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Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", La terrible chute de la capitale des Gaules - La bataille de Lugdunum (Lyon)

La terrible chute de la capitale des Gaules - La bataille de Lugdunum (Lyon)

Mes chers camarades, bien le bonjour !

Le 19 février 197, la ville de Lyon, Lugdunum pour les Romains, a été le théâtre d'une

des plus grandes batailles de l'Antiquité. Cet affrontement est tellement destructeur

que Lugdunum a pratiquement été rasée. Pour bien vous faire comprendre à quel point,

dites vous que jusqu'à la fin de l'Empire romain, la ville n'est jamais parvenue à

se relever complètement de cette tragédie. Après la conquête des Gaules par Jules César,

Lugdunum devient la capitale des Gaules, signe de son importance. Après cette bataille,

pillée et incendiée, de nombreux habitants doivent la quitter, si bien que cent ans plus

tard elle perd même ce statut de capitale des Gaules !

Le plus étonnant dans cette histoire est sans doute que la destruction de la capitale

de la Gaule romaine a été réalisée par les Romains eux-mêmes. Cette bataille est

en réalité le dénouement d'une des nombreuses guerres civiles qui ont déchiré le monde

romain à cette époque. Comme cela s'est produit souvent dans l'Empire, des généraux

tentent de prendre le pouvoir par la force grâce au soutien de leurs hommes.

En 197, devant les remparts puis dans les rues de Lyon, ce sont donc des Romains qui

affrontent d'autres Romains. Et pour comprendre pourquoi, il faut revenir un peu en arrière

! Quatre ans avant la bataille, le 31 décembre

192, l'empereur Commode est assassiné dans son bain. Agé seulement de 31 ans, l'empereur,

fils de Marc Aurèle, n'a pas d'héritier légitime. L'Empire romain se retrouve donc

sans chef. Un pouvoir temporaire s'organise à Rome pour gérer la crise mais rapidement,

la situation dégénère. Nous l'avons déjà évoqué dans un épisode

mais une petite piqûre de rappel ne fait pas de mal !

Le successeur qui est mis en avant par le Sénat est un dénommé Pertinax. Plutôt

habile, il tente de concilier les différents camps de la scène politique romaine et promet

une forte somme d'argent aux gardes prétoriens, les soldats qui contrôlent la ville. Un plan

qui semble infaillible, à un détail près : les caisses sont vides. Furieux de ne pas

obtenir le cadeau prévu, les prétoriens assassinent Pertinax.

Il aura régné 87 jours…Retour à la case départ donc !

Un nommé Didius Julianus offre alors, grâce à son immense fortune, 25 000 sesterces à

chaque soldat de la garde prétorienne en échange de leur soutien. L'empire est littéralement

vendu aux enchères… Didius Julianus devient le nouvel empereur de Rome le 28 mars 193,

mais la manière dont il a acquis le pouvoir suscite partout la colère. Ouvertement corrompu,

il est très impopulaire. En l'apprenant, plusieurs généraux ambitieux

se proclament empereurs à leur tour aux quatre coins de l'Empire. Il faut bien comprendre

qu'à cette époque ce qui est aujourd'hui l'Italie est presque totalement dépourvue

de soldats, seuls quelques milliers de prétoriens assurent la sécurité de l'empereur. Tous

les autres sont stationnés aux frontières pour empêcher les invasions de barbares.

Les généraux des frontières sont donc les seuls à commander de vraies armées. Et les

légions qu'ils commandent soutiennent leur prise de pouvoir en espérant y gagner des

récompenses importantes. Mettez-vous à leur place, ils ont des dizaines

de milliers d'hommes fidèles et aguerris sous leurs ordres et un immense empire désarmé

à conquérir, il faut avouer que c'est tentant.

Le premier des généraux à franchir le pas est Septime Sévère. Né et élevé à Leptis

Magna, en Libye, sa famille est originaire d'Italie et s'est implantée dans cette

province africaine où elle occupe des postes prestigieux. Septime Sévère suit tout le

cursus honorum classique des aristocrates romains et entre autres postes, il devient

gouverneur de la Gaule Lyonnaise entre 186 et 188. Il réside donc à Lyon pendant deux

ans, ce qui aura son importance pour notre histoire. Après avoir été gouverneur en

Sicile, il est envoyé sur la frontière du Danube en Pannonie, la Hongrie actuelle. C'est

là, à la tête de ses trois légions qu'il apprend la mort de Commode, puis celle de

Pertinax et l'avènement de Julianus. Indigné par ce qui se trame à Rome et sentant

surtout qu'il y a un coup à jouer, Septime Sévère marche sur la capitale avec ses troupes.

