JEANNE D'ARC épisode 2 : La Mission (1)
[Musique]
A partir de 1420 le duc de Lorraine, Charles II, devient le régent du duché de Bar en attendant
que l'héritier René d'Anjou atteigne la majorité pour gouverner, car celui-ci n'a alors que 10 ans.
Depuis l'assassinat de Jean sans Peur, Le duc de Lorraine,
a adopté la neutralité vis à vis de la couronne française et des Anglo-Bourguignons.
Domrémy placée entre la Lorraine et le duché de Bar était donc jusque-là relativement épargnée.
Mais les Anglo-Bourguignons se faisant de plus en plus agressifs,
le duc de Lorraine se rapproche finalement de Charles VII.
Des capitaines renommés, partisans du roi de France,
Jean Roualet et Etienne de Vignolles dit « La Hire », viennent soutenir le
duc de lorraine contre les agressions des Anglo-bourguignons en s'installant à Vitry.
Mais en 1422, sous la pression et sans doute par facilité,
Charles II se rangent finalement du côté des Anglo-bourguignons.
Jean Roualet et La Hire ne supportent pas cette trahison, en réponse ils font alors installer
des postes avancés pour protéger Saint-Dizier et empêcher les passages de l'ennemi et de
ces avant-postes ils font brûler plusieurs villages, puis il se retranchent à Sermaize.
Sermaize est alors attaquée en avril 1423 par Jean, le
comte de Salm et gouverneur générale du Barrois.
Après une résistance de trois semaines, la ville est prise et au cours de ce siège,
Jean de Vouthon, le mari d'une cousine germaine de Jehanne est tué.
Le quotidien des habitants de la région est ainsi bouleversé,
les familles perdent des proches et les sentiments d'injustices progressent.
L'insécurité provoque des déplacements de population
qui fuient les pillages et les conflits militaires.
A Domrémy face à toutes ces violences, il faut sécuriser les biens et à la
demande de Jacques d'Arc au seigneur de Bourlémont, les habitants de Domremy se
sont arrangés pour louer le château de l'Isle afin d'y protéger le bétail en cas d'attaque.
Les habitants de Domrémy sont même obligés de payer
un tribut au seigneur de Commercy et de Montmirail, pour gagner sa protection.
On entend encore des nouvelles concernant la guerre ailleurs en France.
Charles VII tente quelques offensives.
Ils commencent par faire assiéger Cravant au mois de Juillet 1423 avec 15000 hommes,
dont un bon nombre d'écossais.
Mais les Anglo-bourguignons viennent à la rescousse avec une armée,
pour repousser les Français qui perdent plus de 6000 hommes le 30 juillet.
Cette terrible défaite provoque la joie dans les rues de Paris.
Malheureusement la chevalerie française est encore écrasée par les archers Anglais
lors d'une autre bataille le 17 août 1424 à Verneuil-sur-Avre.
Charles VII après la défaite de Verneuil n'ose plus agir.
Les deux camps se font face, sans bouger, chacun d'un côté de la Loire.
Mais les Anglais décident alors d'aller assiéger le Mont Saint-Michel à partir du 28
septembre 1424, la Normandie étant une région qu'ils n'avaient pas encore totalement prise,
car le Mont-Saint-Michel est resté fidèle au dauphin.
Pendant ce temps, dans la région de Jehanne, les pillards continuent de sévir et malgré
le tribut des habitants de Domrémy pour leur protection ; cela n'empêche pas les bandits
de profiter de cette période trouble, si bien que les bêtes, appartenant à Domremy et Greux,
sont prises en juillet 1425, par Henry d'Orly, un routier qui fait des razzias.
Mais finalement les hommes du comté de Vaudemont arrivent à les récupérer
sous l'insistance de Jeanne de Joinville.
C'est cette même année où l'insécurité règne, que se déroule,
pour la première fois, un événement extraordinaire dans la vie de Jehanne.
Jehanne : "j'avais treize ans quand j'eus une voix de Dieu pour m'aider à me bien conduire.
La première fois j'eus grande peur.
Cette voix vint sur l'heure de midi. Pendant l'été, dans le jardin de mon père. "
Saint Michel : "Jehanne, tu es destinée à un genre de vie tout différent.
Tu dois accomplir des actes merveilleux,
car tu es celle que le Roy du Ciel a choisi pour le relèvement du royaume des francs,
pour le secours et la défense du Roy Charles, expulsé de son domaine.
