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La Dame aux Camélias - Dumas Fils, Chapitre XXVI (1)

Chapitre XXVI (1)

« Ce qui suivit cette nuit fatale, vous le savez aussi bien que moi, mais ce que vous ne savez pas, ce que vous ne pouvez pas soupçonner, c'est ce que j'ai souffert depuis notre séparation.

« J'avais appris que votre père vous avait emmené, mais je me doutais bien que vous ne pourriez pas vivre longtemps loin de moi, et le jour où je vous rencontrai aux Champs-Élysées, je fus émue, mais non étonnée.

« Alors commença cette série de jours dont chacun m'apporta une nouvelle insulte de vous, insulte que je recevais presque avec joie, car outre qu'elle était la preuve que vous m'aimiez toujours, il me semblait que, plus vous me persécuteriez, plus je grandirais à vos yeux le jour où vous sauriez la vérité.

« Ne vous étonnez pas de ce martyre joyeux, Armand, l'amour que vous aviez eu pour moi avait ouvert mon coeur à de nobles enthousiasmes.

« Cependant je n'avais pas été tout de suite aussi forte.

« Entre l'exécution du sacrifice que je vous avais fait et votre retour, un temps assez long s'était écoulé pendant lequel j'avais eu besoin d'avoir recours à des moyens physiques pour ne pas devenir folle et pour m'étourdir sur la vie dans laquelle je me rejetais. Prudence vous a dit, n'est-ce pas, que j'étais de toutes les fêtes, de tous les bals, de toutes les orgies ?

« J'avais comme l'espérance de me tuer rapidement, à force d'excès, et, je crois, cette espérance ne tardera pas à se réaliser. Ma santé s'altéra nécessairement de plus en plus, et le jour où j'envoyai madame Duvernoy vous demander grâce, j'étais épuisée de corps et d'âme.

« Je ne vous rappellerai pas, Armand, de quelle façon vous avez récompensé la dernière preuve d'amour que je vous ai donnée, et par quel outrage vous avez chassé de Paris la femme qui, mourante, n'avait pu résister à votre voix quand vous lui demandiez une nuit d'amour, et qui, comme une insensée, a cru, un instant, qu'elle pourrait ressouder le passé et le présent. Vous aviez le droit de faire ce que vous avez fait, Armand : on ne m'a pas toujours payé mes nuits aussi cher !

« J'ai tout laissé alors ! Olympe m'a remplacée auprès de M. de N… et s'est chargée, m'a-t-on dit, de lui apprendre le motif de mon départ. Le comte de G… était à Londres. C'est un de ces hommes qui, ne donnant à l'amour avec les filles comme moi que juste assez d'importance pour qu'il soit un passe-temps agréable, restent les amis des femmes qu'ils ont eues et n'ont pas de haine, n'ayant jamais eu de jalousie ; c'est enfin un de ces grands seigneurs qui ne nous ouvrent qu'un côté de leur coeur, mais qui nous ouvrent les deux côtés de leur bourse. C'est à lui que je pensai tout de suite. J'allai le rejoindre. Il me reçut à merveille, mais il était là-bas l'amant d'une femme du monde, et craignait de se compromettre en s'affichant avec moi. Il me présenta à ses amis qui me donnèrent un souper après lequel l'un d'eux m'emmena.

« Que vouliez-vous que je fisse, mon ami ?

« Me tuer ? C'eût été charger votre vie, qui doit être heureuse, d'un remords inutile ; puis, à quoi bon se tuer quand on est si près de mourir ?

« Je passai à l'état de corps sans âme, de chose sans pensée ; je vécus pendant quelque temps de cette vie automatique, puis je revins à Paris et je demandai après vous ; j'appris alors que vous étiez parti pour un long voyage. Rien ne me soutenait plus. Mon existence redevint ce qu'elle avait été deux ans avant que je vous connusse. Je tentai de ramener le duc, mais j'avais trop rudement blessé cet homme, et les vieillards ne sont pas patients, sans doute parce qu'ils s'aperçoivent qu'ils ne sont pas éternels. La maladie m'envahissait de jour en jour, j'étais pâle, j'étais triste, j'étais plus maigre encore. Les hommes qui achètent l'amour examinent la marchandise avant de la prendre. Il y avait à Paris des femmes mieux portantes, plus grasses que moi ; on m'oublia un peu. Voilà le passé jusqu'à hier.

