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La Dame aux Camélias - Dumas Fils, Chapitre X (1)

Chapitre X (1)

La chambre où elle s'était réfugiée n'était éclairée que par une seule bougie posée sur une table. Renversée sur un grand canapé, sa robe défaite, elle tenait une main sur son coeur et laissait pendre l'autre. Sur la table il y avait une cuvette d'argent à moitié pleine d'eau ; cette eau était marbrée de filets de sang.

Marguerite, très pâle et la bouche entr'ouverte, essayait de reprendre haleine. Par moments, sa poitrine se gonflait d'un long soupir qui, exhalé, paraissait la soulager un peu, et la laissait pendant quelques secondes dans un sentiment de bien-être.

Je m'approchai d'elle, sans qu'elle fît un mouvement, je m'assis et pris celle de ses mains qui reposait sur le canapé.

– Ah ! c'est vous ? me dit-elle avec un sourire.

Il paraît que j'avais la figure bouleversée, car elle ajouta :

– Est-ce que vous êtes malade aussi ?

– Non ; mais vous, souffrez-vous encore ?

– Très peu ; et elle essuya avec son mouchoir les larmes que la toux avait fait venir à ses yeux ; je suis habituée à cela maintenant.

– Vous vous tuez, madame, lui dis-je alors d'une voix émue ; je voudrais être votre ami, votre parent, pour vous empêcher de vous faire mal ainsi.

– Ah ! cela ne vaut vraiment pas la peine que vous vous alarmiez, répliqua-t-elle d'un ton un peu amer ; voyez si les autres s'occupent de moi : c'est qu'ils savent bien qu'il n'y a rien à faire à ce mal-là.

Après quoi elle se leva et, prenant la bougie, elle la mit sur la cheminée et se regarda dans la glace.

– Comme je suis pâle ! dit-elle en rattachant sa robe et en passant ses doigts sur ses cheveux délissés. Ah ! bah ! allons nous remettre à table. Venez-vous ?

Mais j'étais assis et je ne bougeais pas.

Elle comprit l'émotion que cette scène m'avait causée, car elle s'approcha de moi et, me tendant la main, elle me dit :

– Voyons, venez.

Je pris sa main, je la portai à mes lèvres en la mouillant malgré moi de deux larmes longtemps contenues.

– Eh bien, mais êtes-vous enfant ! dit-elle en se rasseyant auprès de moi ; voilà que vous pleurez ! Qu'avez-vous ?

– Je dois vous paraître bien niais, mais ce que je viens de voir m'a fait un mal affreux.

– Vous êtes bien bon ! Que voulez-vous ? Je ne puis pas dormir, il faut bien que je me distraie un peu. Et puis des filles comme moi, une de plus ou de moins, qu'est-ce que cela fait ? Les médecins me disent que le sang que je crache vient des bronches ; j'ai l'air de les croire, c'est tout ce que je puis faire pour eux.

– Écoutez, Marguerite, dis-je alors avec une expansion que je ne pus retenir, je ne sais pas l'influence que vous devez prendre sur ma vie, mais ce que je sais, c'est qu'à l'heure qu'il est, il n'y a personne, pas même ma soeur, à qui je m'intéresse comme à vous. C'est ainsi depuis que je vous ai vue. Eh bien, au nom du ciel, soignez-vous, et ne vivez plus comme vous le faites.

– Si je me soignais, je mourrais. Ce qui me soutient, c'est la vie fiévreuse que je mène. Puis, se soigner, c'est bon pour les femmes du monde qui ont une famille et des amis ; mais nous, dès que nous ne pouvons plus servir à la vanité ou au plaisir de nos amants, ils nous abandonnent, et les longues soirées succèdent aux longs jours. Je le sais bien, allez, j'ai été deux mois dans mon lit ; au bout de trois semaines, personne ne venait plus me voir.

– Il est vrai que je ne vous suis rien, repris-je ; mais si vous le vouliez je vous soignerais comme un frère, je ne vous quitterais pas, et je vous guérirais. Alors, quand vous en auriez la force, vous reprendriez la vie que vous menez, si bon vous semblait ; mais j'en suis sûr, vous aimeriez mieux une existence tranquille qui vous ferait plus heureuse et vous garderait jolie.

