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Vol de Nuit, VI

VI

Les secrétaires somnolaient dans les bureaux de Buenos Aires, quand Rivière entra. Il avait gardé son manteau, son chapeau, il ressemblait toujours à un éternel voyageur, et passait presque inaperçu, tant sa petite taille déplaçait peu d'air, tant ses cheveux gris et ses vêtements anonymes s'adaptaient à tous les décors. Et pourtant un zèle anima les hommes. Les secrétaires s'émurent, le chef de bureau compulsa d'urgence les derniers papiers, les machines à écrire cliquetèrent.

Le téléphoniste plantait ses fiches dans le standard, et notait sur un livre épais les télégrammes.

Rivière s'assit et lut.

Après l'épreuve du Chili, il relisait l'histoire d'un jour heureux où les choses s'ordonnent d'elles-mêmes, où les messages, dont se délivrent l'un après l'autre les aéroports franchis, sont de sobres bulletins de victoire. Le courrier de Patagonie, lui aussi, progressait vite : on était en avance sur l'horaire, car les vents poussaient du Sud vers le Nord leur grande houle favorable.

— Passez-moi les messages météo.

Chaque aéroport vantait son temps clair, son ciel transparent, sa bonne brise. Un soir doré avait habillé l'Amérique. Rivière se réjouit du zèle des choses. Maintenant ce courrier luttait quelque part dans l'aventure de la nuit, mais avec les meilleures chances.

Rivière repoussa le cahier.

— Ça va.

Et sortit jeter un coup d'oeil sur les services, veilleur de nuit qui veillait sur la moitié du monde.

* * *

Devant une fenêtre ouverte il s'arrêta et comprit la nuit. Elle contenait Buenos Aires, mais aussi, comme une vaste nef, l'Amérique. Il ne s'étonna pas de ce sentiment de grandeur : le ciel de Santiago du Chili, un ciel étranger, mais une fois le courrier en marche vers Santiago du Chili, on vivait, d'un bout à l'autre de la ligne, sous la même voûte profonde. Cet autre courrier maintenant dont on guettait la voix dans les écouteurs de T.S.F., les pêcheurs de Patagonie en voyaient luire les feux de bord. Cette inquiétude d'un avion en vol quand elle pesait sur Rivière, pesait aussi sur les capitales et les provinces, avec le grondement du moteur.

Heureux de cette nuit bien dégagée, il se souvenait de nuits de désordre, où l'avion lui semblait dangereusement enfoncé et si difficile à secourir. On suivait du poste radio de Buenos Aires sa plainte mêlée au grésillement des orages. Sous cette gangue sourde, l'or de l'onde musicale se perdait. Quelle détresse dans le chant mineur d'un courrier jeté en flèche aveugle vers les obstacles de la nuit!

* * *

Rivière pensa que la place d'un inspecteur, une nuit de veille, est au bureau.

— Faites-moi chercher Robineau.

Robineau était sur le point de faire d'un pilote son ami. Il avait, à l'hôtel, devant lui déballé sa valise; elle livrait ces menus objets par quoi les inspecteurs se rapprochent du reste des hommes : quelques chemises de mauvais goût, un nécessaire de toilette, puis une photographie de femme maigre que l'inspecteur piqua au mur. Il faisait ainsi à Pellerin l'humble confession de ses besoins, de ses tendresses, de ses regrets. Alignant dans un ordre misérable ses trésors, il étalait devant le pilote sa misère. Un eczéma moral. Il montrait sa prison.

Mais pour Robineau, comme pour tous les hommes, existait une petite lumière. Il avait éprouvé une grande douceur en tirant du fond de sa valise, précieusement enveloppé, un petit sac. Il l'avait tapoté longtemps sans rien dire. Puis desserrant enfin les mains :

— J'ai ramené ça du Sahara...

L'inspecteur avait rougi d'oser une telle confidence. Il était consolé de ses déboires et de son infortune conjugale, et de toute cette grise vérité par de petits cailloux noirâtres qui ouvraient une porte sur le mystère.

Rougissant un peu plus :

— On trouve les mêmes au Brésil...

Et Pellerin avait tapoté l'épaule d'un inspecteur qui se penchait sur l'Atlantide.

Par pudeur aussi Pellerin avait demandé :

— Vous aimez la géologie?

— C'est ma passion.

Seules, dans la vie, avaient été douces pour lui, les pierres.

* * *

Robineau, quand on l'appela, fut triste, mais redevint digne.

