques milles au large de Dysart, où le brick avait été construit, et où la vieille Mme Hoseason, mère du capitaine, était venue habiter depuis quelques années ; et qu'il fît route dans l'une ou l'autre direction, le Covenant ne passait jamais devant la ville, de jour, sans tirer le canon et hisser les couleurs.

Je n'avais aucun moyen d'évaluer le temps écoulé ; le jour et la nuit étaient pareils dans ce malodorant recoin des entrailles du navire où j'étais emprisonné ; et la misère de ma position doublait la longueur des heures. Je n'ai donc aucun moyen d'évaluer quel laps de temps je restai à attendre que le navire s'entrouvrît sur un écueil, ou qu'il s'enfonçât la tête la première dans les abîmes de la mer. Mais à la fin, le sommeil me déroba la conscience de mes maux.

Je fus réveillé par l'éclat d'une lanterne sourde qu'on approchait de mon visage. Un petit homme d'environ trente ans, avec des yeux verts et une blonde chevelure ébouriffée, était devant moi à me considérer.

– Eh bien, dit-il, comment ça va ?

Je lui répondis par un sanglot. Mon visiteur alors me tâta le pouls et le front, puis se mit à laver et panser la blessure de mon crâne.

– Aïe ! dit-il, un sale coup. Allons, l'ami, gai ! Tout n'est pas perdu ; vous avez mal débuté, mais cela ira mieux par la suite. Avez-vous eu à manger ?

Je lui répondis que je n'avais aucun appétit, sur quoi il me donna un peu d'eau et de brandy dans un gobelet d'étain, et me laissa de nouveau seul.

Quand il revint me voir, j'étais couché à moitié endormi, les yeux grands ouverts dans les ténèbres. Ma faiblesse était passée, mais se trouvait remplacée par un vertige et une nausée qui me semblaient presque pires. J'avais mal, en outre, dans tous les membres, et les cordes qui me liaient me semblaient être de feu. Le remugle du trou dans lequel je gisais s'était comme incorporé à moi ; et durant le long intervalle écoulé depuis sa première visite, j'avais souffert des tortures de la crainte, tantôt à cause des allées et venues des rats, qui me trottinaient jusque sur la figure, et tantôt grâce aux sinistres imaginations qui hantent le lit des fiévreux.

La lueur de la lanterne apparaissant par l'ouverture d'une trappe me parut être la lumière des cireux ; elle eut beau ne me faire voir que la grossière et sombre membrure du navire qui était ma prison, j'en aurais crié de bonheur. L'homme aux yeux verts fut le premier à descendre l'échelle, et je vis qu'il titubait légèrement. Il était suivi du capitaine. Aucun des deux ne prononça une parole ; mais le premier vint m'examiner et pansa ma blessure comme il l'avait déjà fait, tandis que Hoseason me dévisageait avec un regard singulièrement sombre.

– À présent, monsieur, voyez vous-même, dit le premier ; une grosse fièvre, pas d'appétit, l'obscurité, le défaut de nourriture… Vous comprenez ce que cela signifie.

– Je ne suis pas sorcier, monsieur Riach, dit le capitaine.

– Avec votre permission, monsieur, dit Riach, vous avez une tête saine sur vos épaules, et une langue capable d'interroger en bon écossais ; mais je ne vous laisserai aucune échappatoire ; je veux que ce garçon soit ôté de ce trou et mis dans le gaillard d'avant.

– Ce que vous pouvez vouloir, monsieur, ne regarde personne autre que vous, riposta le capitaine ; mais je puis vous dire ce qui en sera. Il est ici, et ici il restera.

– En admettant que vous ayez été payé comme il faut, dit l'autre, je vous demande humblement la liberté de dire que moi je ne l'ai pas été. Je suis payé, et pas trop, pour être le second officier de ce vieux sabot ; et vous savez fort bien que je fais de mon mieux pour gagner mon salaire. Mais je n'ai été payé pour rien autre.

– Si vous vouliez bien retirer votre main de la poêle, monsieur Riach, je n'aurais pas à me plaindre de vous, répliqua le capitaine ; et au lieu de jouer aux charades, je me permettrai de dire que vous ferez mieux de réserver votre haleine pour refroidir votre porridge. On a besoin de nous sur le pont, ajouta-t-il, d'un ton sec, en mettant le pied sur l'échelle.

Mais M. Riach le retint par la manche.

– En admettant que vous ayez été payé pour commettre un assassinat…

Hoseason se retourna sur lui, tout flambant de colère.

– De quoi ? s'écria-t-il. Qu'est-ce que vous dites là ?

– Je dis apparemment ce que vous êtes capable de comprendre, dit M. Riach, qui le regardait fixement dans les yeux.

– Monsieur Riach, j'ai fait trois croisières avec vous, répondit le capitaine. Durant ce temps, j'ai appris à vous connaître ; je suis un homme raide, et dur aussi ; mais pour ce que vous venez de dire là ; – pouah ! – c'est d'un mauvais cœur et d'une conscience troublée. Si vous dites que le garçon va mourir…

– Mais oui, il va mourir ! dit Riach.

– Eh bien, monsieur, n'est-ce pas suffisant ? dit Hoseason. Flanquez-le où il vous plaira.

