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La Dame aux Camélias - Dumas Fils, Chapitre XXIV (1)

Chapitre XXIV (1)

C'était déjà quelque chose, mais ce n'était pas assez. Je comprenais l'empire que j'avais sur cette femme et j'en abusais lâchement.

Quand je pense qu'elle est morte maintenant, je me demande si Dieu me pardonnera jamais le mal que j'ai fait.

Après le souper, qui fut des plus bruyants, on se mit à jouer.

Je m'assis à côté d'Olympe et j'engageai mon argent avec tant de hardiesse qu'elle ne pouvait s'empêcher d'y faire attention. En un instant, je gagnai cent cinquante ou deux cents louis, que j'étalais devant moi et sur lesquels elle fixait des yeux ardents.

J'étais le seul que le jeu ne préoccupât point complètement et qui s'occupât d'elle. Tout le reste de la nuit je gagnai, et ce fut moi qui lui donnai de l'argent pour jouer, car elle avait perdu tout ce qu'elle avait devant elle et probablement chez elle.

À cinq heures du matin on partit.

Je gagnais trois cents louis.

Tous les joueurs étaient déjà en bas, moi seul étais resté en arrière sans que l'on s'en aperçût, car je n'étais l'ami d'aucun de ces messieurs.

Olympe éclairait elle-même l'escalier et j'allais descendre comme les autres, quand, revenant vers elle, je lui dis :

– Il faut que je vous parle.

– Demain, me dit-elle.

– Non, maintenant.

– Qu'avez-vous à me dire ?

– Vous le verrez.

Et je rentrai dans l'appartement.

– Vous avez perdu, lui dis-je ?

– Oui.

– Tout ce que vous aviez chez vous ?

Elle hésita.

– Soyez franche.

– Eh bien, c'est vrai.

– J'ai gagné trois cents louis, les voilà, si vous voulez me garder ici.

Et, en même temps, je jetai l'or sur la table.

– Et pourquoi cette proposition ?

– Parce que je vous aime, pardieu !

– Non, mais parce que vous êtes amoureux de Marguerite et que vous voulez vous venger d'elle en devenant mon amant. On ne trompe pas une femme comme moi, mon cher ami ; malheureusement je suis encore trop jeune et trop belle pour accepter le rôle que vous me proposez.

– Ainsi, vous refusez ?

– Oui.

– Préférez-vous m'aimer pour rien ? C'est moi qui n'accepterais pas alors. Réfléchissez, ma chère Olympe ; je vous aurais envoyé une personne quelconque vous proposer ces trois cents louis de ma part aux conditions que j'y mets, vous eussiez accepté. J'ai mieux aimé traiter directement avec vous. Acceptez sans chercher les causes qui me font agir ; dites-vous que vous êtes belle, et qu'il n'y a rien d'étonnant que je sois amoureux de vous.

Marguerite était une fille entretenue comme Olympe, et cependant je n'eusse jamais osé lui dire, la première fois que je l'avais vue, ce que je venais de dire à cette femme. C'est que j'aimais Marguerite, c'est que j'avais deviné en elle des instincts qui manquaient à cette autre créature, et qu'au moment même où je proposais ce marché, malgré son extrême beauté, celle avec qui j'allais le conclure me dégoûtait.

Elle finit par accepter, bien entendu, et, à midi, je sortis de chez elle son amant : mais je quittai son lit sans emporter le souvenir des caresses et des mots d'amour qu'elle s'était crue obligée de me prodiguer pour les six mille francs que je lui laissais.

Et cependant on s'était ruiné pour cette femme-là.

À compter de ce jour, je fis subir à Marguerite une persécution de tous les instants. Olympe et elle cessèrent de se voir, vous comprenez aisément pourquoi. Je donnai à ma nouvelle maîtresse une voiture, des bijoux, je jouai, je fis enfin toutes les folies propres à un homme amoureux d'une femme comme Olympe. Le bruit de ma nouvelle passion se répandit aussitôt.

