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PLATON (Πλάτων) La République. Livre Septième., 05. PLATON. La République. Livre Septième. Partie 5/11.

05. PLATON. La République. Livre Septième. Partie 5/11.

Rien de plus vrai.

Mais connais-tu une autre condition que celle du vrai philosophe pour inspirer le mépris du pouvoir ?

Je n'en connais point d'autre.

D'autre part, le pouvoir doit toujours être confié à ceux qui ne sont pas jaloux de le posséder ; autrement, la rivalité fera naître des disputes entre ceux qui le convoitent.

Nous en sommes convenus (oui ! ).

Par conséquent, à qui imposeras-tu la garde de l'État, si ce n'est à ceux qui, mieux instruits que tous les autres dans la science de gouverner, ont une vie bien préférable à la vie civile et qui leur offre d'autres honneurs.

C'est à ceux-là qu'il faut s'adresser.

Veux-tu maintenant que nous examinions ensemble de quelle manière nous formerons des hommes de ce caractère, et comment nous les ferons passer des ténèbres à la lumière, comme on dit que quelques-uns ont passé des enfers au séjour des dieux ?

Faut-il demander si je le veux ?

Ceci n'est pas chose facile, comme au jeu un tour de palet [13] ; il s'agit d'imprimer à l'âme un mouvement qui, du jour ténébreux qui l'environne, l'élève jusqu'à la vraie lumière de l'être, par la route que nous appellerons pour cela la véritable philosophie.

Fort bien.

Ainsi il faut chercher quelle est, parmi les sciences, celle qui est propre à produire cet effet.

C'est cela.

Hé bien, mon cher Glaucon, quelle est la science qui élève l'âme de ce qui naît vers ce qui est ? En même temps que je te fais cette question, je me rappelle une chose : n'avons-nous pas dit que nos philosophes devaient, dans la jeunesse, s'exercer au métier des armes ?

Oui.

Il faut donc que la science que nous cherchons, outre ce premier avantage, en ait encore un autre.

Lequel ?

Celui de n'être point inutile à des guerriers.

Assurément il le faut, si la chose est possible.

N'avons-nous pas déjà admis la gymnastique et la musique dans notre système d'éducation ?

Oui. Mais la gymnastique a pour objet ce qui naît, se développe et périt, puisque sa juridiction porte sur ce qui peut augmenter ou diminuer les forces du corps. Sans doute.

Elle n'est donc pas la science que nous cherchons.

Non.

Serait-ce la musique telle que nous l'avons envisagée plus haut ?

Mais, s'il t'en souvient, ce n'était qu'une sorte de pendant de la gymnastique, dans un genre opposé. C'est elle, disions-nous, qui doit régler les habitudes des guerriers, en communiquant à leur âme non pas une science, mais un certain accord par le sentiment de l'harmonie, et une certaine régularité de mouvements par l'influence du rythme et de la mesure ; elle emploie dans un but semblable les discours soit vrais soit fabuleux ; mais je n'ai point vu qu'elle enseignât ce que tu cherches, la science du bien [14].

Tu me rappelles exactement ce que nous avons dit : la musique en effet ne nous a paru enseigner rien de semblable. Mais, mon cher Glaucon, où donc rencontrer cette science du bien ? Tu n'as rien trouvé que d'ignoble dans tous les arts mécaniques : n'est-ce pas ?

Oui, mais si nous écartons la musique, la gymnastique et les arts, quelle autre science peut-il rester encore ?

Si nous ne trouvons plus rien hors de là, prenons quelque science qui s'étende à tout universellement.

Laquelle, par exemple (Socrate) ?

Celle qui est si commune, dont tous les arts, toutes les industries et toutes les sciences font usage, et que tout homme a besoin d'apprendre des premières.

Qu'apprend-elle ?

Ce que c'est qu'un, deux, trois, connaissance vulgaire et facile. Je l'appelle en général science des nombres et du calcul : n'est-il pas vrai qu'aucun art, aucune science ne peut s'en passer ?

J'en conviens.

Ni l'art militaire par conséquent.

Elle lui est absolument nécessaire (oui ! ). En vérité, Palamède, dans les tragédies, nous représente toujours Agamemnon [15] comme un plaisant général. N'as-tu pas remarqué qu'il prétend avoir, à l'aide des nombres qu'il avait inventés, distribué les troupes dans le camp devant Troie, et fait le dénombrement des vaisseaux et de tout le reste, comme si avant lui rien de tout cela n'eût encore été compté, et qu'Agamemnon ne sût pas même combien il avait de pieds, puisqu'à l'en croire il ne savait pas compter ? Quel général serait-ce là, je te prie ?