Là-dessus, le capitaine remonta l'échelle ; et moi, qui étais demeuré silencieux durant toute cette singulière conversation, je vis M. Riach se retourner sur lui et lui faire une révérence jusqu'à terre, évidemment dérisoire. Malgré mon état de faiblesse, je compris deux choses : que le second avait une pointe de boisson, comme le capitaine l'avait insinué, et aussi que (ivre ou non) j'avais sans doute en lui un ami appréciable.

Cinq minutes après, mes liens étaient coupés, j'étais enlevé sur des épaules, porté dans le gaillard d'avant, et déposé tout à trac sur un tas de couvertures, – où je commençai par perdre connaissance.

Ce me fut une bénédiction de rouvrir les yeux au jour, et de me retrouver dans la société des hommes. Le gaillard d'avant était assez spacieux, tout entouré de couchettes sur lesquelles les hommes de la bordée en bas étaient assis à fumer, ou couchés endormis. Comme le temps était calme, et le vent bon, le panneau était ouvert, et non seulement la claire lumière du jour, mais de temps à autre (grâce au roulis) un rai poussiéreux de soleil y pénétraient et m'éblouissaient délicieusement. Je n'eus pas plus tôt fait un mouvement, d'ailleurs, que l'un des hommes vint me donner à boire une potion réconfortante préparée par M. Riach, et m'enjoindre de rester tranquille, afin d'être vite rétabli. Je n'avais rien de cassé, ajouta-t-il : « Un bon coup sur le crâne, ce n'est rien, dit-il. L'ami, c'est moi qui vous l'ai donné ! Je restai là plusieurs jours, étroitement surveillé, et non seulement je recouvrai la santé, mais j'en vins à connaître mes compagnons. C'étaient des gens grossiers, comme la plupart des matelots, retranchés de toutes les douceurs de la vie, et condamnés à rouler ensemble sur les mers, avec des maîtres non moins cruels. Plusieurs, parmi eux, avaient navigué avec les pirates et vu des choses dont j'aurais honte même de parler ; plusieurs avaient déserté les vaisseaux du roi, et portaient autour du cou la cravate de chanvre, ce dont ils ne se cachaient pas ; et tous, comme on dit, étaient à couteaux tirés avec leurs meilleurs amis. Cependant, je n'avais été renfermé que peu de jours avec eux, et je me repentais déjà de ce premier jugement que j'avais porté sur eux à la jetée du Ferry, les déclarant de dégoûtantes brutes. Nulle catégorie d'individus n'est absolument mauvaise ; mais chacune a ses défauts et ses qualités propres ; et mes camarades de bord ne faisaient pas exception à la règle. À coup sûr, ils étaient grossiers, sans doute, et mauvais ; mais ils avaient aussi des vertus. Il leur arrivait d'être obligeants, de paraître simples même pour ma simplicité de rustique, et ils avaient quelques lueurs d'honnêteté.

Il y avait un homme d'environ quarante ans qui restait assis des heures au bord de ma couchette, pour me parler de sa femme et de son enfant. C'était un pêcheur, que la perte de son bateau avait contraint à naviguer au long cours. Or, des années ont beau s'être écoulées depuis, je ne l'ai pas oublié. Sa femme (qui était « jeune par rapport à lui », me répétait-il) attendit en vain le retour de son homme ; jamais plus il ne devait allumer le feu pour elle le matin, ni veiller l'enfant aux jours de maladie. En réalité, la plupart de ces pauvres gens (comme l'événement le montra) faisaient leur dernier voyage ; la mer profonde et ses poissons cannibales les ont reçus ; et il n'est pas généreux de mal parler des morts.

Entre autres bons tours qu'ils me firent, ils me restituèrent mon argent, qui avait été partagé entre eux ; il en manquait environ un tiers, à vrai dire, mais je fus bien aise de le ravoir, car j'en attendais grand bien dans le pays où j'allais. Le navire était frété pour les Carolines ; et il ne faut pas croire que j'y allais simplement comme exilé. Le commerce était déjà beaucoup réduit ; depuis lors, et avec la révolte des colonies et la formation des États-Unis, il a naturellement cessé ; mais en ce temps de ma jeunesse, des Blancs étaient vendus comme esclaves dans les plantations, et c'était le sort auquel mon méchant oncle m'avait condamné.

Le mousse Ransome (qui m'avait le premier parlé de ces atrocités) arrivait parfois de la dunette où il couchait et avait son service, tantôt avec un membre cruellement meurtri, qu'il serrait contre lui sans se plaindre, et tantôt dans des rages folles contre M. Shuan. J'en avais le cœur navré ; mais les hommes tenaient en grande estime le premier officier, qui était, disaient-ils, « le seul marin de toute la bande, et pas si mauvais que ça, une fois sobre ». De fait, je découvris qu'il y avait entre nos deux seconds un singulier contraste : M. Riach était morose, hargneux et féroce quand il était sobre, et M. Shuan n'aurait pas fait de mal à une mouche si ce n'est après avoir bu. Quant au capitaine, on me dit que la boisson n'avait aucune prise sur cet homme de fer.

Je m'efforçai, durant le peu de temps dont je disposai, de faire un homme, je devrais plutôt dire un garçon, de ce pauvre être, Ransome. Mais c'est tout au plus s'il avait sa raison.

