×

Mes naudojame slapukus, kad padėtume pagerinti LingQ. Apsilankę avetainėje Jūs sutinkate su mūsų slapukų politika.


image

Arthur Bernède- Belphégor, 3-4 Où on voit Chantecoq prouver qu'il est aussi fin psychologue...

3-4 Où on voit Chantecoq prouver qu'il est aussi fin psychologue...

Où on voit Chantecoq prouver qu'il est aussi fin psychologue qu'habile détective Après avoir regagné la villa de Chantecoq et remercié Colette d'un serrement de main expressif, Jacques Bellegarde était remonté dans sa chambre. Assis devant sa table, la tête entre les mains, on eût dit que, condamné et vaincu par la fatalité, il n'en attendait plus que le coup suprême. Déjà loin, très loin du monde, il n'entendit pas ouvrir sa porte… et il ne vit pas Chantecoq et Colette qui, tous deux, arrêtés sur le seuil, le contemplaient l'un avec une expression de sincère compassion, et l'autre avec toutes les apparences de la plus anxieuse tristesse. Le détective prononça quelques mots à l'oreille de sa fille, qui aussitôt, sur la pointe des pieds, se glissa derrière un paravent placé à gauche de la porte. Chantecoq s'avança vers Jacques et lui dit d'une voix à la fois grave et affectueuse : – Allons mon ami, du courage !

Le reporter tressaillit, releva la tête. À la vue du grand limier, ses traits contractés se détendirent un peu… et, d'une voix encore brisée, il murmura : – C'est affreux, n'est-ce pas ? Le grand limier interrogeait :

– Vous aimiez donc encore cette femme ?

– Non ! répliquait Jacques… Je ne l'aimais pas… Je suis même sûr de ne l'avoir jamais aimée. – Alors… pourquoi ce grand désespoir ?

– Parce que j'ai la conviction que je suis cause de sa mort. Chantecoq fit un signe de dénégation.

Puis, il ajouta avec cette fermeté d'accent qui rendaient si convaincantes ses affirmations : – J'ai la certitude, au contraire, que vous n'êtes en rien responsable de ce douloureux événement… – Ah ! si vous pouviez me faire partager votre conviction, s'écriait Bellegarde, de quel poids serais-je soulagé !… Tout en s'asseyant en face du journaliste, le grand détective reprit : – Étant retourné à l'hôtel d'Auteuil, tandis qu'on me faisait attendre dans son boudoir, j'ai appris au cours d'une conversation qui se tenait dans un salon, entre Mlle Bergen et plusieurs de ses amis, que Mlle Desroches faisait un grand abus de stupéfiants. – C'est vrai, appuyait Jacques. – Il se peut donc fort bien, développait le limier, qu'à la suite, non pas de votre rupture, mais de la venue du Fantôme dans sa maison, afin de calmer la véritable terreur qui s'était emparée d'elle et dont j'ai pu constater les manifestations, Mlle Desroches ait absorbé une dose trop forte de l'une de ses drogues coutumières. – C'est fort possible, en effet, mais ce n'est pas certain. – D'accord… mon cher ami… Mais admettez cependant que mon hypothèse est des plus vraisemblables. – Je l'admets. – Parfait… Je n'ai pas terminé… Tout à l'heure, Ménardier, qui s'était rendu à Auteuil pour vous arrêter et auquel j'ai eu la satisfaction de jouer le bon tour que vous savez, a émis devant moi une autre hypothèse, et je ne suis pas éloigné d'être de son avis, que le décès de Mlle Desroches était des plus suspects… Et il a même ajouté, et là nous ne sommes plus d'accord, qu'il vous soupçonnait fort de l'avoir assassinée. – Moi ! se révoltait Jacques… Et dans quel dessein aurais-je accompli un crime si abominable ?

– C'est ce que je lui ai demandé, à ce cher Ménardier. – Et que vous a-t-il répondu ?