Pris de panique en apprenant qu'une armée s'avance sur eux, les prétoriens renient

leur serment et assassinent Didius Julianus le 2 juin 193. Durée du règne : 66 jours.

Septime Sévère parvient jusqu'à Rome, chasse les soldats prétoriens et choisit

dans son armée les hommes les plus valeureux pour les remplacer. Il est donc proclamé

empereur et l'histoire pourrait s'arrêter là. Elle pourrait...

C'est sans compter sur Pescennius Niger, gouverneur de Syrie, qui se proclame également

empereur, avec derrière lui toutes les armées de l'Orient romain. L'Empire s'enlise

dans la guerre civile. Septime Sévère envoie ses troupes à la

poursuite de Niger à travers toute l'Europe. Il franchit le Bosphore et s'enfonce en

Asie Mineure. Les armées des deux empereurs s'affrontent trois fois, et trois fois la

victoire revient à Septime Sévère. Pescennius Niger s'enfuit puis est tué en mai 194.

Mais ce n'est pas fini hein ! Il reste un dernier prétendant au trône à écarter.

Après la Pannonie et la Syrie, c'est à l'île de Bretagne de voir son gouverneur

se rêver en maître de l'Empire. Ce gouverneur, c'est Clodius Albinus. Clodius

Albinus est au départ l'un des soutiens de Septime Sévère à qui ce dernier a promis

le titre de successeur. Mais pour une raison qu'on ignore, les deux hommes se brouillent

puis s'opposent. En décembre 195, Albinus est officiellement renié par Septime Sévère

qui choisit son fils comme héritier à sa place. C'est le point de rupture. En réaction,

Albinus se proclame empereur et en 196, il débarque dans le Nord de la Gaule avec ses

troupes. Albinus progresse sur le territoire sans rencontrer

de résistance, il a avec lui trois légions qui lui ont juré fidélité et emprunte la

voie pavée qui mène jusqu'à Rome en passant par Lyon. Le gouverneur de la province lyonnaise,

un soutien de Septime Sévère, s'enfuit et laisse la ville ouvrir ses portes à l'armée

d'Albinus. Lyon devient alors le quartier général de

l'usurpateur Albinus, une sorte de capitale parallèle de l'Empire… et c'est ce

qui va causer sa perte. De son côté, Septime Sévère est rentré

à Rome. Il est sans armée puisque toutes les légions défendent les frontières. La

présence de son ennemi à Lyon, juste de l'autre côté des Alpes lui fait donc courir

un grave danger. Rome et sa région sont à la merci d'une invasion.

Septime Sévère a besoin d'une armée. Il fait donc les choses en grand et prend

la décision de réunir en Germanie pas moins de 13 légions de 5 000 hommes chacunes, qui

étaient stationnées sur les frontières. Traversant les Alpes suisses en plein hiver,

il parvient sur le Rhin et prend la tête de cette formidable armée dans le sud de

l'Alsace actuelle, en janvier 197. Septime Sévère descend ensuite la vallée de la

Saône et arrive à Lyon par le Nord. Clodius Albinus vient à sa rencontre en remontant

la rivière sur 90 km jusqu'à la ville de Tournus. Les deux armées s'affrontent

sans que le résultat soit décisif. Albinus retourne alors à Lyon pour attendre son ennemi

sur un terrain plus favorable. Le terrain, parlons-en justement.

La vallée de la Saône aux abords de Lyon est extrêmement étroite. La rivière est

encadrée de collines très resserrées et qui peuvent même se transformer en falaises

de plusieurs dizaines de mètres. Si l'on veut être pragmatique dans cet affrontement,

il y a tout simplement trop d'hommes pour imaginer que les combats aient eu lieu à

cet endroit exigu, sous les remparts de la ville. La bataille de Lyon a sûrement eu

lieu, au moins au début, à quelques kilomètres au Nord de la ville, sur le vaste plateau

de Sathonay. Plusieurs hypothèses existent pour l'emplacement, mais c'est aujourd'hui

la plus crédible, étant donné la description des auteurs antiques, la disposition des lieux

et la place nécessaire pour manoeuvrer toutes les légions.

Justement, avant de vous raconter le déroulement de la bataille, il faut trancher la question

du nombre de soldats… et ce n'est pas de la tarte !