– Vous pensez comme cela ce soir, parce que vous avez le vin triste, mais vous n'auriez pas la patience dont vous vous vantez.

– Permettez-moi de vous dire, Marguerite, que vous avez été malade pendant deux mois, et que, pendant ces deux mois, je suis venu tous les jours savoir de vos nouvelles.

– C'est vrai ; mais pourquoi ne montiez-vous pas ?

– Parce que je ne vous connaissais pas alors.

– Est-ce qu'on se gêne avec une fille comme moi ?

– On se gêne toujours avec une femme ; c'est mon avis du moins.

– Ainsi, vous me soigneriez ?

– Oui.

– Vous resteriez tous les jours auprès de moi ?

– Oui.

– Et même toutes les nuits ?

– Tout le temps que je ne vous ennuierais pas.

– Comment appelez-vous cela ?

– Du dévouement.

– Et d'où vient ce dévouement ?

– D'une sympathie irrésistible que j'ai pour vous.

– Ainsi vous êtes amoureux de moi ? dites-le tout de suite, c'est bien plus simple.

– C'est possible ; mais si je dois vous le dire un jour, ce n'est pas aujourd'hui.

– Vous ferez mieux de ne me le dire jamais.

– Pourquoi ?

– Parce qu'il ne peut résulter que deux choses de cet aveu.

– Lesquelles ?

– Ou que je ne vous accepte pas, alors vous m'en voudrez, ou que je vous accepte, alors vous aurez une triste maîtresse ; une femme nerveuse, malade, triste, ou gaie d'une gaieté plus triste que le chagrin, une femme qui crache le sang et qui dépense cent mille francs par an, c'est bon pour un vieux richard comme le duc ; mais c'est bien ennuyeux pour un jeune homme comme vous, et la preuve, c'est que tous les jeunes amants que j'ai eus m'ont bien vite quittée.

Je ne répondais rien : j'écoutais. Cette franchise qui tenait presque de la confession, cette vie douloureuse que j'entrevoyais sous le voile doré qui la couvrait, et dont la pauvre fille fuyait la réalité dans la débauche, l'ivresse et l'insomnie, tout cela m'impressionnait tellement que je ne trouvais pas une seule parole.

– Allons, continua Marguerite, nous disons là des enfantillages. Donnez-moi la main et rentrons dans la salle à manger. On ne doit pas savoir ce que notre absence veut dire.

– Rentrez, si bon vous semble, mais je vous demande la permission de rester ici.

– Pourquoi ?

– Parce que votre gaieté me fait trop de mal.

– Eh bien, je serai triste.

– Tenez, Marguerite, laissez-moi vous dire une chose que l'on vous a dite souvent sans doute, et à laquelle l'habitude de l'entendre vous empêchera peut-être d'ajouter foi, mais qui n'en est pas moins réelle, et que je ne vous répéterai jamais.

– C'est ? … dit-elle avec le sourire que prennent les jeunes mères pour écouter une folie de leur enfant.

– C'est que, depuis que je vous ai vue, je ne sais comment ni pourquoi, vous avez pris une place dans ma vie ; c'est que j'ai eu beau chasser votre image de ma pensée, elle y est toujours revenue ; c'est qu'aujourd'hui, quand je vous ai rencontrée, après être resté deux ans sans vous voir, vous avez pris sur mon coeur et mon esprit un ascendant plus grand encore ; c'est qu'enfin, maintenant que vous m'avez reçu, que je vous connais, que je sais tout ce qu'il y a d'étrange en vous, vous m'êtes devenue indispensable, et que je deviendrai fou, non pas seulement si vous ne m'aimez pas, mais si vous ne me laissez pas vous aimer.

– Mais, malheureux que vous êtes, je vous dirai ce que disait madame D… : vous êtes donc bien riche ! Mais vous ne savez donc pas que je dépense six ou sept mille francs par mois, et que cette dépense est devenue nécessaire à ma vie ? mais vous ne savez donc pas, mon pauvre ami, que je vous ruinerais en un rien de temps, et que votre famille vous ferait interdire pour vous apprendre à vivre avec une créature comme moi ? Aimez-moi bien, comme un bon ami, mais pas autrement. Venez me voir, nous rirons, nous causerons ; mais ne vous exagérez pas ce que je vaux, car je ne vaux pas grand-chose. Vous avez un bon coeur, vous avez besoin d'être aimé, vous êtes trop jeune et trop sensible pour vivre dans notre monde. Prenez une femme mariée. Vous voyez que je suis une bonne fille et que je vous parle franchement.