Il ne se rappelait rien du temps qui avait précédé son embarquement ; il savait tout juste que son père fabriquait des horloges, et qu'il avait dans un salon un sansonnet qui sifflait le Pays du Nord ; tout autre souvenir avait disparu au cours de ces années de rude labeur et de cruautés. Il se faisait de la terre ferme une idée singulière, cueillie dans des histoires de matelots : c'était pour lui un endroit où les garçons étaient mis à une sorte d'esclavage appelé métier, et où les apprentis étaient sans cesse fouettés et colloqués en d'humides cachots. Il croyait que dans les villes, un individu sur deux était un racoleur, et que dans une maison sur trois, on drogue et on assassine les gens de mer. Je lui racontai que moi-même avais été fort bien traité sur cette terre ferme qui l'épouvantait ainsi ; que j'avais été affectueusement nourri et élevé par mes parents et amis. S'il venait d'être battu, il pleurait amèrement et jurait de s'enfuir ; mais s'il était dans son humeur habituelle de cerveau brûlé, ou (plus encore) s'il avait pris un verre d'alcool dans la dunette, il ne faisait que se moquer de moi.

C'était M. Riach (Dieu lui pardonne) qui donnait à boire au garçon ; et sans doute le faisait-il par bonté ; mais outre que cela nuisait à sa santé, le spectacle était pitoyable de voir cette malheureuse créature abandonnée tituber, danser et bavarder à tort et à travers. Certains de nos hommes riaient, mais pas tous ; d'autres prenaient un air sombre et farouche (ils songeaient, peut-être, à leur jeunesse, ou à leurs enfants) et lui ordonnaient de cesser ses folies et de reprendre sa raison. Pour moi, je rougissais de le regarder, et je revois encore dans mes songes l'infortuné gamin.

Cependant, il faut savoir que le Covenant ne cessait de rencontrer des vents debout et de lutter contre des grosses mers, en sorte que le panneau était presque toujours fermé, et le gaillard d'avant éclairé par une seule lampe de roulis suspendue à un bau. Tout l'équipage était continuellement au travail ; il fallait toutes les heures établir ou réduire la voilure ; la fatigue aigrissait l'humeur des hommes ; le bruit des querelles entre couchettes ne cessait de tout le jour ; et comme je n'avais pas le droit de mettre le pied sur le pont, vous pouvez vous figurer combien j'étais las de cette vie, et impatient de la voir changer.

Elle allait changer, en effet, comme je vais le dire ; mais il me faut rapporter d'abord une conversation que j'eus avec M. Riach, et qui me donna du courage pour supporter mes maux. Le rencontrant à un degré favorable d'ivresse (car, sobre, il ne me regardait même pas), je lui fis jurer le secret, et lui racontai mon histoire.

Il affirma que c'était un véritable roman ; qu'il ferait de son mieux en ma faveur : qu'il me procurerait papier, plume et encore, pour écrire un mot à M. Campbell, et un autre à M. Rankeillor ; et que si je ne lui avais pas menti, il pariait dix contre un qu'il réussirait (avec leur aide) à me tirer de là et à me rétablir dans mes droits.

– En attendant, ajouta-t-il, du courage ! Vous n'êtes pas le premier, croyez-moi. Il y en a beaucoup en train de piocher le tabac, outre-mer, qui devraient monter à cheval devant leur porte, au pays ; beaucoup, des tas ! La vie n'est faite que de vicissitudes, après tout. Tenez, moi, par exemple : je suis fils de laird, et docteur plus qu'à moitié, et me voilà ici, à faire le Jacques devant Hoseason !

Je crus poli de lui demander son histoire. Mais il se mit à siffler.

– Pas la moindre histoire, dit-il. Je voulais rire, voilà tout.

Et il sortit du gaillard d'avant.

Chapitre 7 Κεφάλαιο 7 Chapter 7 Capítulo 7

VII. VII. Je prends la mer sur le brick « Covenant », de Dysart I'm going to sea on the brig "Covenant", from Dysart

Je revins à moi dans l’obscurité, souffrant beaucoup, mains et pieds liés, et assourdi par des bruits insolites. I came to myself in the dark, in great pain, hands and feet bound, and deafened by strange noises. Mes oreilles étaient emplies d’une rumeur d’eaux pareilles à celle d’un énorme ru de moulin, de la pesante retombée des embruns, du tonnerre des voiles, et des cris aigus des matelots. My ears were filled with the murmur of waters like that of an enormous mill stream, the heavy fall of the spray, the thunder of the sails, and the shrill cries of the sailors. Mon univers tantôt se haussait vertigineusement, tantôt s’enfonçait vertigineusement en moi ; et j’étais physiquement si faible et brisé, et j’avais l’esprit tellement confus, qu’il me fallut longtemps pour rattraper au vol mes idées vacillantes, tandis que la douleur me lancinait à nouveau, – pour comprendre que je devais être enfermé quelque part dans le ventre de cet infâme navire, et que la brise devait avoir renforcé en bourrasque. My universe sometimes rose dizzily, sometimes sank dizzily within me; and I was so physically weak and broken, and so confused in mind, that it took me a long time to catch up with my wavering thoughts, as the pain throbbed through me again, - to realize that I had to be locked up somewhere in the belly of this infamous ship, and which the breeze must have strengthened into a gust. Avec la nette perception de mon état, un sombre désespoir s’empara de moi, joint au remords cuisant de ma folie, et à une rage furieuse contre mon oncle, qui me priva encore une fois de mes sens. With the clear perception of my state, a dark despair seized me, joined to the burning remorse of my folly, and to a furious rage against my uncle, who once again deprived me of my senses.

