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La Dame aux Camélias - Dumas Fils, Chapitre XIX

Chapitre XIX

Dans les trois premières lettres, mon père s'inquiétait de mon silence et m'en demandait la cause ; dans la dernière, il me laissait voir qu'on l'avait informé de mon changement de vie, et m'annonçait son arrivée prochaine.

J'ai toujours eu un grand respect et une sincère affection pour mon père. Je lui répondis donc qu'un petit voyage avait été la cause de mon silence, et je le priai de me prévenir du jour de son arrivée, afin que je pusse aller au-devant de lui.

Je donnai à mon domestique mon adresse à la campagne, en lui recommandant de m'apporter la première lettre qui serait timbrée de la ville de C…, puis je repartis aussitôt pour Bougival.

Marguerite m'attendait à la porte du jardin.

Son regard exprimait l'inquiétude. Elle me sauta au cou, et ne put s'empêcher de me dire :

– As-tu vu Prudence ?

– Non.

– Tu as été bien longtemps à Paris ?

– J'ai trouvé des lettres de mon père auquel il m'a fallu répondre.

Quelques instants après, Nanine entra tout essoufflée. Marguerite se leva et alla lui parler bas.

Quand Nanine fut sortie, Marguerite me dit, en se rasseyant près de moi et en me prenant la main :

– Pourquoi m'as-tu trompée ? Tu es allé chez Prudence.

– Qui te l'a dit ?

– Nanine.

– Et d'où le sait-elle ?

– Elle t'a suivi.

– Tu lui avais donc dit de me suivre ?

– Oui. J'ai pensé qu'il fallait un motif puissant pour te faire aller ainsi à Paris, toi qui ne m'as pas quittée depuis quatre mois.

Je craignais qu'il ne te fût arrivé un malheur, ou que peut-être tu n'allasses voir une autre femme.

– Enfant !

– Je suis rassurée maintenant, je sais ce que tu as fait, mais je ne sais pas encore ce que l'on t'a dit.

Je montrai à Marguerite les lettres de mon père.

– Ce n'est pas cela que je te demande : ce que je voudrais savoir, c'est pourquoi tu es allé chez Prudence.

– Pour la voir.

– Tu mens, mon ami.

– Eh bien, je suis allé lui demander si le cheval allait mieux, et si elle n'avait plus besoin de ton cachemire, ni de tes bijoux.

Marguerite rougit mais elle ne répondit pas.

– Et, continuai-je, j'ai appris l'usage que tu avais fait des chevaux, des cachemires et des diamants.

– Et tu m'en veux ?

– Je t'en veux de ne pas avoir eu l'idée de me demander ce dont tu avais besoin.

– Dans une liaison comme la nôtre, si la femme a encore un peu de dignité, elle doit s'imposer tous les sacrifices possibles plutôt que de demander de l'argent à son amant et de donner un côté vénal à son amour. Tu m'aimes, j'en suis sûre, mais tu ne sais pas combien est léger le fil qui retient dans le coeur l'amour que l'on a pour des filles comme moi. Qui sait ? Peut-être dans un jour de gêne ou d'ennui, te serais-tu figuré voir dans notre liaison un calcul habilement combiné ! Prudence est une bavarde. Qu'avais-je besoin de ces chevaux ! J'ai fait une économie en les vendant ; je puis bien m'en passer, et je ne dépense plus rien pour eux ; pourvu que tu m'aimes, c'est tout ce que je demande, et tu m'aimeras autant sans chevaux, sans cachemires et sans diamants.

Tout cela était dit d'un ton si naturel, que j'avais les larmes dans les yeux en l'écoutant.

– Mais, ma bonne Marguerite, répondis-je en pressant avec amour les mains de ma maîtresse, tu savais bien qu'un jour j'apprendrais ce sacrifice, et que, le jour où je l'apprendrais, je ne le souffrirais pas.

– Pourquoi cela ?

