L'histoire du Brexit, épisode 1/3 : « Le pari raté de David Cameron » - YouTube
C'est la cérémonie d'ouverture du Parlement britannique.
A Westminster, la reine Elizabeth II annonce les projets du gouvernement.
Dont celui-ci :
Le responsable de ces mesures, le voici :
David Cameron vient d'être réélu premier ministre.
Le leader des conservateurs est loin de se douter qu'un an plus tard
cette promesse de campagne va lui coûter son poste,
déstabiliser son pays
et ébranler le continent.
Je pense surtout qu'il croyait qu'il allait le gagner.
On n'a pas bien évalué toutes les conséquences, du côté britannique.
A l'origine du Brexit, il y a donc un pari raté de David Cameron.
Remontons un peu le temps.
En 2008 éclate une crise financière.
Et à partir de 2010, une crise de la dette secoue la zone euro.
Les Britanniques souffrent de ces crises économiques et de la politique d'austérité budgétaire
mise en œuvre par David Cameron.
Et ils trouvent un coupable : l'Europe.
La deuxième raison de la poussée europhobe, c'est lui :
Nigel Farage, le leader du parti d'extrême droite UKIP.
Il multiplie les provocations contre Bruxelles,
comme ici à l'encontre du président du conseil européen Herman Van Rompuy :
Le UKIP connecte ensuite la question européenne à un ingrédient explosif : l'immigration.
Une stratégie qui lui permettra de remporter le scrutin européen de 2014.
Cette europhobie latente que la crise et le UKIP ont relancée,
David Cameron cherche à l'utiliser à son avantage dès 2013.
Pour comprendre sa stratégie, nous sommes allés à Londres rencontrer Ivan Rogers,
qui conseillait David Cameron sur les questions européennes.
Alors qu'il fait campagne pour sa réélection, Cameron explique dans ce discours
qu'il va renégocier le statut du Royaume-Uni dans l'UE.
Et pour calmer les europhobes les plus radicaux, il prend le risque d'organiser ensuite un vote.
Un plan mûri depuis plusieurs mois.
En clair : le premier ministre pense qu'en posant un choix aussi radical aux Britanniques,
ils choisiront la sécurité et se rallieront au nouvel accord qu'il est sûr de négocier
avec Bruxelles.
Et au début, ce plan marche.
Réélu en 2015, celui qu'on surnomme encore « Lucky Dave » – Dave le chanceux –
s'assure une confortable majorité en promettant un référendum.
Et en plus, il fait coup double, ce vote lui est très utile à Bruxelles.
"Je pense surtout qu'il croyait qu'il allait le gagner et qu'il espérait faire
pression sur ses partenaires européens, parce qu'il y avait un risque, pour obtenir par
une négociation préalable au référendum, ce qu'il n'aurait jamais arraché sans
cette hypothèse ou cette virtualité.
Il en faisait aussi un argument à l'intérieur du Conseil européen :
« Donnez-moi ce que je veux
autrement vous allez créer un malheur… Bah, le malheur est venu.»"
Alimenter la peur d'un éclatement de l'UE lui permet d'obtenir des concessions
des 27 autres pays de l'Union.
En février 2016, il signe un accord qui lui permet, entre autres, de réguler temporairement
certaines migrations.
Le Royaume-Uni, qui bénéficie déjà d'un régime d'exception dans l'UE, pourrait
obtenir un statut encore plus avantageux.
Mais la situation lui échappe durant les mois précédant le référendum.
En premier lieu parce qu'il a sous-estimé l'importance du sujet de l'immigration
Et Cameron ne pouvait pas obtenir à Bruxelles la barrière migratoire
que souhaitaient les partisans du Brexit.
"Nous, nous ne pouvions pas l'accepter : être dans l'union douanière,
être dans le marché unique, c'était accepter la règle de la libre-circulation.
C'est sur ce point-là qu'il n'y a pas eu de compromis susceptible
de mettre David Cameron dans la meilleure des positions pour gagner son référendum,
puisque ce qui s'opposait à la présence de la Grande-Bretagne dans l'UE, c'était précisément parce qu'ils
ne voulaient plus de la libre-circulation."
De plus, le premier ministre est un eurosceptique assumé.
Il n'était donc pas le leader le plus crédible pour la campagne de maintien dans l'UE.
"A force de critiquer l'Union européenne, de dire tout le mal que vous pensez,
c'est très difficile de revenir devant le peuple et de dire qu'il faut rester,
sans avoir véritablement modifié la relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne."
Dans son propre parti, la fracture entre les anti et les pro UE est de plus en plus marquée.
Et à sa gauche, la situation aussi est clivée.
Les travaillistes ont beau militer pour le maintien, leur leader, Jeremy Corbyn, et l'aile
gauche du Labour sont peu mobilisés.
Face cette désorganisation, les leaders anti-Europe font preuve d'efficacité :
ils reprennent le terme « Brexit » – un mot-valise composé de « British » et « exit »
– tout de suite adopté par la population ;
leurs idées anti-élites sont beaucoup diffusées par les tabloïds et les réseaux sociaux ;
et des campagne de désinformation brouillent les termes du scrutin.
Comme le fameux Brexit bus et les « 350 millions de livres » que le Royaume-Uni verserait
chaque semaine à l'Europe.
Un chiffre inexact, tout de suite contesté, mais qui a marqué les esprits.
Le référendum se déroule le 23 juin 2016.
Le Royaume-Uni et l'Europe basculent.
Au début, Theresa May y croit encore.
Mais en quelques mois, on va passer de ça :
à ça :