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Lettres de mon moulin (Alphonse Daudet, 1887), LE CURÉ DE CUCUGNAN.

LE CURÉ DE CUCUGNAN.

Tous les ans, à la Chandeleur, les poètes provençaux publient en Avignon un joyeux petit livre rempli jusqu'aux bords de beaux vers et de jolis contes. Celui de cette année m'arrive à l'instant, et j'y trouve un adorable fabliau que je vais essayer de vous traduire en l'abrégeant un peu… Parisiens, tendez vos mannes. C'est de la fine fleur de farine provençale qu'on va vous servir cette fois… L'abbé Martin était curé… de Cucugnan. Bon comme le pain, franc comme l'or, il aimait paternellement ses Cucugnanais ; pour lui, son Cucugnan aurait été le paradis sur terre, si les Cucugnanais lui avaient donné un peu plus de satisfaction. Mais, hélas ! les araignées filaient dans son confessionnal, et, le beau jour de Pâques, les hosties restaient au fond de son saint-ciboire. Le bon prêtre en avait le cœur meurtri, et toujours il demandait à Dieu la grâce de ne pas mourir avant d'avoir ramené au bercail son troupeau dispersé. Or, vous allez voir que Dieu l'entendit. Un dimanche, après l'Évangile, M. Martin monta en chaire. — Mes frères, dit-il, vous me croirez si vous voulez : l'autre nuit, je me suis trouvé, moi misérable pécheur, à la porte du paradis. « Je frappai : saint Pierre m'ouvrit ! « — Tiens ! c'est vous, mon brave monsieur Martin, me fit-il ; quel bon vent…? et qu'y a-t-il pour votre service ? « — Beau saint Pierre, vous qui tenez le grand livre et la clef, pourriez-vous me dire, si je ne suis pas trop curieux, combien vous avez de Cucugnanais en paradis ?

« — Je n'ai rien à vous refuser, monsieur Martin ; asseyez-vous, nous allons voir la chose ensemble. « Et saint Pierre prit son gros livre, l'ouvrit, mit ses besicles : « — Voyons un peu : Cucugnan, disons-nous. Cu… Cu… Cucugnan. Nous y sommes. Cucugnan… Mon brave monsieur Martin, la page est toute blanche. Pas une âme… Pas plus de Cucugnanais que d'arêtes dans une dinde. « — Comment ! Personne de Cucugnan ici ? Personne ? Ce n'est pas possible ! Regardez mieux…

« — Personne, saint homme. Regardez vous-même, si vous croyez que je plaisante.

« Moi, pécaïre ! je frappais des pieds, et, les mains jointes, je criais miséricorde. Alors, saint Pierre :

« — Croyez-moi, monsieur Martin, il ne faut pas ainsi vous mettre le cœur à l'envers, car vous pourriez en avoir quelque mauvais coup de sang. Ce n'est pas votre faute, après tout. Vos Cucugnanais, voyez-vous, doivent faire à coup sûr leur petite quarantaine en purgatoire.

« — Ah ! par charité, grand saint Pierre ! faites que je puisse au moins les voir et les consoler.

« — Volontiers, mon ami… Tenez, chaussez vite ces sandales, car les chemins ne sont pas beaux de reste… Voilà qui est bien… Maintenant, cheminez droit devant vous. Voyez vous là-bas, au fond, en tournant ? Vous trouverez une porte d'argent toute constellée de croix noires… à main droite… Vous frapperez, on vous ouvrira… Adessias ! Tenez-vous sain et gaillardet.

« Et je cheminai… je cheminai ! Quelle battue ! j'ai la chair de poule, rien que d'y songer. Un petit sentier, plein de ronces, d'escarboucles qui luisaient et de serpents qui sifflaient, m'amena jusqu'à la porte d'argent. « — Pan ! pan !

« — Qui frappe ! me fait une voix rauque et dolente.

« — Le curé de Cucugnan.

« — De…?