– Ménardier prétend qu'après avoir dérobé ou fait dérober vos lettres, et redoutant que Mlle Desroches ne donnât à la police certains détails qui n'eussent point manqué de favoriser votre arrestation, vous l'auriez supprimée à l'aide d'un poison subtil que vous auriez rapporté de l'un de vos voyages en Extrême-Orient ; et il a déclaré qu'il allait adresser à son supérieur hiérarchique un rapport concluant à la nécessité absolue d'une prompte autopsie de votre prétendue victime. – Décidément, s'irritait le journaliste, ce Ménardier est la pire des brutes. – Non ! ripostait Chantecoq. Ce n'est certes pas un génie, mais ce n'est pas un sot. J'ajouterai même que c'est un excellent garçon. – En ce cas, pourquoi, malgré tout ce que vous lui avez dit à mon sujet, s'acharne-t-il ainsi après moi ? – C'est très simple… Ménardier est, en ce moment dans l'état d'esprit d'un médecin qui, après avoir commis une erreur de diagnostic, s'entêterait, par amour-propre à traiter son client pour une maladie qu'il n'a pas. « Laissons-le s'enterrer jusqu'à la garde… Cette nouvelle accusation dont il vous charge ne peut que nuire à ses intérêts et profiter aux nôtres. – Comment cela ?

– Parce que la lumière ne peut plus tarder à se faire. Et lorsqu'on saura que, pour m'aider à la divulgation de la vérité, vous avez consenti à vous laisser charger de tous les crimes de Belphégor et que, moi, ainsi que je vous en ai donné ma parole d'honneur, j'aurai publiquement déclaré que, sans votre héroïque silence et votre si courageuse attitude, il m'eût été impossible de découvrir le vrai coupable, de quelle admiration, de quelle popularité serez-vous entouré ! « Ce sera pour vous mieux que la vogue et le succès, c'est-à-dire la célébrité, le triomphe. Et, pour ma part, j'en serai profondément heureux. Rasséréné par les réconfortantes exhortations du grand détective, Bellegarde reprenait :

– Je ne saurais vous dire à quel point je suis touché de votre amitié mais plus encore que tout le reste, je vous suis profondément reconnaissant de m'avoir permis d'espérer que je n'étais pour rien dans la mort de Simone. – Ce n'est pas espérer, qu'il faut dire, c'est : je suis sûr ! – Alors, selon vous, c'est Belphégor qui l'aurait empoisonnée ? – Parbleu !

– Et par conséquent dans l'intention d'augmenter les charges qu'il a déjà accumulées contre moi. – C'est clair comme de l'eau de roche. Saisissant la main du détective, le reporter s'écria : – Ah ! monsieur Chantecoq, si je ne vous avais pas rencontré sur ma route, j'étais perdu ; car seul je n'aurais jamais pu me défendre contre de si diaboliques machinations. – Alors, s'écriait le grand limier, j'ai bien fait de laisser ce brave Gautrais vous introduire dans la salle des Dieux barbares ? – Je ne saurais trop vous en prouver ma gratitude.

– Alors, plus d'arrière-pensées… Plus de doutes sur vous-même… Plus de drames de conscience… lançait le roi des détectives. – Non, puisque je vous sens près de moi… avec moi… scandait avec force le rédacteur du Petit Parisien.

Puis, il ajouta :

– Permettez-moi cependant une question.

– Je vous en prie.

– Si Belphégor, ainsi que vous tendez à le croire, a empoisonné cette malheureuse Simone, il faut qu'il ait eu des complices dans la maison. – C'est tout à fait mon avis ; et c'est la première chose que je vais rechercher dès que j'aurai appris du baron Papillon le nom de la personne à qui il a cédé les Mémoires de Ruggieri. Et, joyeusement, Chantecoq s'écria : – Vous voyez que tout va bien, très bien, admirablement bien… Avec de moindres indices j'ai débrouillé souvent des énigmes que d'autres avaient renoncé à résoudre… Car, voyez-vous, pour être bon détective, il faut être, avant tout, psychologue. – Et vous l'êtes à un tel point, affirmait Jacques, qu'il doit être impossible de rien vous dissimuler. Avec un bon sourire, le grand limier reprenait :

– Il m'est arrivé, en effet, parfois de découvrir certains secrets. Il s'arrêta. Jacques, embarrassé, attendait. Tout en le regardant avec bonté, Chantecoq reprenait :

– Cette faculté que je dois à la nature m'a souvent permis d'éviter à ceux que j'interrogeais des aveux que leur timidité injustifiée les empêchait de me faire… et qu'il m'eût été infiniment agréable pourtant d'entendre de leur bouche. – Monsieur Chantecoq…

– Voulez-vous que je parle pour vous ?

