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Bram Stoker - Dracula, Part (80)

Part (80)

Je suis impure à Ses yeux, et je le resterai jusqu'à ce qu'Il me permette de me tenir devant Lui, parmi ceux qui n'ont pas mérité Sa colère. Memorandum d'Abraham Van Helsing 4 novembre. Ceci est destiné à mon vieil et sincère ami John Seward, Docteur en Médecine à Purfleet, Londres, au cas où je ne le reverrais pas. Je m'explique. C'est le matin, et j'écris à la lumière d'un feu que j'ai entretenu toute la nuit – avec l'aide de Madam Mina. Il fait froid, très froid, si froid que le lourd ciel gris est gorgé de neige, qui quand elle tombera, restera tout l'hiver durant sur ce sol gelé et tout prêt à l'accueillir. Cela semble avoir affecté Madam Mina ; elle a eu la tête tellement lourde toute la journée qu'elle n'était pas elle-même. Elle dort, elle dort, elle dort ! Elle qui est habituellement si alerte, n'a littéralement rien fait de toute la journée, elle a même perdu son appétit. Elle ne tient plus son petit journal, elle qui écrivait si régulièrement à l'occasion de chaque pause. Quelque chose me dit que tout ne va pas si bien. Toutefois, ce soir elle se montre plus vive. Son long sommeil toute la journée l'a revigorée, et elle est maintenant aussi douce et enjouée qu'à l'accoutumée. Au coucher du soleil, j'ai essayé de l'hypnotiser, mais hélas ! sans effet : mon pouvoir ne cesse de décroître chaque jour, et ce soir, il est totalement sans effet. Eh bien, que la volonté de Dieu s'accomplisse ! Quelle qu'elle soit, et où qu'elle nous mène ! Et maintenant, passons à la narration ; puisque Madam Mina a arrêté sa sténographie, je dois m'en occuper, à ma façon maladroite et archaïque, afin qu'aucune des journées que nous vivons ne soit absente de nos chroniques. Nous sommes arrivés à la Passe de Borgo juste avant le lever du soleil hier matin. Dès que je vis les premiers signes de l'aube, je me préparai à la séance d'hypnotisme. Nous arrêtâmes la voiture, et descendîmes, afin de n'être pas dérangés. Je fis une litière avec des fourrures, et Madam Mina, se couchant, se soumit comme toujours au sommeil hypnotique, mais plus lentement et pour moins longtemps que d'habitude. Comme toujours, elle répondit : « Ténèbres et eaux tourbillonnantes. » Puis elle s'éveilla, gaie et rayonnante, et nous poursuivîmes notre chemin, qui nous amena bientôt à la Passe. A cet endroit et à ce moment, elle se mit à faire preuve d'une ardeur fiévreuse, comme si une puissance nouvelle se manifestait en elle pour la guider, car elle désigna du doigt une route et dit : « Voici le chemin. » « Comment le savez-vous ? » lui demandai-je.

« Je le sais, bien évidemment » répondit-elle, puis elle ajouta après une pause : « Mon Jonathan n'a-t-il pas voyagé ici, et ne l'a- t-il pas rapporté par écrit ? » Au début je trouvai cela étrange, mais bien vite je réalisai qu'il n'y avait qu'une seule route de cette sorte. Elle était utilisée, mais assez peu, et était très différente de la route carrossable qui relie la Bucovine à Bistritz, qui est plus large et plus solide, et beaucoup plus fréquentée. Ainsi donc, nous descendons cette route. Lorsque nous en rencontrons d'autres nous ne sommes pas toujours certains qu'il s'agisse vraiment de routes, car elles sont mal entretenues, et un peu de neige est tombée – les chevaux, eux, savent. Je leur lâche la bride, et ils avancent patiemment. De temps en temps, nous voyons toutes ces choses que Jonathan a décrites dans son merveilleux journal. Et nous avançons, pendant de longues heures et de longues heures. Au début, j'ai encouragé Madam Mina à dormir ; elle a essayé, et elle y est parvenue. Elle a dormi tout le temps, si bien qu'à la fin, j'ai eu des soupçons, et ai essayé de la réveiller. Mais elle dormait toujours, et malgré mes efforts, je ne parvins pas à la réveiller. Je ne voulais pas la brusquer de peur de la blesser, car je savais