« — De Cucugnan.

« — Ah !… Entrez.

« J'entrai. Un grand bel ange, avec des ailes sombres comme la nuit, avec une robe resplendissante comme le jour, avec une clef de diamant pendue à sa ceinture, écrivait, cra-cra, dans un grand livre plus gros que celui de saint Pierre…

« — Finalement, que voulez-vous et que demandez-vous ? dit l'ange. « — Bel ange de Dieu, je veux savoir, — je suis bien curieux peut-être, — si vous avez ici les Cucugnanais.

« — Les ?…

« — Les Cucugnanais, les gens de Cucugnan… que c'est moi qui suis leur prieur. « — Ah ! l'abbé Martin, n'est-ce pas ? « — Pour vous servir, monsieur l'ange. « — Vous dites donc Cucugnan…

« Et l'ange ouvre et feuillette son grand livre, mouillant son doigt de salive pour que le feuillet glisse mieux… « — Cucugnan, dit-il en poussant un long soupir… Monsieur Martin, nous n'avons en purgatoire personne de Cucugnan. « — Jésus ! Marie ! Joseph ! personne de Cucugnan en purgatoire ! Ô grand Dieu ! où sont-ils donc ?

« — Eh ! saint homme, ils sont en paradis. Où diantre voulez-vous qu'ils soient ? « — Mais j'en viens, du paradis… « — Vous en venez !

!… Eh bien ?

« — Eh bien ! ils n'y sont pas !…… Ah ! bonne mère des anges !…

« — Que voulez-vous, monsieur le curé ? s'ils ne sont ni en paradis ni en purgatoire, il n'y a pas de milieu, ils sont… « — Sainte croix ! Jésus, fils de David ! Aï ! aï ! aï ! est-il possible ?… Serait-ce un mensonge du grand saint Pierre ?… Pourtant je n'ai pas entendu chanter le coq !… Aï ! pauvres nous ! comment irai-je en paradis si mes Cucugnanais n'y sont pas ? « — Écoutez, mon pauvre monsieur Martin, puisque vous voulez, coûte que coûte, être sûr de tout ceci, et voir de vos yeux de quoi il retourne, prenez ce sentier, filez en courant, si vous savez courir… Vous trouverez, à gauche, un grand portail. Là, vous vous renseignerez sur tout. Dieu vous le donne !

« Et l'ange ferma la porte. « C'était un long sentier tout pavé de braise rouge. Je chancelais comme si j'avais bu ; à chaque pas, je trébuchais ; j'étais tout en eau, chaque poil de mon corps avait sa goutte de sueur, et je haletais de soif… Mais, ma foi, grâce aux sandales que le bon saint Pierre m'avait prêtées, je ne me brûlai pas les pieds. « Quand j'eus fait assez de faux pas clopin-clopant, je vis à ma main gauche une porte… non, un portail, un énorme portail, tout bâillant, comme la porte d'un grand four. Oh ! mes enfants, quel spectacle ! Là on ne demande pas mon nom ; là, point de registre. Par fournées et à pleine porte, on entre là, mes frères, comme le dimanche vous entrez au cabaret.

« Je suais à grosses gouttes, et pourtant j'étais transi, j'avais le frisson. Mes cheveux se dressaient. Je sentais le brûlé, la chair rôtie, quelque chose comme l'odeur qui se répand dans notre Cucugnan quand Éloy, le maréchal, brûle pour la ferrer la botte d'un vieil âne. Je perdais haleine dans cet air puant et embrasé ; j'entendais une clameur horrible, des gémissements, des hurlements et des jurements. « — Eh bien ! entres-tu ou n'entres-tu pas, toi ? — me fait, en me piquant de sa fourche, un démon cornu.

« — Moi ? Je n'entre pas. Je suis un ami de Dieu.