Un bien singulier, si la chose était vraie.

Ne convenons-nous pas que la science des nombres et du calcul est absolument nécessaire au guerrier ?

Certainement elle lui est indispensable, s'il veut entendre quelque chose à l'ordonnance d'une armée, ou plutôt s'il veut être homme.

Maintenant admets-tu la même idée que moi au sujet de cette science ?

Quelle idée (Socrate) ?

Cette science pourrait bien se trouver être une de ces choses que nous cherchons, et qui élèvent l'âme à la pure intelligence et l'amènent à la contemplation de l'être ; mais personne ne sait s'en servir comme il faut.

Je n'entends pas.

Je vais tâcher de t'expliquer ma pensée. À mesure que je vais distinguer ce qui est propre à élever l'âme de ce qui ne l'est pas, considère de ton côté le même objet, puis accorde ou nie, selon que tu le jugeras à propos ; nous verrons mieux par là si la chose est telle que je l'imagine.

Montre-moi ce dont il s'agit.

Je te montrerai donc, si tu veux bien y faire attention, cette distinction dans les perceptions des sens ; les unes n'invitent point l'entendement à la réflexion, parce que les sens en sont juges compétents ; les autres sont très propres à l'y inviter, parce que les sens n'en sauraient porter un jugement sain.

Tu parles sans doute des objets vus dans le lointain et des esquisses ?

(Non, tu…) Tu n'as pas bien compris ce que je veux dire.

De quoi donc veux-tu parler ?

J'entends comme n'invitant point l'entendement à la réflexion, tout ce qui n'excite point en même temps deux sensations contraires ; et je tiens comme invitant à la réflexion, tout ce qui fait naître deux sensations opposées, lorsque le rapport des sens ne dit pas plutôt que c'est telle chose que telle autre chose tout opposée, soit que l'objet frappe les sens de près ou de loin. Pour te faire mieux comprendre ma pensée, voilà trois doigts ; le petit, le suivant et celui du milieu.

Fort bien. Conçois que je les suppose vus de près : maintenant fais avec moi cette observation. Quelle observation ?

Chacun d'eux nous paraît également un doigt ; peu importe à cet égard qu'on le voie au milieu ou à l'extrémité, blanc ou noir, gros ou menu et ainsi du reste. Rien de tout cela n'oblige l'âme à demander à l'entendement ce que c'est précisément qu'un doigt ; car jamais la vue n'a témoigné en même temps qu'un doigt fût autre chose qu'un doigt.

05. PLATON. La République. Livre Septième. Partie 5/11. 05. PLATO. The Republic. Book Seven. Part 5/11. 05. PLATO. La República. Libro Séptimo. Parte 5/11. 05. PLATO. A República. Livro Sétimo. Parte 5/11. 05. PLATO. Cumhuriyet. Yedinci Kitap. Bölüm 5/11.

Rien de plus vrai. Nothing more true.

Mais connais-tu une autre condition que celle du vrai philosophe pour inspirer le mépris du pouvoir ? But do you know any other condition than that of the true philosopher to inspire contempt for power? Mas você conhece outra condição além da do verdadeiro filósofo para inspirar desprezo pelo poder?

Je n'en connais point d'autre. I do not know any other. Não conheço nenhum outro.

D'autre part, le pouvoir doit toujours être confié à ceux qui ne sont pas jaloux de le posséder ; autrement, la rivalité fera naître des disputes entre ceux qui le convoitent. On the other hand, power must always be confided to those who are not jealous of possessing it; otherwise, rivalry will give rise to disputes between those who covet it. Por outro lado, o poder deve ser sempre confiado àqueles que não têm ciúme de possuí-lo; caso contrário, a rivalidade dará origem a disputas entre aqueles que a desejam.

Nous en sommes convenus (oui ! We have agreed (yes! ).