qu'elle avait beaucoup souffert, et tout bien considéré un sommeil prolongé pouvait lui faire du bien. Je crois que j'ai somnolé un peu moi-même, car soudain, je me suis senti coupable, comme si j'avais fait quelque chose : je me retrouvai droit comme un piquet, les rênes dans la main, avec ces braves chevaux qui trottinaient, trottinaient, tout comme avant. Madam Mina dormait toujours. Le soleil se couchera bientôt maintenant, et ses rayons qui frappent la neige sont comme une grande vague dorée, si bien que nous projetons de grandes ombres sur les montages escarpées. Car nous montons, encore et toujours, et tout est oh ! si sauvage et si rocheux, comme si c'était le bout du monde ! Tout à l'heure, j'éveillai Madam Mina. C'était l'heure où elle pouvait se réveiller sans trop de difficultés. J'essayai alors de la plonger dans un sommeil hypnotique. Mais elle ne s'endormit pas, et se comporta même comme si je n'étais pas là. Cependant j'essayai à nouveau, et encore, jusqu‘à ce que soyons elles et moi dans l'obscurité ; alors je regardai autour de moi, et réalisai que le soleil avait disparu. Madam Mina alors se mit à rire, et je la regardai : elle était maintenant tout à fait éveillée, et paraissait aller mieux que jamais depuis cette nuit à Carfax où nous entrâmes pour la première fois chez le Comte. J'étais surpris, et même pas très à l'aise, mais elle était enjouée, si tendre et si attentionnée, que j'en oubliai ma peur. J'allumai un feu, car nous avons emporté des provisions de bois, et elle prépara à manger tandis que je dételais les chevaux et les mettais à l'abri pour les nourrir. Puis, je retournai au feu, où elle avait préparé mon dîner. Je voulus la servir, mais elle sourit et me dit qu'elle avait déjà mangé – qu'elle avait trop faim pour attendre. Je n'aime pas cela, et j'ai de graves doutes, mais je crains de l'effrayer, et je n'en parle donc pas. Elle me servit, et je mangeai seul, puis nous nous enveloppâmes dans les fourrures et nous étendîmes auprès du feu, et je lui dis de dormir tandis que je veillerais. Mais à vrai dire j'oubliai de veiller, et quand je m'en souvins soudain, je la trouvai étendue calmement, mais éveillée, et me regardant avec des yeux brillants. Une fois, deux fois cela se reproduisit, et au lever du jour, j'avais donc dormi plusieurs fois. Au réveil, j'ai essayé de l'hypnotiser, mais hélas ! Même si elle a obéi et a fermé les yeux, elle ne s'est pas endormie. Le soleil est monté, monté, monté dans le ciel, et alors elle s'est endormie, mais trop tard, et si profondément qu'elle ne se réveilla plus. J'ai dû la porter et la déposer tout endormie dans la voiture, après avoir harnaché les chevaux et avoir tout préparé. Madam dort toujours, et dans son sommeil elle semble avoir plus de couleurs et être en meilleure santé qu'auparavant. Et je n'aime pas ça. Et j'ai peur, peur, peur ! J'ai peur de toutes sortes de choses – même de penser, mais je dois poursuivre mon chemin. Il s'agit d'une question de vie ou de mort, et plus encore, et nous ne devons pas faiblir. 5 novembre, matin Je dois rapporter le moindre détail avec précision, car bien que vous et moi ayons vu d'étranges choses, vous pourriez penser que moi, Van Helsing, je suis fou – que toutes ces horreurs et toute cette tension nerveuse ont fini par me déranger le cerveau. Toute la journée hier, nous avons voyagé, toujours plus proches des montagnes, et nous déplaçant dans un pays toujours plus sauvage et désert. Il y a de grands et terribles précipices, et beaucoup de chutes d'eau, et la nature semble avoir parfois tenu ici son carnaval. Madam Mina dort, encore et toujours, et même si moi-même j'ai ressenti la faim et l'ai apaisée, je n'ai pas pu éveiller ma compagne – même pour manger. Je commence à craindre que le lieu ait une influence fatale sur elle, marquée comme elle l'est par le Baptême du Vampire. « Bien » me dis-je, « Si elle doit dormir tout le jour, alors de mon côté, je me dois de ne pas dormir la nuit. » Et ainsi, tandis que nous progressions sur cette âpre route – car c'était une route, même si elle était