« Maintenant je suis tout à fait malade. J'ai écrit au duc pour lui demander de l'argent, car je n'en ai pas, et les créanciers sont revenus, et m'apportent leurs notes avec un acharnement sans pitié. Le duc me répondra-t-il ? Que n'êtes-vous à Paris, Armand !

Vous viendriez me voir et vos visites me consoleraient. »

« 20 décembre :

« Il fait un temps horrible, il neige, je suis seule chez moi. Depuis trois jours j'ai été prise d'une telle fièvre que je n'ai pu vous écrire un mot. Rien de nouveau, mon ami ; chaque jour j'espère vaguement une lettre de vous, mais elle n'arrive pas et n'arrivera sans doute jamais. Les hommes seuls ont la force de ne pas pardonner. Le duc ne m'a pas répondu.

« Prudence a recommencé ses voyages au Mont-de-Piété.

« Je ne cesse de cracher le sang. Oh ! je vous ferais peine si vous me voyiez. Vous êtes bien heureux d'être sous un ciel chaud et de n'avoir pas comme moi tout un hiver de glace qui vous pèse sur la poitrine. Aujourd'hui, je me suis levée un peu, et, derrière les rideaux de ma fenêtre, j'ai regardé passer cette vie de Paris avec laquelle je crois bien avoir tout à fait rompu. Quelques visages de connaissance sont passés dans la rue, rapides, joyeux, insouciants. Pas un n'a levé les yeux sur mes fenêtres. Cependant, quelques jeunes gens sont venus s'inscrire. Une fois déjà, je fus malade, et vous, qui ne me connaissiez pas, qui n'aviez rien obtenu de moi qu'une impertinence le jour où je vous avais vu pour la première fois, vous veniez savoir de mes nouvelles tous les matins.

« Me voilà malade de nouveau. Nous avons passé six mois ensemble. J'ai eu pour vous autant d'amour que le coeur de la femme peut en contenir et en donner, et vous êtes loin, et vous me maudissez, et il ne me vient pas un mot de consolation de vous. Mais c'est le hasard seul qui fait cet abandon, j'en suis sûr, car si vous étiez à Paris, vous ne quitteriez pas mon chevet et ma chambre. »

« 25 décembre :

« Mon médecin me défend d'écrire tous les jours. En effet, mes souvenirs ne font qu'augmenter ma fièvre, mais, hier, j'ai reçu une lettre qui m'a fait du bien, plus par les sentiments dont elle était l'expression que par le secours matériel qu'elle m'apportait. Je puis donc vous écrire aujourd'hui. Cette lettre était de votre père, et voici ce qu'elle contenait :

« Madame,

« J'apprends à l'instant que vous êtes malade. Si j'étais à Paris, j'irais moi-même savoir de vos nouvelles ; si mon fils était auprès de moi, je lui dirais d'aller en chercher, mais je ne puis quitter C…, et Armand est à six ou sept cents lieues d'ici ; permettez-moi donc simplement de vous écrire, madame, combien je suis peiné de cette maladie, et croyez aux voeux sincères que je fais pour votre prompt rétablissement.

« Un de mes bons amis, M. H…, se présentera chez vous, veuillez le recevoir. Il est chargé par moi d'une commission dont j'attends impatiemment le résultat.

« Veuillez agréer, madame, l'assurance de mes sentiments les plus distingués. »

« Telle est la lettre que j'ai reçue. Votre père est un noble coeur, aimez-le bien, mon ami ; car il y a peu d'hommes au monde aussi dignes d'être aimés. Ce papier signé de son nom m'a fait plus de bien que toutes les ordonnances de notre grand médecin.

« Ce matin, M. H… est venu. Il semblait fort embarrassé de la mission délicate dont l'avait chargé M. Duval. Il venait tout bonnement m'apporter mille écus de la part de votre père. J'ai voulu refuser d'abord, mais M. H… m'a dit que ce refus offenserait M. Duval, qui l'avait autorisé à me donner d'abord cette somme, et à me remettre tout ce dont j'aurais besoin encore. J'ai accepté ce service qui, de la part de votre père, ne peut pas être une aumône. Si je suis morte quand vous reviendrez, montrez à votre père ce que je viens d'écrire pour lui, et dites-lui qu'en traçant ces lignes, la pauvre fille à laquelle il a daigné écrire cette lettre consolante versait des larmes de reconnaissance, et priait Dieu pour lui.