Prudence elle-même s'y laissa prendre et finit par croire que j'avais complètement oublié Marguerite. Celle-ci, soit qu'elle eût deviné le motif qui me faisait agir, soit qu'elle se trompât comme les autres, répondait par une grande dignité aux blessures que je lui faisais tous les jours. Seulement elle paraissait souffrir, car partout où je la rencontrais, je la revoyais toujours de plus en plus pâle, de plus en plus triste. Mon amour pour elle, exalté à ce point qu'il se croyait devenu de la haine, se réjouissait à la vue de cette douleur quotidienne. Plusieurs fois, dans des circonstances où je fus d'une cruauté infâme, Marguerite leva sur moi des regards si suppliants que je rougissais du rôle que j'avais pris, et que j'étais près de lui en demander pardon.

Mais ces repentirs avaient la durée de l'éclair et Olympe, qui avait fini par mettre toute espèce d'amour-propre de côté, et compris qu'en faisant du mal à Marguerite, elle obtiendrait de moi tout ce qu'elle voudrait, m'excitait sans cesse contre elle, et l'insultait chaque fois qu'elle en trouvait l'occasion, avec cette persistante lâcheté de la femme autorisée par un homme.

Marguerite avait fini par ne plus aller ni au bal, ni au spectacle, dans la crainte de nous y rencontrer, Olympe et moi. Alors les lettres anonymes avaient succédé aux impertinences directes, et il n'y avait honteuses choses que je n'engageasse ma maîtresse à raconter et que je ne racontasse moi-même sur Marguerite.

Il fallait être fou pour en arriver là. J'étais comme un homme qui, s'étant grisé avec du mauvais vin, tombe dans une de ces exaltations nerveuses où la main est capable d'un crime sans que la pensée y soit pour quelque chose. Au milieu de tout cela, je souffrais le martyre. Le calme sans dédain, la dignité sans mépris, avec lesquels Marguerite répondait à toutes mes attaques, et qui à mes propres yeux la faisaient supérieure à moi, m'irritaient encore contre elle.

Un soir, Olympe était allée je ne sais où, et s'y était rencontrée avec Marguerite, qui cette fois n'avait pas fait grâce à la sotte fille qui l'insultait, au point que celle-ci avait été forcée de céder la place. Olympe était rentrée furieuse, et l'on avait emporté Marguerite évanouie.

En rentrant, Olympe m'avait raconté ce qui s'était passé, m'avait dit que Marguerite, la voyant seule, avait voulu se venger de ce qu'elle était ma maîtresse, et qu'il fallait que je lui écrivisse de respecter, moi absent ou non, la femme que j'aimais.

Je n'ai pas besoin de vous dire que j'y consentis, et que tout ce que je pus trouver d'amer, de honteux et de cruel, je le mis dans cette épître que j'envoyai le jour même à son adresse.

Cette fois le coup était trop fort pour que la malheureuse le supportât sans rien dire.

Je me doutais bien qu'une réponse allait m'arriver ; aussi étais-je résolu à ne pas sortir de chez moi de tout le jour.

Vers deux heures on sonna et je vis entrer Prudence.

J'essayai de prendre un air indifférent pour lui demander à quoi je devais sa visite ; mais ce jour-là madame Duvernoy n'était pas rieuse, et d'un ton sérieusement ému elle me dit que, depuis mon retour, c'est-à-dire depuis trois semaines environ, je n'avais pas laissé échapper une occasion de faire de la peine à Marguerite ; qu'elle en était malade, et que la scène de la veille et ma lettre du matin l'avaient mise dans son lit.

Bref, sans me faire de reproches, Marguerite m'envoyait demander grâce, en me faisant dire qu'elle n'avait plus la force morale ni la force physique de supporter ce que je lui faisais.

– Que mademoiselle Gautier, dis-je à Prudence, me congédie de chez elle, c'est son droit, mais qu'elle insulte une femme que j'aime, sous prétexte que cette femme est ma maîtresse, c'est ce que je ne permettrai jamais.

– Mon ami, me fit Prudence, vous subissez l'influence d'une fille sans coeur et sans esprit ; vous en êtes amoureux, il est vrai, mais ce n'est pas une raison pour torturer une femme qui ne peut se défendre.

– Que mademoiselle Gautier m'envoie son comte de N…, et la partie sera égale.

– Vous savez bien qu'elle ne le fera pas. Ainsi, mon cher Armand, laissez-la tranquille ; si vous la voyiez, vous auriez honte de la façon dont vous vous conduisez avec elle. Elle est pâle, elle tousse, elle n'ira pas loin maintenant.