– Soit.

– Allons-y !

Avec un accent de bonhomie affectueuse et charmante, le grand détective poursuivit :

– C'est donc vous qui parlez. – Je m'écoute, sourit Bellegarde, tout réconforté d'un grand rayonnement d'espérance. Le père de Colette scandait :

– Monsieur Chantecoq, j'aime Mlle votre fille… Jacques tressaillit.

– Ai-je été bon devin ? interrogeait malicieusement le fin limier.

– Certes.

– Je vous avouerai franchement que je n'ai pas grand mérite… Mais je n'ai pas fini… Et le détective fit :

– C'est toujours vous qui parlez ! – Non, monsieur Chantecoq… s'écria Jacques en un juvénile élan… Cette fois, c'est mon tour. – Bravo !

Et avec flamme le jeune reporter déclarait :

– Oui, j'aime Mlle Colette et j'ai l'honneur, monsieur Chantecoq, de vous demander sa main. Chantecoq, tout en l'enveloppant d'un regard de paternelle tendresse, répliquait : – Je vous l'accorde, d'autant plus volontiers, mon cher ami, que ma fille, elle aussi, vous aime. – Malgré…

Le journaliste se tut… Il lui semblait que s'il eût prononcé le nom de la disparue, toute l'atmosphère de rêve apaisant et délicieux dans lequel il vivait depuis quelques instants allait brusquement se dissiper. Chantecoq reprenait :

– Lorsque ma fille vous a vu, ce soir, partir si brusquement, si imprudemment, elle a éprouvé, je vous l'avoue franchement, une vive peine, car elle a cru que vous étiez encore attaché, plus que vous ne le pensiez vous-même, à cette malheureuse dont je suis le premier à déplorer la triste fin. « Mais dès à présent, j'en suis sûr, elle a compris que vous aviez obéi uniquement au remords que vous causait la crainte d'avoir encouru une grave responsabilité dans la fin de cette pauvre femme et que, seul, ce sentiment qui ne peut que vous honorer grandement vous a dicté votre gratitude. « Donc, aucun nuage ne peut s'élever entre vous deux… Aucun mauvais souvenir ne viendra jamais embrumer le clair bonheur qui vous attend. « Bientôt, Belphégor sera démasqué ; et un jour, un mutuel amour vous fera oublier les moments si douloureux que vous venez de traverser.

– Oh ! monsieur Chantecoq, s'écriait Jacques, je ne saurais vous dire à quel point vous me rendez heureux. « Excusez-moi si, dans mon émotion, je ne trouve pas les mots qu'il faudrait… – Les mots ne sont rien, mon cher enfant, affirmait Chantecoq ; seul le cœur compte ; et je crois connaître assez le vôtre pour être sûr qu'il est digne de battre à l'unisson de celui que vous avez su conquérir. Jacques, éperdu de joie, se jeta dans les bras du détective, qui l'étreignit comme l'eût fait un père. Puis Chantecoq reprit gravement :

– En attendant, vous allez reprendre au plus vite votre personnage de Cantarelli dans lequel vous vous êtes, d'ailleurs, montré si remarquable. – C'est entendu… acceptait le reporter. – Je vous consigne donc ici… reprenait le roi des détectives… mais formellement… sous la garde de…

Et, d'un geste affectueux, il désigna Colette qui, depuis un instant déjà, était sortie de sa cachette et adressait à son fiancé un sourire qui était tout l'amour… Jacques s'en fut vers elle. – Mademoiselle, fit-il… votre père vous dira…

– Rien ! répondit Colette… car j'ai tout entendu… – Comment cela ?

– J'étais là… derrière le paravent. – Pas possible ?

– Je suis la fille d'un détective et… – Vous êtes l'être le plus adorable… et vous serez la femme la plus adorée ! Leurs mains se joignirent… Et ce fut le muet mais divin serment de ces deux âmes… Désormais pour toujours unies dans la même foi… dans le même rêve.