« 4 janvier :

« Je viens de passer une suite de jours bien douloureux. J'ignorais que le corps pût faire souffrir ainsi. Oh ! ma vie passée !

je la paye deux fois aujourd'hui.

« On m'a veillée toutes les nuits. Je ne pouvais plus respirer. Le délire et la toux se partageaient le reste de ma pauvre existence.

« Ma salle à manger est pleine de bonbons, de cadeaux de toutes sortes que mes amis m'ont apportés. Il y en a sans doute, parmi ces gens, qui espèrent que je serai leur maîtresse plus tard. S'ils voyaient ce que la maladie a fait de moi, ils s'enfuiraient épouvantés.

« Prudence donne des étrennes avec celles que je reçois.

« Le temps est à la gelée, et le docteur m'a dit que je pourrai sortir d'ici à quelques jours si le beau temps continue. »

« 8 janvier :

« Je suis sortie hier dans ma voiture. Il faisait un temps magnifique. Les Champs-Élysées étaient pleins de monde. On eût dit le premier sourire du printemps. Tout avait un air de fête autour de moi. Je n'avais jamais soupçonné dans un rayon de soleil tout ce que j'y ai trouvé hier de joie, de douceur et de consolation.

« J'ai rencontré presque tous les gens que je connais, toujours gais, toujours occupés de leurs plaisirs. Que d'heureux qui ne savent pas qu'ils le sont ! Olympe est passée dans une élégante voiture que lui a donnée M. de N… elle a essayé de m'insulter du regard. Elle ne sait pas combien je suis loin de toutes ces vanités-là. Un brave garçon que je connais depuis longtemps m'a demandé si je voulais aller souper avec lui et un de ses amis qui désire beaucoup, disait-il, faire ma connaissance.

« J'ai souri tristement, et lui ai tendu ma main brûlante de fièvre.

« Je n'ai jamais vu visage plus étonné.

« Je suis rentrée à quatre heures, j'ai dîné avec assez d'appétit.

« Cette sortie m'a fait du bien.

« Si j'allais guérir !

« Comme l'aspect de la vie et du bonheur des autres fait désirer de vivre ceux-là qui, la veille, dans la solitude de leur âme et dans l'ombre de leur chambre de malade, souhaitaient de mourir vite ! »

« 10 janvier :

« Cette espérance de santé n'était qu'un rêve. Me voici de nouveau dans mon lit, le corps couvert d'emplâtres qui me brûlent. Va donc offrir ce corps que l'on payait si cher autrefois, et vois ce que l'on t'en donnera aujourd'hui !

« Il faut que nous ayons bien fait du mal avant de naître, ou que nous devions jouir d'un bien grand bonheur après notre mort, pour que Dieu permette que cette vie ait toutes les tortures de l'expiation et toutes les douleurs de l'épreuve. »

« 12 janvier :

« Je souffre toujours.

« Le comte de N… m'a envoyé de l'argent hier, je ne l'ai pas accepté. Je ne veux rien de cet homme. C'est lui qui est cause que vous n'êtes pas près de moi.

« Oh ! nos beaux jours de Bougival ! où êtes-vous ?

« Si je sors vivante de cette chambre, ce sera pour faire un pèlerinage à la maison que nous habitions ensemble, mais je n'en sortirai plus que morte.

« Qui sait si je vous écrirai demain ? »

« 25 janvier :

« Voilà onze nuits que je ne dors pas, que j'étouffe et que je crois à chaque instant que je vais mourir. Le médecin a ordonné qu'on ne me laissât pas toucher une plume. Julie Duprat, qui me veille, me permet encore de vous écrire ces quelques lignes. Ne reviendrez-vous donc point avant que je meure ? Est-ce donc éternellement fini entre nous ? Il me semble que, si vous veniez, je guérirais. À quoi bon guérir ? »

« 28 janvier :

« Ce matin j'ai été réveillée par un grand bruit. Julie, qui dormait dans ma chambre, s'est précipitée dans la salle à manger. J'ai entendu des voix d'hommes contre lesquelles la sienne luttait en vain. Elle est rentrée en pleurant.


