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PLATON (Πλάτων) La République. Livre Septième., 08. PLATON. La République. Livre Septième. Partie 8/11.

08. PLATON. La République. Livre Septième. Partie 8/11.

Revenons alors sur nos pas. Car tout à l'heure nous n'avons pas pris la science qui dans l'ordre vient immédiatement après la géométrie [25].

Comment avons-nous donc fait ?

Nous avons quitté les surfaces pour nous occuper des solides en mouvement, avant de nous occuper des solides en eux-mêmes. L'ordre exige qu'après ce qui est composé de deux dimensions, nous passions à ce qui en a trois, c'est-à-dire aux cubes, et à tout ce qui a de la profondeur.

Il est vrai : mais il semble, Socrate, que cette science n'est pas encore découverte.

Cela vient de deux causes. La première est qu'aucun État ne faisant assez de cas de ces découvertes, on y travaille faiblement, parce qu'elles sont pénibles. La seconde est que ceux qui s'y appliquent auraient besoin d'un guide, sans lequel leurs recherches seront inutiles. Or, il est difficile d'en trouver un bon ; et quand on en trouverait un, dans l'état actuel des choses, ceux qui s'occupent de ces recherches ont trop de présomption pour lui obéir. Mais si un État qui estimerait ces travaux, en prenait la direction, les individus se prêteraient à ses vues, et grâce à des efforts concertés et soutenus la science prendrait son développement véritable, puisque aujourd'hui même, méprisée et entravée par le vulgaire, entre les mains de gens qui y travaillent sans comprendre toute son utilité, malgré tous ces obstacles, par la seule force du charme qu'elle exerce, elle fait des progrès, et il n'est pas surprenant qu'elle en soit au point où nous la voyons.

Je conviens, Socrate, qu'il n'est point d'étude plus attrayante que celle-là : mais explique-moi ce que tu disais tout à l'heure. Tu as d'abord placé la géométrie ou la science des surfaces.

Oui.

Ensuite l'astronomie immédiatement après. Puis tu es revenu sur tes pas.

C'est qu'en voulant trop me hâter, je recule au lieu d'avancer. Je devais, après la géométrie, parler des solides : mais voyant l'état pitoyable de cette étude, je l'ai laissée de côté pour passer à l'astronomie, c'est-à-dire aux solides en mouvement.

À la bonne heure.

Mettons par conséquent l'astronomie à la quatrième place, en supposant réalisée cette science qui manque aujourd'hui, du moment qu'un État s'en occuperait.

En effet elle ne pourrait manquer de l'être bientôt. Mais à ce propos, puisque tu m'as reproché d'avoir fait un éloge maladroit de l'astronomie, je vais la louer d'une manière conforme à tes idées. Il est, ce me semble, évident pour tout le monde, qu'elle oblige l'âme à regarder en haut et à passer des choses de la terre à la contemplation de celles du ciel.

Peut-être cela est-il évident pour tout autre que pour moi : mais je n'en juge pas de même.

Comment en juges-tu Socrate ?

De la manière dont je la vois traiter par ceux qui l'érigent en philosophie, c'est en bas, selon moi, qu'elle fait regarder.

Que veux-tu dire ?

Vraiment, il me semble que tu te fais-là une belle idée [26] de la connaissance qui a pour objet les choses d'en haut. À ce compte, qu'un homme démêle quelque chose dans un plafond en considérant de bas en haut ses divers ornements, tu ne manqueras pas de dire qu'il regarde des yeux de l'âme et non de ceux du corps. Peut-être as-tu raison et me trompé-je grossièrement. Pour moi, je ne puis reconnaître d'autre science qui fasse regarder l'âme en haut que celle qui a pour objet ce qui est et ce qu'on ne voit pas, que l'on acquière cette science en regardant en haut, la bouche béante, ou en baissant la tête et clignant les yeux ; tandis que si quelqu'un regarde en haut, la bouche béante, pour apprendre quelque chose de sensible, je nie même qu'il apprenne quelque chose, parce que rien de sensible n'est objet de science, et je soutiens que de cette manière son âme ne regarde point en haut, mais en bas, fût-il couché à la renverse sur la terre ou sur la mer [27].

Tu as raison de me reprendre Socrate : je n'ai que ce que je mérite. Mais dis-moi de quelle manière tu voudrais réformer l'étude de l'astronomie, pour que cette étude devînt profitable dans le sens dont nous parlons.