– Ah çà ! que diable faites-vous là ? cria Prudence, que nous n'avions pas entendue venir, et qui apparaissait sur le seuil de la chambre avec ses cheveux à moitié défaits et sa robe ouverte. Je reconnaissais dans ce désordre la main de Gaston.

– Nous parlons raison, dit Marguerite, laissez-nous un peu ; nous vous rejoindrons tout à l'heure.

– Bien, bien, causez, mes enfants, dit Prudence en s'en allant et en fermant la porte comme pour ajouter encore au ton dont elle avait prononcé ces dernières paroles.

– Ainsi, c'est convenu, reprit Marguerite, quand nous fûmes seuls, vous ne m'aimerez plus ?

– Je partirai.

– C'est à ce point-là ?

J'étais trop avancé pour reculer, et d'ailleurs cette fille me bouleversait. Ce mélange de gaieté, de tristesse, de candeur, de prostitution, cette maladie même qui devait développer chez elle la sensibilité des impressions comme l'irritabilité des nerfs, tout me faisait comprendre que si, dès la première fois, je ne prenais pas d'empire sur cette nature oublieuse et légère, elle était perdue pour moi.

– Voyons, c'est donc sérieux ce que vous dites ? fit-elle.

– Très sérieux.

– Mais pourquoi ne m'avez-vous pas dit cela plus tôt ?

– Quand vous l'aurais-je dit ?

– Le lendemain du jour où vous m'avez été présenté à l'Opéra-Comique.

– Je crois que vous m'auriez fort mal reçu, si j'étais venu vous voir.

– Pourquoi ?

– Parce que j'avais été stupide la veille.

– Cela, c'est vrai. Mais cependant vous m'aimiez déjà à cette époque ?

– Oui.

– Ce qui ne vous a pas empêché d'aller vous coucher et de dormir bien tranquillement après le spectacle. Nous savons ce que sont ces grands amours-là.

– Eh bien, c'est ce qui vous trompe. Savez-vous ce que j'ai fait le soir de l'Opéra-Comique ?

– Non.

– Je vous ai attendue à la porte du café Anglais. J'ai suivi la voiture qui vous a emmenés, vous et vos trois amis, et, quand je vous ai vue descendre seule et rentrer seule chez vous, j'ai été bien heureux.

Marguerite se mit à rire.

– De quoi riez-vous ?

– De rien.

– Dites-le-moi, je vous en supplie, ou je vais croire que vous vous moquez encore de moi.

– Vous ne vous fâcherez pas ?

– De quel droit me fâcherais-je ?

– Eh bien, il y avait une bonne raison pour que je rentrasse seule.

– Laquelle ?

– On m'attendait ici.

Elle m'eût donné un coup de couteau qu'elle ne m'eût pas fait plus de mal. Je me levai, et, lui tendant la main :

– Adieu, lui dis-je.

– Je savais bien que vous vous fâcheriez, dit-elle. Les hommes ont la rage de vouloir apprendre ce qui doit leur faire de la peine.

– Mais je vous assure, ajoutai-je d'un ton froid, comme si j'avais voulu prouver que j'étais à jamais guéri de ma passion, je vous assure que je ne suis pas fâché. Il était tout naturel que quelqu'un vous attendît, comme il est tout naturel que je m'en aille à trois heures du matin.

– Est-ce que vous avez aussi quelqu'un qui vous attend chez vous ?

– Non, mais il faut que je parte.

– Adieu, alors.

– Vous me renvoyez ?

– Pas le moins du monde.

– Pourquoi me faites-vous de la peine ?

– Quelle peine vous ai-je faite ?

– Vous me dites que quelqu'un vous attendait.

– Je n'ai pas pu m'empêcher de rire à l'idée que vous aviez été si heureux de me voir rentrer seule, quand il y avait une si bonne raison pour cela.

– On se fait souvent une joie d'un enfantillage, et il est méchant de détruire cette joie, quand, en la laissant subsister, on peut rendre plus heureux encore celui qui la trouve.