ancienne et imparfaite - je penchai la tête en avant et dormis. A nouveau, je m'éveillai avec un sentiment de culpabilité, et la sensation que le temps avait passé, et je trouvai Madam Mina toujours endormie, et le soleil bas dans le ciel. Mais en vérité tout avait changé : les terribles montagnes semblaient plus lointaines, et nous étions près du sommet d'une colline escarpée, sur laquelle se dressait un château qui ressemblait à celui que Jonathan avait décrit dans son journal. Je frémis d'excitation et de peur en même temps, car maintenant, bonne ou mauvaise, la fin était proche. Je réveillai Madam Mina, et à nouveau m'efforçai de l'hypnotiser, mais hélas, ce fut impossible et bientôt il fut trop tard. Alors, avant que les grandes ténèbres ne s'abattent sur nous, car même après le coucher du soleil les cieux reflétaient encore la lumière de l'astre disparu sur la neige, et c'était encore comme un long crépuscule – je détachai les chevaux, et les installai pour les nourrir, les abritant comme je le pouvais. Puis je fis un feu, et installai confortablement Madam Mina tout près, maintenant éveillée et plus charmante que jamais, au milieu de ses couvertures. Je préparai la nourriture, mais elle ne voulut pas manger, disant simplement qu'elle n'avait pas faim. Je n'insistai pas ; je savais que c'était inutile. Quant à moi je mangeai, car je devais maintenant prendre des forces pour nous deux. Puis, craignant ce qui pourrait arriver, je traçai un cercle assez grand pour qu'elle y fût confortablement installée, et sur le cercle lui-même j'émiettai l'une des hosties, si finement que j'étais certain qu'elle serait bien protégée. Elle resta immobile durant tout ce temps – aussi immobile qu'une morte, et elle devint de plus en plus pâle, et pour finir plus pâle encore que la neige, et elle ne dit pas un mot. Mais quand je m'approchai, elle se jeta dans mes bras, et je pus sentir que la pauvre âme était secouée des pieds à la tête d'un tremblement qui glaçait le cœur. Je lui dis, lorsqu'elle eût un peu retrouvé son calme : « Ne viendrez-vous pas près du feu ? » Je voulais en effet me rendre compte de ce dont elle était capable. Obéissante, elle se leva, mais après avoir fait un pas, elle s'arrêta, et demeura là, interdite. « Pourquoi n'avancez-vous pas ? » demandai-je. Elle secoua la tête, puis, faisant demi-tour, se rassit à sa place. Alors, me regardant les yeux grand ouverts, comme quelqu'un qui viendrait juste de s'éveiller, elle dit simplement : « Je ne peux pas ! » puis elle resta silencieuse. Je m'en réjouis, car je savais que ce qu'elle ne pouvait pas faire, aucun de ceux que nous craignions ne le pourrait. Même s'il y avait encore du danger pour son corps, son âme au moins était en sécurité ! A ce moment, les chevaux commencèrent à hennir et à tirer sur leurs rênes, jusqu'à ce que j'aille les calmer. Lorsqu'ils sentirent mes mains posées sur eux, ils poussèrent tout bas de petits hennissements de contentement, léchèrent mes mains et restèrent calmes un moment. Plus d'une fois durant cette nuit, je dus aller les voir, jusqu'à cette heure froide de la nuit où toute la nature est endormie, mais à chaque fois ma visite parvint à les calmer. A cette heure glaciale, le feu commença à mourir, et je me préparais à le recharger, car la neige tombait à gros flocons et s'accompagnait d'un brouillard glacé. Même dans le noir, il y avait encore une certaine lumière, comme toujours quand il y a de la neige, et c'était comme si les bourrasques de neige et les rubans de brouillard prenaient la forme de femmes aux vêtements traînants. Tout était enveloppé d'un sinistre silence de mort ; on n'entendait que les chevaux qui hennissaient et se recroquevillaient, comme s'ils s'attendaient au pire.