— Je dois vous quitter, M. Rivière a besoin de moi pour quelques décisions graves.

Quand Robineau pénétra au bureau, Rivière l'avait oublié. Il méditait devant une carte murale où s'inscrivait en rouge le réseau de la Compagnie. L'inspecteur attendait ses ordres. Après de longues minutes, Rivière, sans détourner la tête, lui demanda :

— Que pensez-vous de cette carte, Robineau?

Il posait parfois des rébus en sortant d'un songe.

— Cette carte, monsieur le Directeur...

L'inspecteur, à vrai dire, n'en pensait rien, mais, fixant la carte d'un air sévère, il inspectait en gros l'Europe et l'Amérique. Rivière d'ailleurs poursuivait, sans lui en faire part, ses méditations : « Le visage de ce réseau est beau mais dur. Il nous a coûté beaucoup d'hommes, de jeunes hommes. Il s'impose ici, avec l'autorité des choses bâties, mais combien de problèmes il pose! » Cependant, le but pour Rivière dominait tout.

Robineau, debout auprès de lui, fixant toujours, droit devant soi, la carte, peu à peu se redressait. De la part de Rivière, il n'espérait aucun apitoiement.

Il avait une fois tenté sa chance en avouant sa vie gâchée par sa ridicule infirmité, et Rivière lui avait répondu par une boutade : « Si ça vous empêche de dormir, ça stimulera votre activité. »

Ce n'était qu'une demi-boutade. Rivière avait coutume d'affirmer : « Si les insomnies d'un musicien lui font créer de belles oeuvres, ce sont de belles insomnies. » Un jour il avait désigné Leroux : « Regardez-moi ça, comme c'est beau, cette laideur qui repousse l'amour... » Tout ce que Leroux avait de grand, il le devait peut-être à cette disgrâce qui avait réduit sa vie à celle du métier.

— Vous êtes très lié avec Pellerin?

— Euh!...

— Je ne vous le reproche pas.

Rivière fit demi-tour, et, la tête penchée, marchant à petits pas, il entraînait avec lui Robineau. Un sourire triste lui vint aux lèvres, que Robineau ne comprit pas.

— Seulement... seulement vous êtes le chef.

— Oui, fit Robineau.

Rivière pensa qu'ainsi, chaque nuit, une action se nouait dans le ciel comme un drame. Un fléchissement des volontés pouvait entraîner une défaite, on aurait peut-être à lutter beaucoup d'ici le jour.

— Vous devez rester dans votre rôle.

Rivière pesait ses mots :

— Vous commanderez peut-être à ce pilote, la nuit prochaine, un départ dangereux : il devra obéir.

— Oui...

— Vous disposez presque de la vie des hommes, et d'hommes qui valent mieux que vous...

Il parut hésiter.

— Ça, c'est grave.

Rivière, marchant toujours à petits pas, se tut quelques secondes.

— Si c'est par amitié qu'ils vous obéissent, vous les dupez. Vous n'avez droit vous-même à aucun sacrifice.

— Non... bien sûr.

— Et, s'ils croient que votre amitié leur épargnera certaines corvées, vous les dupez aussi : il faudra bien qu'ils obéissent. Asseyez-vous là.

Rivière doucement, de la main, poussait Robineau vers son bureau.

— Je vais vous mettre à votre place, Robineau. Si vous êtes las, ce n'est pas à ces hommes de vous soutenir. Vous êtes le chef. Votre faiblesse est ridicule. Ecrivez.

— Je...

— Ecrivez : « L'inspecteur Robineau inflige au pilote Pellerin telle sanction pour tel motif... » Vous trouverez un motif quelconque.

— Monsieur le Directeur!

— Faites comme si vous compreniez, Robineau. Aimez ceux que vous commandez. Mais sans le leur dire.

Robineau, de nouveau, avec zèle, ferait nettoyer les moyeux d'hélice.

* * *

Un terrain de secours communiqua par T.S.F. « Avion en vue. Avion signale : Baisse de régime, vais atterrir. »

On perdrait sans doute une demi-heure. Rivière connut cette irritation, que l'on éprouve quand le rapide stoppe sur la voie, et que les minutes ne délivrent plus leur lot de plaines. La grande aiguille de la pendule décrivait maintenant un espace mort : tant d'événements auraient pu tenir dans cette ouverture de compas. Rivière sortit pour tromper l'attente, et la nuit lui apparut vide comme un théâtre sans acteur. « Une telle nuit qui se perd! » Il regardait avec rancune, par la fenêtre, ce ciel découvert, enrichi d'étoiles, ce balisage divin, cette lune, l'or d'une telle nuit dilapidé.