Et Prudence me tendit la main en ajoutant :

– Venez la voir, votre visite la rendra bien heureuse.

– Je n'ai pas envie de rencontrer M. de N…

– M. de N… n'est jamais chez elle. Elle ne peut le souffrir.

– Si Marguerite tient à me voir, elle sait où je demeure, qu'elle vienne, mais moi je ne mettrai pas les pieds rue d'Antin.

– Et vous la recevrez bien ?

– Parfaitement.

– Eh bien, je suis sûre qu'elle viendra.

– Qu'elle vienne.

– Sortirez-vous aujourd'hui ?

– Je serai chez moi toute la soirée.

– Je vais le lui dire.

Prudence partit.

Je n'écrivis même pas à Olympe que je n'irais pas la voir. Je ne me gênais pas avec cette fille. À peine si je passais une nuit avec elle par semaine.

Elle s'en consolait, je crois, avec un acteur de je ne sais quel théâtre du boulevard.

Je sortis pour dîner et je rentrai presque immédiatement. Je fis faire du feu partout et je donnai congé à Joseph.

Je ne pourrais pas vous rendre compte des impressions diverses qui m'agitèrent pendant une heure d'attente ; mais, lorsque vers neuf heures j'entendis sonner, elles se résumèrent en une émotion telle, qu'en allant ouvrir la porte je fus forcé de m'appuyer contre le mur pour ne pas tomber.

Heureusement l'antichambre était dans la demi-teinte, et l'altération de mes traits était moins visible.

Marguerite entra.

Elle était tout en noir et voilée. À peine si je reconnaissais son visage sous la dentelle.

Elle passa dans le salon et releva son voile.

Elle était pâle comme le marbre.

– Me voici, Armand, dit-elle ; vous avez désiré me voir, je suis venue.

Et laissant tomber sa tête dans ses deux mains, elle fondit en larmes.

Je m'approchai d'elle.

– Qu'avez-vous, lui dis-je d'une voix altérée.

Elle me serra la main sans me répondre, car les larmes voilaient encore sa voix. Mais quelques instants après, ayant repris un peu de calme, elle me dit :

– Vous m'avez fait bien du mal, Armand, et moi je ne vous ai rien fait.

– Rien ? répliquai-je avec un sourire amer.

– Rien que ce que les circonstances m'ont forcée à vous faire.

Je ne sais pas si de votre vie vous avez éprouvé ou si vous éprouverez jamais ce que je ressentais à la vue de Marguerite.

La dernière fois qu'elle était venue chez moi, elle s'était assise à la place où elle venait de s'asseoir ; seulement, depuis cette époque, elle avait été la maîtresse d'un autre ; d'autres baisers que les miens avaient touché ses lèvres, auxquelles, malgré moi, tendaient les miennes, et pourtant je sentais que j'aimais cette femme autant et peut-être plus que je ne l'avais jamais aimée.

Cependant il était difficile pour moi d'entamer la conversation sur le sujet qui l'amenait. Marguerite le comprit sans doute, car elle reprit :

– Je viens vous ennuyer, Armand, parce que j'ai deux choses à vous demander : pardon de ce que j'ai dit hier à Mademoiselle Olympe, et grâce de ce que vous êtes peut-être prêt à me faire encore. Volontairement ou non, depuis votre retour, vous m'avez fait tant de mal, que je serais incapable maintenant de supporter le quart des émotions que j'ai supportées jusqu'à ce matin. Vous aurez pitié de moi, n'est-ce pas ? et vous comprendrez qu'il y a pour un homme de coeur de plus nobles choses à faire que de se venger d'une femme malade et triste comme je le suis. Tenez, prenez ma main. J'ai la fièvre, j'ai quitté mon lit pour venir vous demander, non pas votre amitié, mais votre indifférence.

En effet, je pris la main de Marguerite. Elle était brûlante, et la pauvre femme frissonnait sous son manteau de velours.

Je roulai auprès du feu le fauteuil dans lequel elle était assise.

– Croyez-vous donc que je n'ai pas souffert, repris-je, la nuit où, après vous avoir attendue à la campagne, je suis venu vous chercher à Paris, où je n'ai trouvé que cette lettre qui a failli me rendre fou ? Comment avez-vous pu me tromper, Marguerite, moi qui vous aimais tant !