Le voici. Certes les ornements dont la voûte des cieux est décorée, doivent être considérés comme ce qu'il y a de plus beau et de plus accompli dans leur ordre ; néanmoins, comme toute cette magnificence appartient à l'ordre des choses visibles, j'entends qu'il la faut considérer comme très inférieure à cette magnificence véritable que produisent la vraie vitesse et la vraie lenteur, dans leurs mouvements respectifs et dans ceux des grands corps auxquels elles sont attachées, selon le vrai nombre et toutes les vraies figures. Or, ces choses échappent à la vue et ne peuvent se saisir que par l'entendement et la pensée : ou peut-être crois-tu le contraire ?

Nullement.

Je veux donc que la beauté dont le ciel est décoré soit le symbole de cette autre beauté, et serve à notre instruction, comme seraient pour un géomètre des dessins tracés et exécutés par Dédale ou par tout autre sculpteur ou peintre. Tout en les considérant comme des chefs-d'œuvre d'art, un géomètre croirait ridicule de les étudier sérieusement, pour y découvrir la vérité absolue des rapports entre des quantités égales, doubles et autres.

Assurément, cela serait ridicule.

Le véritable astronome n'aura-t-il pas la même pensée en considérant les mouvements célestes ? Toute la perfection que l'artiste dont nous venons de parler, aura pu mettre dans ses ouvrages, l'astronome s'attendra bien à la trouver dans l'œuvre de celui qui a fait le ciel et tout ce qu'il renferme ; mais quant aux rapports du jour à la nuit, des jours aux mois, des mois aux années, enfin des autres astres soit entre eux soit avec la lune et le soleil ; ne crois-tu pas qu'il regardera comme une extravagance de s'imaginer que ces rapports soient toujours les mêmes, et qu'ils ne changent jamais, lorsqu'il ne s'agit que de phénomènes matériels et visibles, et de se donner bien du mal pour trouver dans ces phénomènes la vérité même de ces rapports ?

Je le crois aussi, Socrate, d'après ce que tu viens de dire.

Étudions donc l'astronomie comme la géométrie, pour nous servir des données qu'elle fournit ; et laissons là le ciel et ses phénomènes, si nous voulons, en vrais astronomes, rendre utile la partie intelligente de notre âme, d'inutile qu'elle était auparavant.

Tu nous rends là, Socrate, l'étude de l'astronomie dix fois plus difficile qu'elle ne l'est aujourd'hui.

08. PLATON. La République. Livre Septième. Partie 8/11. 08. PLATON. Die Republik. Buch 7. Teil 8/11. 08. PLATO. The Republic. Book Seven. Part 8/11. 08. PLATO. Republika. Księga siódma. Część 8/11. 08. PLATO. Cumhuriyet. Yedinci Kitap. Bölüm 8/11.

Revenons alors sur nos pas. Let's go back then. Car tout à l'heure nous n'avons pas pris la science qui dans l'ordre vient immédiatement après la géométrie [25]. Because just now we have not taken the science that in the order comes immediately after the geometry [25].

Comment avons-nous donc fait ?

Nous avons quitté les surfaces pour nous occuper des solides en mouvement, avant de nous occuper des solides en eux-mêmes. We left the surfaces to take care of the moving solids, before taking care of the solids in themselves. L'ordre exige qu'après ce qui est composé de deux dimensions, nous passions à ce qui en a trois, c'est-à-dire aux cubes, et à tout ce qui a de la profondeur. The order requires that after what is composed of two dimensions, we pass to what has three, that is to say cubes, and all that has depth.

Il est vrai : mais il semble, Socrate, que cette science n'est pas encore découverte.

Cela vient de deux causes. This comes from two causes. La première est qu'aucun État ne faisant assez de cas de ces découvertes, on y travaille faiblement, parce qu'elles sont pénibles. The first is that no state does enough cases of these discoveries, it is working weakly, because they are painful. La seconde est que ceux qui s'y appliquent auraient besoin d'un guide, sans lequel leurs recherches seront inutiles. The second is that those who apply it would need a guide, without which their research would be useless. Or, il est difficile d'en trouver un bon ; et quand on en trouverait un, dans l'état actuel des choses, ceux qui s'occupent de ces recherches ont trop de présomption pour lui obéir. But it is difficult to find a good one; and when we find one, in the present state of things, those who are engaged in this research have too much presumption to obey it. Mais si un État qui estimerait ces travaux, en prenait la direction, les individus se prêteraient à ses vues, et grâce à des efforts concertés et soutenus la science prendrait son développement véritable, puisque aujourd'hui même, méprisée et entravée par le vulgaire, entre les mains de gens qui y travaillent sans comprendre toute son utilité, malgré tous ces obstacles, par la seule force du charme qu'elle exerce, elle fait des progrès, et il n'est pas surprenant qu'elle en soit au point où nous la voyons. But if a State which esteems these works, took the direction, the individuals would lend themselves to its views, and thanks to concerted and sustained efforts, science would take its true development, since even today, despised and hindered by the vulgar, in the hands of people who work there without understanding all its usefulness, in spite of all these obstacles, by the sheer force of charm that it exerts, it makes progress, and it is not surprising that it is at the point where we see her.

