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Bram Stoker - Dracula, Part (72)

Part (72)

Je sais que s'il me demande de venir en secret, j'utiliserai la ruse et la tromperie – même à l'encontre de Jonathan. » Dieu sait quel regard elle me lança tandis qu'elle parlait, et s'il existe vraiment quelque part un Ange chargé des archives , il aura sûrement noté ce regard, témoin de son honneur éternel. Je ne pus que prendre sa main dans la mienne, je ne pouvais parler, mon émotion était trop forte pour trouver quelque réconfort dans les larmes. Elle poursuivit : « Vous, les hommes, êtes forts. Vous êtes forts de par votre nombre, car vous pouvez affronter ce qui pourrait vaincre la résistance de celui qui me garderait seul. Par ailleurs, je puis vous être utile, car vous pourriez m'hypnotiser et apprendre ainsi ce que j'ignore moi-même. » Le Dr. Van Helsing répondit avec gravité : « Madam Mina, comme toujours, vous parlez avec la voix de la sagesse. Vous pouvez venir avec nous, et nous accomplirons ensemble ce que nous devons accomplir. » Après qu'il eût prononcé ces mots, le silence prolongé de Mina attira mon regard sur elle. Elle était retombée endormie sur son oreiller ; elle ne se réveilla même pas lorsque je relevai le store et laissai entrer le soleil qui illumina la chambre. Van Helsing me fit signe de le rejoindre en silence. Nous allâmes dans sa chambre, et une minute après Lord Godalming, le Dr. Seward et Mr. Morris nous avaient rejoints. Il leur rapporta les paroles de Mina, puis il poursuivit : « Ce matin, nous partirons pour Varna. Nous avons maintenant à prendre en compte un élément supplémentaire : Madam Mina. Oh, son âme est fidèle. Ce fut une torture pour elle de nous en avoir tant dit ; mais elle a raison, et nous sommes avertis à temps. Nous ne devons laisser échapper aucune chance, et une fois à Varna nous devons être prêts à agir au moment où le navire accostera. » « Que devrons-nous faire exactement ? » demanda laconiquement Mr. Morris. Le professeur fit une pause avant de répondre : « Nous devrons d'abord monter à bord du navire, puis, après avoir identifié la caisse, nous placerons dessus une branche de rosier sauvage que nous attacherons ; ainsi il ne pourra en sortir. C'est en tout cas ce qu'en disent les superstitions. Et nous devons nous fier aux superstitions pour commencer, car elles furent les croyances des hommes dans les premiers temps, et elles y plongent aujourd'hui encore leurs racines. Ensuite, quand nous en trouverons l'opportunité, quand personne ne pourra nous voir, nous ouvrirons la caisse, et – tout ira pour le mieux. » « Pour ma part, je n'attendrai pas une opportunité », dit Morris. « Quand je verrai la caisse, je l'ouvrirai et détruirai ce monstre, même si mille hommes sont en train de me regarder, et même si je dois être effacé de la surface de la terre l'instant

d'après ! » Je lui pris instinctivement la main et la trouvai aussi dure que l'acier. Je crois qu'il comprit mon regard ; j'espère qu'il le comprit. « Bon garçon ! » dit le Dr. Van Helsing. « Brave garçon. Quincey est vraiment un homme. Qu'il soit béni pour cela. Mon enfant, croyez-moi, aucun d'entre nous ne restera en arrière ou ne sera arrêté par la peur. Mais je me dois de dire ce que nous ferons – ce que nous devons faire. Tant de choses peuvent arriver, et leurs causes et leurs conséquences sont si variées que nous n'en pouvons rien prévoir avant qu'elles ne surviennent. En tout cas, nous devons être armés, et quand le moment final arrivera, notre effort ne faiblira pas. Mais aujourd'hui, mettons toutes nos affaires en ordre. Que tout ce qui concerne ceux qui nous sont chers ou qui dépendent de nous soit réglé, car personne ne peut dire quand ou comment tout cela finira. Quant à moi, toutes mes affaires sont en ordre, et comme je n'ai rien d'autre à faire, je vais m'occuper des préparatifs du voyage. Je vais me procurer les billets et tout ce qui est nécessaire pour le voyage. Il n'y avait rien de plus à dire, et nous nous séparâmes. Je vais maintenant mettre en ordre toutes mes affaires terrestres, et me préparer à tout ce qui pourrait survenir. Plus tard. Tout est fait, mon testament est fait, et au complet. Mina, si elle survit, est mon seul héritier. S'il ne devait pas en être ainsi, alors ce seront les autres, qui ont été si bons pour nous, qui auront ce que je laisserai. Le soleil va bientôt se coucher. L'agitation de Mina me préoccupe. Je suis certain que le coucher du soleil éveille quelque chose dans son esprit. Ces moments sont devenus éprouvants pour nous tous, car chaque lever et chaque coucher de soleil peut cacher un nouveau danger – et de nouvelles souffrances, qui toutefois, sont peut-être aussi les voies par lesquelles le Seigneur nous mènera à un heureux dénouement. J'écris toutes ces choses dans mon journal, car ma chérie ne doit pas les entendre pour le moment, mais quand viendra le jour où elle pourra les connaître, elles seront prêtes. Elle m'appelle.