Tu revêtiras un habit d'homme.
Tu porteras les armes, tu seras chef de guerre.
Tout sera régi par ton conseil."
Jehanne : "j'étais à jeun.
Je n'avais pas jeûné la veille.
J'ai entendu cette voix à droite, du côté de l'église,
et rarement elle est venue à moi sans être accompagnée d'une grande clarté.
Cette clarté vient du même côté que la voix.
Quand je vins en France, j'entendais souvent la voix.
Si j'étais dans un bois, j'entendais bien ces voix venir.
Il me semble que c'était une bien noble voix,
et je crois qu'elle m'était envoyée de la part de Dieu.
A la troisième fois que je l'entendis, je reconnus que c'était la voix d'un ange."
Jehanne, bien instruite des vérités de la foi catholique,
est certaine que l'ange qui lui apparaît dans cette lumière n'est autre que Saint-Michel.
Saint-Michel est le Prince de la Milice céleste, l'archange qui a chassé du Paradis
Satan et ses anges rebelles, on l'invoque donc particulièrement pour chasser les mauvais esprits.
Saint Michel est aussi considéré comme étant le gardien et le protecteur de la France.
Ce sentiment a encore été renforcé dans le coeur des Français en particulier depuis juin 1425.
En effet les Anglais ont finalement subi une cuisante défaite aux Mont-Saint-Michel,
qu'ils assiégeaient depuis presque un an.
On attribue volontiers cette victoire à l'intercession de l'archange que l'on a
prié d'intercéder pour aider le roi dans sa reconquête du territoire français.
Charles VII a lui-même prié dans sa détresse Saint Michel d'intercéder pour la France.
En cela il fait comme presque tous ces prédécesseurs qui ont
remis la protection du royaume sous les ailes de Saint-Michel,
depuis Clovis qui a consacré la France à sa protection, après sa victoire à Tolbiac.
Jehanne : "c'est saint Michel qui est venu le premier.
À sa première apparition, j'étais jeune enfant et j'eus peur.
Je le vis plusieurs fois avant de savoir que c'était saint Michel.
Je l'ai vu devant mes yeux.
Il n'était pas seul, mais accompagné des anges du ciel.
Je les ai vus des yeux de mon corps ; aussi bien que je vous vois, et quand
ils s'éloignaient je pleurais et j'aurais bien voulu qu'ils m'emportassent avec eux.
Quand il vint à moi, saint Michel dit que sainte Catherine et sainte
Marguerite viendraient aussi et que j'agisse par leurs conseils ; qu'elles
étaient ordonnées pour me conduire et me conseiller sur ce que j'aurais à faire,
que je crusse ce qu'elles me diraient, que c'était par le commandement de Notre- Seigneur."
Alors qu'elle est en contemplation dans un champs,
une grande lumière se produit et elle entend encore la voix.
Saint Michel est accompagné par une cohorte d'anges.
Jehanne : "quand je gardais les animaux, la Voix me dit que Dieu avait grande pitié du
peuple de France, qu'il fallait que je me rendisse en France.
En entendant cela je me mis à pleurer."
Saint Michel : "vas à Vaucouleurs,
tu y trouveras un capitaine qui te mènera sans encombre en France et au Roi."
Jehanne : "je crois aussi fermement les dits et faits de saint Michel qui m'est apparu que je
crois que Notre- Seigneur Jésus-Christ a souffert mort et passion pour nous.
Et ce qui meut à le croire, c'est le bon conseil,
le confort et la bonne doctrine qu'il n'a cessé de me donner.
Cette Voix m'a toujours bien gardée et je l'ai bien comprise. Sur toutes
choses elle m'enseignait à me bien conduire, à fréquenter l'église.
Bientôt, comme l'avait annoncé saint Michel,
sainte Catherine et sainte Marguerite se joignirent à lui.
Elles portaient de belles, riches et précieuses couronnes.
Je sais que ce sont sainte Catherine et sainte Marguerite,
et je les distingue bien l'une de l'autre.
Et ce par la manière dont elles me saluent, et aussi parce qu'elles se
nomment à moi. Après leur parlement, je baise la terre où ils ont reposé.
Je ne sais leur faire si grande révérence qu'il leur appartient.
Je les ai embrassées toutes les deux."