Par conséquent, à qui imposeras-tu la garde de l'État, si ce n'est à ceux qui, mieux instruits que tous les autres dans la science de gouverner, ont une vie bien préférable à la vie civile et qui leur offre d'autres honneurs. Therefore, to whom will you be the guardian of the State, except to those who, better educated than all the others in the science of governing, have a life much preferable to the civil life and which offers them other honors. Portanto, a quem vais impor a custódia do Estado, senão a quem, mais educado do que todos os outros na ciência do governo, tem uma vida muito preferível à civil e que a oferece 'outras honras.

C'est à ceux-là qu'il faut s'adresser. It is to these that one must address oneself.

Veux-tu maintenant que nous examinions ensemble de quelle manière nous formerons des hommes de ce caractère, et comment nous les ferons passer des ténèbres à la lumière, comme on dit que quelques-uns ont passé des enfers au séjour des dieux ? Do you want us now to consider together how we will train men of this character, and how will we turn them from darkness to light, as some say have passed from hell to the dwelling of the gods? Quer agora que examinemos juntos como formaremos os homens deste caráter e como os faremos passar das trevas à luz, como dizem alguns que alguns passaram dos infernos à morada dos deuses?

Faut-il demander si je le veux ? Should I ask if I want it? Devo perguntar se eu quero?

Ceci n'est pas chose facile, comme au jeu un tour de palet [13] ; il s'agit d'imprimer à l'âme un mouvement qui, du jour ténébreux qui l'environne, l'élève jusqu'à la vraie lumière de l'être, par la route que nous appellerons pour cela la véritable philosophie. This is not easy, as in the game a round of the puck [13]; it is a question of impressing upon the soul a movement which, from the darkness which surrounds it, elevates it to the true light of being, by the road which we will call for true philosophy. Esta não é uma tarefa fácil, como em um jogo uma virada de disco [13]; trata-se de imprimir na alma um movimento que, desde a escura luz do dia que a rodeia, a eleve à verdadeira luz do ser, pelo caminho que chamaremos para isso de verdadeira filosofia.

Fort bien. Very good.

Ainsi il faut chercher quelle est, parmi les sciences, celle qui est propre à produire cet effet. Thus it is necessary to seek what is, among the sciences, that which is capable of producing this effect. Portanto, devemos buscar qual das ciências é adequada para produzir esse efeito.

C'est cela.

Hé bien, mon cher Glaucon, quelle est la science qui élève l'âme de ce qui naît vers ce qui est ? Well, my dear Glaucon, what is the science that lifts the soul of what is born to what is? Pois bem, meu caro Glauco, qual é a ciência que eleva a alma do que nasce ao que existe? En même temps que je te fais cette question, je me rappelle une chose : n'avons-nous pas dit que nos philosophes devaient, dans la jeunesse, s'exercer au métier des armes ? At the same time that I ask you this question, I remember one thing: have we not said that our philosophers must, in youth, practice the profession of arms? Ao mesmo tempo que lhe faço esta pergunta, recordo-me de uma coisa: não dissemos que os nossos filósofos deviam, na sua juventude, exercer a profissão das armas?

Oui.

Il faut donc que la science que nous cherchons, outre ce premier avantage, en ait encore un autre. It is necessary, then, that the science which we seek, besides this first advantage, should have another one. É necessário, portanto, que a ciência que buscamos, além dessa primeira vantagem, tenha ainda outra.

Lequel ? Qual ?

Celui de n'être point inutile à des guerriers. That of not being useless to warriors. O de não ser inútil para os guerreiros.

Assurément il le faut, si la chose est possible.

N'avons-nous pas déjà admis la gymnastique et la musique dans notre système d'éducation ? Have not we already admitted gymnastics and music into our education system? Já não admitimos a ginástica e a música em nosso sistema educacional?

Oui. Mais la gymnastique a pour objet ce qui naît, se développe et périt, puisque sa juridiction porte sur ce qui peut augmenter ou diminuer les forces du corps. Sim. Mas a ginástica tem por objeto o que nasce, se desenvolve e perece, pois sua jurisdição diz respeito ao que pode aumentar ou diminuir as forças do corpo. Sans doute.

Elle n'est donc pas la science que nous cherchons.

Non.

Serait-ce la musique telle que nous l'avons envisagée plus haut ?