« — Tu es un ami de Dieu… Eh ! b… de teigneux ! que viens-tu faire ici ?…

« — Je viens… Ah ! ne m'en parlez pas, que je ne puis plus me tenir sur mes jambes… Je viens… je viens de loin… humblement vous demander… si… si, par coup de hasard… vous n'auriez pas ici… quelqu'un… quelqu'un de Cucugnan… « — Ah ! feu de Dieu ! tu fais la bête, toi, comme si tu ne savais pas que tout Cucugnan est ici. Tiens, laid corbeau, regarde, et tu verras comme nous les arrangeons ici, tes fameux Cucugnanais…

« Et je vis, au milieu d'un épouvantable tourbillon de flamme : « Le long Coq-Galine, — vous l'avez tous connu, mes frères, — Coq-Galine, qui se grisait si souvent, et si souvent secouait les puces à sa pauvre Clairon. « Je vis Catarinet… cette petite gueuse… avec son nez en l'air… qui couchait toute seule à la grange… Il vous en souvient, mes drôles !… Mais passons, j'en ai trop dit. « Je vis Pascal Doigt-de-Poix, qui faisait son huile avec les olives de M. Julien.

« Je vis Babet la glaneuse, qui, en glanant, pour avoir plus vite noué sa gerbe, puisait à poignées aux gerbiers.

« Je vis maître Grapasi, qui huilait si bien la roue de sa brouette.

« Et Dauphine, qui vendait si cher l'eau de son puits. « Et le Tortillard, qui, lorsqu'il me rencontrait portant le bon Dieu, filait son chemin, la barrette sur la tête et la pipe au bec… et fier comme Artaban… comme s'il avait rencontré un chien. « Et Coulau avec sa Zette, et Jacques, et Pierre, et Toni…

Ému, blême de peur, l'auditoire gémit, en voyant, dans l'enfer tout ouvert, qui son père et qui sa mère, qui sa grand'mère et qui sa sœur… — Vous sentez bien, mes frères, reprit le bon abbé Martin, vous sentez bien que ceci ne peut pas durer. J'ai charge d'âmes, et je veux, je veux vous sauver de l'abîme où vous êtes tous en train de rouler tête première. Demain je me mets à l'ouvrage, pas plus tard que demain. Et l'ouvrage ne manquera pas ! Voici comment je m'y prendrai. Pour que tout se fasse bien, il faut tout faire avec ordre. Nous irons rang par rang, comme à Jonquières quand on danse.

« Demain lundi, je confesserai les vieux et les vieilles. Ce n'est rien. « Mardi, les enfants. J'aurai bientôt fait. « Mercredi, les garçons et les filles. Cela pourra être long.

« Jeudi, les hommes. Nous couperons court.

« Vendredi, les femmes. Je dirai : Pas d'histoires ! « Samedi, le meunier !… Ce n'est pas trop d'un jour pour lui tout seul. « Et, si dimanche nous avons fini, nous serons bien heureux.

« Voyez-vous, mes enfants, quand le blé est mûr, il faut le couper ; quand le vin est tiré, il faut le boire. Voilà assez de linge sale, il s'agit de le laver, et de le bien laver. « C'est la grâce que je vous souhaite. Amen ! Ce qui fut dit fut fait. On coula la lessive.

Depuis ce dimanche mémorable, le parfum des vertus de Cucugnan se respire à dix lieues à l'entour. Et le bon pasteur M. Martin, heureux et plein d'allégresse, a rêvé l'autre nuit que, suivi de tout son troupeau, il gravissait, en resplendissante procession, au milieu des cierges allumés, d'un nuage d'encens qui embaumait et des enfants de chœur qui chantaient Te Deum, le chemin éclairé de la cité de Dieu. Et voilà l'histoire du curé de Cucugnan, telle que m'a ordonné de vous le dire ce grand gueusard de Roumanille, qui la tenait lui-même d'un autre bon compagnon.


LE CURÉ DE CUCUGNAN.