Je conviens, Socrate, qu'il n'est point d'étude plus attrayante que celle-là : mais explique-moi ce que tu disais tout à l'heure. I agree, Socrates, that there is no study more attractive than this: but explain to me what you were saying just now. Tu as d'abord placé la géométrie ou la science des surfaces.

Oui.

Ensuite l'astronomie immédiatement après. Puis tu es revenu sur tes pas. Then you came back on your steps.

C'est qu'en voulant trop me hâter, je recule au lieu d'avancer. It is that by wanting to hasten too much, I retreat instead of advancing. Je devais, après la géométrie, parler des solides : mais voyant l'état pitoyable de cette étude, je l'ai laissée de côté pour passer à l'astronomie, c'est-à-dire aux solides en mouvement. I had to talk about solids after geometry, but seeing the pitiful state of this study, I left it aside to move on to astronomy, that is, moving solids.

À la bonne heure. All in good time.

Mettons par conséquent l'astronomie à la quatrième place, en supposant réalisée cette science qui manque aujourd'hui, du moment qu'un État s'en occuperait. So let's put astronomy in fourth place, assuming the science that is missing today, as long as a state would do it.

En effet elle ne pourrait manquer de l'être bientôt. Indeed, it could not fail to be so soon. Mais à ce propos, puisque tu m'as reproché d'avoir fait un éloge maladroit de l'astronomie, je vais la louer d'une manière conforme à tes idées. But in this respect, since you have reproached me for having made an awkward eulogy of astronomy, I will praise it in a manner consistent with your ideas. Il est, ce me semble, évident pour tout le monde, qu'elle oblige l'âme à regarder en haut et à passer des choses de la terre à la contemplation de celles du ciel. It is, it seems to me, obvious to everyone that it obliges the soul to look up and to go from things on earth to contemplation of those from heaven.

Peut-être cela est-il évident pour tout autre que pour moi : mais je n'en juge pas de même. Perhaps this is obvious to everyone other than to me: but I do not judge the same.

Comment en juges-tu Socrate ?

De la manière dont je la vois traiter par ceux qui l'érigent en philosophie, c'est en bas, selon moi, qu'elle fait regarder. In the way I see her treated by those who erect her in philosophy, it is down, in my opinion, that she makes us look.

Que veux-tu dire ?

Vraiment, il me semble que tu te fais-là une belle idée [26]  de la connaissance qui a pour objet les choses d'en haut. À ce compte, qu'un homme démêle quelque chose dans un plafond en considérant de bas en haut ses divers ornements, tu ne manqueras pas de dire qu'il regarde des yeux de l'âme et non de ceux du corps. On this account, that a man untangles something in a ceiling while considering from top to bottom his various ornaments, you will not fail to say that he looks at the eyes of the soul and not of those of the body. Peut-être as-tu raison et me trompé-je grossièrement. Maybe you're right and I'm cheating. Pour moi, je ne puis reconnaître d'autre science qui fasse regarder l'âme en haut que celle qui a pour objet ce qui est et ce qu'on ne voit pas, que l'on acquière cette science en regardant en haut, la bouche béante, ou en baissant la tête et clignant les yeux ; tandis que si quelqu'un regarde en haut, la bouche béante, pour apprendre quelque chose de sensible, je nie même qu'il apprenne quelque chose, parce que rien de sensible n'est objet de science, et je soutiens que de cette manière son âme ne regarde point en haut, mais en bas, fût-il couché à la renverse sur la terre ou sur la mer [27]. For me, I can not recognize any other science that makes the soul look higher than the one whose object is what is and what is not seen, that we acquire this science by looking at the top, the gaping mouth, or bowing down and blinking; while if someone looks up, mouth gaping, to learn something sensitive, I even deny that he learns something, because nothing sensitive is an object of science, and I argue that in this way his soul does not look above, but below, even if it is lying on the ground or on the sea. [27]

Tu as raison de me reprendre Socrate : je n'ai que ce que je mérite. You are right to take Socrates back from me: I only have what I deserve. Mais dis-moi de quelle manière tu voudrais réformer l'étude de l'astronomie, pour que cette étude devînt profitable dans le sens dont nous parlons. But tell me how you would like to reform the study of astronomy, so that this study would become profitable in the sense we are talking about.