Part (80) Anteil (80) Part (80) Parte (80)

Je suis impure à Ses yeux, et je le resterai jusqu'à ce qu'Il me permette de me tenir devant Lui, parmi ceux qui n'ont pas mérité Sa colère. Memorandum d'Abraham Van Helsing 4 novembre. Ceci est destiné à mon vieil et sincère ami John Seward, Docteur en Médecine à Purfleet, Londres, au cas où je ne le reverrais pas. Je m'explique. C'est le matin, et j'écris à la lumière d'un feu que j'ai entretenu toute la nuit – avec l'aide de Madam Mina. Il fait froid, très froid, si froid que le lourd ciel gris est gorgé de neige, qui quand elle tombera, restera tout l'hiver durant sur ce sol gelé et tout prêt à l'accueillir. Cela semble avoir affecté Madam Mina ; elle a eu la tête tellement lourde toute la journée qu'elle n'était pas elle-même. Elle dort, elle dort, elle dort ! Elle qui est habituellement si alerte, n'a littéralement rien fait de toute la journée, elle a même perdu son appétit. Elle ne tient plus son petit journal, elle qui écrivait si régulièrement à l'occasion de chaque pause. Quelque chose me dit que tout ne va pas si bien. Toutefois, ce soir elle se montre plus vive. Son long sommeil toute la journée l'a revigorée, et elle est maintenant aussi douce et enjouée qu'à l'accoutumée. Au coucher du soleil, j'ai essayé de l'hypnotiser, mais hélas ! sans effet : mon pouvoir ne cesse de décroître chaque jour, et ce soir, il est totalement sans effet. Eh bien, que la volonté de Dieu s'accomplisse ! Quelle qu'elle soit, et où qu'elle nous mène ! Et maintenant, passons à la narration ; puisque Madam Mina a arrêté sa sténographie, je dois m'en occuper, à ma façon maladroite et archaïque, afin qu'aucune des journées que nous vivons ne soit absente de nos chroniques. Nous sommes arrivés à la Passe de Borgo juste avant le lever du soleil hier matin. Dès que je vis les premiers signes de l'aube, je me préparai à la séance d'hypnotisme. Nous arrêtâmes la voiture, et descendîmes, afin de n'être pas dérangés. Je fis une litière avec des fourrures, et Madam Mina, se couchant, se soumit comme toujours au sommeil hypnotique, mais plus lentement et pour moins longtemps que d'habitude. Comme toujours, elle répondit : « Ténèbres et eaux tourbillonnantes. » Puis elle s'éveilla, gaie et rayonnante, et nous poursuivîmes notre chemin, qui nous amena bientôt à la Passe. A cet endroit et à ce moment, elle se mit à faire preuve d'une ardeur fiévreuse, comme si une puissance nouvelle se manifestait en elle pour la guider, car elle désigna du doigt une route et dit : « Voici le chemin. » « Comment le savez-vous ? » lui demandai-je.

« Je le sais, bien évidemment » répondit-elle, puis elle ajouta après une pause : « Mon Jonathan n'a-t-il pas voyagé ici, et ne l'a- t-il pas rapporté par écrit ? » Au début je trouvai cela étrange, mais bien vite je réalisai qu'il n'y avait qu'une seule route de cette sorte. Elle était utilisée, mais assez peu, et était très différente de la route carrossable qui relie la Bucovine à Bistritz, qui est plus large et plus solide, et beaucoup plus fréquentée. Ainsi donc, nous descendons cette route. Lorsque nous en rencontrons d'autres nous ne sommes pas toujours certains qu'il s'agisse vraiment de routes, car elles sont mal entretenues, et un peu de neige est tombée – les chevaux, eux, savent. Je leur lâche la bride, et ils avancent patiemment. De temps en temps, nous voyons toutes ces choses que Jonathan a décrites dans son merveilleux journal. Et nous avançons, pendant de longues heures et de longues heures. Au début, j'ai encouragé Madam Mina à dormir ; elle a essayé, et elle y est parvenue. Elle a dormi tout le temps, si bien qu'à la fin, j'ai eu des soupçons, et ai essayé de la réveiller. Mais elle dormait toujours, et malgré mes efforts, je ne parvins pas à la réveiller. Je ne voulais pas la brusquer de peur de la blesser, car je savais qu'elle avait beaucoup souffert, et