Tous les ans, à la Chandeleur, les poètes provençaux publient en Avignon un joyeux petit livre rempli jusqu'aux bords de beaux vers et de jolis contes. Celui de cette année m'arrive à l'instant, et j'y trouve un adorable fabliau que je vais essayer de vous traduire en l'abrégeant un peu… Parisiens, tendez vos mannes. C'est de la fine fleur de farine provençale qu'on va vous servir cette fois… L'abbé Martin était curé… de Cucugnan. Bon comme le pain, franc comme l'or, il aimait paternellement ses Cucugnanais ; pour lui, son Cucugnan aurait été le paradis sur terre, si les Cucugnanais lui avaient donné un peu plus de satisfaction. Mais, hélas ! les araignées filaient dans son confessionnal, et, le beau jour de Pâques, les hosties restaient au fond de son saint-ciboire. Le bon prêtre en avait le cœur meurtri, et toujours il demandait à Dieu la grâce de ne pas mourir avant d'avoir ramené au bercail son troupeau dispersé. Or, vous allez voir que Dieu l'entendit. Un dimanche, après l'Évangile, M. Martin monta en chaire. — Mes frères, dit-il, vous me croirez si vous voulez : l'autre nuit, je me suis trouvé, moi misérable pécheur, à la porte du paradis. « Je frappai : saint Pierre m'ouvrit ! « — Tiens ! c'est vous, mon brave monsieur Martin, me fit-il ; quel bon vent…? et qu'y a-t-il pour votre service ? « — Beau saint Pierre, vous qui tenez le grand livre et la clef, pourriez-vous me dire, si je ne suis pas trop curieux, combien vous avez de Cucugnanais en paradis ?

« — Je n'ai rien à vous refuser, monsieur Martin ; asseyez-vous, nous allons voir la chose ensemble. « Et saint Pierre prit son gros livre, l'ouvrit, mit ses besicles : « — Voyons un peu : Cucugnan, disons-nous. Cu… Cu… Cucugnan. Nous y sommes. Cucugnan… Mon brave monsieur Martin, la page est toute blanche. Pas une âme… Pas plus de Cucugnanais que d'arêtes dans une dinde. « — Comment ! Personne de Cucugnan ici ? Personne ? Ce n'est pas possible ! Regardez mieux…

« — Personne, saint homme. Regardez vous-même, si vous croyez que je plaisante.

« Moi, pécaïre ! je frappais des pieds, et, les mains jointes, je criais miséricorde. Alors, saint Pierre :

« — Croyez-moi, monsieur Martin, il ne faut pas ainsi vous mettre le cœur à l'envers, car vous pourriez en avoir quelque mauvais coup de sang. Ce n'est pas votre faute, après tout. Vos Cucugnanais, voyez-vous, doivent faire à coup sûr leur petite quarantaine en purgatoire.

« — Ah ! par charité, grand saint Pierre ! faites que je puisse au moins les voir et les consoler.

« — Volontiers, mon ami… Tenez, chaussez vite ces sandales, car les chemins ne sont pas beaux de reste… Voilà qui est bien… Maintenant, cheminez droit devant vous. Voyez vous là-bas, au fond, en tournant ? Vous trouverez une porte d'argent toute constellée de croix noires… à main droite… Vous frapperez, on vous ouvrira… Adessias ! Tenez-vous sain et gaillardet.

« Et je cheminai… je cheminai ! Quelle battue ! j'ai la chair de poule, rien que d'y songer. Un petit sentier, plein de ronces, d'escarboucles qui luisaient et de serpents qui sifflaient, m'amena jusqu'à la porte d'argent. « — Pan ! pan !

« — Qui frappe ! me fait une voix rauque et dolente.

« — Le curé de Cucugnan.

« — De…?

« — De Cucugnan.

« — Ah !… Entrez.