Chapitre XXIV (1) Kapitel XXIV (1) Chapter XXIV (1) Capítulo XXIV (1)

C'était déjà quelque chose, mais ce n'était pas assez. It was already something, but it was not enough. Je comprenais l'empire que j'avais sur cette femme et j'en abusais lâchement. I understood the empire I had over this woman and I cowardly abused it.

Quand je pense qu'elle est morte maintenant, je me demande si Dieu me pardonnera jamais le mal que j'ai fait.

Après le souper, qui fut des plus bruyants, on se mit à jouer. After supper, which was most noisy, we began to play.

Je m'assis à côté d'Olympe et j'engageai mon argent avec tant de hardiesse qu'elle ne pouvait s'empêcher d'y faire attention. I sat down next to Olympe and invested my money with such boldness that she couldn't help paying attention. En un instant, je gagnai cent cinquante ou deux cents louis, que j'étalais devant moi et sur lesquels elle fixait des yeux ardents.

J'étais le seul que le jeu ne préoccupât point complètement et qui s'occupât d'elle. I was the only one not completely preoccupied with the game and who took care of her. Tout le reste de la nuit je gagnai, et ce fut moi qui lui donnai de l'argent pour jouer, car elle avait perdu tout ce qu'elle avait devant elle et probablement chez elle.

À cinq heures du matin on partit.

Je gagnais trois cents louis.

Tous les joueurs étaient déjà en bas, moi seul étais resté en arrière sans que l'on s'en aperçût, car je n'étais l'ami d'aucun de ces messieurs.

Olympe éclairait elle-même l'escalier et j'allais descendre comme les autres, quand, revenant vers elle, je lui dis :

– Il faut que je vous parle.

– Demain, me dit-elle.

– Non, maintenant.

– Qu'avez-vous à me dire ?

– Vous le verrez.

Et je rentrai dans l'appartement.

– Vous avez perdu, lui dis-je ?

– Oui.

– Tout ce que vous aviez chez vous ?

Elle hésita.

– Soyez franche.

– Eh bien, c'est vrai.

– J'ai gagné trois cents louis, les voilà, si vous voulez me garder ici.

Et, en même temps, je jetai l'or sur la table.

– Et pourquoi cette proposition ?

– Parce que je vous aime, pardieu !

– Non, mais parce que vous êtes amoureux de Marguerite et que vous voulez vous venger d'elle en devenant mon amant. On ne trompe pas une femme comme moi, mon cher ami ; malheureusement je suis encore trop jeune et trop belle pour accepter le rôle que vous me proposez.

– Ainsi, vous refusez ?

– Oui.

– Préférez-vous m'aimer pour rien ? C'est moi qui n'accepterais pas alors. Réfléchissez, ma chère Olympe ; je vous aurais envoyé une personne quelconque vous proposer ces trois cents louis de ma part aux conditions que j'y mets, vous eussiez accepté. J'ai mieux aimé traiter directement avec vous. Acceptez sans chercher les causes qui me font agir ; dites-vous que vous êtes belle, et qu'il n'y a rien d'étonnant que je sois amoureux de vous.

Marguerite était une fille entretenue comme Olympe, et cependant je n'eusse jamais osé lui dire, la première fois que je l'avais vue, ce que je venais de dire à cette femme. C'est que j'aimais Marguerite, c'est que j'avais deviné en elle des instincts qui manquaient à cette autre créature, et qu'au moment même où je proposais ce marché, malgré son extrême beauté, celle avec qui j'allais le conclure me dégoûtait. Ich liebte Marguerite, weil ich in ihr Instinkte erahnt hatte, die diesem anderen Geschöpf fehlten, und gerade als ich den Handel vorschlug, ekelte mich die Frau, mit der ich ihn abschließen wollte, trotz ihrer extremen Schönheit an. It was because I loved Marguerite, it was because I had guessed in her instincts that this other creature lacked, and that at the very moment when I proposed this deal, despite her extreme beauty, the one with whom I going to conclude it disgusted me.

Elle finit par accepter, bien entendu, et, à midi, je sortis de chez elle son amant : mais je quittai son lit sans emporter le souvenir des caresses et des mots d'amour qu'elle s'était crue obligée de me prodiguer pour les six mille francs que je lui laissais. She ended up accepting, of course, and at noon I left her lover's house: but I left her bed without taking away the memory of the caresses and the words of love that she had felt obliged to lavish on me to the six thousand francs that I left him.