Chantecoq les contempla d'un regard attendri ; puis il murmura : – Maintenant je suis tranquille… il ne sortira plus de la maison !

3-4 Où on voit Chantecoq prouver qu'il est aussi fin psychologue... 3-4 Chantecoq proves he's also a fine psychologist...

Où on voit Chantecoq prouver qu'il est aussi fin psychologue qu'habile détective Après avoir regagné la villa de Chantecoq et remercié Colette d'un serrement de main expressif, Jacques Bellegarde était remonté dans sa chambre. Assis devant sa table, la tête entre les mains, on eût dit que, condamné et vaincu par la fatalité, il n'en attendait plus que le coup suprême. Déjà loin, très loin du monde, il n'entendit pas ouvrir sa porte… et il ne vit pas Chantecoq et Colette qui, tous deux, arrêtés sur le seuil, le contemplaient l'un avec une expression de sincère compassion, et l'autre avec toutes les apparences de la plus anxieuse tristesse. Le détective prononça quelques mots à l'oreille de sa fille, qui aussitôt, sur la pointe des pieds, se glissa derrière un paravent placé à gauche de la porte. Chantecoq s'avança vers Jacques et lui dit d'une voix à la fois grave et affectueuse : – Allons mon ami, du courage !

Le reporter tressaillit, releva la tête. À la vue du grand limier, ses traits contractés se détendirent un peu… et, d'une voix encore brisée, il murmura : – C'est affreux, n'est-ce pas ? Le grand limier interrogeait :

– Vous aimiez donc encore cette femme ?

– Non ! répliquait Jacques… Je ne l'aimais pas… Je suis même sûr de ne l'avoir jamais aimée. – Alors… pourquoi ce grand désespoir ?

– Parce que j'ai la conviction que je suis cause de sa mort. Chantecoq fit un signe de dénégation.

Puis, il ajouta avec cette fermeté d'accent qui rendaient si convaincantes ses affirmations : – J'ai la certitude, au contraire, que vous n'êtes en rien responsable de ce douloureux événement… – Ah ! si vous pouviez me faire partager votre conviction, s'écriait Bellegarde, de quel poids serais-je soulagé !… Tout en s'asseyant en face du journaliste, le grand détective reprit : – Étant retourné à l'hôtel d'Auteuil, tandis qu'on me faisait attendre dans son boudoir, j'ai appris au cours d'une conversation qui se tenait dans un salon, entre Mlle Bergen et plusieurs de ses amis, que Mlle Desroches faisait un grand abus de stupéfiants. – C'est vrai, appuyait Jacques. – Il se peut donc fort bien, développait le limier, qu'à la suite, non pas de votre rupture, mais de la venue du Fantôme dans sa maison, afin de calmer la véritable terreur qui s'était emparée d'elle et dont j'ai pu constater les manifestations, Mlle Desroches ait absorbé une dose trop forte de l'une de ses drogues coutumières. – C'est fort possible, en effet, mais ce n'est pas certain. – D'accord… mon cher ami… Mais admettez cependant que mon hypothèse est des plus vraisemblables. – Je l'admets. – Parfait… Je n'ai pas terminé… Tout à l'heure, Ménardier, qui s'était rendu à Auteuil pour vous arrêter et auquel j'ai eu la satisfaction de jouer le bon tour que vous savez, a émis devant moi une autre hypothèse, et je ne suis pas éloigné d'être de son avis, que le décès de Mlle Desroches était des plus suspects… Et il a même ajouté, et là nous ne sommes plus d'accord, qu'il vous soupçonnait fort de l'avoir assassinée. – Moi ! se révoltait Jacques… Et dans quel dessein aurais-je accompli un crime si abominable ?

– C'est ce que je lui ai demandé, à ce cher Ménardier. – Et que vous a-t-il répondu ?