* * *

Mais, dès que l'avion décolla, cette nuit pour Rivière fut encore émouvante et belle. Elle portait la vie dans ses flancs. Rivière en prenait soin :

— Quel temps rencontrez-vous? fit-il demander à l'équipage.

Dix secondes s'écoulèrent :

— Très beau.

Puis vinrent quelques noms de villes franchies, et c'était pour Rivière, dans cette lutte, des cités qui tombaient.

VI VI VI VI VI VI VI VI VI VI

Les secrétaires somnolaient dans les bureaux de Buenos Aires, quand Rivière entra. The secretaries were dozing in the Buenos Aires offices when Rivière entered. Il avait gardé son manteau, son chapeau, il ressemblait toujours à un éternel voyageur, et passait presque inaperçu, tant sa petite taille déplaçait peu d'air, tant ses cheveux gris et ses vêtements anonymes s'adaptaient à tous les décors. He had kept his coat and his hat, and still looked like an eternal traveler, almost unnoticed because his small stature displaced so little air, and his gray hair and anonymous clothes adapted to any setting. Et pourtant un zèle anima les hommes. And yet a zeal animated the men. Les secrétaires s'émurent, le chef de bureau compulsa d'urgence les derniers papiers, les machines à écrire cliquetèrent. Las secretarias estaban alborotadas, el director de la oficina se apresuraba con el último papeleo y las máquinas de escribir traqueteaban.

Le téléphoniste plantait ses fiches dans le standard, et notait sur un livre épais les télégrammes. The telephonist planted his cards in the switchboard, noting down telegrams in a thick book. El telefonista colocaba sus tarjetas en la centralita y anotaba los telegramas en un grueso libro.

Rivière s'assit et lut. Rivière sat down and read.

Après l'épreuve du Chili, il relisait l'histoire d'un jour heureux où les choses s'ordonnent d'elles-mêmes, où les messages, dont se délivrent l'un après l'autre les aéroports franchis, sont de sobres bulletins de victoire. After the ordeal in Chile, he was rereading the story of a happy day when things took care of themselves, and the messages delivered one after the other from the airports he crossed were sober bulletins of victory. Le courrier de Patagonie, lui aussi, progressait vite : on était en avance sur l'horaire, car les vents poussaient du Sud vers le Nord leur grande houle favorable. The Patagonian mail was also making rapid progress: we were ahead of schedule, as the winds were pushing their great favorable swell from south to north.

— Passez-moi les messages météo. - Pass me the weather messages.

Chaque aéroport vantait son temps clair, son ciel transparent, sa bonne brise. Every airport boasted of its clear weather, transparent skies and pleasant breezes. Un soir doré avait habillé l'Amérique. A golden evening had clothed America. Rivière se réjouit du zèle des choses. Rivière is delighted with the zeal of things. Rivière está encantado con el celo de las cosas. Maintenant ce courrier luttait quelque part dans l'aventure de la nuit, mais avec les meilleures chances. Now this courier was struggling somewhere in the night's adventure, but with the best of odds.

Rivière repoussa le cahier. Rivière pushed the notebook away.

— Ça va.

Et sortit jeter un coup d'oeil sur les services, veilleur de nuit qui veillait sur la moitié du monde. And went out to take a look at the services, night watchman who watched over half the world.

* * *

Devant une fenêtre ouverte il s'arrêta et comprit la nuit. In front of an open window he stopped and understood the night. Elle contenait Buenos Aires, mais aussi, comme une vaste nef, l'Amérique. It contained Buenos Aires, but also, like a vast nave, America. Il ne s'étonna pas de ce sentiment de grandeur : le ciel de Santiago du Chili, un ciel étranger, mais une fois le courrier en marche vers Santiago du Chili, on vivait, d'un bout à l'autre de la ligne, sous la même voûte profonde. He was not surprised by this feeling of grandeur: the sky of Santiago de Chile, a foreign sky, but once the mail was on its way to Santiago de Chile, we lived, from one end of the line to the other, under the same deep vault. Cet autre courrier maintenant dont on guettait la voix dans les écouteurs de T.S.F., les pêcheurs de Patagonie en voyaient luire les feux de bord. This other courier whose voice was now listened to in the headphones of TSF, the fishermen of Patagonia saw its lights shining on board. Los pescadores de la Patagonia podían ver ahora las luces de este otro mensajero, cuya voz podíamos oír a través de los auriculares del T.S.F. Cette inquiétude d'un avion en vol quand elle pesait sur Rivière, pesait aussi sur les capitales et les provinces, avec le grondement du moteur. This anxiety of an airplane in flight when it weighed on Rivière, also weighed on the capitals and the provinces, with the roar of the engine.