Et cependant on s'était ruiné pour cette femme-là. And yet we had ruined ourselves for that woman.

À compter de ce jour, je fis subir à Marguerite une persécution de tous les instants. Von diesem Tag an unterzog ich Marguerite einer ständigen Verfolgung. From that day on, I subjected Marguerite to constant persecution. Olympe et elle cessèrent de se voir, vous comprenez aisément pourquoi. Je donnai à ma nouvelle maîtresse une voiture, des bijoux, je jouai, je fis enfin toutes les folies propres à un homme amoureux d'une femme comme Olympe. Le bruit de ma nouvelle passion se répandit aussitôt.

Prudence elle-même s'y laissa prendre et finit par croire que j'avais complètement oublié Marguerite. Celle-ci, soit qu'elle eût deviné le motif qui me faisait agir, soit qu'elle se trompât comme les autres, répondait par une grande dignité aux blessures que je lui faisais tous les jours. Seulement elle paraissait souffrir, car partout où je la rencontrais, je la revoyais toujours de plus en plus pâle, de plus en plus triste. Mon amour pour elle, exalté à ce point qu'il se croyait devenu de la haine, se réjouissait à la vue de cette douleur quotidienne. Plusieurs fois, dans des circonstances où je fus d'une cruauté infâme, Marguerite leva sur moi des regards si suppliants que je rougissais du rôle que j'avais pris, et que j'étais près de lui en demander pardon.

Mais ces repentirs avaient la durée de l'éclair et Olympe, qui avait fini par mettre toute espèce d'amour-propre de côté, et compris qu'en faisant du mal à Marguerite, elle obtiendrait de moi tout ce qu'elle voudrait, m'excitait sans cesse contre elle, et l'insultait chaque fois qu'elle en trouvait l'occasion, avec cette persistante lâcheté de la femme autorisée par un homme. But these repentances lasted like lightning and Olympe, who had ended up putting all kind of self-esteem aside, and understood that by hurting Marguerite, she would get everything she wanted from me, constantly incited me against her, and insulted her whenever she found the occasion, with that persistent cowardice of a woman authorized by a man.

Marguerite avait fini par ne plus aller ni au bal, ni au spectacle, dans la crainte de nous y rencontrer, Olympe et moi. Alors les lettres anonymes avaient succédé aux impertinences directes, et il n'y avait honteuses choses que je n'engageasse ma maîtresse à raconter et que je ne racontasse moi-même sur Marguerite.

Il fallait être fou pour en arriver là. You had to be crazy to get there. J'étais comme un homme qui, s'étant grisé avec du mauvais vin, tombe dans une de ces exaltations nerveuses où la main est capable d'un crime sans que la pensée y soit pour quelque chose. I was like a man who, having drunk himself with bad wine, falls into one of those nervous exaltations in which the hand is capable of a crime without thought having anything to do with it. Au milieu de tout cela, je souffrais le martyre. Le calme sans dédain, la dignité sans mépris, avec lesquels Marguerite répondait à toutes mes attaques, et qui à mes propres yeux la faisaient supérieure à moi, m'irritaient encore contre elle.

Un soir, Olympe était allée je ne sais où, et s'y était rencontrée avec Marguerite, qui cette fois n'avait pas fait grâce à la sotte fille qui l'insultait, au point que celle-ci avait été forcée de céder la place. One evening, Olympe had gone I don't know where, and had met Marguerite there, who this time had not spared the foolish girl who was insulting her, to the point that she had been forced to give way. square. Olympe était rentrée furieuse, et l'on avait emporté Marguerite évanouie. Olympe had returned furious, and Marguerite had been carried off, unconscious.

En rentrant, Olympe m'avait raconté ce qui s'était passé, m'avait dit que Marguerite, la voyant seule, avait voulu se venger de ce qu'elle était ma maîtresse, et qu'il fallait que je lui écrivisse de respecter, moi absent ou non, la femme que j'aimais. On returning, Olympe had told me what had happened, had told me that Marguerite, seeing her alone, had wanted to avenge herself for being my mistress, and that I had to write to her to respect , me absent or not, the woman I loved.