« J'entrai. Un grand bel ange, avec des ailes sombres comme la nuit, avec une robe resplendissante comme le jour, avec une clef de diamant pendue à sa ceinture, écrivait, cra-cra, dans un grand livre plus gros que celui de saint Pierre…

« — Finalement, que voulez-vous et que demandez-vous ? dit l'ange. « — Bel ange de Dieu, je veux savoir, — je suis bien curieux peut-être, — si vous avez ici les Cucugnanais.

« — Les ?…

« — Les Cucugnanais, les gens de Cucugnan… que c'est moi qui suis leur prieur. « — Ah ! l'abbé Martin, n'est-ce pas ? « — Pour vous servir, monsieur l'ange. « — Vous dites donc Cucugnan…

« Et l'ange ouvre et feuillette son grand livre, mouillant son doigt de salive pour que le feuillet glisse mieux… « — Cucugnan, dit-il en poussant un long soupir… Monsieur Martin, nous n'avons en purgatoire personne de Cucugnan. « — Jésus ! Marie ! Joseph ! personne de Cucugnan en purgatoire ! Ô grand Dieu ! où sont-ils donc ? where are they?

« — Eh ! "- Hey! saint homme, ils sont en paradis. holy man, they are in paradise. Où diantre voulez-vous qu'ils soient ? « — Mais j'en viens, du paradis… « — Vous en venez !

!… Eh bien ?

« — Eh bien ! ils n'y sont pas !…… Ah ! they are not there! …… Ah! bonne mère des anges !…

« — Que voulez-vous, monsieur le curé ? "'What do you want, Monsieur le Cure? s'ils ne sont ni en paradis ni en purgatoire, il n'y a pas de milieu, ils sont… if they are neither in paradise nor in purgatory, there is no environment, they are ... « — Sainte croix ! Jésus, fils de David ! Aï ! Have ! aï ! aï ! est-il possible ?… Serait-ce un mensonge du grand saint Pierre ?… Pourtant je n'ai pas entendu chanter le coq !… Aï ! is it possible? ... Could it be a lie from the great Saint Peter? ... Yet I did not hear the rooster crowing! ... Ai! pauvres nous ! poor us! comment irai-je en paradis si mes Cucugnanais n'y sont pas ? « — Écoutez, mon pauvre monsieur Martin, puisque vous voulez, coûte que coûte, être sûr de tout ceci, et voir de vos yeux de quoi il retourne, prenez ce sentier, filez en courant, si vous savez courir… Vous trouverez, à gauche, un grand portail. Là, vous vous renseignerez sur tout. Dieu vous le donne !

« Et l'ange ferma la porte. « C'était un long sentier tout pavé de braise rouge. Je chancelais comme si j'avais bu ; à chaque pas, je trébuchais ; j'étais tout en eau, chaque poil de mon corps avait sa goutte de sueur, et je haletais de soif… Mais, ma foi, grâce aux sandales que le bon saint Pierre m'avait prêtées, je ne me brûlai pas les pieds. « Quand j'eus fait assez de faux pas clopin-clopant, je vis à ma main gauche une porte… non, un portail, un énorme portail, tout bâillant, comme la porte d'un grand four. Oh ! mes enfants, quel spectacle ! Là on ne demande pas mon nom ; là, point de registre. Там не спрашивают моего имени; там нет регистрации. Par fournées et à pleine porte, on entre là, mes frères, comme le dimanche vous entrez au cabaret. Партиями и при полном входе туда входят, братья мои, как в воскресенье входят в кабаре.

« Je suais à grosses gouttes, et pourtant j'étais transi, j'avais le frisson. Mes cheveux se dressaient. У меня волосы встали дыбом. Je sentais le brûlé, la chair rôtie, quelque chose comme l'odeur qui se répand dans notre Cucugnan quand Éloy, le maréchal, brûle pour la ferrer la botte d'un vieil âne. Я чувствовал запах горелого, жареного мяса, что-то вроде запаха, который распространяется по нашему Кукуньяну, когда Элой, маршал, сгорает, чтобы подковать сапог старого осла. Je perdais haleine dans cet air puant et embrasé ; j'entendais une clameur horrible, des gémissements, des hurlements et des jurements. У меня перехватило дыхание в этом вонючем, палящем воздухе; Я услышал ужасный шум, стоны, крики и ругань. « — Eh bien ! " - Хорошо ! entres-tu ou n'entres-tu pas, toi ? ты заходишь или не заходишь? — me fait, en me piquant de sa fourche, un démon cornu.