Chapitre 25 Journal du Docteur Seward 11 octobre, au soir. Jonathan Harker m'a demandé de prendre note de ceci ; car il dit qu'il n'est pas à la hauteur de la tâche, mais qu'il faut qu'un compte-rendu exact soit conservé. Je pense qu'aucun de nous n'était surpris quand on nous demanda de monter voir Mrs. Harker, un peu avant le coucher du soleil. Nous avons fini par comprendre que le lever et le coucher du soleil sont pour elle des moments de liberté particulière, où son être véritable peut se manifester sans être dominé, paralysé, ou au contraire forcé à agir par une force extérieure. Cet état, ou cette disposition, commence un peu plus d'une demi-heure avant le lever ou le coucher du soleil, et dure jusqu'à ce que le soleil soit haut dans le ciel, ou que les nuages s'illuminent des derniers rayons de l'astre du jour. D'abord, c'est une sorte d'état négatif, comme si un lien se desserrait, mais rapidement suivi d'une liberté absolue ; toutefois, quand cette liberté disparaît, le retour en arrière se fait rapidement, précédé seulement d'un moment de silence qui est un avertissement. Ce soir, quand nous nous sommes retrouvés, elle semblait quelque peu sous contrainte, et montrait tous les signes d'une terrible lutte intérieure. Je me figurai que cela était dû au violent effort qu'elle devait fournir en ces tout premiers instants de liberté retrouvée. En très peu de temps, toutefois, elle reprit entièrement le contrôle d'elle-même, puis, faisant signe à son mari de s'asseoir à côté d'elle sur le sofa où elle était à demi couchée, elle nous demanda d'apporter des chaises près d'elle et d'y prendre place. Prenant la main de son mari dans les siennes, elle commença : « Nous voici ici tous libres, peut-être pour la dernière fois ! Je sais, mon chéri, je sais bien que vous serez toujours avec moi jusqu'à la fin. » Cette dernière phrase était pour son mari, dont la main, nous pouvions tous le voir, s'était resserrée sur les siennes. « Au matin, nous partirons accomplir notre tâche, et Dieu seul sait ce qui nous attend. Vous êtes assez bons pour m'emmener avec vous. Je sais que vous ferez tout ce que des hommes braves et honnêtes peuvent faire pour une pauvre faible femme, dont l'âme est peut-être perdue – non, non, pas encore, mais en tout cas elle est menacée. Mais vous devez vous souvenir que je ne suis pas comme vous. Il y a un poison dans mon sang, dans mon âme, qui pourrait me détruire, qui doit me détruire, sauf si quelque aide me vient de vous. Oh, mes amis, vous savez aussi bien que moi que mon âme est en danger, et même si je vois qu'il n'y a qu'une seule voie pour moi, ni vous ni moi ne devons la suivre ! ». Elle nous lança à chacun, tour à tour, un regard implorant, commençant et terminant par son mari. « Quelle est-elle ? » demanda Van Helsing d'une voix rauque. « Quelle est cette voie, que nous ne devons pas – que nous ne devrions pas suivre ? » « Que je meure maintenant, de ma propre main ou de celle d'un autre, avant qu'un mal plus grand encore ne s'abatte sur nous. Je sais, et vous savez, que si j'étais morte vous pourriez libérer mon âme immortelle, comme vous l'avez fait pour ma pauvre Lucy. Si la mort, ou la peur de la mort, était le seul obstacle devant moi, je ne craindrais pas de mourir ici et maintenant, parmi mes amis qui