Je n'ai pas besoin de vous dire que j'y consentis, et que tout ce que je pus trouver d'amer, de honteux et de cruel, je le mis dans cette épître que j'envoyai le jour même à son adresse. I need not tell you that I consented to it, and that all that I could find bitter, shameful and cruel, I put in this epistle which I sent the same day to his address.

Cette fois le coup était trop fort pour que la malheureuse le supportât sans rien dire. This time the blow was too strong for the unfortunate woman to bear it without saying a word.

Je me doutais bien qu'une réponse allait m'arriver ; aussi étais-je résolu à ne pas sortir de chez moi de tout le jour. I suspected that an answer was going to come to me; so I was resolved not to leave my house all day.

Vers deux heures on sonna et je vis entrer Prudence. Around two o'clock the bell rang and I saw Prudence enter.

J'essayai de prendre un air indifférent pour lui demander à quoi je devais sa visite ; mais ce jour-là madame Duvernoy n'était pas rieuse, et d'un ton sérieusement ému elle me dit que, depuis mon retour, c'est-à-dire depuis trois semaines environ, je n'avais pas laissé échapper une occasion de faire de la peine à Marguerite ; qu'elle en était malade, et que la scène de la veille et ma lettre du matin l'avaient mise dans son lit. I tried to look indifferent to ask him why I owed his visit; but that day Madame Duvernoy was not laughing, and in a tone of serious emotion she told me that since my return, that is to say for about three weeks, I had not let an opportunity slip by. to upset Marguerite; that she was sick of it, and that the scene of the day before and my morning letter had put her in bed.

Bref, sans me faire de reproches, Marguerite m'envoyait demander grâce, en me faisant dire qu'elle n'avait plus la force morale ni la force physique de supporter ce que je lui faisais.

– Que mademoiselle Gautier, dis-je à Prudence, me congédie de chez elle, c'est son droit, mais qu'elle insulte une femme que j'aime, sous prétexte que cette femme est ma maîtresse, c'est ce que je ne permettrai jamais. "That Mademoiselle Gautier," I said to Prudence, "dismisses me from her house, it's her right, but that she insults a woman I love, on the pretext that this woman is my mistress, that's what I will never allow.

– Mon ami, me fit Prudence, vous subissez l'influence d'une fille sans coeur et sans esprit ; vous en êtes amoureux, il est vrai, mais ce n'est pas une raison pour torturer une femme qui ne peut se défendre. “My friend,” said Prudence to me, “you are under the influence of a heartless and spiritless girl; you are in love with her, it is true, but that is no reason to torture a woman who cannot defend herself.

– Que mademoiselle Gautier m'envoie son comte de N…, et la partie sera égale. “Let Mademoiselle Gautier send me her Comte de N…, and the game will be equal.

– Vous savez bien qu'elle ne le fera pas. “You know she won't. Ainsi, mon cher Armand, laissez-la tranquille ; si vous la voyiez, vous auriez honte de la façon dont vous vous conduisez avec elle. So, my dear Armand, leave her alone; if you saw her, you would be ashamed of the way you behave with her. Elle est pâle, elle tousse, elle n'ira pas loin maintenant. Sie ist blass, sie hustet, sie kommt jetzt nicht weit. She's pale, she's coughing, she won't get far now.

Et Prudence me tendit la main en ajoutant : And Prudence held out her hand to me, adding:

– Venez la voir, votre visite la rendra bien heureuse.

– Je n'ai pas envie de rencontrer M. de N… – I don't want to meet M. de N…

– M. de N… n'est jamais chez elle. Elle ne peut le souffrir.

– Si Marguerite tient à me voir, elle sait où je demeure, qu'elle vienne, mais moi je ne mettrai pas les pieds rue d'Antin. “If Marguerite wants to see me, she knows where I live, let her come, but I won't set foot in the rue d'Antin.

– Et vous la recevrez bien ?

– Parfaitement.

– Eh bien, je suis sûre qu'elle viendra.

– Qu'elle vienne. - Let her come.

– Sortirez-vous aujourd'hui ?

– Je serai chez moi toute la soirée.

– Je vais le lui dire.

Prudence partit.

Je n'écrivis même pas à Olympe que je n'irais pas la voir. I didn't even write to Olympe that I wasn't going to see her. Je ne me gênais pas avec cette fille. I didn't mind this girl. À peine si je passais une nuit avec elle par semaine.