Et oui ! Les auteurs antiques ont la fâcheuse tendance d'exagérer énormément les effectifs

de soldats lorsqu'ils narrent les batailles. On va donc un peu laisser de côté les estimations

un poil farfelues de 400 000 hommes pour partir de ce que les historiens connaissent de l'armée

romaine de l'époque. En arrivant à Lyon, on estime que Septime

Sévère a avec lui un peu plus de 75 000 légionnaires (75 000 = 5 000 × 13 légions

+ 10 000 de sa garde personnelle), auxquels il faut ajouter des renforts de troupes auxiliaires et des cavaliers, donc peut-être 100 000 hommes au total. C'est un chiffre colossal,

mais qui est plausible aux vues des forces disponibles sur la frontière de l'Empire.

Toutefois, il est pratiquement impossible d'engager en même temps sur un champ de

bataille un si grand nombre de soldats. Un général ne pourrait tout simplement pas

diriger une si grande armée sans moyens de communication modernes. Une bonne partie des

soldats de Septime Sévère n'a donc pas dû participer aux combats, mais rester en

réserve, au cas où. De son côté, Clodius Albinus a débarqué

sur le continent avec trois légions de 5 000 hommes. En y ajoutant les troupes auxiliaires

qui les accompagnaient, on ne doit sans doute pas dépasser le chiffre de 30 000 soldats.

Une nette infériorité donc. Quoi qu'il en soit, c'est presque la moitié

de tous les soldats de l'Empire qui se retrouvent le 19 février 197 aux abords de Lyon.

C'est donc dans la capitale des Gaules que se joue le sort de Rome en mode Highlander

: deux empereurs, mais il ne peut en rester qu'un.

Le récit de la bataille nous est connu principalement grâce à un moine byzantin qui a recopié

l'historien romain Dion Cassius. Ce dernier est contemporain des événements et même

s'il a exagéré le nombre de soldats et quelque peu romancé le déroulement des combats,

il peut être considéré comme une source fiable. La comparaison de ce récit avec les

connaissances historiques sur les tactiques des armées romaines vient préciser un peu

plus le tableau. Voilà ce que l'on peut reconstituer. Le dispositif de la bataille est assez classique,

chaque armée a bâti un camp fortifié de part et d'autre du champ de bataille. Les

soldats forment un rang avec une aile droite renforcée pour essayer de briser l'aile

gauche ennemie, puis de le prendre par le flanc. Un certain nombre d'hommes se tiennent

en réserve et des cavaliers sont prêts à intervenir pour pourchasser les fuyards.

Clodius Albinus qui est en nette infériorité a néanmoins l'avantage du choix du terrain.

En attendant Septime Sévère sur le plateau de Sathonay, il a fait creuser devant son

aile droite des fossés et des trous recouverts de végétation. Il espère grâce à ces

pièges gêner l'avancée de son ennemi. Mais malheureusement pour lui, avec un tel

déséquilibre des forces, l'issue de la bataille est assez prévisible. Les troupes

de choc de Septime Sévère, des légionnaires aguerris sur la frontière danubienne, enfoncent

rapidement l'aile gauche de Clodius Albinus, probablement composée de recrues gauloises

venues d'un peu partout. Ceux-ci battent en retraite et courent se réfugier dans leur

camp fortifié, poursuivis par les hommes de Septime Sévère.

De l'autre côté, l'aile droite d'Albinus arrose l'ennemi de projectiles et fait semblant

d'avoir trop peur pour avancer. Là encore, schéma classique. Il s'agit

évidemment d'un stratagème pour inciter l'ennemi à charger et à tomber dans les

pièges préparés. Et… ça marche. Trop confiante, l'aile gauche de Septime Sévère

s'élance et la première ligne vient s'embourber dans le fossé et les trous. Les hommes meurent

par dizaines sous les javelots, les flèches et les balles de fronde, tandis que la deuxième

ligne essaye difficilement de contourner l'obstacle. Pendant ce temps, l'aile droite de Septime

Sévère est parvenue au camp fortifié d'Albinus et commence à le piller. Il faut en effet

amasser les richesses avant que l'aile gauche perce à son tour les lignes ennemies et ne

vienne les rejoindre. Quand il s'agit du butin, il n'y a pas

de solidarité. Les soldats de la droite ont terminé leur travail, ceux de gauche devront

donc se sortir du piège où ils sont tombés sans leur aide !

Voyant ses hommes en difficulté à gauche, l'empereur en personne intervient avec sa

garde prétorienne. Il lance ses 10 000 soldats d'élite au centre du dispositif pour contourner

les ravins. La manœuvre réussit et le nombre écrase rapidement les soldats d'Albinus.

