EVASION FISCALE 2009-09-02
La déclaration du ministre français du Budget, Eric Woerth, selon laquelle il avait identifié trois mille contribuables français, titulaires de comptes bancaires en Suisse, fait quelques vagues. Mais surtout, ça témoigne de la volonté du gouvernement de lutter contre l'évasion fiscale et de communiquer sur ce sujet. «Évasion fiscale », voilà une drôle d'expression, tellement présente dans la presse de ces derniers jours, que le journal Libération n'hésite pas à donner une filiation à cette formule. Et ils titrent dans un numéro tout récent, « ni bluff, ni clémence pour les évadés fiscaux ! ». Les évadés fiscaux ! Quand même ! Quelle drôle d'image ! Il ne s'agit pas vraiment d'évadés. Ces gens-là sont bien chez eux. Mais simplement, ils se sont livrés à une pratique d'évasion fiscale, c'est-à-dire qu'ils ont fait évader de l'argent. Pourquoi ? Parce que cet argent, ils l'avaient gagné mais ils ne l'avaient pas déclaré à l'administration fiscale. Et donc, ils n'ont pas payé d'impôts dessus. Pour qu'il puisse prospérer, ils l'ont placé dans un établissement bancaire, sans être inquiétés. Ils l'ont fait passer en Suisse. C'est bien ce mouvement clandestin qui explique l'image de l'évasion. Et le choix de l'adjectif « fiscal » est particulier, puisqu'il n'indique pas le moyen, la caractéristique de l'évasion, mais sa cause, son origine, ce à quoi cette évasion permet d'échapper. C'est donc au fisc qu'on veut parfois échapper. Là encore, on est devant un bien drôle de mot.
Le mot vient du latin fiscus qui au départ désigne un panier d'osier. Mais c'est d'un semblable panier qu'on s'est servi, à une certaine époque, pour collecter l'impôt. Et déjà en latin fiscus désigne le trésor impérial, et même parfois l'impôt. Mais en français, le mot se spécialise. Il ne renvoie pas à l'idée d'impôt, mais à l'administration qui est chargée de calculer et de percevoir cet impôt. Et tous les mots qui en dérivent gravitent autour de cette sphère. La fiscalité est donc le mode de calcul de l'impôt et défiscaliser signifie détaxer. Quant à l'adjectif « fiscal », il vient se nicher un peu partout. On a bien sûr la fraude fiscale, dont on parlait tout à l'heure. Et symétriquement, il faut bien sûr évoquer les paradis fiscaux, c'est-à-dire les pays où les réglementations des impôts sont particulièrement légères, souvent d'ailleurs pour attirer les capitaux. Mais l'adjectif a bien d'autres emplois. Les timbres fiscaux, qui servent à payer les amendes au Trésor public. Et les chevaux fiscaux ne sont pas ceux qui hennissent quand ils aperçoivent un inspecteur des impôts. C'est une unité qui range les voitures dans une certaine catégorie, selon leur puissance : deux chevaux, dix chevaux, etc. Pourquoi fiscaux alors ? Parce que la vignette automobile, qui n'existe plus aujourd'hui, était calculée selon la puissance de la voiture. Le nombre de chevaux déterminait donc l'impôt à payer. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/