Lorsque je revins de nouveau à moi, le même tumulte, la même agitation violente et désordonnée continuaient de me secouer et de m’assourdir. When I came to, I was still shaken and deafened by the same tumult, the same violent and disorderly agitation. En outre, à ma détresse et à mes douleurs s’ajoutait le malaise qu’éprouve un terrien non habitué à la mer. What's more, my distress and pain were compounded by the discomfort felt by landlubbers unaccustomed to the sea. Durant cette période de ma jeunesse aventureuse, j’ai souffert beaucoup de maux, mais aucun ne me ravagea autant l’esprit et le corps, ou me laissa aussi peu d’espérance, que ces quelques heures passées à bord du brick. During this period of my adventurous youth, I suffered many evils, but none so ravaged my mind and body, or left me so little hope, as those few hours spent on board the brig.

J’entendis un coup de canon, et me figurai que la tempête était devenue trop forte pour nous, et que l’on tirait le signal de détresse. I heard a cannon shot, and imagined that the storm had become too strong for us, and that the distress signal was being fired. L’idée de la délivrance, me vînt-elle par la mort aux profondeurs de la mer, je l’accueillis avec joie. If the idea of deliverance came to me through death in the depths of the sea, I welcomed it with joy. Cependant, ce coup de canon n’était pas un signal de détresse, mais (comme je l’appris plus tard) une habitude du capitaine, que je relate ici pour montrer que le plus méchant homme peut avoir son bon côté. However, this cannon shot was not a signal of distress, but (as I learned later) a habit of the captain, which I relate here to show that the baddest man can have his good side. Nous passions alors à quelques milles au large de Dysart, où le brick avait été construit, et où la vieille Mme Hoseason, mère du capitaine, était venue habiter depuis quelques années ; et qu’il fît route dans l’une ou l’autre direction, le Covenant ne passait jamais devant la ville, de jour, sans tirer le canon et hisser les couleurs. We were then passing a few miles off Dysart, where the brig had been built, and where old Mrs. Hoseason, the captain's mother, had come to live for some years; and whether she sailed in either direction, the Covenant never passed the town by day without firing the cannon and hoisting the colors.

Je n’avais aucun moyen d’évaluer le temps écoulé ; le jour et la nuit étaient pareils dans ce malodorant recoin des entrailles du navire où j’étais emprisonné ; et la misère de ma position doublait la longueur des heures. I had no way of judging the time that had elapsed; day and night were the same in this foul-smelling corner of the bowels of the ship where I was imprisoned; and the misery of my position doubled the length of the hours. Je n’ai donc aucun moyen d’évaluer quel laps de temps je restai à attendre que le navire s’entrouvrît sur un écueil, ou qu’il s’enfonçât la tête la première dans les abîmes de la mer. So I have no way of knowing how long I had to wait for the ship to break open on a reef, or to plunge headlong into the abyss of the sea. Mais à la fin, le sommeil me déroba la conscience de mes maux. But in the end, sleep robbed me of the awareness of my ills.

Je fus réveillé par l’éclat d’une lanterne sourde qu’on approchait de mon visage. I was awakened by the glow of a muted lantern being brought close to my face. Un petit homme d’environ trente ans, avec des yeux verts et une blonde chevelure ébouriffée, était devant moi à me considérer. A small man of about thirty, with green eyes and tousled blond hair, stood before me considering me.

– Eh bien, dit-il, comment ça va ? - Well," he said, "how are you?

Je lui répondis par un sanglot. I answered with a sob. Mon visiteur alors me tâta le pouls et le front, puis se mit à laver et panser la blessure de mon crâne. My visitor then felt my pulse and forehead, and began to wash and dress the wound on my skull.

– Aïe ! - Ouch! dit-il, un sale coup. he says, a dirty trick. Allons, l’ami, gai ! Come on, my friend, cheer up! Tout n’est pas perdu ; vous avez mal débuté, mais cela ira mieux par la suite. All is not lost; you've got off to a bad start, but things will get better later on. Avez-vous eu à manger ? Have you had anything to eat?

Je lui répondis que je n’avais aucun appétit, sur quoi il me donna un peu d’eau et de brandy dans un gobelet d’étain, et me laissa de nouveau seul. I replied that I had no appetite, whereupon he gave me some water and brandy in a pewter goblet, and left me alone again.