La victoire est totale. En ce qui concerne le bilan humain, c'est

du très lourd. Sur les 130 000 hommes présents, il y a sans

doute eu plusieurs dizaines de milliers de morts, soit sur le champ de bataille, soit

dans la fuite qui a suivi. Il faut rappeler qu'à l'époque, la moindre blessure était

souvent synonyme de mort à cause des infections qui en découlaient. En plus de ça, les vainqueurs

ont laissé libre cours à leur fureur et ont mis à mort une bonne partie des hommes

d'Albinus considérés comme des traîtres. La bataille de Lyon a donc décimé un grand

nombre de soldats aguerris et a durablement diminué les effectifs de l'armée romaine

qui a dû mettre quelques années avant de combler le vide avec de nouvelles recrues.

Quant à l'empereur vaincu, Clodius Albinus, cerné par les soldats ennemis dans une maison,

il s'est probablement suicidé, comme c'était l'usage pour un général battu, même si

d'autres versions existent à ce sujet. Son cadavre est amené devant Septime Sévère,

désormais seul maître de l'empire, qui le fait décapiter. On se débarrasse du corps,

mais la tête est mise sur une pique et sera ramenée à Rome en guise de trophée.

L'histoire, encore une fois, aurait pu s'arrêter là, et n'aurait finalement pas eu de conséquences

sur Lyon puisque la bataille se déroule à quelques kilomètres de la ville. Mais Septime

Sévère, le vainqueur donc, en décide autrement. Que la ville de Lugdunum ait laissé Albinus

prendre possession des lieux est en effet un affront terrible pour Septime Sévère,

qui rappelons-le, a été dix ans plus tôt, gouverneur de la province.

Pourtant quand on dit que les Lyonnais ont laissé rentrer l'usurpateur Clodius Albinus,

il faut quand même mettre un peu d'eau dans son vin. La ville n'avait à cette

époque qu'une cohorte urbaine de 500 hommes pour se défendre, face aux trois légions

d'Albinus… En gros les types étaient à 1 contre 60, autant vous dire qu'ils n'ont

pas vraiment eu le choix. Mais ça, Septime Sévère s'en moque pas mal.

Puisqu'il a été trahi, Lugdunum paiera. Il décide donc de laisser ses troupes piller

la ville. L'armée de Septime Sévère se lance donc

à la poursuite des soldats d'Albinus qui fuient vers la ville. Et Lyon est mise à

sac. Les soldats de Septime Sévère ont carte blanche, ils pillent, ils brûlent, ils tuent

et ils violent. C'est le dénouement sanglant de cette longue guerre civile. Les habitants

sont massacrés par les soldats qui étaient censés les protéger des invasions barbares.

Une bonne partie de la population lyonnaise est même capturée pour être réduite en

esclavage par les vainqueurs. On l'a dit en introduction, Lyon ne se relèvera

jamais complètement de la bataille de 197. Les vestiges archéologiques montrent un abandon

de quartiers entiers de la ville dans les décennies qui suivent. Seul le quartier de

Vaise, un peu à l'écart semble être resté assez dynamique.

Lugdunum a perdu son prestige mais aussi son statut de capitale des Gaules puisqu'en

en 297, 100 ans après la bataille, elle est destituée au profit d'Augusta Treverorum,

l'actuelle Trèves en Allemagne, une ville beaucoup plus peuplée et mieux située pour

contrôler la frontière germanique. Jusqu'à la chute de l'Empire romain en

476, Lyon reste donc une ville secondaire. Sa position de carrefour routier et fluvial

à la confluence du Rhône et de la Saône ne suffit pas à la réhabiliter. A la fin

du Ve siècle, la ville redevient certes capitale d'un petit royaume d'envahisseurs burgondes,

mais son destin n'est plus d'être au premier plan. Elle s'efface au profit d'une

autre ville gauloise. Plus au Nord, dans l'ancienne colonie de Lutetia, un autre peuple barbare

s'installe et fonde son royaume, ce sont les Francs et leur nouvelle capitale, Paris.

Merci à Lucas Pacotte pour la préparation de cette émission qui je l'espère vous

aura permis d'apprendre quelques trucs sur la politique romaine et la gestion des conflits

armés ! On compte sur vous pour faire tourner l'épisode, pour

vous abonner à la chaîne et nous soutenir sur Tipeee/Utip ou Youtube si vous en avez

l'occasion ! A très vite, tchao !


La terrible chute de la capitale des Gaules - La bataille de Lugdunum (Lyon) Der schreckliche Fall der Hauptstadt Galliens - Die Schlacht von Lugdunum (Lyon) The terrible fall of the capital of Gaul - The battle of Lugdunum (Lyon) ガリアの首都の陥落 - ルグドゥヌム(リヨン)の戦い

Mes chers camarades, bien le bonjour !