– Mais à qui croyez-vous donc avoir affaire ? Je ne suis ni une vierge ni une duchesse. Je ne vous connais que d'aujourd'hui et ne vous dois pas compte de mes actions. En admettant que je devienne un jour votre maîtresse, il faut que vous sachiez bien que j'ai eu d'autres amants que vous. Si vous me faites déjà des scènes de jalousie avant, qu'est-ce que ce sera donc après, si jamais l'après existe ! Je n'ai jamais vu un homme comme vous.


Chapitre X (1) Kapitel X (1) Chapter X (1) Capítulo X (1) Глава X (1)

La chambre où elle s'était réfugiée n'était éclairée que par une seule bougie posée sur une table. Renversée sur un grand canapé, sa robe défaite, elle tenait une main sur son coeur et laissait pendre l'autre. Sur la table il y avait une cuvette d'argent à moitié pleine d'eau ; cette eau était marbrée de filets de sang. On the table was a silver basin half full of water; this water was marbled with streaks of blood. Sur la table il y avait une cuvette d'argent à moitié pleine d'eau ; cette eau était marbrée de filets de sang.

Marguerite, très pâle et la bouche entr'ouverte, essayait de reprendre haleine. Marguerite, very pale and with her mouth half open, was trying to catch her breath. Par moments, sa poitrine se gonflait d'un long soupir qui, exhalé, paraissait la soulager un peu, et la laissait pendant quelques secondes dans un sentiment de bien-être. At times, her chest swelled with a long sigh which, exhaled, seemed to relieve her a little, and left her for a few seconds in a feeling of well-being.

Je m'approchai d'elle, sans qu'elle fît un mouvement, je m'assis et pris celle de ses mains qui reposait sur le canapé. I approached her, without her making a move, I sat down and took the one of her hands that rested on the sofa.

– Ah ! c'est vous ? me dit-elle avec un sourire.

Il paraît que j'avais la figure bouleversée, car elle ajouta : It seems that my face was upset, for she added:

– Est-ce que vous êtes malade aussi ? - Are you sick too?

– Non ; mais vous, souffrez-vous encore ? - Nope ; but you, do you still suffer?

– Très peu ; et elle essuya avec son mouchoir les larmes que la toux avait fait venir à ses yeux ; je suis habituée à cela maintenant. - Very little ; and she wiped with her handkerchief the tears which the cough had brought to her eyes; I'm used to that now.

– Vous vous tuez, madame, lui dis-je alors d'une voix émue ; je voudrais être votre ami, votre parent, pour vous empêcher de vous faire mal ainsi. “You are killing yourself, madame,” I said to her then in a voice of emotion; I would like to be your friend, your relative, to prevent you from hurting yourselves like this.

– Ah ! cela ne vaut vraiment pas la peine que vous vous alarmiez, répliqua-t-elle d'un ton un peu amer ; voyez si les autres s'occupent de moi : c'est qu'ils savent bien qu'il n'y a rien à faire à ce mal-là. Das ist es wirklich nicht wert, dass Sie sich Sorgen machen", erwiderte sie mit bitterem Unterton.

Après quoi elle se leva et, prenant la bougie, elle la mit sur la cheminée et se regarda dans la glace. Danach stand sie auf und nahm die Kerze, stellte sie auf den Kamin und betrachtete sich im Spiegel.

– Comme je suis pâle ! dit-elle en rattachant sa robe et en passant ses doigts sur ses cheveux délissés. she said, tying up her dress and running her fingers through her slicked back hair. Ah ! bah ! allons nous remettre à table. Venez-vous ?

Mais j'étais assis et je ne bougeais pas. But I was sitting and not moving.

Elle comprit l'émotion que cette scène m'avait causée, car elle s'approcha de moi et, me tendant la main, elle me dit : She understood the emotion that this scene had caused me, because she approached me and, holding out her hand to me, she said to me:

– Voyons, venez.

Je pris sa main, je la portai à mes lèvres en la mouillant malgré moi de deux larmes longtemps contenues. I took her hand, I brought it to my lips, wetting it in spite of myself with two long-held tears.

– Eh bien, mais êtes-vous enfant ! dit-elle en se rasseyant auprès de moi ; voilà que vous pleurez ! Qu'avez-vous ?