– Ménardier prétend qu'après avoir dérobé ou fait dérober vos lettres, et redoutant que Mlle Desroches ne donnât à la police certains détails qui n'eussent point manqué de favoriser votre arrestation, vous l'auriez supprimée à l'aide d'un poison subtil que vous auriez rapporté de l'un de vos voyages en Extrême-Orient ; et il a déclaré qu'il allait adresser à son supérieur hiérarchique un rapport concluant à la nécessité absolue d'une prompte autopsie de votre prétendue victime. – Décidément, s'irritait le journaliste, ce Ménardier est la pire des brutes. – Non ! ripostait Chantecoq. Ce n'est certes pas un génie, mais ce n'est pas un sot. J'ajouterai même que c'est un excellent garçon. – En ce cas, pourquoi, malgré tout ce que vous lui avez dit à mon sujet, s'acharne-t-il ainsi après moi ? – C'est très simple… Ménardier est, en ce moment dans l'état d'esprit d'un médecin qui, après avoir commis une erreur de diagnostic, s'entêterait, par amour-propre à traiter son client pour une maladie qu'il n'a pas. « Laissons-le s'enterrer jusqu'à la garde… Cette nouvelle accusation dont il vous charge ne peut que nuire à ses intérêts et profiter aux nôtres. – Comment cela ?

– Parce que la lumière ne peut plus tarder à se faire. Et lorsqu'on saura que, pour m'aider à la divulgation de la vérité, vous avez consenti à vous laisser charger de tous les crimes de Belphégor et que, moi, ainsi que je vous en ai donné ma parole d'honneur, j'aurai publiquement déclaré que, sans votre héroïque silence et votre si courageuse attitude, il m'eût été impossible de découvrir le vrai coupable, de quelle admiration, de quelle popularité serez-vous entouré ! « Ce sera pour vous mieux que la vogue et le succès, c'est-à-dire la célébrité, le triomphe. Et, pour ma part, j'en serai profondément heureux. Rasséréné par les réconfortantes exhortations du grand détective, Bellegarde reprenait :

– Je ne saurais vous dire à quel point je suis touché de votre amitié mais plus encore que tout le reste, je vous suis profondément reconnaissant de m'avoir permis d'espérer que je n'étais pour rien dans la mort de Simone. – Ce n'est pas espérer, qu'il faut dire, c'est : je suis sûr ! – Alors, selon vous, c'est Belphégor qui l'aurait empoisonnée ? – Parbleu !

– Et par conséquent dans l'intention d'augmenter les charges qu'il a déjà accumulées contre moi. – C'est clair comme de l'eau de roche. Saisissant la main du détective, le reporter s'écria : – Ah ! monsieur Chantecoq, si je ne vous avais pas rencontré sur ma route, j'étais perdu ; car seul je n'aurais jamais pu me défendre contre de si diaboliques machinations. – Alors, s'écriait le grand limier, j'ai bien fait de laisser ce brave Gautrais vous introduire dans la salle des Dieux barbares ? –  Je ne saurais trop vous en prouver ma gratitude.

– Alors, plus d'arrière-pensées… Plus de doutes sur vous-même… Plus de drames de conscience… lançait le roi des détectives. – Non, puisque je vous sens près de moi… avec moi… scandait avec force le rédacteur du Petit Parisien.

Puis, il ajouta :

– Permettez-moi cependant une question.

– Je vous en prie.

– Si Belphégor, ainsi que vous tendez à le croire, a empoisonné cette malheureuse Simone, il faut qu'il ait eu des complices dans la maison. – C'est tout à fait mon avis ; et c'est la première chose que je vais rechercher dès que j'aurai appris du baron Papillon le nom de la personne à qui il a cédé les Mémoires de Ruggieri. Et, joyeusement, Chantecoq s'écria : – Vous voyez que tout va bien, très bien, admirablement bien… Avec de moindres indices j'ai débrouillé souvent des énigmes que d'autres avaient renoncé à résoudre… Car, voyez-vous, pour être bon détective, il faut être, avant tout, psychologue. – Et vous l'êtes à un tel point, affirmait Jacques, qu'il doit être impossible de rien vous dissimuler. Avec un bon sourire, le grand limier reprenait :

– Il m'est arrivé, en effet, parfois de découvrir certains secrets. Il s'arrêta. Jacques, embarrassé, attendait. Tout en le regardant avec bonté, Chantecoq reprenait :

– Cette faculté que je dois à la nature m'a souvent permis d'éviter à ceux que j'interrogeais des aveux que leur timidité injustifiée les empêchait de me faire… et qu'il m'eût été infiniment agréable pourtant d'entendre de leur bouche. – Monsieur Chantecoq…

– Voulez-vous que je parle pour vous ?