Le 19 février 197, la ville de Lyon, Lugdunum pour les Romains, a été le théâtre d'une

des plus grandes batailles de l'Antiquité. Cet affrontement est tellement destructeur

que Lugdunum a pratiquement été rasée. Pour bien vous faire comprendre à quel point,

dites vous que jusqu'à la fin de l'Empire romain, la ville n'est jamais parvenue à

se relever complètement de cette tragédie. Après la conquête des Gaules par Jules César,

Lugdunum devient la capitale des Gaules, signe de son importance. Après cette bataille,

pillée et incendiée, de nombreux habitants doivent la quitter, si bien que cent ans plus

tard elle perd même ce statut de capitale des Gaules !

Le plus étonnant dans cette histoire est sans doute que la destruction de la capitale

de la Gaule romaine a été réalisée par les Romains eux-mêmes. Cette bataille est

en réalité le dénouement d'une des nombreuses guerres civiles qui ont déchiré le monde

romain à cette époque. Comme cela s'est produit souvent dans l'Empire, des généraux

tentent de prendre le pouvoir par la force grâce au soutien de leurs hommes.

En 197, devant les remparts puis dans les rues de Lyon, ce sont donc des Romains qui

affrontent d'autres Romains. Et pour comprendre pourquoi, il faut revenir un peu en arrière

! Quatre ans avant la bataille, le 31 décembre

192, l'empereur Commode est assassiné dans son bain. Agé seulement de 31 ans, l'empereur,

fils de Marc Aurèle, n'a pas d'héritier légitime. L'Empire romain se retrouve donc

sans chef. Un pouvoir temporaire s'organise à Rome pour gérer la crise mais rapidement,

la situation dégénère. Nous l'avons déjà évoqué dans un épisode

mais une petite piqûre de rappel ne fait pas de mal !

Le successeur qui est mis en avant par le Sénat est un dénommé Pertinax. Plutôt

habile, il tente de concilier les différents camps de la scène politique romaine et promet

une forte somme d'argent aux gardes prétoriens, les soldats qui contrôlent la ville. Un plan

qui semble infaillible, à un détail près : les caisses sont vides. Furieux de ne pas

obtenir le cadeau prévu, les prétoriens assassinent Pertinax.

Il aura régné 87 jours…Retour à la case départ donc !

Un nommé Didius Julianus offre alors, grâce à son immense fortune, 25 000 sesterces à

chaque soldat de la garde prétorienne en échange de leur soutien. L'empire est littéralement

vendu aux enchères… Didius Julianus devient le nouvel empereur de Rome le 28 mars 193,

mais la manière dont il a acquis le pouvoir suscite partout la colère. Ouvertement corrompu,

il est très impopulaire. En l'apprenant, plusieurs généraux ambitieux

se proclament empereurs à leur tour aux quatre coins de l'Empire. Il faut bien comprendre

qu'à cette époque ce qui est aujourd'hui l'Italie est presque totalement dépourvue

de soldats, seuls quelques milliers de prétoriens assurent la sécurité de l'empereur. Tous

les autres sont stationnés aux frontières pour empêcher les invasions de barbares.

Les généraux des frontières sont donc les seuls à commander de vraies armées. Et les

légions qu'ils commandent soutiennent leur prise de pouvoir en espérant y gagner des

récompenses importantes. Mettez-vous à leur place, ils ont des dizaines

de milliers d'hommes fidèles et aguerris sous leurs ordres et un immense empire désarmé

à conquérir, il faut avouer que c'est tentant.

Le premier des généraux à franchir le pas est Septime Sévère. Né et élevé à Leptis

Magna, en Libye, sa famille est originaire d'Italie et s'est implantée dans cette

province africaine où elle occupe des postes prestigieux. Septime Sévère suit tout le

cursus honorum classique des aristocrates romains et entre autres postes, il devient

gouverneur de la Gaule Lyonnaise entre 186 et 188. Il réside donc à Lyon pendant deux

ans, ce qui aura son importance pour notre histoire. Après avoir été gouverneur en

Sicile, il est envoyé sur la frontière du Danube en Pannonie, la Hongrie actuelle. C'est

là, à la tête de ses trois légions qu'il apprend la mort de Commode, puis celle de

Pertinax et l'avènement de Julianus. Indigné par ce qui se trame à Rome et sentant Pertinax and the rise of Julianus. Outraged by what was happening in Rome and feeling

surtout qu'il y a un coup à jouer, Septime Sévère marche sur la capitale avec ses troupes.