Heureux de cette nuit bien dégagée, il se souvenait de nuits de désordre, où l'avion lui semblait dangereusement enfoncé et si difficile à secourir. Happy with this very clear night, he remembered nights of disorder, when the plane seemed to him dangerously sunk and so difficult to rescue. Feliz por la noche despejada, recordó noches en las que el avión parecía peligrosamente hundido y tan difícil de rescatar. On suivait du poste radio de Buenos Aires sa plainte mêlée au grésillement des orages. We listened from the Buenos Aires radio station to his complaint mingled with the crackling of the storms. Sous cette gangue sourde, l'or de l'onde musicale se perdait. Beneath this dull gangue, the gold of the musical wave was lost. Quelle détresse dans le chant mineur d'un courrier jeté en flèche aveugle vers les obstacles de la nuit! What distress in the minor song of a courier hurled blindly towards the obstacles of the night!

* * *

Rivière pensa que la place d'un inspecteur, une nuit de veille, est au bureau. Rivière thought that the place of an inspector, one night watch, is in the office.

— Faites-moi chercher Robineau. - Send for Robineau.

Robineau était sur le point de faire d'un pilote son ami. Robineau was about to make a pilot his friend. Il avait, à l'hôtel, devant lui déballé sa valise; elle livrait ces menus objets par quoi les inspecteurs se rapprochent du reste des hommes : quelques chemises de mauvais goût, un nécessaire de toilette, puis une photographie de femme maigre que l'inspecteur piqua au mur. He had unpacked his suitcase in front of him at the hotel; she delivered those small objects by which the inspectors get closer to the rest of the men: a few shirts in bad taste, a vanity case, then a photograph of a skinny woman that the inspector snatched from the wall. Il faisait ainsi à Pellerin l'humble confession de ses besoins, de ses tendresses, de ses regrets. He thus made to Pellerin the humble confession of his needs, of his affections, of his regrets. Alignant dans un ordre misérable ses trésors, il étalait devant le pilote sa misère. Lining up his treasures in wretched order, he displayed his misery before the pilot. Un eczéma moral. A moral eczema. Il montrait sa prison. He was showing his prison.

Mais pour Robineau, comme pour tous les hommes, existait une petite lumière. But for Robineau, as for all men, there was a little light. Il avait éprouvé une grande douceur en tirant du fond de sa valise, précieusement enveloppé, un petit sac. He had felt a great gentleness as he pulled a small, preciously wrapped bag from the bottom of his suitcase. Il l'avait tapoté longtemps sans rien dire. He had patted her for a long time without saying anything. Puis desserrant enfin les mains : Then finally loosening his hands:

— J'ai ramené ça du Sahara... - I brought this back from the Sahara...

L'inspecteur avait rougi d'oser une telle confidence. The inspector had blushed to dare such a confidence. Il était consolé de ses déboires et de son infortune conjugale, et de toute cette grise vérité par de petits cailloux noirâtres qui ouvraient une porte sur le mystère. He was consoled for his setbacks and his conjugal misfortune, and for all this gray truth by little blackish pebbles which opened a door on the mystery.

Rougissant un peu plus : Blushing a little more:

— On trouve les mêmes au Brésil... — You can find the same ones in Brazil...

Et Pellerin avait tapoté l'épaule d'un inspecteur qui se penchait sur l'Atlantide. And Pellerin had patted the shoulder of an inspector who was leaning over Atlantis.

Par pudeur aussi Pellerin avait demandé : Also out of modesty Pellerin had asked:

— Vous aimez la géologie? - Do you like geology?

— C'est ma passion. - It's my passion.

Seules, dans la vie, avaient été douces pour lui, les pierres. Only stones in life had been sweet to him.

* * *

Robineau, quand on l'appela, fut triste, mais redevint digne. Robineau, when called, was sad, but dignified again.

— Je dois vous quitter, M. Rivière a besoin de moi pour quelques décisions graves. — I have to leave you, Mr. Rivière needs me for some serious decisions.