– Je dois vous paraître bien niais, mais ce que je viens de voir m'a fait un mal affreux. - Ich muss Ihnen sehr dumm vorkommen, aber das, was ich gerade gesehen habe, hat mir furchtbar wehgetan. – I must seem very silly to you, but what I have just seen has done me terrible harm.

– Vous êtes bien bon ! - Sie sind sehr gut! Que voulez-vous ? Je ne puis pas dormir, il faut bien que je me distraie un peu. Et puis des filles comme moi, une de plus ou de moins, qu'est-ce que cela fait ? And then girls like me, one more or less, what does it matter? Les médecins me disent que le sang que je crache vient des bronches ; j'ai l'air de les croire, c'est tout ce que je puis faire pour eux. Die Ärzte sagen mir, dass das Blut, das ich ausspucke, aus den Bronchien kommt; ich scheine ihnen zu glauben, das ist alles, was ich für sie tun kann. The doctors tell me that the blood I spit up comes from the bronchi; I seem to believe them, that's all I can do for them.

– Écoutez, Marguerite, dis-je alors avec une expansion que je ne pus retenir, je ne sais pas l'influence que vous devez prendre sur ma vie, mais ce que je sais, c'est qu'à l'heure qu'il est, il n'y a personne, pas même ma soeur, à qui je m'intéresse comme à vous. - Listen, Marguerite, I said then with an expansion that I could not contain, I do not know the influence that you must have on my life, but what I do know is that at the time that he is, there is no one, not even my sister, in whom I am interested as in you. C'est ainsi depuis que je vous ai vue. It's been that way since I saw you. Eh bien, au nom du ciel, soignez-vous, et ne vivez plus comme vous le faites. Well, in heaven's name, heal yourself, and don't live like you do.

– Si je me soignais, je mourrais. “If I took care of myself, I would die. Ce qui me soutient, c'est la vie fiévreuse que je mène. What sustains me is the feverish life I lead. Puis, se soigner, c'est bon pour les femmes du monde qui ont une famille et des amis ; mais nous, dès que nous ne pouvons plus servir à la vanité ou au plaisir de nos amants, ils nous abandonnent, et les longues soirées succèdent aux longs jours. Then, getting treatment is good for women in the world who have family and friends; but we, as soon as we can no longer serve the vanity or pleasure of our lovers, they abandon us, and long evenings follow long days. Je le sais bien, allez, j'ai été deux mois dans mon lit ; au bout de trois semaines, personne ne venait plus me voir. Ich weiß es, komm schon, ich war zwei Monate lang in meinem Bett; nach drei Wochen kam niemand mehr, um mich zu sehen. I know it well, come on, I was two months in my bed; after three weeks, no one came to see me anymore.

– Il est vrai que je ne vous suis rien, repris-je ; mais si vous le vouliez je vous soignerais comme un frère, je ne vous quitterais pas, et je vous guérirais. “It is true that I am nothing to you,” I resumed; but if you wanted I would take care of you like a brother, I would not leave you, and I would cure you. Alors, quand vous en auriez la force, vous reprendriez la vie que vous menez, si bon vous semblait ; mais j'en suis sûr, vous aimeriez mieux une existence tranquille qui vous ferait plus heureuse et vous garderait jolie. So, when you had the strength, you would resume the life you lead, if you wanted to; but I am sure you would prefer a quiet existence which would make you happier and keep you pretty.

– Vous pensez comme cela ce soir, parce que vous avez le vin triste, mais vous n'auriez pas la patience dont vous vous vantez. - Sie denken heute Abend so, weil Sie einen traurigen Wein haben, aber Sie hätten nicht die Geduld, mit der Sie sich rühmen. – You think like that this evening, because you have the sad wine, but you would not have the patience of which you boast.

– Permettez-moi de vous dire, Marguerite, que vous avez été malade pendant deux mois, et que, pendant ces deux mois, je suis venu tous les jours savoir de vos nouvelles.

– C'est vrai ; mais pourquoi ne montiez-vous pas ?

– Parce que je ne vous connaissais pas alors. “Because I didn't know you then.

– Est-ce qu'on se gêne avec une fille comme moi ? - Are we embarrassed with a girl like me?

– On se gêne toujours avec une femme ; c'est mon avis du moins. “One is always embarrassed with a woman; that's my opinion at least.