Elle s'en consolait, je crois, avec un acteur de je ne sais quel théâtre du boulevard. She consoled herself, I believe, with an actor from some theater on the boulevard.

Je sortis pour dîner et je rentrai presque immédiatement. Je fis faire du feu partout et je donnai congé à Joseph.

Je ne pourrais pas vous rendre compte des impressions diverses qui m'agitèrent pendant une heure d'attente ; mais, lorsque vers neuf heures j'entendis sonner, elles se résumèrent en une émotion telle, qu'en allant ouvrir la porte je fus forcé de m'appuyer contre le mur pour ne pas tomber.

Heureusement l'antichambre était dans la demi-teinte, et l'altération de mes traits était moins visible.

Marguerite entra.

Elle était tout en noir et voilée. À peine si je reconnaissais son visage sous la dentelle.

Elle passa dans le salon et releva son voile.

Elle était pâle comme le marbre.

– Me voici, Armand, dit-elle ; vous avez désiré me voir, je suis venue.

Et laissant tomber sa tête dans ses deux mains, elle fondit en larmes.

Je m'approchai d'elle.

– Qu'avez-vous, lui dis-je d'une voix altérée.

Elle me serra la main sans me répondre, car les larmes voilaient encore sa voix. Mais quelques instants après, ayant repris un peu de calme, elle me dit :

– Vous m'avez fait bien du mal, Armand, et moi je ne vous ai rien fait.

– Rien ? répliquai-je avec un sourire amer.

– Rien que ce que les circonstances m'ont forcée à vous faire.

Je ne sais pas si de votre vie vous avez éprouvé ou si vous éprouverez jamais ce que je ressentais à la vue de Marguerite. I don't know if in your life you have experienced or if you will ever experience what I felt at the sight of Marguerite.

La dernière fois qu'elle était venue chez moi, elle s'était assise à la place où elle venait de s'asseoir ; seulement, depuis cette époque, elle avait été la maîtresse d'un autre ; d'autres baisers que les miens avaient touché ses lèvres, auxquelles, malgré moi, tendaient les miennes, et pourtant je sentais que j'aimais cette femme autant et peut-être plus que je ne l'avais jamais aimée. The last time she came to my house, she sat where she had just sat; only, since that time, she had been the mistress of another; other kisses than mine had touched her lips, to which, in spite of myself, mine held out, and yet I felt that I loved this woman as much and perhaps more than I had ever loved her.

Cependant il était difficile pour moi d'entamer la conversation sur le sujet qui l'amenait. Marguerite le comprit sans doute, car elle reprit :

– Je viens vous ennuyer, Armand, parce que j'ai deux choses à vous demander : pardon de ce que j'ai dit hier à Mademoiselle Olympe, et grâce de ce que vous êtes peut-être prêt à me faire encore. “I've come to bore you, Armand, because I have two things to ask of you: pardon for what I said yesterday to Mademoiselle Olympe, and pardon for what you are perhaps ready to do to me again. Volontairement ou non, depuis votre retour, vous m'avez fait tant de mal, que je serais incapable maintenant de supporter le quart des émotions que j'ai supportées jusqu'à ce matin. Vous aurez pitié de moi, n'est-ce pas ? You will pity me, won't you? et vous comprendrez qu'il y a pour un homme de coeur de plus nobles choses à faire que de se venger d'une femme malade et triste comme je le suis. and you will understand that there are nobler things for a man of heart to do than to avenge himself on a sick and sad woman like me. Tenez, prenez ma main. J'ai la fièvre, j'ai quitté mon lit pour venir vous demander, non pas votre amitié, mais votre indifférence.

En effet, je pris la main de Marguerite. Elle était brûlante, et la pauvre femme frissonnait sous son manteau de velours.

Je roulai auprès du feu le fauteuil dans lequel elle était assise. I rolled the armchair in which she was sitting near the fire.

– Croyez-vous donc que je n'ai pas souffert, repris-je, la nuit où, après vous avoir attendue à la campagne, je suis venu vous chercher à Paris, où je n'ai trouvé que cette lettre qui a failli me rendre fou ? Comment avez-vous pu me tromper, Marguerite, moi qui vous aimais tant !