tout bien considéré un sommeil prolongé pouvait lui faire du bien. Je crois que j'ai somnolé un peu moi-même, car soudain, je me suis senti coupable, comme si j'avais fait quelque chose : je me retrouvai droit comme un piquet, les rênes dans la main, avec ces braves chevaux qui trottinaient, trottinaient, tout comme avant. Madam Mina dormait toujours. Le soleil se couchera bientôt maintenant, et ses rayons qui frappent la neige sont comme une grande vague dorée, si bien que nous projetons de grandes ombres sur les montages escarpées. Car nous montons, encore et toujours, et tout est oh ! si sauvage et si rocheux, comme si c'était le bout du monde ! Tout à l'heure, j'éveillai Madam Mina. C'était l'heure où elle pouvait se réveiller sans trop de difficultés. J'essayai alors de la plonger dans un sommeil hypnotique. Mais elle ne s'endormit pas, et se comporta même comme si je n'étais pas là. Cependant j'essayai à nouveau, et encore, jusqu‘à ce que soyons elles et moi dans l'obscurité ; alors je regardai autour de moi, et réalisai que le soleil avait disparu. Madam Mina alors se mit à rire, et je la regardai : elle était maintenant tout à fait éveillée, et paraissait aller mieux que jamais depuis cette nuit à Carfax où nous entrâmes pour la première fois chez le Comte. J'étais surpris, et même pas très à l'aise, mais elle était enjouée, si tendre et si attentionnée, que j'en oubliai ma peur. J'allumai un feu, car nous avons emporté des provisions de bois, et elle prépara à manger tandis que je dételais les chevaux et les mettais à l'abri pour les nourrir. Puis, je retournai au feu, où elle avait préparé mon dîner. Je voulus la servir, mais elle sourit et me dit qu'elle avait déjà mangé – qu'elle avait trop faim pour attendre. Je n'aime pas cela, et j'ai de graves doutes, mais je crains de l'effrayer, et je n'en parle donc pas. Elle me servit, et je mangeai seul, puis nous nous enveloppâmes dans les fourrures et nous étendîmes auprès du feu, et je lui dis de dormir tandis que je veillerais. Mais à vrai dire j'oubliai de veiller, et quand je m'en souvins soudain, je la trouvai étendue calmement, mais éveillée, et me regardant avec des yeux brillants. Une fois, deux fois cela se reproduisit, et au lever du jour, j'avais donc dormi plusieurs fois. Au réveil, j'ai essayé de l'hypnotiser, mais hélas ! Même si elle a obéi et a fermé les yeux, elle ne s'est pas endormie. Le soleil est monté, monté, monté dans le ciel, et alors elle s'est endormie, mais trop tard, et si profondément qu'elle ne se réveilla plus. J'ai dû la porter et la déposer tout endormie dans la voiture, après avoir harnaché les chevaux et avoir tout préparé. Madam dort toujours, et dans son sommeil elle semble avoir plus de couleurs et être en meilleure santé qu'auparavant. Et je n'aime pas ça. Et j'ai peur, peur, peur ! J'ai peur de toutes sortes de choses – même de penser, mais je dois poursuivre mon chemin. Il s'agit d'une question de vie ou de mort, et plus encore, et nous ne devons pas faiblir. 5 novembre, matin Je dois rapporter le moindre détail avec précision, car bien que vous et moi ayons vu d'étranges choses, vous pourriez penser que moi, Van Helsing, je suis fou – que toutes ces horreurs et toute cette tension nerveuse ont fini par me déranger le cerveau. Toute la journée hier, nous avons voyagé, toujours plus proches des montagnes, et nous déplaçant dans un pays toujours plus sauvage et désert. Il y a de grands et terribles précipices, et beaucoup de chutes d'eau, et la nature semble avoir parfois tenu ici son carnaval. Madam Mina dort, encore et toujours, et même si moi-même j'ai ressenti la faim et l'ai apaisée, je n'ai pas pu éveiller ma compagne – même pour manger. Je commence à craindre que le lieu ait une influence fatale sur elle, marquée comme elle l'est par le Baptême du Vampire. « Bien » me dis-je, « Si elle doit dormir tout le jour, alors de mon côté, je me dois de ne pas dormir la nuit. » Et ainsi, tandis que nous progressions sur cette âpre route – car c'était une route, même si elle était