– Parce que, chère enfant, je n'entends pas que l'affection que tu veux bien avoir pour moi te prive même d'un bijou. Je ne veux pas, moi non plus, que dans un moment de gêne ou d'ennui, tu puisses réfléchir que si tu vivais avec un autre homme ces moments n'existeraient pas, et que tu te repentes, ne fût-ce qu'une minute, de vivre avec moi. Dans quelques jours, tes chevaux, tes diamants et tes cachemires te seront rendus. Ils te sont aussi nécessaires que l'air à la vie, et c'est peut-être ridicule, mais je t'aime mieux somptueuse que simple.

– Alors c'est que tu ne m'aimes plus.

– Folle !

– Si tu m'aimais, tu me laisserais t'aimer à ma façon ; au contraire, tu ne continues à voir en moi qu'une fille à qui ce luxe est indispensable, et que tu te crois toujours forcé de payer. Tu as honte d'accepter des preuves de mon amour. Malgré toi, tu penses à me quitter un jour, et tu tiens à mettre ta délicatesse à l'abri de tout soupçon. Tu as raison, mon ami, mais j'avais espéré mieux.

Et Marguerite fit un mouvement pour se lever ; je la retins en lui disant :

– Je veux que tu sois heureuse, et que tu n'aies rien à me reprocher, voilà tout.

– Et nous allons nous séparer !

– Pourquoi, Marguerite ? Qui peut nous séparer ? m'écriai-je.

– Toi, qui ne veux pas me permettre de comprendre ta position, et qui as la vanité de me garder la mienne ; toi, qui en me conservant le luxe au milieu duquel j'ai vécu, veux conserver la distance morale qui nous sépare ; toi, enfin, qui ne crois pas mon affection assez désintéressée pour partager avec moi la fortune que tu as, avec laquelle nous pourrions vivre heureux ensemble, et qui préfères te ruiner, esclave que tu es d'un préjugé ridicule. Crois-tu donc que je compare une voiture et des bijoux à ton amour ? Crois-tu que le bonheur consiste pour moi dans les vanités dont on se contente quand on n'aime rien, mais qui deviennent bien mesquines quand on aime ? Tu payeras mes dettes, tu escompteras ta fortune et tu m'entretiendras enfin ! Combien de temps tout cela durera-t-il ? Deux ou trois mois, et alors il sera trop tard pour prendre la vie que je te propose, car alors tu accepterais tout de moi, et c'est ce qu'un homme d'honneur ne peut faire. Tandis que maintenant tu as huit ou dix mille francs de rente avec lesquelles nous pouvons vivre. Je vendrai le superflu de ce que j'ai, et avec cette vente seule, je me ferai deux mille livres par an. Nous louerons un joli petit appartement dans lequel nous resterons tous les deux. L'été, nous viendrons à la campagne, non pas dans une maison comme celle-ci, mais dans une petite maison suffisante pour deux personnes. Tu es indépendant, je suis libre, nous sommes jeunes, au nom du ciel, Armand, ne me rejette pas dans la vie que j'étais forcée de mener autrefois.

Je ne pouvais répondre, des larmes de reconnaissance et d'amour inondaient mes yeux, et je me précipitai dans les bras de Marguerite.

– Je voulais, reprit-elle, tout arranger sans t'en rien dire, payer toutes mes dettes et faire préparer mon nouvel appartement. Au mois d'octobre, nous serions retournés à Paris, et tout aurait été dit ; mais puisque Prudence t'a tout raconté, il faut que tu consentes avant, au lieu de consentir après.

– M'aimes-tu assez pour cela ? Il était impossible de résister à tant de dévouement. Je baisai les mains de Marguerite avec effusion, et je lui dis :

– Je ferai tout ce que tu voudras.

Ce qu'elle avait décidé fut donc convenu.

Alors elle devint d'une gaieté folle : elle dansait, elle chantait, elle se faisait une fête de la simplicité de son nouvel appartement, sur le quartier et la disposition duquel elle me consultait déjà.