– Ainsi, vous me soigneriez ? "So you would take care of me?"

– Oui.

– Vous resteriez tous les jours auprès de moi ?

– Oui.

– Et même toutes les nuits ?

– Tout le temps que je ne vous ennuierais pas.

– Comment appelez-vous cela ?

– Du dévouement. – Dedication.

– Et d'où vient ce dévouement ?

– D'une sympathie irrésistible que j'ai pour vous.

– Ainsi vous êtes amoureux de moi ? dites-le tout de suite, c'est bien plus simple.

– C'est possible ; mais si je dois vous le dire un jour, ce n'est pas aujourd'hui. - It's possible ; but if I have to tell you one day, it's not today.

– Vous ferez mieux de ne me le dire jamais. “You better never tell me.

– Pourquoi ?

– Parce qu'il ne peut résulter que deux choses de cet aveu. “Because only two things can follow from this confession.

– Lesquelles ?

– Ou que je ne vous accepte pas, alors vous m'en voudrez, ou que je vous accepte, alors vous aurez une triste maîtresse ; une femme nerveuse, malade, triste, ou gaie d'une gaieté plus triste que le chagrin, une femme qui crache le sang et qui dépense cent mille francs par an, c'est bon pour un vieux richard comme le duc ; mais c'est bien ennuyeux pour un jeune homme comme vous, et la preuve, c'est que tous les jeunes amants que j'ai eus m'ont bien vite quittée. “Either if I don't accept you, then you'll be angry with me, or if I accept you, then you'll have a sad mistress; a nervous, sick, sad woman, or gay with a sadder gaiety than grief, a woman who spits blood and spends a hundred thousand francs a year, that's good for an old rich man like the duke; but it's very boring for a young man like you, and the proof is that all the young lovers I've had have very quickly left me.

Je ne répondais rien : j'écoutais. I didn't answer: I listened. Cette franchise qui tenait presque de la confession, cette vie douloureuse que j'entrevoyais sous le voile doré qui la couvrait, et dont la pauvre fille fuyait la réalité dans la débauche, l'ivresse et l'insomnie, tout cela m'impressionnait tellement que je ne trouvais pas une seule parole. This frankness which almost amounted to confession, this painful life which I glimpsed under the golden veil which covered it, and from which the poor girl fled reality in debauchery, drunkenness and insomnia, all that impressed me so much. that I couldn't find a single word.

– Allons, continua Marguerite, nous disons là des enfantillages. “Come now,” continued Marguerite, “we are talking about childishness here. Donnez-moi la main et rentrons dans la salle à manger. On ne doit pas savoir ce que notre absence veut dire. Wir dürfen nicht wissen, was unsere Abwesenheit bedeutet. We must not know what our absence means.

– Rentrez, si bon vous semble, mais je vous demande la permission de rester ici. “Go back, if you like, but I ask your permission to stay here.

– Pourquoi ?

– Parce que votre gaieté me fait trop de mal. “Because your gaiety hurts me too much.

– Eh bien, je serai triste.

– Tenez, Marguerite, laissez-moi vous dire une chose que l'on vous a dite souvent sans doute, et à laquelle l'habitude de l'entendre vous empêchera peut-être d'ajouter foi, mais qui n'en est pas moins réelle, et que je ne vous répéterai jamais. – Here, Marguerite, let me tell you something that you have no doubt been told often, and to which the habit of hearing it will perhaps prevent you from believing it, but which is not. less real, and that I will never repeat to you.

– C'est ? … dit-elle avec le sourire que prennent les jeunes mères pour écouter une folie de leur enfant. … she said with the smile that young mothers take to listen to their child's madness.

– C'est que, depuis que je vous ai vue, je ne sais comment ni pourquoi, vous avez pris une place dans ma vie ; c'est que j'ai eu beau chasser votre image de ma pensée, elle y est toujours revenue ; c'est qu'aujourd'hui, quand je vous ai rencontrée, après être resté deux ans sans vous voir, vous avez pris sur mon coeur et mon esprit un ascendant plus grand encore ; c'est qu'enfin, maintenant que vous m'avez reçu, que je vous connais, que je sais tout ce qu'il y a d'étrange en vous, vous m'êtes devenue indispensable, et que je deviendrai fou, non pas seulement si vous ne m'aimez pas, mais si vous ne me laissez pas vous aimer. – It's because, since I saw you, I don't know how or why, you have taken a place in my life; it's because I have chased your image from my thoughts in vain, it has always returned to it; it is that today, when I met you, after having remained two years without seeing you, you took on my heart and my spirit an even greater influence; it is that finally, now that you have received me, that I know you, that I know all that is strange in you, you have become indispensable to me, and that I will go mad, no not only if you don't love me, but if you don't let me love you.