Quand il revint me voir, j’étais couché à moitié endormi, les yeux grands ouverts dans les ténèbres. When he came back to see me, I was lying half-asleep, my eyes wide open in the darkness. Ma faiblesse était passée, mais se trouvait remplacée par un vertige et une nausée qui me semblaient presque pires. My weakness had passed, but was replaced by a dizziness and nausea that seemed almost worse. J’avais mal, en outre, dans tous les membres, et les cordes qui me liaient me semblaient être de feu. What's more, all my limbs ached, and the ropes that bound me felt like fire. Le remugle du trou dans lequel je gisais s’était comme incorporé à moi ; et durant le long intervalle écoulé depuis sa première visite, j’avais souffert des tortures de la crainte, tantôt à cause des allées et venues des rats, qui me trottinaient jusque sur la figure, et tantôt grâce aux sinistres imaginations qui hantent le lit des fiévreux. The stench of the hole in which I lay had incorporated itself into me; and during the long interval since his first visit, I had suffered the tortures of fear, sometimes from the comings and goings of the rats, which trotted right up to my face, and sometimes from the sinister imaginations that haunt the beds of fever patients.

La lueur de la lanterne apparaissant par l’ouverture d’une trappe me parut être la lumière des cireux ; elle eut beau ne me faire voir que la grossière et sombre membrure du navire qui était ma prison, j’en aurais crié de bonheur. The glow of the lantern appearing through a hatch opening seemed to me to be the light of the waxy; even though it showed me only the rough, dark frame of the ship that was my prison, I would have cried out in delight. L’homme aux yeux verts fut le premier à descendre l’échelle, et je vis qu’il titubait légèrement. The green-eyed man was the first to descend the ladder, and I could see he was staggering slightly. Il était suivi du capitaine. He was followed by the captain. Aucun des deux ne prononça une parole ; mais le premier vint m’examiner et pansa ma blessure comme il l’avait déjà fait, tandis que Hoseason me dévisageait avec un regard singulièrement sombre. Neither of them uttered a word; but the first came to examine me and dressed my wound as he had done before, while Hoseason stared at me with a singularly sombre gaze.

– À présent, monsieur, voyez vous-même, dit le premier ; une grosse fièvre, pas d’appétit, l’obscurité, le défaut de nourriture… Vous comprenez ce que cela signifie. - Now, sir, see for yourself," said the first; "a high fever, no appetite, darkness, lack of food... You understand what this means.

– Je ne suis pas sorcier, monsieur Riach, dit le capitaine. - I'm no sorcerer, Mr. Riach," says the captain.

– Avec votre permission, monsieur, dit Riach, vous avez une tête saine sur vos épaules, et une langue capable d’interroger en bon écossais ; mais je ne vous laisserai aucune échappatoire ; je veux que ce garçon soit ôté de ce trou et mis dans le gaillard d’avant. - With your permission, sir," says Riach, "you have a sound head on your shoulders, and a tongue capable of questioning like a good Scotsman; but I'll leave you no loophole; I want that boy removed from that hole and put in the forecastle.

– Ce que vous pouvez vouloir, monsieur, ne regarde personne autre que vous, riposta le capitaine ; mais je puis vous dire ce qui en sera. - What you may want, sir, is nobody's business but yours," retorted the captain, "but I can tell you what it will be. Il est ici, et ici il restera. It's here, and here it will stay.

– En admettant que vous ayez été payé comme il faut, dit l’autre, je vous demande humblement la liberté de dire que moi je ne l’ai pas été. - Assuming you've been properly paid," says the other, "I humbly beg the liberty of saying that I haven't been. Je suis payé, et pas trop, pour être le second officier de ce vieux sabot ; et vous savez fort bien que je fais de mon mieux pour gagner mon salaire. I'm paid, and not too much, to be the second officer of this old clog; and you know very well that I do my best to earn my wages. Mais je n’ai été payé pour rien autre. But I wasn't paid for anything else.

– Si vous vouliez bien retirer votre main de la poêle, monsieur Riach, je n’aurais pas à me plaindre de vous, répliqua le capitaine ; et au lieu de jouer aux charades, je me permettrai de dire que vous ferez mieux de réserver votre haleine pour refroidir votre porridge. - If you'd take your hand out of the frying pan, Mr. Riach, I wouldn't have any complaints about you," replied the captain, "and instead of playing charades, I'd like to say that you'd better save your breath for cooling your porridge. On a besoin de nous sur le pont, ajouta-t-il, d’un ton sec, en mettant le pied sur l’échelle. We're needed on deck," he added tersely, stepping onto the ladder.

Mais M. Riach le retint par la manche. But Mr. Riach held him back by the sleeve.

– En admettant que vous ayez été payé pour commettre un assassinat… - Assuming you were paid to commit an assassination...

Hoseason se retourna sur lui, tout flambant de colère. Hoseason turned on him, blazing with anger.

– De quoi ? - What? s’écria-t-il. he exclaimed. Qu’est-ce que vous dites là ? What are you saying?

– Je dis apparemment ce que vous êtes capable de comprendre, dit M. Riach, qui le regardait fixement dans les yeux. - I'm apparently saying what you're capable of understanding," said Mr. Riach, staring into his eyes.

– Monsieur Riach, j’ai fait trois croisières avec vous, répondit le capitaine. - Mr. Riach, I've been on three cruises with you," replied the captain. Durant ce temps, j’ai appris à vous connaître ; je suis un homme raide, et dur aussi ; mais pour ce que vous venez de dire là ; – pouah ! In that time, I've gotten to know you; I'm a stiff man, and a hard one too; but for what you just said there; - pooh! – c’est d’un mauvais cœur et d’une conscience troublée. - is from a bad heart and a troubled conscience. Si vous dites que le garçon va mourir… If you say the boy is going to die...