Pris de panique en apprenant qu'une armée s'avance sur eux, les prétoriens renient Panic-stricken by the news of an army advancing on them, the Praetorians disavow

leur serment et assassinent Didius Julianus le 2 juin 193. Durée du règne : 66 jours. their oath and assassinate Didius Julianus on June 2, 193. Length of reign: 66 days.

Septime Sévère parvient jusqu'à Rome, chasse les soldats prétoriens et choisit

dans son armée les hommes les plus valeureux pour les remplacer. Il est donc proclamé

empereur et l'histoire pourrait s'arrêter là. Elle pourrait...

C'est sans compter sur Pescennius Niger, gouverneur de Syrie, qui se proclame également

empereur, avec derrière lui toutes les armées de l'Orient romain. L'Empire s'enlise

dans la guerre civile. Septime Sévère envoie ses troupes à la

poursuite de Niger à travers toute l'Europe. Il franchit le Bosphore et s'enfonce en

Asie Mineure. Les armées des deux empereurs s'affrontent trois fois, et trois fois la

victoire revient à Septime Sévère. Pescennius Niger s'enfuit puis est tué en mai 194.

Mais ce n'est pas fini hein ! Il reste un dernier prétendant au trône à écarter.

Après la Pannonie et la Syrie, c'est à l'île de Bretagne de voir son gouverneur

se rêver en maître de l'Empire. Ce gouverneur, c'est Clodius Albinus. Clodius

Albinus est au départ l'un des soutiens de Septime Sévère à qui ce dernier a promis

le titre de successeur. Mais pour une raison qu'on ignore, les deux hommes se brouillent

puis s'opposent. En décembre 195, Albinus est officiellement renié par Septime Sévère

qui choisit son fils comme héritier à sa place. C'est le point de rupture. En réaction,

Albinus se proclame empereur et en 196, il débarque dans le Nord de la Gaule avec ses

troupes. Albinus progresse sur le territoire sans rencontrer

de résistance, il a avec lui trois légions qui lui ont juré fidélité et emprunte la

voie pavée qui mène jusqu'à Rome en passant par Lyon. Le gouverneur de la province lyonnaise,

un soutien de Septime Sévère, s'enfuit et laisse la ville ouvrir ses portes à l'armée

d'Albinus. Lyon devient alors le quartier général de

l'usurpateur Albinus, une sorte de capitale parallèle de l'Empire… et c'est ce

qui va causer sa perte. De son côté, Septime Sévère est rentré

à Rome. Il est sans armée puisque toutes les légions défendent les frontières. La

présence de son ennemi à Lyon, juste de l'autre côté des Alpes lui fait donc courir

un grave danger. Rome et sa région sont à la merci d'une invasion.

Septime Sévère a besoin d'une armée. Il fait donc les choses en grand et prend

la décision de réunir en Germanie pas moins de 13 légions de 5 000 hommes chacunes, qui

étaient stationnées sur les frontières. Traversant les Alpes suisses en plein hiver,

il parvient sur le Rhin et prend la tête de cette formidable armée dans le sud de

l'Alsace actuelle, en janvier 197. Septime Sévère descend ensuite la vallée de la

Saône et arrive à Lyon par le Nord. Clodius Albinus vient à sa rencontre en remontant

la rivière sur 90 km jusqu'à la ville de Tournus. Les deux armées s'affrontent

sans que le résultat soit décisif. Albinus retourne alors à Lyon pour attendre son ennemi

sur un terrain plus favorable. Le terrain, parlons-en justement.

La vallée de la Saône aux abords de Lyon est extrêmement étroite. La rivière est

encadrée de collines très resserrées et qui peuvent même se transformer en falaises

de plusieurs dizaines de mètres. Si l'on veut être pragmatique dans cet affrontement,

il y a tout simplement trop d'hommes pour imaginer que les combats aient eu lieu à

cet endroit exigu, sous les remparts de la ville. La bataille de Lyon a sûrement eu

lieu, au moins au début, à quelques kilomètres au Nord de la ville, sur le vaste plateau

de Sathonay. Plusieurs hypothèses existent pour l'emplacement, mais c'est aujourd'hui

la plus crédible, étant donné la description des auteurs antiques, la disposition des lieux

et la place nécessaire pour manoeuvrer toutes les légions.

Justement, avant de vous raconter le déroulement de la bataille, il faut trancher la question

du nombre de soldats… et ce n'est pas de la tarte !