– Mais, malheureux que vous êtes, je vous dirai ce que disait madame D… : vous êtes donc bien riche ! – But, unhappy that you are, I will tell you what Madame D… said: you are very rich then! Mais vous ne savez donc pas que je dépense six ou sept mille francs par mois, et que cette dépense est devenue nécessaire à ma vie ? But don't you know that I spend six or seven thousand francs a month, and that this expense has become necessary to my life? mais vous ne savez donc pas, mon pauvre ami, que je vous ruinerais en un rien de temps, et que votre famille vous ferait interdire pour vous apprendre à vivre avec une créature comme moi ? Aimez-moi bien, comme un bon ami, mais pas autrement. Love me like a good friend, but not otherwise. Venez me voir, nous rirons, nous causerons ; mais ne vous exagérez pas ce que je vaux, car je ne vaux pas grand-chose. Come and see me, we will laugh, we will chat; but don't exaggerate what I'm worth, because I'm not worth much. Vous avez un bon coeur, vous avez besoin d'être aimé, vous êtes trop jeune et trop sensible pour vivre dans notre monde. Prenez une femme mariée. Nehmen Sie eine verheiratete Frau. Vous voyez que je suis une bonne fille et que je vous parle franchement.

– Ah çà ! que diable faites-vous là ? cria Prudence, que nous n'avions pas entendue venir, et qui apparaissait sur le seuil de la chambre avec ses cheveux à moitié défaits et sa robe ouverte. Je reconnaissais dans ce désordre la main de Gaston.

– Nous parlons raison, dit Marguerite, laissez-nous un peu ; nous vous rejoindrons tout à l'heure. “We speak reason,” said Marguerite, “leave us a little; we will join you presently.

– Bien, bien, causez, mes enfants, dit Prudence en s'en allant et en fermant la porte comme pour ajouter encore au ton dont elle avait prononcé ces dernières paroles. “Well, well, talk, my children,” said Prudence, going away and closing the door as if to add still more to the tone in which she had uttered these last words.

– Ainsi, c'est convenu, reprit Marguerite, quand nous fûmes seuls, vous ne m'aimerez plus ?

– Je partirai.

– C'est à ce point-là ? - Ist es so schlimm? – Is it at this point?

J'étais trop avancé pour reculer, et d'ailleurs cette fille me bouleversait. I was too advanced to go back, and besides this girl upset me. Ce mélange de gaieté, de tristesse, de candeur, de prostitution, cette maladie même qui devait développer chez elle la sensibilité des impressions comme l'irritabilité des nerfs, tout me faisait comprendre que si, dès la première fois, je ne prenais pas d'empire sur cette nature oublieuse et légère, elle était perdue pour moi. Diese Mischung aus Fröhlichkeit, Traurigkeit, Schamlosigkeit, Prostitution, diese Krankheit selbst, die bei ihr die Empfindlichkeit der Eindrücke wie die Reizbarkeit der Nerven entwickeln musste, alles machte mir klar, dass sie für mich verloren war, wenn ich nicht vom ersten Mal an die Herrschaft über diese selbstvergessene und leichtfertige Natur erlangte. This mixture of gaiety, sadness, candor, prostitution, this very illness which was to develop in her the sensitivity of impressions like the irritability of the nerves, everything made me understand that if, from the first time, I did not take empire over this forgetful and light nature, it was lost for me.

– Voyons, c'est donc sérieux ce que vous dites ? "Come on, is it serious what you're saying?" fit-elle.

– Très sérieux.

– Mais pourquoi ne m'avez-vous pas dit cela plus tôt ?

– Quand vous l'aurais-je dit ?

– Le lendemain du jour où vous m'avez été présenté à l'Opéra-Comique.