ancienne et imparfaite - je penchai la tête en avant et dormis. A nouveau, je m'éveillai avec un sentiment de culpabilité, et la sensation que le temps avait passé, et je trouvai Madam Mina toujours endormie, et le soleil bas dans le ciel. Mais en vérité tout avait changé : les terribles montagnes semblaient plus lointaines, et nous étions près du sommet d'une colline escarpée, sur laquelle se dressait un château qui ressemblait à celui que Jonathan avait décrit dans son journal. Je frémis d'excitation et de peur en même temps, car maintenant, bonne ou mauvaise, la fin était proche. Je réveillai Madam Mina, et à nouveau m'efforçai de l'hypnotiser, mais hélas, ce fut impossible et bientôt il fut trop tard. Alors, avant que les grandes ténèbres ne s'abattent sur nous, car même après le coucher du soleil les cieux reflétaient encore la lumière de l'astre disparu sur la neige, et c'était encore comme un long crépuscule – je détachai les chevaux, et les installai pour les nourrir, les abritant comme je le pouvais. Puis je fis un feu, et installai confortablement Madam Mina tout près, maintenant éveillée et plus charmante que jamais, au milieu de ses couvertures. Je préparai la nourriture, mais elle ne voulut pas manger, disant simplement qu'elle n'avait pas faim. Je n'insistai pas ; je savais que c'était inutile. Quant à moi je mangeai, car je devais maintenant prendre des forces pour nous deux. Puis, craignant ce qui pourrait arriver, je traçai un cercle assez grand pour qu'elle y fût confortablement installée, et sur le cercle lui-même j'émiettai l'une des hosties, si finement que j'étais certain qu'elle serait bien protégée. Elle resta immobile durant tout ce temps – aussi immobile qu'une morte, et elle devint de plus en plus pâle, et pour finir plus pâle encore que la neige, et elle ne dit pas un mot. Mais quand je m'approchai, elle se jeta dans mes bras, et je pus sentir que la pauvre âme était secouée des pieds à la tête d'un tremblement qui glaçait le cœur. Je lui dis, lorsqu'elle eût un peu retrouvé son calme : « Ne viendrez-vous pas près du feu ? » Je voulais en effet me rendre compte de ce dont elle était capable. Obéissante, elle se leva, mais après avoir fait un pas, elle s'arrêta, et demeura là, interdite. « Pourquoi n'avancez-vous pas ? » demandai-je. Elle secoua la tête, puis, faisant demi-tour, se rassit à sa place. Alors, me regardant les yeux grand ouverts, comme quelqu'un qui viendrait juste de s'éveiller, elle dit simplement : « Je ne peux pas ! » puis elle resta silencieuse. Je m'en réjouis, car je savais que ce qu'elle ne pouvait pas faire, aucun de ceux que nous craignions ne le pourrait. Même s'il y avait encore du danger pour son corps, son âme au moins était en sécurité ! A ce moment, les chevaux commencèrent à hennir et à tirer sur leurs rênes, jusqu'à ce que j'aille les calmer. Lorsqu'ils sentirent mes mains posées sur eux, ils poussèrent tout bas de petits hennissements de contentement, léchèrent mes mains et restèrent calmes un moment. Plus d'une fois durant cette nuit, je dus aller les voir, jusqu'à cette heure froide de la nuit où toute la nature est endormie, mais à chaque fois ma visite parvint à les calmer. A cette heure glaciale, le feu commença à mourir, et je me préparais à le recharger, car la neige tombait à gros flocons et s'accompagnait d'un brouillard glacé. Même dans le noir, il y avait encore une certaine lumière, comme toujours quand il y a de la neige, et c'était comme si les bourrasques de neige et les rubans de brouillard prenaient la forme de femmes aux vêtements traînants. Tout était enveloppé d'un sinistre silence de mort ; on n'entendait que les chevaux qui hennissaient et se recroquevillaient, comme s'ils s'attendaient au pire.