« — Moi ? Je n'entre pas. Je suis un ami de Dieu.

« — Tu es un ami de Dieu… Eh ! b… de teigneux ! que viens-tu faire ici ?…

« — Je viens… Ah ! ne m'en parlez pas, que je ne puis plus me tenir sur mes jambes… Je viens… je viens de loin… humblement vous demander… si… si, par coup de hasard… vous n'auriez pas ici… quelqu'un… quelqu'un de Cucugnan… не говори мне об этом, что я уже не могу стоять на ногах... Я приду... Я приду издалека... смиренно прошу тебя... если... если, случайно... не было бы здесь... кого-нибудь... кого-нибудь из Кукуньяна... « — Ah ! feu de Dieu ! огонь Божий! tu fais la bête, toi, comme si tu ne savais pas que tout Cucugnan est ici. you play the silly, you, as if you did not know that all of Cucugnan is here. ты валяешь дурака, ты как будто не знаешь, что весь Кукуньян здесь. Tiens, laid corbeau, regarde, et tu verras comme nous les arrangeons ici, tes fameux Cucugnanais… Вот, гадкая ворона, посмотри, и увидишь, как мы их устроим здесь, твои знаменитые Кукуньяне...

« Et je vis, au milieu d'un épouvantable tourbillon de flamme : «И увидел я среди страшного огненного вихря: « Le long Coq-Galine, — vous l'avez tous connu, mes frères, — Coq-Galine, qui se grisait si souvent, et si souvent secouait les puces à sa pauvre Clairon. — Длинный Кок-Галин — вы все его знали, братья мои — Кок-Галин, который так часто напивался и так часто стряхивал блох со своего бедного Клерона. « Je vis Catarinet… cette petite gueuse… avec son nez en l'air… qui couchait toute seule à la grange… Il vous en souvient, mes drôles !… Mais passons, j'en ai trop dit. «Я видел Катаринет… эту нищенку… с задранным носом… которая спала в полном одиночестве в амбаре… Вы помните это, мои дорогие!… Но давайте двигаться дальше, я сказал слишком много. « Je vis Pascal Doigt-de-Poix, qui faisait son huile avec les olives de M. Julien. — Я видел Паскаля Дуа-де-Пуа, который делал свое масло из оливок мистера Жюльена.

« Je vis Babet la glaneuse, qui, en glanant, pour avoir plus vite noué sa gerbe, puisait à poignées aux gerbiers. «Я видел Бабетту-подборщицу, которая во время подбирания, чтобы поскорее связать свой сноп, черпала из снопов пригоршни.

« Je vis maître Grapasi, qui huilait si bien la roue de sa brouette. «Я видел Мастера Грапаси, который так хорошо смазал колесо своей тачки.

« Et Dauphine, qui vendait si cher l'eau de son puits. — И Дофина, которая продала воду из своего колодца по такой высокой цене. « Et le Tortillard, qui, lorsqu'il me rencontrait portant le bon Dieu, filait son chemin, la barrette sur la tête et la pipe au bec… et fier comme Artaban… comme s'il avait rencontré un chien. «И Тортильяр, который, когда встретил меня, несущего доброго Господа, закружился, с заколкой на голове и трубкой во рту… и гордый, как Артабан… как будто встретил собаку. « Et Coulau avec sa Zette, et Jacques, et Pierre, et Toni… «И Куло со своей Зеттой, и Жак, и Пьер, и Тони…