– Je crois que vous m'auriez fort mal reçu, si j'étais venu vous voir. “I think you would have received me very badly if I had come to see you.

– Pourquoi ?

– Parce que j'avais été stupide la veille. “Because I was stupid the night before.

– Cela, c'est vrai. Mais cependant vous m'aimiez déjà à cette époque ?

– Oui.

– Ce qui ne vous a pas empêché d'aller vous coucher et de dormir bien tranquillement après le spectacle. – Which didn't prevent you from going to bed and sleeping peacefully after the show. Nous savons ce que sont ces grands amours-là. We know what those great loves are.

– Eh bien, c'est ce qui vous trompe. “Well, that's what's wrong with you. Savez-vous ce que j'ai fait le soir de l'Opéra-Comique ?

– Non.

– Je vous ai attendue à la porte du café Anglais. J'ai suivi la voiture qui vous a emmenés, vous et vos trois amis, et, quand je vous ai vue descendre seule et rentrer seule chez vous, j'ai été bien heureux.

Marguerite se mit à rire.

– De quoi riez-vous ?

– De rien.

– Dites-le-moi, je vous en supplie, ou je vais croire que vous vous moquez encore de moi.

– Vous ne vous fâcherez pas ?

– De quel droit me fâcherais-je ?

– Eh bien, il y avait une bonne raison pour que je rentrasse seule.

– Laquelle ?

– On m'attendait ici. “I was expected here.

Elle m'eût donné un coup de couteau qu'elle ne m'eût pas fait plus de mal. Je me levai, et, lui tendant la main :

– Adieu, lui dis-je.

– Je savais bien que vous vous fâcheriez, dit-elle. Les hommes ont la rage de vouloir apprendre ce qui doit leur faire de la peine. Menschen haben die Wut, etwas lernen zu wollen, was ihnen Kummer bereiten muss. Men have the rage to want to learn what must make them sad.

– Mais je vous assure, ajoutai-je d'un ton froid, comme si j'avais voulu prouver que j'étais à jamais guéri de ma passion, je vous assure que je ne suis pas fâché. - But I assure you, I added in a cold tone, as if I wanted to prove that I was forever cured of my passion, I assure you that I am not angry. Il était tout naturel que quelqu'un vous attendît, comme il est tout naturel que je m'en aille à trois heures du matin. It was quite natural that someone should be expecting you, just as it is quite natural that I should leave at three o'clock in the morning.

– Est-ce que vous avez aussi quelqu'un qui vous attend chez vous ? – Do you also have someone waiting for you at home?

– Non, mais il faut que je parte. - No, but I have to go.

– Adieu, alors.

– Vous me renvoyez ? - Are you sending me away?

– Pas le moins du monde. - Not at all.

– Pourquoi me faites-vous de la peine ? "Why are you hurting me?"

– Quelle peine vous ai-je faite ? "What pain have I caused you?"

– Vous me dites que quelqu'un vous attendait. “You tell me someone was waiting for you.

– Je n'ai pas pu m'empêcher de rire à l'idée que vous aviez été si heureux de me voir rentrer seule, quand il y avait une si bonne raison pour cela. “I couldn't help laughing that you were so happy to see me come home alone, when there was such a good reason for it.

– On se fait souvent une joie d'un enfantillage, et il est méchant de détruire cette joie, quand, en la laissant subsister, on peut rendre plus heureux encore celui qui la trouve. – One often takes pleasure in childishness, and it is wicked to destroy this joy, when, by letting it subsist, one can make the person who finds it happier still.

– Mais à qui croyez-vous donc avoir affaire ? - Was glauben Sie, mit wem Sie es zu tun haben? "But who do you think you are dealing with?" Je ne suis ni une vierge ni une duchesse. Je ne vous connais que d'aujourd'hui et ne vous dois pas compte de mes actions. I only know you today and do not owe you any account of my actions. En admettant que je devienne un jour votre maîtresse, il faut que vous sachiez bien que j'ai eu d'autres amants que vous. Admitting that I will one day become your mistress, you must know that I have had other lovers than you. Si vous me faites déjà des scènes de jalousie avant, qu'est-ce que ce sera donc après, si jamais l'après existe ! If you are already making scenes of jealousy before me, what will it be after, if ever there is an after! Je n'ai jamais vu un homme comme vous. I have never seen a man like you.