Mais, s'il t'en souvient, ce n'était qu'une sorte de pendant de la gymnastique, dans un genre opposé. But, if you remember, it was only a kind of gymnastics counterpart, in an opposite genre. Mas, se você se lembra, era apenas uma espécie de contrapartida da ginástica, de um gênero oposto. C'est elle, disions-nous, qui doit régler les habitudes des guerriers, en communiquant à leur âme non pas une science, mais un certain accord par le sentiment de l'harmonie, et une certaine régularité de mouvements par l'influence du rythme et de la mesure ; elle emploie dans un but semblable les discours soit vrais soit fabuleux ; mais je n'ai point vu qu'elle enseignât ce que tu cherches, la science du bien [14]. It is she, we said, who must regulate the habits of the warriors, by communicating to their soul not a science, but a certain agreement by the feeling of harmony, and a certain regularity of movements by the influence of the rhythm and measurement; it uses for a similar purpose speeches either true or fabulous; but I did not see that she taught what you seek, the science of good. Es esto, decíamos, lo que debe regular los hábitos de los guerreros, comunicando a sus almas no una ciencia, sino una cierta armonía por el sentimiento de la armonía, y una cierta regularidad de movimientos por la influencia del ritmo y de la medida; emplea para un fin semejante discursos, verdaderos o fabulosos; pero no he visto que enseñe lo que buscáis, la ciencia del bien. É isto, dissemos, que deve regular os hábitos dos guerreiros, comunicando à sua alma não uma ciência, mas uma certa concordância pelo sentimento de harmonia, e uma certa regularidade dos movimentos pela influência de ritmo e medida; ela usa para um propósito semelhante discursos verdadeiros ou fabulosos; mas eu não vi que ela ensinou o que você procura, a ciência do bem [14].

Tu me rappelles exactement ce que nous avons dit : la musique en effet ne nous a paru enseigner rien de semblable. Você me lembra exatamente o que dissemos: a música, de fato, não parecia nos ensinar nada parecido. Mais, mon cher Glaucon, où donc rencontrer cette science du bien ? Tu n'as rien trouvé que d'ignoble dans tous les arts mécaniques : n'est-ce pas ?

Oui, mais si nous écartons la musique, la gymnastique et les arts, quelle autre science peut-il rester encore ? Sí, pero si dejamos fuera la música, la gimnasia y las artes, ¿qué otra ciencia queda?

Si nous ne trouvons plus rien hors de là, prenons quelque science qui s'étende à tout universellement. If we find nothing out of there, let us take some science that extends to all universally.

Laquelle, par exemple (Socrate) ?

Celle qui est si commune, dont tous les arts, toutes les industries et toutes les sciences font usage, et que tout homme a besoin d'apprendre des premières. That which is so common, which all the arts, all industries, and all sciences make use of, and which every man needs to learn from the first. Aquilo que é tão comum, que todas as artes, todas as indústrias e todas as ciências fazem uso e que todo homem precisa aprender com as primeiras.

Qu'apprend-elle ?

Ce que c'est qu'un, deux, trois, connaissance vulgaire et facile. What is one, two, three, vulgar and easy knowledge. Je l'appelle en général science des nombres et du calcul : n'est-il pas vrai qu'aucun art, aucune science ne peut s'en passer ? I call it in general science of numbers and calculation: is it not true that no art, no science can do without it? Geralmente a chamo de ciência dos números e do cálculo: não é verdade que nenhuma arte, nenhuma ciência pode passar sem ela?

J'en conviens. I agree with that.

Ni l'art militaire par conséquent. Nem arte militar, portanto.

Elle lui est absolument nécessaire (oui ! ). En vérité, Palamède, dans les tragédies, nous représente toujours Agamemnon [15] comme un plaisant général. ). In truth, Palamedes, in tragedies, always represents to us Agamemnon [15] as a pleasant general. ). En verdad, Palamedes, en las tragedias, siempre representa a Agamenón [15] como un general agradable. N'as-tu pas remarqué qu'il prétend avoir, à l'aide des nombres qu'il avait inventés, distribué les troupes dans le camp devant Troie, et fait le dénombrement des vaisseaux et de tout le reste, comme si avant lui rien de tout cela n'eût encore été compté, et qu'Agamemnon ne sût pas même combien il avait de pieds, puisqu'à l'en croire il ne savait pas compter ? Have you not noticed that he claims to have, with the help of the numbers he had invented, distributed the troops in the camp before Troy, and counts the ships and all the rest as if before him? none of this would have been counted yet, and that Agamemnon did not even know how much he had feet, since to believe him he could not count. ¿No te has fijado en que afirma haber distribuido las tropas en el campamento frente a Troya con la ayuda de números inventados por él, y haber contado los barcos y todo lo demás, como si antes de él nada de esto se hubiera contado, y que Agamenón ni siquiera supiera cuántos pies tenía, ya que, según él, no sabía contar? Não reparaste que ele afirma ter, usando os números que inventou, distribuído as tropas no acampamento em frente de Tróia e contado os navios e tudo o mais, como se estivesse diante dele nada disso havia sido contado, e Agamenon nem sabia quantos pés tinha, pois, segundo ele, não sabia contar? Quel général serait-ce là, je te prie ? What general would that be, please?