Chapitre XXVI (1) Kapitel XXVI (1) Chapter XXVI (1) Capítulo XXVI (1)

« Ce qui suivit cette nuit fatale, vous le savez aussi bien que moi, mais ce que vous ne savez pas, ce que vous ne pouvez pas soupçonner, c'est ce que j'ai souffert depuis notre séparation. "What followed that fatal night, you know as well as I, but what you do not know, what you cannot suspect, is what I have suffered since our separation.

« J'avais appris que votre père vous avait emmené, mais je me doutais bien que vous ne pourriez pas vivre longtemps loin de moi, et le jour où je vous rencontrai aux Champs-Élysées, je fus émue, mais non étonnée. “I had learned that your father had taken you, but I suspected that you could not live long away from me, and the day I met you on the Champs-Élysées, I was moved, but not surprised.

« Alors commença cette série de jours dont chacun m'apporta une nouvelle insulte de vous, insulte que je recevais presque avec joie, car outre qu'elle était la preuve que vous m'aimiez toujours, il me semblait que, plus vous me persécuteriez, plus je grandirais à vos yeux le jour où vous sauriez la vérité. "Dann begann diese Reihe von Tagen, von denen jeder mir eine neue Beleidigung von Ihnen brachte, eine Beleidigung, die ich fast mit Freude aufnahm, denn abgesehen davon, dass sie der Beweis dafür war, dass Sie mich immer noch liebten, schien es mir, dass ich, je mehr Sie mich verfolgten, in Ihren Augen an dem Tag, an dem Sie die Wahrheit erfuhren, umso größer werden würde. “Then began this series of days, each of which brought me a new insult from you, an insult which I received almost with joy, for besides being the proof that you still loved me, it seemed to me that the more you persecuted me , the more I would grow in your eyes the day you would know the truth.

« Ne vous étonnez pas de ce martyre joyeux, Armand, l'amour que vous aviez eu pour moi avait ouvert mon coeur à de nobles enthousiasmes.

« Cependant je n'avais pas été tout de suite aussi forte.

« Entre l'exécution du sacrifice que je vous avais fait et votre retour, un temps assez long s'était écoulé pendant lequel j'avais eu besoin d'avoir recours à des moyens physiques pour ne pas devenir folle et pour m'étourdir sur la vie dans laquelle je me rejetais. "Between the execution of the sacrifice I had made for you and your return, a fairly long time had elapsed during which I had needed to resort to physical means in order not to go mad and to stun myself on the life I was throwing myself back into. Prudence vous a dit, n'est-ce pas, que j'étais de toutes les fêtes, de tous les bals, de toutes les orgies ?

« J'avais comme l'espérance de me tuer rapidement, à force d'excès, et, je crois, cette espérance ne tardera pas à se réaliser. Ma santé s'altéra nécessairement de plus en plus, et le jour où j'envoyai madame Duvernoy vous demander grâce, j'étais épuisée de corps et d'âme. My health necessarily deteriorated more and more, and the day I sent Madame Duvernoy to beg your pardon, I was exhausted in body and soul.

« Je ne vous rappellerai pas, Armand, de quelle façon vous avez récompensé la dernière preuve d'amour que je vous ai donnée, et par quel outrage vous avez chassé de Paris la femme qui, mourante, n'avait pu résister à votre voix quand vous lui demandiez une nuit d'amour, et qui, comme une insensée, a cru, un instant, qu'elle pourrait ressouder le passé et le présent. "I will not remind you, Armand, how you rewarded the last proof of love I gave you, and by what outrage you drove from Paris the woman who, dying, could not resist your voice. when you asked her for a night of love, and who, like a madwoman, believed for a moment that she could reunite the past and the present. Vous aviez le droit de faire ce que vous avez fait, Armand : on ne m'a pas toujours payé mes nuits aussi cher ! Sie hatten das Recht zu tun, was Sie getan haben, Armand: Man hat mir meine Nächte nicht immer so teuer bezahlt!