Le voici. Certes les ornements dont la voûte des cieux est décorée, doivent être considérés comme ce qu'il y a de plus beau et de plus accompli dans leur ordre ; néanmoins, comme toute cette magnificence appartient à l'ordre des choses visibles, j'entends qu'il la faut considérer comme très inférieure à cette magnificence véritable que produisent la vraie vitesse et la vraie lenteur, dans leurs mouvements respectifs et dans ceux des grands corps auxquels elles sont attachées, selon le vrai nombre et toutes les vraies figures. Admittedly, the ornaments with which the vault of heaven is decorated must be considered as the most beautiful and the most accomplished in their order; nevertheless, as all this magnificence belongs to the order of things visible, I mean that it must be considered as very inferior to that true magnificence produced by true speed and real slowness, in their respective movements and in those of the great bodies to which they are attached, according to the true number and all the true figures. Or, ces choses échappent à la vue et ne peuvent se saisir que par l'entendement et la pensée : ou peut-être crois-tu le contraire ? Now, these things escape the sight and can only be grasped by the understanding and the thought: or perhaps do you believe the opposite?

Nullement.

Je veux donc que la beauté dont le ciel est décoré soit le symbole de cette autre beauté, et serve à notre instruction, comme seraient pour un géomètre des dessins tracés et exécutés par Dédale ou par tout autre sculpteur ou peintre. I therefore want the beauty of which the sky is decorated to be the symbol of this other beauty, and to serve our instruction, as would be for a geometer drawings drawn and executed by Daedalus or by any other sculptor or painter. Tout en les considérant comme des chefs-d'œuvre d'art, un géomètre croirait ridicule de les étudier sérieusement, pour y découvrir la vérité absolue des rapports entre des quantités égales, doubles et autres. While considering them as masterpieces of art, a geometrist would think it ridiculous to study them seriously, in order to discover the absolute truth of the relations between equal, double and other quantities.

Assurément, cela serait ridicule.

Le véritable astronome n'aura-t-il pas la même pensée en considérant les mouvements célestes ? Will the true astronomer not have the same thought when considering the celestial movements? Toute la perfection que l'artiste dont nous venons de parler, aura pu mettre dans ses ouvrages, l'astronome s'attendra bien à la trouver dans l'œuvre de celui qui a fait le ciel et tout ce qu'il renferme ; mais quant aux rapports du jour à la nuit, des jours aux mois, des mois aux années, enfin des autres astres soit entre eux soit avec la lune et le soleil ; ne crois-tu pas qu'il regardera comme une extravagance de s'imaginer que ces rapports soient toujours les mêmes, et qu'ils ne changent jamais, lorsqu'il ne s'agit que de phénomènes matériels et visibles, et de se donner bien du mal pour trouver dans ces phénomènes la vérité même de ces rapports ? All the perfection which the artist of whom we have just spoken, may have put in his works, the astronomer will expect to find it in the work of him who made the sky and all that it contains; but as to the relations of the day to the night, days to months, months to years, finally other stars either between them or with the moon and the sun; Do you not think that it will be an extravagance to imagine that these relations are always the same, and that they never change, when they are only material and visible phenomena, and to give themselves How hard is it to find in these phenomena the very truth of these relations?

Je le crois aussi, Socrate, d'après ce que tu viens de dire.

Étudions donc l'astronomie comme la géométrie, pour nous servir des données qu'elle fournit ; et laissons là le ciel et ses phénomènes, si nous voulons, en vrais astronomes, rendre utile la partie intelligente de notre âme, d'inutile qu'elle était auparavant. Let us study astronomy as geometry, to use the data it furnishes; and let there be heaven and its phenomena, if we wish, as true astronomers, to render useful the intelligent part of our soul, useless as it was before.

Tu nous rends là, Socrate, l'étude de l'astronomie dix fois plus difficile qu'elle ne l'est aujourd'hui. You are making us, Socrates, the study of astronomy ten times more difficult than it is today.