– Soit.

– Allons-y !

Avec un accent de bonhomie affectueuse et charmante, le grand détective poursuivit :

– C'est donc vous qui parlez. – Je m'écoute, sourit Bellegarde, tout réconforté d'un grand rayonnement d'espérance. Le père de Colette scandait :

– Monsieur Chantecoq, j'aime Mlle votre fille… Jacques tressaillit.

– Ai-je été bon devin ? interrogeait malicieusement le fin limier.

– Certes.

– Je vous avouerai franchement que je n'ai pas grand mérite… Mais je n'ai pas fini… Et le détective fit :

– C'est toujours vous qui parlez ! – Non, monsieur Chantecoq… s'écria Jacques en un juvénile élan… Cette fois, c'est mon tour. – Bravo !

Et avec flamme le jeune reporter déclarait :

– Oui, j'aime Mlle Colette et j'ai l'honneur, monsieur Chantecoq, de vous demander sa main. Chantecoq, tout en l'enveloppant d'un regard de paternelle tendresse, répliquait : – Je vous l'accorde, d'autant plus volontiers, mon cher ami, que ma fille, elle aussi, vous aime. – Malgré…

Le journaliste se tut… Il lui semblait que s'il eût prononcé le nom de la disparue, toute l'atmosphère de rêve apaisant et délicieux dans lequel il vivait depuis quelques instants allait brusquement se dissiper. Chantecoq reprenait :

– Lorsque ma fille vous a vu, ce soir, partir si brusquement, si imprudemment, elle a éprouvé, je vous l'avoue franchement, une vive peine, car elle a cru que vous étiez encore attaché, plus que vous ne le pensiez vous-même, à cette malheureuse dont je suis le premier à déplorer la triste fin. « Mais dès à présent, j'en suis sûr, elle a compris que vous aviez obéi uniquement au remords que vous causait la crainte d'avoir encouru une grave responsabilité dans la fin de cette pauvre femme et que, seul, ce sentiment qui ne peut que vous honorer grandement vous a dicté votre gratitude. « Donc, aucun nuage ne peut s'élever entre vous deux… Aucun mauvais souvenir ne viendra jamais embrumer le clair bonheur qui vous attend. « Bientôt, Belphégor sera démasqué ; et un jour, un mutuel amour vous fera oublier les moments si douloureux que vous venez de traverser.

– Oh ! monsieur Chantecoq, s'écriait Jacques, je ne saurais vous dire à quel point vous me rendez heureux. « Excusez-moi si, dans mon émotion, je ne trouve pas les mots qu'il faudrait… – Les mots ne sont rien, mon cher enfant, affirmait Chantecoq ; seul le cœur compte ; et je crois connaître assez le vôtre pour être sûr qu'il est digne de battre à l'unisson de celui que vous avez su conquérir. Jacques, éperdu de joie, se jeta dans les bras du détective, qui l'étreignit comme l'eût fait un père. Puis Chantecoq reprit gravement :

– En attendant, vous allez reprendre au plus vite votre personnage de Cantarelli dans lequel vous vous êtes, d'ailleurs, montré si remarquable. – C'est entendu… acceptait le reporter. – Je vous consigne donc ici… reprenait le roi des détectives… mais formellement… sous la garde de…

Et, d'un geste affectueux, il désigna Colette qui, depuis un instant déjà, était sortie de sa cachette et adressait à son fiancé un sourire qui était tout l'amour… Jacques s'en fut vers elle. – Mademoiselle, fit-il… votre père vous dira…

– Rien ! répondit Colette… car j'ai tout entendu… – Comment cela ?

– J'étais là… derrière le paravent. – Pas possible ?

– Je suis la fille d'un détective et… – Vous êtes l'être le plus adorable… et vous serez la femme la plus adorée ! Leurs mains se joignirent… Et ce fut le muet mais divin serment de ces deux âmes… Désormais pour toujours unies dans la même foi… dans le même rêve.

Chantecoq les contempla d'un regard attendri ; puis il murmura : – Maintenant je suis tranquille… il ne sortira plus de la maison !