m'aiment. Mais il ne s'agit pas que de la mort. Je n'arrive pas à croire que mourir maintenant, alors qu'il reste de l'espoir, et une tâche difficile à accomplir, soit la volonté de Dieu. C'est pourquoi, pour ma part, je renonce à la certitude du repos éternel, et je m'aventure dans les ténèbres où rôde peut-être la chose la plus maléfique qui ait jamais arpenté le monde ou même les enfers ! » Nous restâmes tous silencieux, car nous savions instinctivement qu'il ne s'agissait là que d'un prélude. Tous les visages étaient fermés, et celui de Harker avait pris la couleur de la cendre ; peut-être devinait-il mieux que nous ce qui allait suivre. Elle continua : « Voilà ce que je puis apporter au hoche-pot. » Je ne pus m'empêcher de remarquer qu'elle employa ici, et avec le plus grand sérieux, cette expression désuète. « Que va y apporter chacun d'entre vous ? Vos vies, je le sais bien » ajouta-t-elle rapidement, « c'est chose facile pour des hommes braves. Vos vies appartiennent à Dieu, et vous pouvez les Lui rendre, mais que me

donnerez-vous, à moi ? » Elle nous lançait des regards interrogateurs, mais cette fois, elle évita de croiser celui de son mari. Quincey semblait comprendre ; il approuva d'un hochement de tête, et le visage de la jeune femme s'éclaira. « Alors je vais vous dire, en toute sincérité, ce que je veux, car il ne doit plus subsister le moindre doute entre nous. Vous devez me promettre, chacun d'entre vous – même vous, mon bien-aimé époux – que, si le moment l'exige, vous me tuerez. » « Et quel est ce moment ? » La voix était celle de Quincey, mais elle était basse et sourde. « Lorsque vous serez convaincus que j'ai tellement changé que la mort pour moi sera préférable à la vie. Alors, quand je serai morte dans ma chair, vous devrez, sans attendre une seconde, passer un pieu à travers mon corps et me couper la tête, ou quoi que ce soit qui pourra m'apporter le repos ! » Quincey fut le premier à se lever après un moment. Il s'agenouilla devant elle, puis, prenant sa main dans la sienne, il dit solennellement : « Je ne suis qu'un type un peu fruste, et peut-être la vie que j'ai vécue n'est-elle pas digne d'une telle distinction, mais je vous jure, sur tout ce qui m'est sacré et sur tout ce qui m'est cher, que si le moment est venu, je ne faillirai pas à accomplir le devoir que vous nous imposez. Et je vous promets que je balaierai mes doutes et qu‘à la moindre suspicion je considérerai que le moment est venu!” « Mon véritable ami ! » Ce fut tout ce qu'elle put dire au milieu d'un jaillissement de larmes, tandis qu'elle s'inclinait en avant pour baiser sa main. « Je le jure moi aussi, ma chère Madam Mina ! » dit Van Helsing. « Et moi aussi ! » dit Lord Godalming. Et chacun à son tour s'agenouilla devant elle pour prêter serment. Je fis de même. Puis son mari la regarda tristement, le visage d'un teint pâle et verdâtre qui atténuait la blancheur de ses cheveux couleur de neige, et demanda : « Et dois-je, moi aussi, faire une telle promesse, ô ma femme ? » « Vous également, mon chéri » dit-elle, avec un accent de pitié infinie dans la voix et dans le regard. « Vous ne devez pas reculer. Vous êtes celui qui m'est le plus proche et le plus cher au monde, nos âmes sont nouées en une seule, pour toute la vie et jusqu'à la fin des temps.

