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Bram Stoker - Dracula, Part (58)

Part (58)

» J'essayai de l'amener à en dire plus : « Vous n'avez jamais eu la clé ? » « Jamais eu b'soin. Le vieux, il a ouvert lui-même et i'me souviens pas bien la dernière fois, j'ai bu une bière. » « Et vous ne vous souvenez pas du numéro de la maison ? » « Nan, Sir. Mais vous faites pas d'souçi pour ça. C'est une grande baraque avec l'devant en pierre et une arche, et un grand escalier. J'les connais bien ces marches, pasque j'ai du d'mander d'laide à trois pél ‘rins qui passaient par là et qui voulaient gagner une pièce. Le vieux y les a payés, et quand y-z-on vu c'qu'y leur a donné, y-z-en voulaient encore plus, mais il en a pris un par les épaules, et y l'aurait balancé du haut d'l'escalier, si y s'étaient pas tous barrés en piaillant. » Je pensais que je pourrais trouver la maison à l'aide de cette description. Après avoir payé mon ami pour ses informations, je partis pour Picadilly. J'avais appris quelque chose d'inquiétant : le Comte pouvait, c'était évident, manier les caisses lui- même. Si tel était le cas, alors le temps pressait : en effet, maintenant que les caisses étaient relativement dispersées, il pouvait poursuivre la tâche lui-même, quand il le choisirait. A Picadilly Circus je congédiai mon cab, et me dirigeai à pied vers l'ouest. Après le Junior Constitutionnal, je trouvai la maison qui m'avait été décrite. C'était bien l'un des repaires de Dracula. La maison semblait avoir été longtemps inoccupée. Les fenêtres étaient sales, et les volets étaient fermés. Tout était crasseux, et la peinture sur la plupart des parties métalliques s'était écaillée depuis longtemps. Il était évident que jusqu'à récemment, il y avait eu un grand panneau sur le balcon, mais il avait été grossièrement arraché de ses fixations, qui étaient encore en place. Posées sur le balcon, on pouvait voir quelques planches éparses. J'aurais donné beaucoup pour pouvoir voir cette affiche encore intacte : elle m'aurait peut-être fourni des informations sur le propriétaire de la maison. Je me souvenais des recherches qui avaient mené à l'achat de Carfax, et je ne pouvais m'empêcher de penser que si je pouvais apprendre qui était l'ancien propriétaire, il y aurait moyen de découvrir comment accéder à l'intérieur. Il n'y avait plus rien à apprendre en restant sur Piccadilly, et rien à faire de plus. Je fis donc le tour pour voir si je pouvais apprendre quelque chose de plus. Il y avait du monde dans la ruelle, les maisons de Picadilly étant presque toutes occupées. Je demandai à un ou deux portiers ou serviteurs que je croisai s'ils pouvaient me parler un peu de la maison inoccupée. L'un d'entre eux me dit qu'il avait entendu qu'elle venait d'être achetée, mais il ne savait pas à qui. Il me dit toutefois que jusque très récemment, il y avait eu un panneau « A vendre », et que peut-être Mitchell, Sons et Candy, les agents immobiliers, pourraient m'en dire plus : il se souvenait avoir vu le nom de cette firme sur le panneau. Je ne voulus pas me montrer trop impatient, ni éveiller l'intérêt de mon interlocuteur ; je le remerciai donc tout simplement et m'éloignai. Il faisait de plus en plus sombre, et la soirée d'automne commençait, je ne voulais donc pas perdre de temps. Un annuaire du Berkeley m'apprit l'adresse de Mitchell, Sons & Candy, et j'étais bientôt devant leur bureau sur Sackville Street. Le gentleman qui me reçut fut particulièrement aimable, mais aussi très peu bavard. Après m'avoir dit que la maison de Picadilly – que pendant tout notre entretien il appela « le manoir » - était vendue, il considéra la discussion comme terminée. Quand je lui demandai qui l'avait achetée, il ouvrit grand les yeux, tout étonné, et me dit après une courte pause : « Elle est vendue, Sir. » « Pardonnez-moi », lui dis-je avec une égale politesse, « mais j'ai une raison particulière pour avoir besoin de savoir qui l'a achetée. » A nouveau une longue pause, puis haussa encore plus les sourcils et répéta, laconique : « Elle est vendue, Sir ». « Assurément » répliquai-je, « cela ne vous dérangerait pas beaucoup de m'en dire un peu plus. » « Mais cela me dérangerait » répondit-il. Mitchell, Sons & Candy considèrent que les affaires de leurs clients sont tout à fait confidentielles. » C'était manifestement un homme rigide, avec lequel il était inutile de discuter. Je pensais qu'il valait mieux l'affronter sur son propre terrain, et je lui dis : « Vos clients, Sir, ont de la chance d'avoir un gardien aussi rigoureux pour leurs secrets. Je suis moi-même un homme du métier. » Et je lui tendis ma