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La Princesse de Clèves, La princesse de Clèves - premiere partie - section trois (2)

La princesse de Clèves - premiere partie - section trois (2)

Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté, que, lorsqu'il fut proche d'elle, et qu'elle lui fit la révérence, il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s'éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu'ils ne s'étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur donner le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s'ils n'avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s'ils ne s'en doutaient point.

—Pour moi, Madame, dit monsieur de Nemours, je n'ai pas d'incertitude; mais comme madame de Clèves n'a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j'ai pour la reconnaître, je voudrais bien que Votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.

—Je crois, dit madame la dauphine, qu'elle le sait aussi bien que vous savez le sien.

—Je vous assure, Madame, reprit madame de Clèves, qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.

—Vous devinez fort bien, répondit madame la dauphine; et il y a même quelque chose d'obligeant pour monsieur de Nemours, à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez sans l'avoir jamais vu.

La reine les interrompit pour faire continuer le bal; monsieur de Nemours prit la reine dauphine. Cette princesse était d'une parfaite beauté, et avait paru telle aux yeux de monsieur de Nemours, avant qu'il allât en Flandre; mais de tout le soir, il ne put admirer que madame de Clèves.

Le chevalier de Guise, qui l'adorait toujours, était à ses pieds, et ce qui se venait de passer lui avait donné une douleur sensible. Il prit comme un présage, que la fortune destinait monsieur de Nemours à être amoureux de madame de Clèves; et soit qu'en effet il eût paru quelque trouble sur son visage, ou que la jalousie fit voir au chevalier de Guise au-delà de la vérité, il crut qu'elle avait été touchée de la vue de ce prince, et il ne put s'empêcher de lui dire que monsieur de Nemours était bien heureux de commencer à être connu d'elle, par une aventure qui avait quelque chose de galant et d'extraordinaire.

Madame de Clèves revint chez elle, l'esprit si rempli de tout ce qui s'était passé au bal, que, quoiqu'il fût fort tard, elle alla dans la chambre de sa mère pour lui en rendre compte; et elle lui loua monsieur de Nemours avec un certain air qui donna à madame de Chartres la même pensée qu'avait eue le chevalier de Guise.

Le lendemain, la cérémonie des noces se fit. Madame de Clèves y vit le duc de Nemours avec une mine et une grâce si admirables, qu'elle en fut encore plus surprise.

Les jours suivants, elle le vit chez la reine dauphine, elle le vit jouer à la paume avec le roi, elle le vit courre la bague, elle l'entendit parler; mais elle le vit toujours surpasser de si loin tous les autres, et se rendre tellement maître de la conversation dans tous les lieux où il était, par l'air de sa personne et par l'agrément de son esprit, qu'il fit, en peu de temps, une grande impression dans son coeur.

Il est vrai aussi que, comme monsieur de Nemours sentait pour elle une inclination violente, qui lui donnait cette douceur et cet enjouement qu'inspirent les premiers désirs de plaire, il était encore plus aimable qu'il n'avait accoutumé de l'être; de sorte que, se voyant souvent, et se voyant l'un et l'autre ce qu'il y avait de plus parfait à la cour, il était difficile qu'ils ne se plussent infiniment.

Fin de la section trois

La princesse de Clèves - premiere partie - section trois (2) Die Prinzessin von Kleve - Erster Teil - Abschnitt drei (2) The Princess of Cleves - part one - section three (2) A Princesa de Cleves - primeira parte - terceira secção (2)

Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté, que, lorsqu'il fut proche d'elle, et qu'elle lui fit la révérence, il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s'éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu'ils ne s'étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur donner le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s'ils n'avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s'ils ne s'en doutaient point.

—Pour moi, Madame, dit monsieur de Nemours, je n'ai pas d'incertitude; mais comme madame de Clèves n'a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j'ai pour la reconnaître, je voudrais bien que Votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.

—Je crois, dit madame la dauphine, qu'elle le sait aussi bien que vous savez le sien.

—Je vous assure, Madame, reprit madame de Clèves, qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.

—Vous devinez fort bien, répondit madame la dauphine; et il y a même quelque chose d'obligeant pour monsieur de Nemours, à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez sans l'avoir jamais vu.

La reine les interrompit pour faire continuer le bal; monsieur de Nemours prit la reine dauphine. Cette princesse était d'une parfaite beauté, et avait paru telle aux yeux de monsieur de Nemours, avant qu'il allât en Flandre; mais de tout le soir, il ne put admirer que madame de Clèves.

Le chevalier de Guise, qui l'adorait toujours, était à ses pieds, et ce qui se venait de passer lui avait donné une douleur sensible. Il prit comme un présage, que la fortune destinait monsieur de Nemours à être amoureux de madame de Clèves; et soit qu'en effet il eût paru quelque trouble sur son visage, ou que la jalousie fit voir au chevalier de Guise au-delà de la vérité, il crut qu'elle avait été touchée de la vue de ce prince, et il ne put s'empêcher de lui dire que monsieur de Nemours était bien heureux de commencer à être connu d'elle, par une aventure qui avait quelque chose de galant et d'extraordinaire.

Madame de Clèves revint chez elle, l'esprit si rempli de tout ce qui s'était passé au bal, que, quoiqu'il fût fort tard, elle alla dans la chambre de sa mère pour lui en rendre compte; et elle lui loua monsieur de Nemours avec un certain air qui donna à madame de Chartres la même pensée qu'avait eue le chevalier de Guise.

Le lendemain, la cérémonie des noces se fit. Madame de Clèves y vit le duc de Nemours avec une mine et une grâce si admirables, qu'elle en fut encore plus surprise.

Les jours suivants, elle le vit chez la reine dauphine, elle le vit jouer à la paume avec le roi, elle le vit courre la bague, elle l'entendit parler; mais elle le vit toujours surpasser de si loin tous les autres, et se rendre tellement maître de la conversation dans tous les lieux où il était, par l'air de sa personne et par l'agrément de son esprit, qu'il fit, en peu de temps, une grande impression dans son coeur.

Il est vrai aussi que, comme monsieur de Nemours sentait pour elle une inclination violente, qui lui donnait cette douceur et cet enjouement qu'inspirent les premiers désirs de plaire, il était encore plus aimable qu'il n'avait accoutumé de l'être; de sorte que, se voyant souvent, et se voyant l'un et l'autre ce qu'il y avait de plus parfait à la cour, il était difficile qu'ils ne se plussent infiniment.

Fin de la section trois