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Je sais que s'il me demande de venir en secret, j'utiliserai la ruse et la tromperie – même à l'encontre de Jonathan. » Dieu sait quel regard elle me lança tandis qu'elle parlait, et s'il existe vraiment quelque part un Ange chargé des archives , il aura sûrement noté ce regard, témoin de son honneur éternel. Je ne pus que prendre sa main dans la mienne, je ne pouvais parler, mon émotion était trop forte pour trouver quelque réconfort dans les larmes. Elle poursuivit : « Vous, les hommes, êtes forts. Vous êtes forts de par votre nombre, car vous pouvez affronter ce qui pourrait vaincre la résistance de celui qui me garderait seul. Par ailleurs, je puis vous être utile, car vous pourriez m'hypnotiser et apprendre ainsi ce que j'ignore moi-même. » Le Dr. Van Helsing répondit avec gravité : « Madam Mina, comme toujours, vous parlez avec la voix de la sagesse. Vous pouvez venir avec nous, et nous accomplirons ensemble ce que nous devons accomplir. » Après qu'il eût prononcé ces mots, le silence prolongé de Mina attira mon regard sur elle. Elle était retombée endormie sur son oreiller ; elle ne se réveilla même pas lorsque je relevai le store et laissai entrer le soleil qui illumina la chambre. Van Helsing me fit signe de le rejoindre en silence. Nous allâmes dans sa chambre, et une minute après Lord Godalming, le Dr. Seward et Mr. Morris nous avaient rejoints. Il leur rapporta les paroles de Mina, puis il poursuivit : « Ce matin, nous partirons pour Varna. Nous avons maintenant à prendre en compte un élément supplémentaire : Madam Mina. Oh, son âme est fidèle. Ce fut une torture pour elle de nous en avoir tant dit ; mais elle a raison, et nous sommes avertis à temps. Nous ne devons laisser échapper aucune chance, et une fois à Varna nous devons être prêts à agir au moment où le navire accostera. » « Que devrons-nous faire exactement ? » demanda laconiquement Mr. Morris. Le professeur fit une pause avant de répondre : « Nous devrons d'abord monter à bord du navire, puis, après avoir identifié la caisse, nous placerons dessus une branche de rosier sauvage que nous attacherons ; ainsi il ne pourra en sortir. C'est en tout cas ce qu'en disent les superstitions. Et nous devons nous fier aux superstitions pour commencer, car elles furent les croyances des hommes dans les premiers temps, et elles y plongent aujourd'hui encore leurs racines. Ensuite, quand nous en trouverons l'opportunité, quand personne ne pourra nous voir, nous ouvrirons la caisse, et – tout ira pour le mieux. » « Pour ma part, je n'attendrai pas une opportunité », dit Morris. « Quand je verrai la caisse, je l'ouvrirai et détruirai ce monstre, même si mille hommes sont en train de me regarder, et même si je dois être effacé de la surface de la terre l'instant

d'après ! » Je lui pris instinctivement la main et la trouvai aussi dure que l'acier. Je crois qu'il comprit mon regard ; j'espère qu'il le comprit. « Bon garçon ! » dit le Dr. Van Helsing. « Brave garçon. Quincey est vraiment un homme. Qu'il soit béni pour cela. Mon enfant, croyez-moi, aucun d'entre nous ne restera en arrière ou ne sera arrêté par la peur. Mais je me dois de dire ce que nous ferons – ce que nous devons faire. Tant de choses peuvent arriver, et leurs causes et leurs conséquences sont si variées que nous n'en pouvons rien prévoir avant qu'elles ne surviennent. En tout cas, nous devons être armés, et quand le moment final arrivera, notre effort ne faiblira pas. Mais aujourd'hui, mettons toutes nos affaires en ordre. Que tout ce qui concerne ceux qui nous sont chers ou qui dépendent de nous soit réglé, car personne ne peut dire quand ou comment tout cela finira. Quant à moi, toutes mes affaires sont en ordre, et comme je n'ai rien d'autre à faire, je vais m'occuper des préparatifs du voyage. Je vais me procurer les billets et tout ce qui est nécessaire pour le voyage. Il n'y avait rien de plus à dire, et nous nous séparâmes. Je vais maintenant mettre en ordre toutes mes affaires terrestres, et me préparer à tout ce qui pourrait survenir. Plus tard. Tout est fait, mon testament est fait, et au complet. Mina, si elle survit, est mon seul héritier. S'il ne devait pas en être ainsi, alors ce seront les autres, qui ont été si bons pour nous, qui auront ce que je laisserai. Le soleil va bientôt se coucher. L'agitation de Mina me préoccupe. Je suis certain que le coucher du soleil éveille quelque chose dans son esprit. Ces moments sont devenus éprouvants pour nous tous, car chaque lever et chaque coucher de soleil peut cacher un nouveau danger – et de nouvelles souffrances, qui toutefois, sont peut-être aussi les voies par lesquelles le Seigneur nous mènera à un heureux dénouement. J'écris toutes ces choses dans mon journal, car ma chérie ne doit pas les entendre pour le moment, mais quand viendra le jour où elle pourra les connaître, elles seront prêtes. Elle m'appelle.