Je la voyais heureuse et fière de cette résolution qui semblait devoir nous rapprocher définitivement l'un de l'autre.

Aussi, je ne voulus pas être en reste avec elle.

En un instant je décidai de ma vie. J'établis la position de ma fortune, et je fis à Marguerite l'abandon de la rente qui me venait de ma mère, et qui me parut bien insuffisante pour récompenser le sacrifice que j'acceptais.

Il me restait les cinq mille francs de pension que me faisait mon père, et, quoi qu'il arrivât, j'avais toujours assez de cette pension annuelle pour vivre.

Je ne dis pas à Marguerite ce que j'avais résolu, convaincu que j'étais qu'elle refuserait cette donation.

Cette rente provenait d'une hypothèque de soixante mille francs sur une maison que je n'avais même jamais vue. Tout ce que je savais, c'est qu'à chaque trimestre le notaire de mon père, vieil ami de notre famille, me remettait sept cent cinquante francs sur mon simple reçu.

Le jour où Marguerite et moi nous vînmes à Paris pour chercher des appartements, j'allai chez ce notaire, et je lui demandai de quelle façon je devais m'y prendre pour faire à une autre personne le transfert de cette rente.

Le brave homme me crut ruiné et me questionna sur la cause de cette décision. Or, comme il fallait bien tôt ou tard que je lui disse en faveur de qui je faisais cette donation, je préférai lui raconter tout de suite la vérité.

Il ne me fit aucune des objections que sa position de notaire et d'ami l'autorisait à me faire, et m'assura qu'il se chargeait d'arranger tout pour le mieux.

Je lui recommandai naturellement la plus grande discrétion vis-à-vis de mon père, et j'allai rejoindre Marguerite qui m'attendait chez Julie Duprat, où elle avait préféré descendre plutôt que d'aller écouter la morale de Prudence.

Nous nous mîmes en quête d'appartements. Tous ceux que nous voyions, Marguerite les trouvait trop chers, et moi je les trouvais trop simples.

Cependant nous finîmes par tomber d'accord, et nous arrêtâmes dans un des quartiers les plus tranquilles de Paris un petit pavillon, isolé de la maison principale.

Derrière ce petit pavillon s'étendait un jardin charmant, jardin qui en dépendait, entouré de murailles assez élevées pour nous séparer de nos voisins, et assez basses pour ne pas borner la vue.

C'était mieux que nous n'avions espéré.

Pendant que je me rendais chez moi pour donner congé de mon appartement, Marguerite allait chez un homme d'affaires qui, disait-elle, avait déjà fait pour une de ses amies ce qu'elle allait lui demander de faire pour elle.

Elle vint me retrouver rue de Provence, enchantée.

Cet homme lui avait promis de payer toutes ses dettes, de lui en donner quittance, et de lui remettre une vingtaine de mille francs moyennant l'abandon de tous ses meubles.

Vous avez vu par le prix auquel est montée la vente que cet honnête homme eût gagné plus de trente mille francs sur sa cliente.

Nous repartîmes tout joyeux pour Bougival, et en continuant de nous communiquer nos projets d'avenir, que, grâce à notre insouciance et surtout à notre amour, nous voyions sous les teintes les plus dorées.

Huit jours après nous étions à déjeuner, quand Nanine vint m'avertir que mon domestique me demandait.

Je le fis entrer.

– Monsieur, me dit-il, votre père est arrivé à Paris, et vous prie de vous rendre tout de suite chez vous, où il vous attend.

Cette nouvelle était la chose du monde la plus simple, et cependant, en l'apprenant, Marguerite et moi nous nous regardâmes.

Nous devinions un malheur dans cet incident.

Aussi, sans qu'elle m'eût fait part de cette impression que je partageais, j'y répondis en lui tendant la main :

– Ne crains rien.