– Mais oui, il va mourir ! - Yes, he's going to die! dit Riach. says Riach.

– Eh bien, monsieur, n’est-ce pas suffisant ? - Well, sir, isn't that enough? dit Hoseason. says Hoseason. Flanquez-le où il vous plaira. Flank it wherever you like.

Là-dessus, le capitaine remonta l’échelle ; et moi, qui étais demeuré silencieux durant toute cette singulière conversation, je vis M. Riach se retourner sur lui et lui faire une révérence jusqu’à terre, évidemment dérisoire. With that, the captain climbed back up the ladder; and I, who had remained silent throughout this singular conversation, saw Mr. Riach turn on him and curtsey to the ground, obviously in derision. Malgré mon état de faiblesse, je compris deux choses : que le second avait une pointe de boisson, comme le capitaine l’avait insinué, et aussi que (ivre ou non) j’avais sans doute en lui un ami appréciable. Despite my weakened state, I realized two things: that the first mate had a touch of the drink, as the captain had insinuated, and also that (drunk or not) I probably had an appreciable friend in him.

Cinq minutes après, mes liens étaient coupés, j’étais enlevé sur des épaules, porté dans le gaillard d’avant, et déposé tout à trac sur un tas de couvertures, – où je commençai par perdre connaissance. Five minutes later, my bonds were cut, I was lifted onto my shoulders, carried into the forecastle and deposited on a pile of blankets, where I first lost consciousness.

Ce me fut une bénédiction de rouvrir les yeux au jour, et de me retrouver dans la société des hommes. It was a blessing to open my eyes to daylight again, and to find myself back in human society. Le gaillard d’avant était assez spacieux, tout entouré de couchettes sur lesquelles les hommes de la bordée en bas étaient assis à fumer, ou couchés endormis. The forecastle was quite spacious, all surrounded by bunks on which the men of the party below were sitting smoking, or lying asleep. Comme le temps était calme, et le vent bon, le panneau était ouvert, et non seulement la claire lumière du jour, mais de temps à autre (grâce au roulis) un rai poussiéreux de soleil y pénétraient et m’éblouissaient délicieusement. As the weather was calm, and the wind good, the hatch was open, and not only the clear daylight, but from time to time (thanks to the roll) a dusty ray of sunlight penetrated it and dazzled me deliciously. Je n’eus pas plus tôt fait un mouvement, d’ailleurs, que l’un des hommes vint me donner à boire une potion réconfortante préparée par M. Riach, et m’enjoindre de rester tranquille, afin d’être vite rétabli. No sooner had I made a move, moreover, than one of the men came to give me to drink a comforting potion prepared by Mr. Riach, and enjoined me to keep quiet, so as to get well soon. Je n’avais rien de cassé, ajouta-t-il : « Un bon coup sur le crâne, ce n’est rien, dit-il. I hadn't broken anything," he added. "A good blow to the skull is nothing," he said. L’ami, c’est moi qui vous l’ai donné ! I gave it to you, my friend! Je restai là plusieurs jours, étroitement surveillé, et non seulement je recouvrai la santé, mais j’en vins à connaître mes compagnons. I stayed there for several days, closely supervised, and not only recovered my health, but came to know my companions. C’étaient des gens grossiers, comme la plupart des matelots, retranchés de toutes les douceurs de la vie, et condamnés à rouler ensemble sur les mers, avec des maîtres non moins cruels. They were coarse folk, like most sailors, cut off from all the sweets of life, and condemned to roll together on the seas, with masters no less cruel. Plusieurs, parmi eux, avaient navigué avec les pirates et vu des choses dont j’aurais honte même de parler ; plusieurs avaient déserté les vaisseaux du roi, et portaient autour du cou la cravate de chanvre, ce dont ils ne se cachaient pas ; et tous, comme on dit, étaient à couteaux tirés avec leurs meilleurs amis. Several of them had sailed with the pirates, and seen things I'd be ashamed even to talk about; several had deserted the king's ships, and wore the hemp tie around their necks, which they didn't hide; and all of them, as they say, were at loggerheads with their best friends. Cependant, je n’avais été renfermé que peu de jours avec eux, et je me repentais déjà de ce premier jugement que j’avais porté sur eux à la jetée du Ferry, les déclarant de dégoûtantes brutes. However, I'd only been confined with them for a few days, and I was already repenting the first judgment I'd passed on them at Ferry Pier, declaring them disgusting brutes. Nulle catégorie d’individus n’est absolument mauvaise ; mais chacune a ses défauts et ses qualités propres ; et mes camarades de bord ne faisaient pas exception à la règle. No category of people is absolutely bad, but each has its own faults and qualities, and my shipmates were no exception. À coup sûr, ils étaient grossiers, sans doute, et mauvais ; mais ils avaient aussi des vertus. To be sure, they were rude, no doubt, and evil; but they also had virtues. Il leur arrivait d’être obligeants, de paraître simples même pour ma simplicité de rustique, et ils avaient quelques lueurs d’honnêteté. Sometimes they were obliging, they seemed simple even for my rustic simplicity, and they had a few glimmers of honesty.