« J'ai tout laissé alors ! Olympe m'a remplacée auprès de M. de N… et s'est chargée, m'a-t-on dit, de lui apprendre le motif de mon départ. Le comte de G… était à Londres. C'est un de ces hommes qui, ne donnant à l'amour avec les filles comme moi que juste assez d'importance pour qu'il soit un passe-temps agréable, restent les amis des femmes qu'ils ont eues et n'ont pas de haine, n'ayant jamais eu de jalousie ; c'est enfin un de ces grands seigneurs qui ne nous ouvrent qu'un côté de leur coeur, mais qui nous ouvrent les deux côtés de leur bourse. He is one of those men who, giving love with girls like me just enough importance to make it a pleasant pastime, remain friends of the women they have had and never have no hatred, never having had jealousy; he is finally one of those great lords who only open one side of their heart to us, but who open both sides of their purse to us. C'est à lui que je pensai tout de suite. I immediately thought of him. J'allai le rejoindre. I went to join him. Il me reçut à merveille, mais il était là-bas l'amant d'une femme du monde, et craignait de se compromettre en s'affichant avec moi. He received me wonderfully, but he was there the lover of a society woman, and was afraid of compromising himself by appearing with me. Il me présenta à ses amis qui me donnèrent un souper après lequel l'un d'eux m'emmena. He introduced me to his friends who gave me a supper after which one of them took me away.

« Que vouliez-vous que je fisse, mon ami ? "Was sollte ich tun, mein Freund? "What did you want me to do, my friend?"

« Me tuer ? " To kill me ? C'eût été charger votre vie, qui doit être heureuse, d'un remords inutile ; puis, à quoi bon se tuer quand on est si près de mourir ? It would have been burdening your life, which should be happy, with useless remorse; then, what is the use of killing oneself when one is so close to dying?

« Je passai à l'état de corps sans âme, de chose sans pensée ; je vécus pendant quelque temps de cette vie automatique, puis je revins à Paris et je demandai après vous ; j'appris alors que vous étiez parti pour un long voyage. Rien ne me soutenait plus. Nothing supported me anymore. Mon existence redevint ce qu'elle avait été deux ans avant que je vous connusse. My existence returned to what it had been two years before I met you. Je tentai de ramener le duc, mais j'avais trop rudement blessé cet homme, et les vieillards ne sont pas patients, sans doute parce qu'ils s'aperçoivent qu'ils ne sont pas éternels. I tried to bring the duke back, but I had hurt that man too badly, and old people are not patient, no doubt because they realize that they are not eternal. La maladie m'envahissait de jour en jour, j'étais pâle, j'étais triste, j'étais plus maigre encore. Les hommes qui achètent l'amour examinent la marchandise avant de la prendre. Men who buy love examine the merchandise before taking it. Il y avait à Paris des femmes mieux portantes, plus grasses que moi ; on m'oublia un peu. There were women in Paris who were healthier, fatter than me; they forgot me a little. Voilà le passé jusqu'à hier. This is the past until yesterday.

« Maintenant je suis tout à fait malade. J'ai écrit au duc pour lui demander de l'argent, car je n'en ai pas, et les créanciers sont revenus, et m'apportent leurs notes avec un acharnement sans pitié. I have written to the duke asking for money, for I have none, and the creditors have returned, and are bringing me their notes with merciless fury. Le duc me répondra-t-il ? Que n'êtes-vous à Paris, Armand ! Warum sind Sie nicht in Paris, Armand!

Vous viendriez me voir et vos visites me consoleraient. »

« 20 décembre :

« Il fait un temps horrible, il neige, je suis seule chez moi. Depuis trois jours j'ai été prise d'une telle fièvre que je n'ai pu vous écrire un mot. Rien de nouveau, mon ami ; chaque jour j'espère vaguement une lettre de vous, mais elle n'arrive pas et n'arrivera sans doute jamais. Les hommes seuls ont la force de ne pas pardonner. Only men have the strength not to forgive. Le duc ne m'a pas répondu.

« Prudence a recommencé ses voyages au Mont-de-Piété.

« Je ne cesse de cracher le sang. “I keep spitting blood. Oh ! je vous ferais peine si vous me voyiez. Vous êtes bien heureux d'être sous un ciel chaud et de n'avoir pas comme moi tout un hiver de glace qui vous pèse sur la poitrine. You are very happy to be under a warm sky and not to have like me a whole winter of ice which weighs on your chest. Aujourd'hui, je me suis levée un peu, et, derrière les rideaux de ma fenêtre, j'ai regardé passer cette vie de Paris avec laquelle je crois bien avoir tout à fait rompu. Quelques visages de connaissance sont passés dans la rue, rapides, joyeux, insouciants. A few faces of acquaintances passed in the street, quick, happy, carefree. Pas un n'a levé les yeux sur mes fenêtres. Cependant, quelques jeunes gens sont venus s'inscrire. Une fois déjà, je fus malade, et vous, qui ne me connaissiez pas, qui n'aviez rien obtenu de moi qu'une impertinence le jour où je vous avais vu pour la première fois, vous veniez savoir de mes nouvelles tous les matins.