– Reviens le plus tôt que tu pourras, murmura Marguerite en m'embrassant, je t'attendrai à la fenêtre.

J'envoyai Joseph dire à mon père que j'allais arriver.

En effet, deux heures après, j'étais rue de Provence.


Chapitre XIX Kapitel XIX Chapter XIX Capítulo XIX

Dans les trois premières lettres, mon père s'inquiétait de mon silence et m'en demandait la cause ; dans la dernière, il me laissait voir qu'on l'avait informé de mon changement de vie, et m'annonçait son arrivée prochaine.

J'ai toujours eu un grand respect et une sincère affection pour mon père. Je lui répondis donc qu'un petit voyage avait été la cause de mon silence, et je le priai de me prévenir du jour de son arrivée, afin que je pusse aller au-devant de lui.

Je donnai à mon domestique mon adresse à la campagne, en lui recommandant de m'apporter la première lettre qui serait timbrée de la ville de C…, puis je repartis aussitôt pour Bougival.

Marguerite m'attendait à la porte du jardin.

Son regard exprimait l'inquiétude. His gaze expressed concern. Elle me sauta au cou, et ne put s'empêcher de me dire : She jumped on my neck, and could not help saying to me:

– As-tu vu Prudence ?

– Non.

– Tu as été bien longtemps à Paris ?

– J'ai trouvé des lettres de mon père auquel il m'a fallu répondre.

Quelques instants après, Nanine entra tout essoufflée. Marguerite se leva et alla lui parler bas. Marguerite stand auf und ging zu ihm, um ihn leise anzusprechen. Marguerite rose and went to whisper to him.

Quand Nanine fut sortie, Marguerite me dit, en se rasseyant près de moi et en me prenant la main : When Nanine had gone out, Marguerite said to me, reseating herself beside me and taking my hand:

– Pourquoi m'as-tu trompée ? – Why did you cheat on me? Tu es allé chez Prudence. You went to Prudence.

– Qui te l'a dit ?

– Nanine.

– Et d'où le sait-elle ? "And where does she know that from?"

– Elle t'a suivi. - She followed you.

– Tu lui avais donc dit de me suivre ? "So you told him to follow me?"

– Oui. J'ai pensé qu'il fallait un motif puissant pour te faire aller ainsi à Paris, toi qui ne m'as pas quittée depuis quatre mois. I thought you needed a powerful motive to make you go to Paris like this, you who haven't left me for four months.

Je craignais qu'il ne te fût arrivé un malheur, ou que peut-être tu n'allasses voir une autre femme.

– Enfant ! - Child !

– Je suis rassurée maintenant, je sais ce que tu as fait, mais je ne sais pas encore ce que l'on t'a dit. – I'm reassured now, I know what you did, but I don't know yet what you were told.

Je montrai à Marguerite les lettres de mon père.

– Ce n'est pas cela que je te demande : ce que je voudrais savoir, c'est pourquoi tu es allé chez Prudence. – That's not what I'm asking you: what I would like to know is why you went to Prudence.

– Pour la voir. - To see her.

– Tu mens, mon ami.

– Eh bien, je suis allé lui demander si le cheval allait mieux, et si elle n'avait plus besoin de ton cachemire, ni de tes bijoux.

Marguerite rougit mais elle ne répondit pas. Marguerite blushed but she didn't answer.

– Et, continuai-je, j'ai appris l'usage que tu avais fait des chevaux, des cachemires et des diamants.

– Et tu m'en veux ? - Und du bist sauer auf mich? - And you want me?

– Je t'en veux de ne pas avoir eu l'idée de me demander ce dont tu avais besoin. - I blame you for not having had the idea to ask me what you needed.