Il y avait un homme d’environ quarante ans qui restait assis des heures au bord de ma couchette, pour me parler de sa femme et de son enfant. There was a man of about forty who would sit for hours at the edge of my bunk, talking to me about his wife and child. C’était un pêcheur, que la perte de son bateau avait contraint à naviguer au long cours. He was a fisherman, whose lost boat had forced him to sail the long distance. Or, des années ont beau s’être écoulées depuis, je ne l’ai pas oublié. And though years have passed since then, I haven't forgotten it. Sa femme (qui était « jeune par rapport à lui », me répétait-il) attendit en vain le retour de son homme ; jamais plus il ne devait allumer le feu pour elle le matin, ni veiller l’enfant aux jours de maladie. His wife (who was "young compared to him", he kept telling me) waited in vain for her man to return; never again was he to light the fire for her in the morning, or look after the child on sick days. En réalité, la plupart de ces pauvres gens (comme l’événement le montra) faisaient leur dernier voyage ; la mer profonde et ses poissons cannibales les ont reçus ; et il n’est pas généreux de mal parler des morts. In reality, most of these poor people (as the event showed) were on their last voyage; the deep sea and its cannibalistic fish received them; and it's not generous to speak ill of the dead.

Entre autres bons tours qu’ils me firent, ils me restituèrent mon argent, qui avait été partagé entre eux ; il en manquait environ un tiers, à vrai dire, mais je fus bien aise de le ravoir, car j’en attendais grand bien dans le pays où j’allais. Among other good tricks they played on me, they gave me back my money, which had been divided between them; about a third was missing, to tell the truth, but I was quite happy to get it back, as I was expecting a lot of it in the country I was going to. Le navire était frété pour les Carolines ; et il ne faut pas croire que j’y allais simplement comme exilé. The ship was chartered for the Carolinas, and I mustn't be fooled into thinking I was going there simply as an exile. Le commerce était déjà beaucoup réduit ; depuis lors, et avec la révolte des colonies et la formation des États-Unis, il a naturellement cessé ; mais en ce temps de ma jeunesse, des Blancs étaient vendus comme esclaves dans les plantations, et c’était le sort auquel mon méchant oncle m’avait condamné. The trade was already much reduced; since then, and with the revolt of the colonies and the formation of the United States, it has naturally ceased; but in those days of my youth, whites were sold as slaves on the plantations, and that was the fate to which my wicked uncle had condemned me.

Le mousse Ransome (qui m’avait le premier parlé de ces atrocités) arrivait parfois de la dunette où il couchait et avait son service, tantôt avec un membre cruellement meurtri, qu’il serrait contre lui sans se plaindre, et tantôt dans des rages folles contre M. Shuan. Foam Ransome (who had first told me about these atrocities) would sometimes arrive from the dunette where he slept and had his service, sometimes with a cruelly bruised limb, which he clutched uncomplainingly, and sometimes in mad rages against Mr. Shuan. J’en avais le cœur navré ; mais les hommes tenaient en grande estime le premier officier, qui était, disaient-ils, « le seul marin de toute la bande, et pas si mauvais que ça, une fois sobre ». I was heartbroken, but the men held the first officer in high esteem, as he was, they said, "the only sailor in the whole bunch, and not that bad when sober". De fait, je découvris qu’il y avait entre nos deux seconds un singulier contraste : M. Riach était morose, hargneux et féroce quand il était sobre, et M. Shuan n’aurait pas fait de mal à une mouche si ce n’est après avoir bu. In fact, I discovered that there was a singular contrast between our two seconds: Mr. Riach was morose, surly and fierce when sober, and Mr. Shuan wouldn't hurt a fly except after drinking. Quant au capitaine, on me dit que la boisson n’avait aucune prise sur cet homme de fer. As for the captain, I'm told that drink had no hold on this man of iron.

Je m’efforçai, durant le peu de temps dont je disposai, de faire un homme, je devrais plutôt dire un garçon, de ce pauvre être, Ransome. I endeavored, in the short time available to me, to make a man, or rather a boy, out of this poor creature, Ransome. Mais c’est tout au plus s’il avait sa raison. But that's at most if he had his reason.

Il ne se rappelait rien du temps qui avait précédé son embarquement ; il savait tout juste que son père fabriquait des horloges, et qu’il avait dans un salon un sansonnet qui sifflait le Pays du Nord ; tout autre souvenir avait disparu au cours de ces années de rude labeur et de cruautés. He remembered nothing of the time before his embarkation; all he knew was that his father made clocks, and that he had a sansonnet in a living room that whistled the North Country; all other memories had disappeared in the course of those years of hard labor and cruelty. Il se faisait de la terre ferme une idée singulière, cueillie dans des histoires de matelots : c’était pour lui un endroit où les garçons étaient mis à une sorte d’esclavage appelé métier, et où les apprentis étaient sans cesse fouettés et colloqués en d’humides cachots. He had a peculiar idea of dry land, gleaned from stories of sailors: for him, it was a place where boys were put into a kind of slavery called trade, and apprentices were constantly whipped and huddled in dank dungeons. Il croyait que dans les villes, un individu sur deux était un racoleur, et que dans une maison sur trois, on drogue et on assassine les gens de mer. He believed that in the cities, one out of every two people was a racketeer, and that in one out of every three houses, seafarers were being drugged and murdered. Je lui racontai que moi-même avais été fort bien traité sur cette terre ferme qui l’épouvantait ainsi ; que j’avais été affectueusement nourri et élevé par mes parents et amis. I told him how well I'd been treated on the dry land that so frightened him; how I'd been lovingly nurtured and raised by my parents and friends. S’il venait d’être battu, il pleurait amèrement et jurait de s’enfuir ; mais s’il était dans son humeur habituelle de cerveau brûlé, ou (plus encore) s’il avait pris un verre d’alcool dans la dunette, il ne faisait que se moquer de moi. If he'd just been beaten up, he'd weep bitterly and swear he'd run away; but if he was in his usual burnt-brain mood, or (even more so) if he'd had a glass of booze in the dunette, he'd just laugh at me.