« Me voilà malade de nouveau. Nous avons passé six mois ensemble. J'ai eu pour vous autant d'amour que le coeur de la femme peut en contenir et en donner, et vous êtes loin, et vous me maudissez, et il ne me vient pas un mot de consolation de vous. Mais c'est le hasard seul qui fait cet abandon, j'en suis sûr, car si vous étiez à Paris, vous ne quitteriez pas mon chevet et ma chambre. But it's chance alone that makes this abandonment, I'm sure, because if you were in Paris, you wouldn't leave my bedside and my room. »

« 25 décembre :

« Mon médecin me défend d'écrire tous les jours. En effet, mes souvenirs ne font qu'augmenter ma fièvre, mais, hier, j'ai reçu une lettre qui m'a fait du bien, plus par les sentiments dont elle était l'expression que par le secours matériel qu'elle m'apportait. Je puis donc vous écrire aujourd'hui. Cette lettre était de votre père, et voici ce qu'elle contenait :

« Madame,

« J'apprends à l'instant que vous êtes malade. “I just learned that you are ill. Si j'étais à Paris, j'irais moi-même savoir de vos nouvelles ; si mon fils était auprès de moi, je lui dirais d'aller en chercher, mais je ne puis quitter C…, et Armand est à six ou sept cents lieues d'ici ; permettez-moi donc simplement de vous écrire, madame, combien je suis peiné de cette maladie, et croyez aux voeux sincères que je fais pour votre prompt rétablissement.

« Un de mes bons amis, M. H…, se présentera chez vous, veuillez le recevoir. Il est chargé par moi d'une commission dont j'attends impatiemment le résultat.

« Veuillez agréer, madame, l'assurance de mes sentiments les plus distingués. “Please accept, madam, the assurance of my most distinguished sentiments. »

« Telle est la lettre que j'ai reçue. Votre père est un noble coeur, aimez-le bien, mon ami ; car il y a peu d'hommes au monde aussi dignes d'être aimés. Ce papier signé de son nom m'a fait plus de bien que toutes les ordonnances de notre grand médecin. This paper signed with his name has done me more good than all the prescriptions from our great doctor.

« Ce matin, M. H… est venu. Il semblait fort embarrassé de la mission délicate dont l'avait chargé M. Duval. Il venait tout bonnement m'apporter mille écus de la part de votre père. J'ai voulu refuser d'abord, mais M. H… m'a dit que ce refus offenserait M. Duval, qui l'avait autorisé à me donner d'abord cette somme, et à me remettre tout ce dont j'aurais besoin encore. J'ai accepté ce service qui, de la part de votre père, ne peut pas être une aumône. I have accepted this service which, from your father, cannot be alms. Si je suis morte quand vous reviendrez, montrez à votre père ce que je viens d'écrire pour lui, et dites-lui qu'en traçant ces lignes, la pauvre fille à laquelle il a daigné écrire cette lettre consolante versait des larmes de reconnaissance, et priait Dieu pour lui. If I am dead when you return, show your father what I have just written for him, and tell him that while writing these lines, the poor girl to whom he deigned to write this consoling letter was shedding tears of gratitude. , and prayed to God for him.

« 4 janvier :

« Je viens de passer une suite de jours bien douloureux. J'ignorais que le corps pût faire souffrir ainsi. Oh ! ma vie passée !

je la paye deux fois aujourd'hui.

« On m'a veillée toutes les nuits. Je ne pouvais plus respirer. Le délire et la toux se partageaient le reste de ma pauvre existence.

« Ma salle à manger est pleine de bonbons, de cadeaux de toutes sortes que mes amis m'ont apportés. Il y en a sans doute, parmi ces gens, qui espèrent que je serai leur maîtresse plus tard. S'ils voyaient ce que la maladie a fait de moi, ils s'enfuiraient épouvantés. If they saw what illness has done to me, they would run away terrified.