– Dans une liaison comme la nôtre, si la femme a encore un peu de dignité, elle doit s'imposer tous les sacrifices possibles plutôt que de demander de l'argent à son amant et de donner un côté vénal à son amour. – In an affair like ours, if the woman still has a bit of dignity, she must impose all possible sacrifices on herself rather than asking her lover for money and giving a venal side to her love. Tu m'aimes, j'en suis sûre, mais tu ne sais pas combien est léger le fil qui retient dans le coeur l'amour que l'on a pour des filles comme moi. You love me, I'm sure of it, but you don't know how light the thread is that holds in your heart the love you have for girls like me. Qui sait ? Who knows ? Peut-être dans un jour de gêne ou d'ennui, te serais-tu figuré voir dans notre liaison un calcul habilement combiné ! Prudence est une bavarde. Qu'avais-je besoin de ces chevaux ! J'ai fait une économie en les vendant ; je puis bien m'en passer, et je ne dépense plus rien pour eux ; pourvu que tu m'aimes, c'est tout ce que je demande, et tu m'aimeras autant sans chevaux, sans cachemires et sans diamants.

Tout cela était dit d'un ton si naturel, que j'avais les larmes dans les yeux en l'écoutant.

– Mais, ma bonne Marguerite, répondis-je en pressant avec amour les mains de ma maîtresse, tu savais bien qu'un jour j'apprendrais ce sacrifice, et que, le jour où je l'apprendrais, je ne le souffrirais pas.

– Pourquoi cela ?

– Parce que, chère enfant, je n'entends pas que l'affection que tu veux bien avoir pour moi te prive même d'un bijou. Je ne veux pas, moi non plus, que dans un moment de gêne ou d'ennui, tu puisses réfléchir que si tu vivais avec un autre homme ces moments n'existeraient pas, et que tu te repentes, ne fût-ce qu'une minute, de vivre avec moi. Dans quelques jours, tes chevaux, tes diamants et tes cachemires te seront rendus. In a few days, your horses, your diamonds and your cashmeres will be returned to you. Ils te sont aussi nécessaires que l'air à la vie, et c'est peut-être ridicule, mais je t'aime mieux somptueuse que simple.

– Alors c'est que tu ne m'aimes plus.

– Folle !

– Si tu m'aimais, tu me laisserais t'aimer à ma façon ; au contraire, tu ne continues à voir en moi qu'une fille à qui ce luxe est indispensable, et que tu te crois toujours forcé de payer. – If you loved me, you would let me love you in my own way; on the contrary, you continue to see in me only a girl for whom this luxury is indispensable, and whom you always believe you have to pay for. Tu as honte d'accepter des preuves de mon amour. You are ashamed to accept proofs of my love. Malgré toi, tu penses à me quitter un jour, et tu tiens à mettre ta délicatesse à l'abri de tout soupçon. Tu as raison, mon ami, mais j'avais espéré mieux.

Et Marguerite fit un mouvement pour se lever ; je la retins en lui disant :

– Je veux que tu sois heureuse, et que tu n'aies rien à me reprocher, voilà tout.

– Et nous allons nous séparer !

– Pourquoi, Marguerite ? Qui peut nous séparer ? m'écriai-je.