Quand Robineau pénétra au bureau, Rivière l'avait oublié. When Robineau entered the office, Rivière had forgotten about him. Il méditait devant une carte murale où s'inscrivait en rouge le réseau de la Compagnie. He pondered in front of a wall map showing the Company's network in red. L'inspecteur attendait ses ordres. The inspector was waiting for his orders. Après de longues minutes, Rivière, sans détourner la tête, lui demanda : After several long minutes, Rivière, without looking away, asked him:

— Que pensez-vous de cette carte, Robineau? - What do you think of this card, Robineau?

Il posait parfois des rébus en sortant d'un songe. He sometimes posed rebuses when he came out of a dream.

— Cette carte, monsieur le Directeur... - This card, Mr. Director...

L'inspecteur, à vrai dire, n'en pensait rien, mais, fixant la carte d'un air sévère, il inspectait en gros l'Europe et l'Amérique. The inspector, to tell the truth, thought nothing of it, but, staring sternly at the map, he roughly inspected Europe and America. Rivière d'ailleurs poursuivait, sans lui en faire part, ses méditations : « Le visage de ce réseau est beau mais dur. Rivière, moreover, continued his meditations without telling him: “The face of this network is beautiful but hard. Il nous a coûté beaucoup d'hommes, de jeunes hommes. It cost us a lot of men, young men. Il s'impose ici, avec l'autorité des choses bâties, mais combien de problèmes il pose! It imposes itself here, with the authority of built things, but how many problems it poses! » Cependant, le but pour Rivière dominait tout. However, the goal for Rivière dominated everything.

Robineau, debout auprès de lui, fixant toujours, droit devant soi, la carte, peu à peu se redressait. Robineau, standing beside him, still staring straight ahead at the map, was gradually straightening up. De la part de Rivière, il n'espérait aucun apitoiement. From Rivière, he expected no pity. No esperaba que Rivière sintiera lástima por él.

Il avait une fois tenté sa chance en avouant sa vie gâchée par sa ridicule infirmité, et Rivière lui avait répondu par une boutade : « Si ça vous empêche de dormir, ça stimulera votre activité. He had once tried his luck by admitting his life was wasted by his ridiculous infirmity, and Rivière had answered him with a joke: "If it prevents you from sleeping, it will stimulate your activity." »

Ce n'était qu'une demi-boutade. It was only a half-joke. Rivière avait coutume d'affirmer : « Si les insomnies d'un musicien lui font créer de belles oeuvres, ce sont de belles insomnies. Rivière used to say: “If a musician's insomnia makes him create beautiful works, it is beautiful insomnia. » Un jour il avait désigné Leroux : « Regardez-moi ça, comme c'est beau, cette laideur qui repousse l'amour... » Tout ce que Leroux avait de grand, il le devait peut-être à cette disgrâce qui avait réduit sa vie à celle du métier. One day he pointed to Leroux: "Look at that, how beautiful it is, this ugliness that repels love..." All that Leroux had that was great, he perhaps owed it to this disgrace that had reduces his life to that of the profession.

— Vous êtes très lié avec Pellerin? "Are you very close to Pellerin?"

— Euh!... - Err...

— Je ne vous le reproche pas. “I don't blame you.

Rivière fit demi-tour, et, la tête penchée, marchant à petits pas, il entraînait avec lui Robineau. Rivière turned round, and, with bent head, walking with short steps, he dragged Robineau with him. Rivière dio media vuelta y, con la cabeza agachada, caminó lentamente, arrastrando consigo a Robineau. Un sourire triste lui vint aux lèvres, que Robineau ne comprit pas. A sad smile came to his lips, which Robineau did not understand.

— Seulement... seulement vous êtes le chef. "Only... only you're the boss."

— Oui, fit Robineau. "Yes," said Robineau.

Rivière pensa qu'ainsi, chaque nuit, une action se nouait dans le ciel comme un drame. Rivière thought that in this way, each night, an action took place in the sky like a drama. Rivière pensó que cada noche se desarrollaba una acción en el cielo como un drama. Un fléchissement des volontés pouvait entraîner une défaite, on aurait peut-être à lutter beaucoup d'ici le jour. A weakening of wills could lead to a defeat, we might have to fight a lot between now and day. Un debilitamiento de la voluntad podría conducir a la derrota, y es posible que tengamos que luchar mucho de aquí a ese día.