« Prudence donne des étrennes avec celles que je reçois.

« Le temps est à la gelée, et le docteur m'a dit que je pourrai sortir d'ici à quelques jours si le beau temps continue. »

« 8 janvier :

« Je suis sortie hier dans ma voiture. Il faisait un temps magnifique. Les Champs-Élysées étaient pleins de monde. On eût dit le premier sourire du printemps. Tout avait un air de fête autour de moi. Je n'avais jamais soupçonné dans un rayon de soleil tout ce que j'y ai trouvé hier de joie, de douceur et de consolation.

« J'ai rencontré presque tous les gens que je connais, toujours gais, toujours occupés de leurs plaisirs. Que d'heureux qui ne savent pas qu'ils le sont ! Wie viele Glückliche, die nicht wissen, dass sie es sind! How many happy people who do not know that they are! Olympe est passée dans une élégante voiture que lui a donnée M. de N… elle a essayé de m'insulter du regard. Olympe drove by in an elegant car given to her by M. de N… she tried to insult me with her gaze. Elle ne sait pas combien je suis loin de toutes ces vanités-là. Un brave garçon que je connais depuis longtemps m'a demandé si je voulais aller souper avec lui et un de ses amis qui désire beaucoup, disait-il, faire ma connaissance. A nice fellow I've known for a long time asked me if I wanted to go to supper with him and one of his friends who, he said, very much wants to meet me.

« J'ai souri tristement, et lui ai tendu ma main brûlante de fièvre. “I smiled sadly, and held out my hand burning with fever.

« Je n'ai jamais vu visage plus étonné. “I have never seen a more astonished face.

« Je suis rentrée à quatre heures, j'ai dîné avec assez d'appétit. “I came home at four o'clock, I had dinner with enough appetite.

« Cette sortie m'a fait du bien.

« Si j'allais guérir ! “If only I were to be cured!

« Comme l'aspect de la vie et du bonheur des autres fait désirer de vivre ceux-là qui, la veille, dans la solitude de leur âme et dans l'ombre de leur chambre de malade, souhaitaient de mourir vite ! “How the aspect of the life and happiness of others makes those who, the day before, in the solitude of their souls and in the shadow of their sickroom, wish to die quickly! »

« 10 janvier :

« Cette espérance de santé n'était qu'un rêve. Me voici de nouveau dans mon lit, le corps couvert d'emplâtres qui me brûlent. Here I am again in my bed, my body covered in plasters that burn me. Va donc offrir ce corps que l'on payait si cher autrefois, et vois ce que l'on t'en donnera aujourd'hui !

« Il faut que nous ayons bien fait du mal avant de naître, ou que nous devions jouir d'un bien grand bonheur après notre mort, pour que Dieu permette que cette vie ait toutes les tortures de l'expiation et toutes les douleurs de l'épreuve. »

« 12 janvier :

« Je souffre toujours.

« Le comte de N… m'a envoyé de l'argent hier, je ne l'ai pas accepté. Je ne veux rien de cet homme. C'est lui qui est cause que vous n'êtes pas près de moi.

« Oh ! nos beaux jours de Bougival ! où êtes-vous ?

« Si je sors vivante de cette chambre, ce sera pour faire un pèlerinage à la maison que nous habitions ensemble, mais je n'en sortirai plus que morte.

« Qui sait si je vous écrirai demain ? »

« 25 janvier :

« Voilà onze nuits que je ne dors pas, que j'étouffe et que je crois à chaque instant que je vais mourir. “I haven't slept for eleven nights, suffocating and believing at every moment that I'm going to die. Le médecin a ordonné qu'on ne me laissât pas toucher une plume. The doctor ordered me not to be allowed to touch a feather. Julie Duprat, qui me veille, me permet encore de vous écrire ces quelques lignes. Ne reviendrez-vous donc point avant que je meure ? Est-ce donc éternellement fini entre nous ? Il me semble que, si vous veniez, je guérirais. À quoi bon guérir ? Was nützt es, zu heilen? »

« 28 janvier :

« Ce matin j'ai été réveillée par un grand bruit. Julie, qui dormait dans ma chambre, s'est précipitée dans la salle à manger. J'ai entendu des voix d'hommes contre lesquelles la sienne luttait en vain. Elle est rentrée en pleurant.