– Toi, qui ne veux pas me permettre de comprendre ta position, et qui as la vanité de me garder la mienne ; toi, qui en me conservant le luxe au milieu duquel j'ai vécu, veux conserver la distance morale qui nous sépare ; toi, enfin, qui ne crois pas mon affection assez désintéressée pour partager avec moi la fortune que tu as, avec laquelle nous pourrions vivre heureux ensemble, et qui préfères te ruiner, esclave que tu es d'un préjugé ridicule. – You, who do not want to allow me to understand your position, and who have the vanity to keep mine for me; you, who by preserving for me the luxury in the midst of which I have lived, want to preserve the moral distance which separates us; you, finally, who do not believe my affection disinterested enough to share with me the fortune you have, with which we could live happily together, and who prefer to ruin yourself, slave that you are to a ridiculous prejudice. Crois-tu donc que je compare une voiture et des bijoux à ton amour ? Crois-tu que le bonheur consiste pour moi dans les vanités dont on se contente quand on n'aime rien, mais qui deviennent bien mesquines quand on aime ? Do you believe that happiness consists for me in the vanities with which one is satisfied when one loves nothing, but which becomes very petty when one loves? Tu payeras mes dettes, tu escompteras ta fortune et tu m'entretiendras enfin ! You will pay my debts, you will discount your fortune and you will support me at last! Combien de temps tout cela durera-t-il ? Deux ou trois mois, et alors il sera trop tard pour prendre la vie que je te propose, car alors tu accepterais tout de moi, et c'est ce qu'un homme d'honneur ne peut faire. Two or three months, and then it will be too late to take the life I offer you, because then you would accept everything from me, and that is what a man of honor cannot do. Tandis que maintenant tu as huit ou dix mille francs de rente avec lesquelles nous pouvons vivre. Whereas now you have an income of eight or ten thousand francs on which we can live. Je vendrai le superflu de ce que j'ai, et avec cette vente seule, je me ferai deux mille livres par an. Nous louerons un joli petit appartement dans lequel nous resterons tous les deux. L'été, nous viendrons à la campagne, non pas dans une maison comme celle-ci, mais dans une petite maison suffisante pour deux personnes. Tu es indépendant, je suis libre, nous sommes jeunes, au nom du ciel, Armand, ne me rejette pas dans la vie que j'étais forcée de mener autrefois. You're independent, I'm free, we're young, in heaven's name, Armand, don't throw me back into the life I was once forced to lead.

Je ne pouvais répondre, des larmes de reconnaissance et d'amour inondaient mes yeux, et je me précipitai dans les bras de Marguerite.

– Je voulais, reprit-elle, tout arranger sans t'en rien dire, payer toutes mes dettes et faire préparer mon nouvel appartement. Au mois d'octobre, nous serions retournés à Paris, et tout aurait été dit ; mais puisque Prudence t'a tout raconté, il faut que tu consentes avant, au lieu de consentir après. In October, we would have returned to Paris, and everything would have been said; but since Prudence has told you everything, you must consent before, instead of consenting afterwards.

– M'aimes-tu assez pour cela ? - Liebst du mich dafür genug? "Do you love me enough for that?" Il était impossible de résister à tant de dévouement. It was impossible to resist such devotion. Je baisai les mains de Marguerite avec effusion, et je lui dis : I kissed Marguerite's hands effusively, and said to her:

– Je ferai tout ce que tu voudras.

Ce qu'elle avait décidé fut donc convenu. So what she had decided was agreed.

Alors elle devint d'une gaieté folle : elle dansait, elle chantait, elle se faisait une fête de la simplicité de son nouvel appartement, sur le quartier et la disposition duquel elle me consultait déjà.

Je la voyais heureuse et fière de cette résolution qui semblait devoir nous rapprocher définitivement l'un de l'autre. I saw her happy and proud of this resolution which seemed to bring us closer to each other definitively.

Aussi, je ne voulus pas être en reste avec elle. Daher wollte ich ihr nicht nachstehen.

En un instant je décidai de ma vie. J'établis la position de ma fortune, et je fis à Marguerite l'abandon de la rente qui me venait de ma mère, et qui me parut bien insuffisante pour récompenser le sacrifice que j'acceptais. Ich stellte meine Vermögensverhältnisse fest und verzichtete auf die Rente, die ich von meiner Mutter erhalten hatte und die mir als Belohnung für das Opfer, das ich annahm, viel zu gering erschien.

Il me restait les cinq mille francs de pension que me faisait mon père, et, quoi qu'il arrivât, j'avais toujours assez de cette pension annuelle pour vivre.

Je ne dis pas à Marguerite ce que j'avais résolu, convaincu que j'étais qu'elle refuserait cette donation.