— Vous devez rester dans votre rôle. “You must stay in your role.

Rivière pesait ses mots : Rivière weighed his words:

— Vous commanderez peut-être à ce pilote, la nuit prochaine, un départ dangereux : il devra obéir. "Perhaps you will order this pilot next night to make a dangerous departure: he will have to obey."

— Oui...

— Vous disposez presque de la vie des hommes, et d'hommes qui valent mieux que vous... "You almost dispose of the lives of men, and of men who are better than you...

Il parut hésiter. He seemed to hesitate.

— Ça, c'est grave. - This is serious.

Rivière, marchant toujours à petits pas, se tut quelques secondes. Rivière, still walking slowly, was silent for a few seconds.

— Si c'est par amitié qu'ils vous obéissent, vous les dupez. "If it's out of friendship that they obey you, you're fooling them." - Si te obedecen por amistad, les estás engañando. Vous n'avez droit vous-même à aucun sacrifice. You yourself have no right to any sacrifice.

— Non... bien sûr. - No, of course.

— Et, s'ils croient que votre amitié leur épargnera certaines corvées, vous les dupez aussi : il faudra bien qu'ils obéissent. - And if they think your friendship will spare them certain chores, you're fooling them too: they'll have to obey. Asseyez-vous là. Sit down there.

Rivière doucement, de la main, poussait Robineau vers son bureau. Riviere gently pushed Robineau towards his desk.

— Je vais vous mettre à votre place, Robineau. "I'll put you in your place, Robineau." Si vous êtes las, ce n'est pas à ces hommes de vous soutenir. If you are tired, it is not for these men to support you. Vous êtes le chef. You're the boss. Votre faiblesse est ridicule. Your weakness is ridiculous. Ecrivez.

— Je... - I...

— Ecrivez : « L'inspecteur Robineau inflige au pilote Pellerin telle sanction pour tel motif... » Vous trouverez un motif quelconque. — Write: “Inspector Robineau inflicts on pilot Pellerin such and such a sanction for such and such a reason...” You will find any reason whatsoever.

— Monsieur le Directeur!

— Faites comme si vous compreniez, Robineau. "Act as if you understand, Robineau." Aimez ceux que vous commandez. Love those you command. Mais sans le leur dire. But without telling them.

Robineau, de nouveau, avec zèle, ferait nettoyer les moyeux d'hélice. Robineau again zealously had the propeller hubs cleaned.

* * *

Un terrain de secours communiqua par T.S.F. A relief site communicated by TSF « Avion en vue. "Plane in sight. Avion signale : Baisse de régime, vais atterrir. Airplane signals: Power down, going to land. »

On perdrait sans doute une demi-heure. We would probably lose half an hour. Rivière connut cette irritation, que l'on éprouve quand le rapide stoppe sur la voie, et que les minutes ne délivrent plus leur lot de plaines. Rivière knew that irritation one feels when the rapid stops on the way, and the minutes no longer deliver their share of plains. La grande aiguille de la pendule décrivait maintenant un espace mort : tant d'événements auraient pu tenir dans cette ouverture de compas. The large hand of the clock was now describing a dead space: so many events could have fit in this compass aperture. Rivière sortit pour tromper l'attente, et la nuit lui apparut vide comme un théâtre sans acteur. Riviere went out to beat the wait, and the night seemed empty to him like a theater without an actor. « Une telle nuit qui se perd! “Such a night that gets lost! » Il regardait avec rancune, par la fenêtre, ce ciel découvert, enrichi d'étoiles, ce balisage divin, cette lune, l'or d'une telle nuit dilapidé. He gazed resentfully out of the window at that open sky, enriched with stars, that divine beacon, that moon, the gold of such a squandered night.

* * *

Mais, dès que l'avion décolla, cette nuit pour Rivière fut encore émouvante et belle. But, as soon as the plane took off, that night for Rivière was still moving and beautiful. Elle portait la vie dans ses flancs. She carried life in her flanks. Rivière en prenait soin : Rivière took care of it:

— Quel temps rencontrez-vous? — What weather do you meet? fit-il demander à l'équipage. he asked the crew.

Dix secondes s'écoulèrent : Ten seconds passed:

— Très beau. - Beautiful.

Puis vinrent quelques noms de villes franchies, et c'était pour Rivière, dans cette lutte, des cités qui tombaient. Then came a few names of towns crossed, and it was for Rivière, in this struggle, towns which fell.