Ému, blême de peur, l'auditoire gémit, en voyant, dans l'enfer tout ouvert, qui son père et qui sa mère, qui sa grand'mère et qui sa sœur… Тронутая, бледная от страха публика стонала, видя в разверзшемся аду, кто его отец, а кто мать, кто бабушка, а кто сестра... — Vous sentez bien, mes frères, reprit le bon abbé Martin, vous sentez bien que ceci ne peut pas durer. J'ai charge d'âmes, et je veux, je veux vous sauver de l'abîme où vous êtes tous en train de rouler tête première. У меня есть забота о душах, и я хочу, я хочу спасти вас из бездны, куда вы все катитесь головой вперед. Demain je me mets à l'ouvrage, pas plus tard que demain. Завтра я приступаю к работе, не позже завтрашнего дня. Et l'ouvrage ne manquera pas ! Voici comment je m'y prendrai. Pour que tout se fasse bien, il faut tout faire avec ordre. Чтобы все было сделано хорошо, все должно быть сделано по порядку. Nous irons rang par rang, comme à Jonquières quand on danse. Мы будем идти ряд за рядом, как в Жонкьере, когда мы танцуем.

« Demain lundi, je confesserai les vieux et les vieilles. «Завтра в понедельник я исповедую стариков и старух. Ce n'est rien. Это ничто. « Mardi, les enfants. J'aurai bientôt fait. Я скоро сделаю. « Mercredi, les garçons et les filles. «Среда, мальчики и девочки. Cela pourra être long. Это может быть долго.

« Jeudi, les hommes. «Четверг, мужики. Nous couperons court. Мы сократим это.

« Vendredi, les femmes. «Пятница, женщины. Je dirai : Pas d'histoires ! Я скажу: без суеты! « Samedi, le meunier !… Ce n'est pas trop d'un jour pour lui tout seul. “Saturday, the miller!… It's not too much of a day for him alone. — Суббота, мельник!.. Ему одному не щадно. « Et, si dimanche nous avons fini, nous serons bien heureux. «И, если в воскресенье мы закончим, мы будем очень счастливы.

« Voyez-vous, mes enfants, quand le blé est mûr, il faut le couper ; quand le vin est tiré, il faut le boire. «Видите ли, дети мои, когда пшеница созреет, ее нужно срезать; когда вино набрано, его нужно выпить. Voilà assez de linge sale, il s'agit de le laver, et de le bien laver. Хватит грязного белья, нужно его постирать, и постирать хорошо. « C'est la grâce que je vous souhaite. «Желаю благодати. Amen ! Ce qui fut dit fut fait. Что было сказано, то сделано. On coula la lessive. Мы запустили прачечную.

Depuis ce dimanche mémorable, le parfum des vertus de Cucugnan se respire à dix lieues à l'entour. С того памятного воскресенья благоухание добродетелей Кукуньяна разнеслось за десять лиг вокруг. Et le bon pasteur M. Martin, heureux et plein d'allégresse, a rêvé l'autre nuit que, suivi de tout son troupeau, il gravissait, en resplendissante procession, au milieu des cierges allumés, d'un nuage d'encens qui embaumait et des enfants de chœur qui chantaient Te Deum, le chemin éclairé de la cité de Dieu. And the good pastor M. Martin, happy and full of joy, dreamed the other night that, followed by all his flock, he was climbing, in resplendent procession, in the midst of lighted candles, a cloud of incense which embalmed and altar boys singing Te Deum, the lighted path to the city of God. А доброму пастору М. Мартину, счастливому и полному радости, однажды ночью приснилось, что в сопровождении всего своего стада он восходит в великолепной процессии среди зажженных свечей, облако благовоний, которое благоухает и жертвенник мальчики поют Te Deum, светлый путь в град Божий. Et voilà l'histoire du curé de Cucugnan, telle que m'a ordonné de vous le dire ce grand gueusard de Roumanille, qui la tenait lui-même d'un autre bon compagnon.