Cette rente provenait d'une hypothèque de soixante mille francs sur une maison que je n'avais même jamais vue. Tout ce que je savais, c'est qu'à chaque trimestre le notaire de mon père, vieil ami de notre famille, me remettait sept cent cinquante francs sur mon simple reçu.

Le jour où Marguerite et moi nous vînmes à Paris pour chercher des appartements, j'allai chez ce notaire, et je lui demandai de quelle façon je devais m'y prendre pour faire à une autre personne le transfert de cette rente.

Le brave homme me crut ruiné et me questionna sur la cause de cette décision. Or, comme il fallait bien tôt ou tard que je lui disse en faveur de qui je faisais cette donation, je préférai lui raconter tout de suite la vérité.

Il ne me fit aucune des objections que sa position de notaire et d'ami l'autorisait à me faire, et m'assura qu'il se chargeait d'arranger tout pour le mieux.

Je lui recommandai naturellement la plus grande discrétion vis-à-vis de mon père, et j'allai rejoindre Marguerite qui m'attendait chez Julie Duprat, où elle avait préféré descendre plutôt que d'aller écouter la morale de Prudence. Naturally, I urged him to be very discreet with my father, and I went to join Marguerite, who was waiting for me at Julie Duprat's, where she had preferred to stay rather than go and listen to Prudence's lecture.

Nous nous mîmes en quête d'appartements. Tous ceux que nous voyions, Marguerite les trouvait trop chers, et moi je les trouvais trop simples.

Cependant nous finîmes par tomber d'accord, et nous arrêtâmes dans un des quartiers les plus tranquilles de Paris un petit pavillon, isolé de la maison principale.

Derrière ce petit pavillon s'étendait un jardin charmant, jardin qui en dépendait, entouré de murailles assez élevées pour nous séparer de nos voisins, et assez basses pour ne pas borner la vue. Hinter diesem kleinen Pavillon erstreckte sich ein bezaubernder Garten, ein Garten, der von ihm abhing und von Mauern umgeben war, die hoch genug waren, um uns von unseren Nachbarn zu trennen, und niedrig genug, um die Aussicht nicht einzuschränken. Behind this little pavilion stretched a charming garden, a garden attached to it, surrounded by walls high enough to separate us from our neighbors, and low enough not to limit the view.

C'était mieux que nous n'avions espéré.

Pendant que je me rendais chez moi pour donner congé de mon appartement, Marguerite allait chez un homme d'affaires qui, disait-elle, avait déjà fait pour une de ses amies ce qu'elle allait lui demander de faire pour elle.

Elle vint me retrouver rue de Provence, enchantée.

Cet homme lui avait promis de payer toutes ses dettes, de lui en donner quittance, et de lui remettre une vingtaine de mille francs moyennant l'abandon de tous ses meubles.

Vous avez vu par le prix auquel est montée la vente que cet honnête homme eût gagné plus de trente mille francs sur sa cliente.

Nous repartîmes tout joyeux pour Bougival, et en continuant de nous communiquer nos projets d'avenir, que, grâce à notre insouciance et surtout à notre amour, nous voyions sous les teintes les plus dorées.

Huit jours après nous étions à déjeuner, quand Nanine vint m'avertir que mon domestique me demandait.

Je le fis entrer.

– Monsieur, me dit-il, votre père est arrivé à Paris, et vous prie de vous rendre tout de suite chez vous, où il vous attend.

Cette nouvelle était la chose du monde la plus simple, et cependant, en l'apprenant, Marguerite et moi nous nous regardâmes.

Nous devinions un malheur dans cet incident.

Aussi, sans qu'elle m'eût fait part de cette impression que je partageais, j'y répondis en lui tendant la main :

– Ne crains rien.

– Reviens le plus tôt que tu pourras, murmura Marguerite en m'embrassant, je t'attendrai à la fenêtre.

J'envoyai Joseph dire à mon père que j'allais arriver.

En effet, deux heures après, j'étais rue de Provence. In fact, two hours later, I was in the rue de Provence.