carte. « En l'occurrence, je ne suis pas motivé ici par ma propre curiosité, j'agis de la part de Lord Godalming, qui voudrait quelques renseignements sur une propriété qui était récemment à vendre, d'après ce qu'il a compris. » Ces mots éclairaient l'affaire sous un jour nouveau, et il dit : « J'aimerais vous obliger si je le pouvais, Mr. Harker, et surtout, j'aimerais obliger sa Seigneurie. Nous avons pris en charge la location de quelques chambres pour lui lorsqu'il était encore l'Honorable Arthur Holmwood. Si vous voulez avoir l'obligeance de me laisser l'adresse de Sa Seigneurie, je consulterai la direction à ce sujet, et dans tous les cas, j'écrirai à sa Seigneurie par le courrier de ce soir. Ce serait un plaisir de pouvoir quelque peu déroger à nos règles afin de pouvoir donner à Sa Seigneurie l'information qu'elle demande. » Je voulais en faire un ami, et non un ennemi, aussi je le remerciai, donnai l'adresse d'Arthur chez le Dr. Seward, et rentrai. La nuit était tombée, et j'étais fatigué et affamé. Je pris une tasse de thé à l' Aërated Bread Company, et rentrai à Purfleet par le prochain train. J'y retrouvai tous les autres. Mina était pâle et avait l'air très fatiguée, mais elle fit de vaillants efforts pour paraître joyeuse. Cela me serrait le cœur de penser que je devais tout lui taire, ce qui renforçait son inquiétude. Dieu merci, ce sera la dernière fois qu'elle sera témoin de nos conférences, et qu'elle ressentira l'amertume de notre silence. Cela me demande tout mon courage, de la tenir à l'écart de notre sombre entreprise. Elle semble toutefois en prendre son parti, ou alors c'est que le fait ne serait-ce que d'aborder le sujet lui est maintenant odieux, car lorsque nous y faisons accidentellement référence, elle se met à frissonner. Je suis heureux que nous ayons pris notre résolution à temps, en effet, dans de telles dispositions d'esprit, ce que nous allons progressivement découvrir aurait été une torture pour elle. Je ne pouvais informer les autres de mes découvertes du jour avant que nous soyons seuls, et donc après le dîner, qui fut suivi d'un peu de musique pour sauver les apparences, j'emmenai Mina à sa chambre et la laissai se mettre au lit. Ma chère femme se montra plus tendre que jamais, et se jeta à mon cou comme si elle voulait me retenir, mais j'avais beaucoup à dire aux autres et je dus partir. Dieu merci, le silence que je me dois d'observer à son endroit n'a rien changé entre nous. Quand je redescendis, je trouvai les autres assemblés autour du feu dans le bureau. Dans le train, j'avais complété mon journal, et je le leur lus tous simplement : c'était le meilleur moyen de partager avec eux mes informations. Quand j'eus terminé, Van Helsing dit : « C'était une bonne journée de travail, ami Jonathan. Sans aucun doute, nous sommes sur les traces des caisses manquantes. Si nous les trouvons toutes dans cette maison, alors notre travail est presque terminé. Mais s'il en manque encore, nous devrons les chercher, jusqu'à ce que nous les trouvions. Alors, nous frapperons le coup final, et acculerons ce monstre à sa mort véritable. » Nous restâmes silencieux un moment, et tout à coup Mr. Morris prit la parole : « Dites donc, comment va-t-on entrer dans cette maison ? » « Nous sommes bien entrés dans l'autre », répondit Lord Godalming. « Mais, Art, c'était différent. Nous sommes entrés par effraction à Carfax, mais il faisait nuit, et nous avions un parc entouré de murs pour nous protéger des regards. Ca sera autre chose de s'introduire dans une maison de Picadilly, que ce soit de jour ou de nuit. Je dois avouer que je ne sais pas comment nous allons faire pour rentrer, à moins que ce rond-de-cuir ne puisse nous procurer une clé ; nous en saurons peut-être plus lorsque vous aurez reçu la lettre demain matin. » Lord Godalming fronça les sourcils, se leva, et se mit à arpenter la pièce. Mais bientôt il s'arrêta, et dit, se tournant successivement vers chacun d'entre nous : « Quincey est plein de bon sens. Cette histoire d'effraction commence à devenir sérieuse. Nous avons réussi une fois, mais maintenant nous voilà face à une tâche bien difficile – à moins que nous ne puissions trouver les clés du Comte. » Comme nous ne pouvions rien faire de plus jusqu'au matin, et comme il était plus sage d'attendre que Lord Godalming ait eu des nouvelles de Mitchell, nous décidâmes de ne prendre aucune résolution avant le petit déjeûner. Nous restâmes assis à fumer un bon moment, discutant de tous les aspects de l'affaire, et j'en profitai également pour remettre ce journal à jour. Je suis maintenant très fatigué et je vais aller au lit…