Et oui ! Les auteurs antiques ont la fâcheuse tendance d'exagérer énormément les effectifs

de soldats lorsqu'ils narrent les batailles. On va donc un peu laisser de côté les estimations

un poil farfelues de 400 000 hommes pour partir de ce que les historiens connaissent de l'armée

romaine de l'époque. En arrivant à Lyon, on estime que Septime

Sévère a avec lui un peu plus de 75 000 légionnaires (75 000 = 5 000 × 13 légions

\\+ 10 000 de sa garde personnelle), auxquels il faut ajouter des renforts de troupes auxiliaires et des cavaliers, donc peut-être 100 000 hommes au total. C'est un chiffre colossal,

mais qui est plausible aux vues des forces disponibles sur la frontière de l'Empire.

Toutefois, il est pratiquement impossible d'engager en même temps sur un champ de

bataille un si grand nombre de soldats. Un général ne pourrait tout simplement pas

diriger une si grande armée sans moyens de communication modernes. Une bonne partie des

soldats de Septime Sévère n'a donc pas dû participer aux combats, mais rester en

réserve, au cas où. De son côté, Clodius Albinus a débarqué

sur le continent avec trois légions de 5 000 hommes. En y ajoutant les troupes auxiliaires

qui les accompagnaient, on ne doit sans doute pas dépasser le chiffre de 30 000 soldats.

Une nette infériorité donc. Quoi qu'il en soit, c'est presque la moitié

de tous les soldats de l'Empire qui se retrouvent le 19 février 197 aux abords de Lyon.

C'est donc dans la capitale des Gaules que se joue le sort de Rome en mode Highlander

: deux empereurs, mais il ne peut en rester qu'un.

Le récit de la bataille nous est connu principalement grâce à un moine byzantin qui a recopié

l'historien romain Dion Cassius. Ce dernier est contemporain des événements et même

s'il a exagéré le nombre de soldats et quelque peu romancé le déroulement des combats,

il peut être considéré comme une source fiable. La comparaison de ce récit avec les

connaissances historiques sur les tactiques des armées romaines vient préciser un peu

plus le tableau. Voilà ce que l'on peut reconstituer. Le dispositif de la bataille est assez classique,

chaque armée a bâti un camp fortifié de part et d'autre du champ de bataille. Les

soldats forment un rang avec une aile droite renforcée pour essayer de briser l'aile

gauche ennemie, puis de le prendre par le flanc. Un certain nombre d'hommes se tiennent

en réserve et des cavaliers sont prêts à intervenir pour pourchasser les fuyards.

Clodius Albinus qui est en nette infériorité a néanmoins l'avantage du choix du terrain.

En attendant Septime Sévère sur le plateau de Sathonay, il a fait creuser devant son

aile droite des fossés et des trous recouverts de végétation. Il espère grâce à ces

pièges gêner l'avancée de son ennemi. Mais malheureusement pour lui, avec un tel

déséquilibre des forces, l'issue de la bataille est assez prévisible. Les troupes

de choc de Septime Sévère, des légionnaires aguerris sur la frontière danubienne, enfoncent

rapidement l'aile gauche de Clodius Albinus, probablement composée de recrues gauloises

venues d'un peu partout. Ceux-ci battent en retraite et courent se réfugier dans leur

camp fortifié, poursuivis par les hommes de Septime Sévère.

De l'autre côté, l'aile droite d'Albinus arrose l'ennemi de projectiles et fait semblant

d'avoir trop peur pour avancer. Là encore, schéma classique. Il s'agit

évidemment d'un stratagème pour inciter l'ennemi à charger et à tomber dans les

pièges préparés. Et… ça marche. Trop confiante, l'aile gauche de Septime Sévère

s'élance et la première ligne vient s'embourber dans le fossé et les trous. Les hommes meurent

par dizaines sous les javelots, les flèches et les balles de fronde, tandis que la deuxième

ligne essaye difficilement de contourner l'obstacle. Pendant ce temps, l'aile droite de Septime

Sévère est parvenue au camp fortifié d'Albinus et commence à le piller. Il faut en effet

amasser les richesses avant que l'aile gauche perce à son tour les lignes ennemies et ne

vienne les rejoindre. Quand il s'agit du butin, il n'y a pas

de solidarité. Les soldats de la droite ont terminé leur travail, ceux de gauche devront

donc se sortir du piège où ils sont tombés sans leur aide !