C’était M. Riach (Dieu lui pardonne) qui donnait à boire au garçon ; et sans doute le faisait-il par bonté ; mais outre que cela nuisait à sa santé, le spectacle était pitoyable de voir cette malheureuse créature abandonnée tituber, danser et bavarder à tort et à travers. It was Mr. Riach (God forgive him) who gave the boy a drink; and no doubt he did it out of kindness; but apart from the fact that it was detrimental to his health, it was a pitiful sight to see this unfortunate, abandoned creature staggering, dancing and chattering away. Certains de nos hommes riaient, mais pas tous ; d’autres prenaient un air sombre et farouche (ils songeaient, peut-être, à leur jeunesse, ou à leurs enfants) et lui ordonnaient de cesser ses folies et de reprendre sa raison. Some of our men laughed, but not all; others looked grim and fierce (thinking, perhaps, of their youth, or their children) and ordered him to cease his follies and come to his senses. Pour moi, je rougissais de le regarder, et je revois encore dans mes songes l’infortuné gamin. As for me, I blushed to look at him, and I still see the unfortunate kid in my dreams.

Cependant, il faut savoir que le Covenant ne cessait de rencontrer des vents debout et de lutter contre des grosses mers, en sorte que le panneau était presque toujours fermé, et le gaillard d’avant éclairé par une seule lampe de roulis suspendue à un bau. However, the Covenant was constantly encountering headwinds and heavy seas, so the hatch was almost always closed, and the forecastle lit by a single roll light suspended from a bau. Tout l’équipage était continuellement au travail ; il fallait toutes les heures établir ou réduire la voilure ; la fatigue aigrissait l’humeur des hommes ; le bruit des querelles entre couchettes ne cessait de tout le jour ; et comme je n’avais pas le droit de mettre le pied sur le pont, vous pouvez vous figurer combien j’étais las de cette vie, et impatient de la voir changer. The whole crew was constantly at work, with sails having to be set or trimmed every hour; fatigue soured the men's moods; the noise of bunk quarrels went on all day long; and as I was not allowed to set foot on deck, you can imagine how weary I was of this life, and how impatient I was to see it change.

Elle allait changer, en effet, comme je vais le dire ; mais il me faut rapporter d’abord une conversation que j’eus avec M. Riach, et qui me donna du courage pour supporter mes maux. It was going to change, indeed, as I'm going to say; but first I must report a conversation I had with Mr. Riach, which gave me courage to bear my troubles. Le rencontrant à un degré favorable d’ivresse (car, sobre, il ne me regardait même pas), je lui fis jurer le secret, et lui racontai mon histoire. Meeting him in a favorable state of intoxication (for, sober, he wouldn't even look at me), I swore him to secrecy, and told him my story.

Il affirma que c’était un véritable roman ; qu’il ferait de son mieux en ma faveur : qu’il me procurerait papier, plume et encore, pour écrire un mot à M. Campbell, et un autre à M. Rankeillor ; et que si je ne lui avais pas menti, il pariait dix contre un qu’il réussirait (avec leur aide) à me tirer de là et à me rétablir dans mes droits. He said it was a real novel; that he'd do his best on my behalf: that he'd get me paper, pen and more, to write a note to Mr. Campbell, and another to Mr. Rankeillor; and that if I hadn't lied to him, he'd bet ten to one that he'd succeed (with their help) in getting me out of this and restoring me to my rights.

– En attendant, ajouta-t-il, du courage ! - In the meantime," he added, "cheer up! Vous n’êtes pas le premier, croyez-moi. You're not the first, believe me. Il y en a beaucoup en train de piocher le tabac, outre-mer, qui devraient monter à cheval devant leur porte, au pays ; beaucoup, des tas ! There are plenty of tobacco pickers overseas who should be riding their horses back home; lots and lots of them! La vie n’est faite que de vicissitudes, après tout. Life is made up of vicissitudes, after all. Tenez, moi, par exemple : je suis fils de laird, et docteur plus qu’à moitié, et me voilà ici, à faire le Jacques devant Hoseason ! Take me, for example: I'm a laird's son, and more than half a doctor, and here I am, playing Jacques to Hoseason!

Je crus poli de lui demander son histoire. I thought it polite to ask him for his story. Mais il se mit à siffler. But he began to whistle.

– Pas la moindre histoire, dit-il. - Not a single story," he says. Je voulais rire, voilà tout. I just wanted to laugh, that's all.

Et il sortit du gaillard d’avant. And he climbed out of the forecastle.