Chapitre 25 Journal du Docteur Seward 11 octobre, au soir. Jonathan Harker m'a demandé de prendre note de ceci ; car il dit qu'il n'est pas à la hauteur de la tâche, mais qu'il faut qu'un compte-rendu exact soit conservé. Je pense qu'aucun de nous n'était surpris quand on nous demanda de monter voir Mrs. Harker, un peu avant le coucher du soleil. Nous avons fini par comprendre que le lever et le coucher du soleil sont pour elle des moments de liberté particulière, où son être véritable peut se manifester sans être dominé, paralysé, ou au contraire forcé à agir par une force extérieure. Cet état, ou cette disposition, commence un peu plus d'une demi-heure avant le lever ou le coucher du soleil, et dure jusqu'à ce que le soleil soit haut dans le ciel, ou que les nuages s'illuminent des derniers rayons de l'astre du jour. D'abord, c'est une sorte d'état négatif, comme si un lien se desserrait, mais rapidement suivi d'une liberté absolue ; toutefois, quand cette liberté disparaît, le retour en arrière se fait rapidement, précédé seulement d'un moment de silence qui est un avertissement. Ce soir, quand nous nous sommes retrouvés, elle semblait quelque peu sous contrainte, et montrait tous les signes d'une terrible lutte intérieure. Je me figurai que cela était dû au violent effort qu'elle devait fournir en ces tout premiers instants de liberté retrouvée. En très peu de temps, toutefois, elle reprit entièrement le contrôle d'elle-même, puis, faisant signe à son mari de s'asseoir à côté d'elle sur le sofa où elle était à demi couchée, elle nous demanda d'apporter des chaises près d'elle et d'y prendre place. Prenant la main de son mari dans les siennes, elle commença : « Nous voici ici tous libres, peut-être pour la dernière fois ! Je sais, mon chéri, je sais bien que vous serez toujours avec moi jusqu'à la fin. » Cette dernière phrase était pour son mari, dont la main, nous pouvions tous le voir, s'était resserrée sur les siennes. « Au matin, nous partirons accomplir notre tâche, et Dieu seul sait ce qui nous attend. Vous êtes assez bons pour m'emmener avec vous. Je sais que vous ferez tout ce que des hommes braves et honnêtes peuvent faire pour une pauvre faible femme, dont l'âme est peut-être perdue – non, non, pas encore, mais en tout cas elle est menacée. Mais vous devez vous souvenir que je ne suis pas comme vous. Il y a un poison dans mon sang, dans mon âme, qui pourrait me détruire, qui doit me détruire, sauf si quelque aide me vient de vous. Oh, mes amis, vous savez aussi bien que moi que mon âme est en danger, et même si je vois qu'il n'y a qu'une seule voie pour moi, ni vous ni moi ne devons la suivre ! ». Elle nous lança à chacun, tour à tour, un regard implorant, commençant et terminant par son mari. « Quelle est-elle ? » demanda Van Helsing d'une voix rauque. « Quelle est cette voie, que nous ne devons pas – que nous ne devrions pas suivre ? » « Que je meure maintenant, de ma propre main ou de celle d'un autre, avant qu'un mal plus grand encore ne s'abatte sur nous. Je sais, et vous savez, que si j'étais morte vous pourriez libérer mon âme immortelle, comme vous l'avez fait pour ma pauvre Lucy. Si la mort, ou la peur de la mort, était le seul obstacle devant moi, je ne craindrais pas de mourir ici et maintenant, parmi mes amis qui