Un bien singulier, si la chose était vraie. A singular good, if the thing were true.

Ne convenons-nous pas que la science des nombres et du calcul est absolument nécessaire au guerrier ? Do we not agree that the science of numbers and calculation is absolutely necessary for the warrior?

Certainement elle lui est indispensable, s'il veut entendre quelque chose à l'ordonnance d'une armée, ou plutôt s'il veut être homme. Certainly it is indispensable to him, if he wants to hear something at the command of an army, or rather if he wants to be a man.

Maintenant admets-tu la même idée que moi au sujet de cette science ?

Quelle idée (Socrate) ?

Cette science pourrait bien se trouver être une de ces choses que nous cherchons, et qui élèvent l'âme à la pure intelligence et l'amènent à la contemplation de l'être ; mais personne ne sait s'en servir comme il faut. This science might well be one of those things we seek, and which raise the soul to pure intelligence and bring it to the contemplation of being; but nobody knows how to use it properly.

Je n'entends pas.

Je vais tâcher de t'expliquer ma pensée. I will try to explain to you my thoughts. À mesure que je vais distinguer ce qui est propre à élever l'âme de ce qui ne l'est pas, considère de ton côté le même objet, puis accorde ou nie, selon que tu le jugeras à propos ; nous verrons mieux par là si la chose est telle que je l'imagine.

Montre-moi ce dont il s'agit.

Je te montrerai donc, si tu veux bien y faire attention, cette distinction dans les perceptions des sens ; les unes n'invitent point l'entendement à la réflexion, parce que les sens en sont juges compétents ; les autres sont très propres à l'y inviter, parce que les sens n'en sauraient porter un jugement sain. I will therefore show you, if you will pay attention to it, this distinction in the perceptions of the senses; some do not invite the understanding to reflection, because the senses are competent judges; the others are very apt to invite him, because the senses can not make a sound judgment.

Tu parles sans doute des objets vus dans le lointain et des esquisses ? You're probably talking about objects seen in the distance and sketches?

(Non, tu…) Tu n'as pas bien compris ce que je veux dire. (No, you ...) You did not understand what I mean.

De quoi donc veux-tu parler ?

J'entends comme n'invitant point l'entendement à la réflexion, tout ce qui n'excite point en même temps deux sensations contraires ; et je tiens comme invitant à la réflexion, tout ce qui fait naître deux sensations opposées, lorsque le rapport des sens ne dit pas plutôt que c'est telle chose que telle autre chose tout opposée, soit que l'objet frappe les sens de près ou de loin. I mean not inviting the understanding to reflection, all which at the same time does not excite two opposite sensations; and I hold as inviting to reflection all that gives rise to two opposite sensations, when the relation of the senses does not say rather that it is such a thing as something quite opposite, that the object strikes the senses closely. or by far. Pour te faire mieux comprendre ma pensée, voilà trois doigts ; le petit, le suivant et celui du milieu. To make you understand my thought better, here are three fingers; the small, the next and the middle one.

Fort bien. Conçois que je les suppose vus de près : maintenant fais avec moi cette observation. Very good. Conceive that I suppose them to be seen closely: now make this observation with me. Quelle observation ?

Chacun d'eux nous paraît également un doigt ; peu importe à cet égard qu'on le voie au milieu ou à l'extrémité, blanc ou noir, gros ou menu et ainsi du reste. Each of them also seems to us a finger; it does not matter in this respect whether one sees it in the middle or at the end, white or black, big or small, and so on. Rien de tout cela n'oblige l'âme à demander à l'entendement ce que c'est précisément qu'un doigt ; car jamais la vue n'a témoigné en même temps qu'un doigt fût autre chose qu'un doigt. None of this compels the soul to ask the understanding what it is precisely that a finger; for never has sight ever testified that a finger was anything but a finger.