Sainte Catherine d'Alexandrie et sainte Marguerite d'Antioche, sont deux saintes
très vénérées au Moyen Age, toute les deux sont vierges et martyre de l'Église.
A Domremy elles sont vénérées dans la paroisse où on trouve leurs statues.
Il est indéniable que Jehanne a eu une dévotion certaine envers ces deux saintes.
Au début du mois de mai 1428, Jehanne a maintenant 16 ans.
Elle doit se rendre quelque temps à Burey-le-Petit non loin de Domremy, accompagnée de Durand
Laxart qu'elle appel « son oncle », mais qui est plutôt un cousin par alliance.
Il l'amène auprès de son épouse Jehanne Le Vausseul.
Jehanne demeure chez Durand afin d'y assister sa cousine enceinte jusqu'à ce qu'elle accouche.
Dans la même période, la situation c'est encore dégradé, les conflits entre les pro
Bourguignons et le parti des Orléans-Armagnacs se déplacent sur la châtellenie de Vaucouleurs,
qui demeure avec Domrémy, fidèle à la couronne française.
Les Anglais ont lancé une offensive sur les places fortes de la Meuse intérieure,
Beaumont est tombée et les autres villes se sont rendues sans combattre.
Vaucouleurs sur les bords de la Meuse est maintenant la seule place forte à résister.
Les voix de Jeanne se font alors de plus en plus insistante.
Saint-Michel : "jusqu'à quand tarderas-tu ?
Pourquoi ne pas te hâter ?
Pourquoi ne pas aller promptement à la destination que le Roy du ciel t'a imposée ?
Voilà qu'en ton absence la France meurt, les villes sont dévastées,
les bons périssent, les grands sont mis à mort, un sang illustre est versé.
Jehanne : que faire et comment exécuter vos ordres ?
J'ignore le chemin ; je ne connais ni la contrée, ni le Roy.
L'on ne me croira pas ; je serai pour tous un objet de dérision, et justement…
Quoi de plus insensé que de dire aux grands que c'est à une pucelle de relever la France,
de conduire les armées, de triompher de l'ennemi ?
Quoi de plus ridicule que de voir une jeune fille porter des vêtements d'homme ?
Saint-Michel : le Roy du Ciel l'ordonne et le veut.
Ne cherche plus le comment,
car la volonté de Dieu qui s'accomplit dans le ciel s'accomplira sur la terre.
Vas à la ville qui n'est pas éloignée, Vaucouleurs.
Seule, dans la Champagne, elle garde la fidélité au Roy.
Celui qui y commande te conduiras sans obstacle, où tu le demanderas.
Il y aura deux périodes de refus mais à la tierce il t'écoutera."
Jehanne déstabilisée par son impuissance, ne se trouve aucune légitimité à guerroyer
ou même convaincre des autorités puisqu'elle n'est qu'une jeune fille de campagne de 16 ans,
mais sa confiance en Dieu est plus forte et prenant vaillamment son courage à deux mains,
elle décide quand même de se rendre à Vaucouleurs.
Elle entreprend d'abord de persuader Durand Laxart de l'accompagner. Pour se faire elle
lui rappel notamment cet adage qui circule dans le royaume de France.
Jehanne : "n'a-t-on pas annoncé autrefois que la
France perdue par une femme serait ensuite sauvée par une vierge ?
Durand Laxart : c'est vrai, on l'a annoncé.
Jehanne : n'a-t-on pas ajouté que cette femme serait une pucelle des Marches de Lorraine ?
Durand Laxart : on l'a dit en effet.
Jehanne : eh bien cette pucelle, c'est moi, mes Voix me l'ont annoncé !"
Durand fini par croire que Jehanne est peut-être bien la jeune fille qui doit sauver la France.
Il lui fait confiance, il sait qu'elle est une honnête jeune fille,
elle qui a si charitablement aidé son épouse enceinte.
Jehanne et Durand partent donc le 13 mai afin de rencontrer
le capitaine Robert de Beaudricourt, et parviennent au bastion de Vaucouleurs.
Jehanne : "quand je fus au Chatel de Vaucouleurs, je rencontrais Robert de Beaudricourt,
je ne l'avais jamais vu auparavant ; la voix me dit : « c'est lui !»"
Jehanne : "messire, je viens de la part de mon Seigneur,
afin que vous mandiez au Dauphin de bien se tenir, de ne pas engager de bataille
avec ses ennemis, parce que mon Seigneur lui donnera secours après la mi-carême.