Voyant ses hommes en difficulté à gauche, l'empereur en personne intervient avec sa

garde prétorienne. Il lance ses 10 000 soldats d'élite au centre du dispositif pour contourner

les ravins. La manœuvre réussit et le nombre écrase rapidement les soldats d'Albinus.

La victoire est totale. En ce qui concerne le bilan humain, c'est

du très lourd. Sur les 130 000 hommes présents, il y a sans

doute eu plusieurs dizaines de milliers de morts, soit sur le champ de bataille, soit

dans la fuite qui a suivi. Il faut rappeler qu'à l'époque, la moindre blessure était

souvent synonyme de mort à cause des infections qui en découlaient. En plus de ça, les vainqueurs

ont laissé libre cours à leur fureur et ont mis à mort une bonne partie des hommes

d'Albinus considérés comme des traîtres. La bataille de Lyon a donc décimé un grand

nombre de soldats aguerris et a durablement diminué les effectifs de l'armée romaine

qui a dû mettre quelques années avant de combler le vide avec de nouvelles recrues.

Quant à l'empereur vaincu, Clodius Albinus, cerné par les soldats ennemis dans une maison,

il s'est probablement suicidé, comme c'était l'usage pour un général battu, même si

d'autres versions existent à ce sujet. Son cadavre est amené devant Septime Sévère,

désormais seul maître de l'empire, qui le fait décapiter. On se débarrasse du corps,

mais la tête est mise sur une pique et sera ramenée à Rome en guise de trophée.

L'histoire, encore une fois, aurait pu s'arrêter là, et n'aurait finalement pas eu de conséquences

sur Lyon puisque la bataille se déroule à quelques kilomètres de la ville. Mais Septime

Sévère, le vainqueur donc, en décide autrement. Que la ville de Lugdunum ait laissé Albinus

prendre possession des lieux est en effet un affront terrible pour Septime Sévère,

qui rappelons-le, a été dix ans plus tôt, gouverneur de la province.

Pourtant quand on dit que les Lyonnais ont laissé rentrer l'usurpateur Clodius Albinus,

il faut quand même mettre un peu d'eau dans son vin. La ville n'avait à cette

époque qu'une cohorte urbaine de 500 hommes pour se défendre, face aux trois légions

d'Albinus… En gros les types étaient à 1 contre 60, autant vous dire qu'ils n'ont

pas vraiment eu le choix. Mais ça, Septime Sévère s'en moque pas mal.

Puisqu'il a été trahi, Lugdunum paiera. Il décide donc de laisser ses troupes piller

la ville. L'armée de Septime Sévère se lance donc

à la poursuite des soldats d'Albinus qui fuient vers la ville. Et Lyon est mise à

sac. Les soldats de Septime Sévère ont carte blanche, ils pillent, ils brûlent, ils tuent

et ils violent. C'est le dénouement sanglant de cette longue guerre civile. Les habitants

sont massacrés par les soldats qui étaient censés les protéger des invasions barbares.

Une bonne partie de la population lyonnaise est même capturée pour être réduite en

esclavage par les vainqueurs. On l'a dit en introduction, Lyon ne se relèvera

jamais complètement de la bataille de 197. Les vestiges archéologiques montrent un abandon

de quartiers entiers de la ville dans les décennies qui suivent. Seul le quartier de

Vaise, un peu à l'écart semble être resté assez dynamique.

Lugdunum a perdu son prestige mais aussi son statut de capitale des Gaules puisqu'en

en 297, 100 ans après la bataille, elle est destituée au profit d'Augusta Treverorum,

l'actuelle Trèves en Allemagne, une ville beaucoup plus peuplée et mieux située pour

contrôler la frontière germanique. Jusqu'à la chute de l'Empire romain en

476, Lyon reste donc une ville secondaire. Sa position de carrefour routier et fluvial

à la confluence du Rhône et de la Saône ne suffit pas à la réhabiliter. A la fin

du Ve siècle, la ville redevient certes capitale d'un petit royaume d'envahisseurs burgondes,

mais son destin n'est plus d'être au premier plan. Elle s'efface au profit d'une

autre ville gauloise. Plus au Nord, dans l'ancienne colonie de Lutetia, un autre peuple barbare

s'installe et fonde son royaume, ce sont les Francs et leur nouvelle capitale, Paris.

Merci à Lucas Pacotte pour la préparation de cette émission qui je l'espère vous

aura permis d'apprendre quelques trucs sur la politique romaine et la gestion des conflits

armés ! On compte sur vous pour faire tourner l'épisode, pour

vous abonner à la chaîne et nous soutenir sur Tipeee/Utip ou Youtube si vous en avez

l'occasion ! A très vite, tchao !