m'aiment. Mais il ne s'agit pas que de la mort. Je n'arrive pas à croire que mourir maintenant, alors qu'il reste de l'espoir, et une tâche difficile à accomplir, soit la volonté de Dieu. C'est pourquoi, pour ma part, je renonce à la certitude du repos éternel, et je m'aventure dans les ténèbres où rôde peut-être la chose la plus maléfique qui ait jamais arpenté le monde ou même les enfers ! » Nous restâmes tous silencieux, car nous savions instinctivement qu'il ne s'agissait là que d'un prélude. Tous les visages étaient fermés, et celui de Harker avait pris la couleur de la cendre ; peut-être devinait-il mieux que nous ce qui allait suivre. Elle continua : « Voilà ce que je puis apporter au hoche-pot. » Je ne pus m'empêcher de remarquer qu'elle employa ici, et avec le plus grand sérieux, cette expression désuète. « Que va y apporter chacun d'entre vous ? Vos vies, je le sais bien » ajouta-t-elle rapidement, « c'est chose facile pour des hommes braves. Vos vies appartiennent à Dieu, et vous pouvez les Lui rendre, mais que me

donnerez-vous, à moi ? » Elle nous lançait des regards interrogateurs, mais cette fois, elle évita de croiser celui de son mari. Quincey semblait comprendre ; il approuva d'un hochement de tête, et le visage de la jeune femme s'éclaira. « Alors je vais vous dire, en toute sincérité, ce que je veux, car il ne doit plus subsister le moindre doute entre nous. Vous devez me promettre, chacun d'entre vous – même vous, mon bien-aimé époux – que, si le moment l'exige, vous me tuerez. » « Et quel est ce moment ? » La voix était celle de Quincey, mais elle était basse et sourde. « Lorsque vous serez convaincus que j'ai tellement changé que la mort pour moi sera préférable à la vie. Alors, quand je serai morte dans ma chair, vous devrez, sans attendre une seconde, passer un pieu à travers mon corps et me couper la tête, ou quoi que ce soit qui pourra m'apporter le repos ! » Quincey fut le premier à se lever après un moment. Il s'agenouilla devant elle, puis, prenant sa main dans la sienne, il dit solennellement : « Je ne suis qu'un type un peu fruste, et peut-être la vie que j'ai vécue n'est-elle pas digne d'une telle distinction, mais je vous jure, sur tout ce qui m'est sacré et sur tout ce qui m'est cher, que si le moment est venu, je ne faillirai pas à accomplir le devoir que vous nous imposez. Et je vous promets que je balaierai mes doutes et qu‘à la moindre suspicion je considérerai que le moment est venu!” « Mon véritable ami ! » Ce fut tout ce qu'elle put dire au milieu d'un jaillissement de larmes, tandis qu'elle s'inclinait en avant pour baiser sa main. « Je le jure moi aussi, ma chère Madam Mina ! » dit Van Helsing. « Et moi aussi ! » dit Lord Godalming. Et chacun à son tour s'agenouilla devant elle pour prêter serment. Je fis de même. Puis son mari la regarda tristement, le visage d'un teint pâle et verdâtre qui atténuait la blancheur de ses cheveux couleur de neige, et demanda : « Et dois-je, moi aussi, faire une telle promesse, ô ma femme ? » « Vous également, mon chéri » dit-elle, avec un accent de pitié infinie dans la voix et dans le regard. « Vous ne devez pas reculer. Vous êtes celui qui m'est le plus proche et le plus cher au monde, nos âmes sont nouées en une seule, pour toute la vie et jusqu'à la fin des temps.