Juste un mot de plus. Mina dort profondément, et sa respiration est régulière. Son front est strié de petites rides, comme si même dans son sommeil elle continuait à réfléchir. Elle est toujours trop pâle, mais ne semble pas aussi hagarde que ce matin. Demain, je pense, elle ira mieux. Elle sera à la maison à Exeter. Oh, mais comme j'ai sommeil ! Journal du Dr Seward 1er octobre Je suis à nouveau déconcerté par Renfield. Son humeur change si rapidement que je n'arrive pas à les suivre, et comme elles révèlent toujours beaucoup plus que son propre état, elles offrent un très intéressant sujet d ‘étude. Ce matin, quand je suis allé le voir après qu'il a refusé de voir Van Helsing, ses manières étaient celles d'un homme qui est maître de son destin – subjectivement, en tout cas. Il ne tenait pas du tout compte des choses purement terrestres, il flottait dans les cieux, et contemplait dédaigneusement les faiblesses et les besoins de nous autres pauvres mortels… Je pensais que je pourrais profiter de l'occasion et apprendre quelque chose, et je lui demandai : « Et les mouches ? » Il me sourit d'un air supérieur – un sourire qui aurait convenu au Malvolio de La nuit des rois, et me répondit : « Le mouche, mon cher Sir, a une particularité étonnante. Ses ailes représentent parfaitement les pouvoirs aériens des facultés psychiques. Les anciens avaient bien raison quand ils représentaient l'âme sous la forme d'un papillon ! » Je poussai son analogie jusqu'au bout et lui demandai aussitôt : « Oh, c'est donc après une âme que vous en avez ? » Sa folie fut plus forte que sa raison, et son visage prit une expression embarrassée, mais il se mit à secouer la tête d'un air décidé que je avais rarement vu, et dit : « Oh non, oh non ! Je ne veux pas d'âmes. Je ne veux que de la vie. » Son visage s'éclaira. « Je suis tout à fait indifférent à tout cela maintenant. La vie, c'est très bien, j'ai tout ce que je désire. Vous devrez vous trouver un nouveau patient, Docteur, si vous voulez étudier la zoophagie ! » J'étais un peu déconcerté, aussi je poursuivis : « Ainsi, vous commandez à la vie. Vous êtes un dieu, je suppose ? » Il me sourit d'un air supérieur. « Oh, non, loin de moi la volonté de m'arroger les attributs de Dieu. Je ne me sens même pas concerné par Lui d'un point de vue purement spirituel. Si je devais définir ma position intellectuelle, je suis, en ce qui concerne les choses purement terrestres, un peu dans la position qu'occupait Enoch sur le plan spirituel. » C'était une énigme pour moi. Sur le moment, je ne pus me rappeler le rôle qu'occupait Enoch dans les Ecritures.

Part (58) Anteil (58) Part (58) Parte (58)

» J'essayai de l'amener à en dire plus : « Vous n'avez jamais eu la clé ? » « Jamais eu b'soin. Le vieux, il a ouvert lui-même et i'me souviens pas bien la dernière fois, j'ai bu une bière. » « Et vous ne vous souvenez pas du numéro de la maison ? » « Nan, Sir. Mais vous faites pas d'souçi pour ça. C'est une grande baraque avec l'devant en pierre et une arche, et un grand escalier. J'les connais bien ces marches, pasque j'ai du d'mander d'laide à trois pél ‘rins qui passaient par là et qui voulaient gagner une pièce. Le vieux y les a payés, et quand y-z-on vu c'qu'y leur a donné, y-z-en voulaient encore plus, mais il en a pris un par les épaules, et y l'aurait balancé du haut d'l'escalier, si y s'étaient pas tous barrés en piaillant. The old man paid them, and when they saw what he gave them, they wanted more, but he took one by the shoulders, and would have thrown him down the stairs, if they hadn't all run off screaming. » Je pensais que je pourrais trouver la maison à l'aide de cette description. Après avoir payé mon ami pour ses informations, je partis pour Picadilly. J'avais appris quelque chose d'inquiétant : le Comte pouvait, c'était évident, manier les caisses lui- même. Si tel était le cas, alors le temps pressait : en effet, maintenant que les caisses étaient relativement dispersées, il pouvait poursuivre la tâche lui-même, quand il le choisirait. A Picadilly Circus je congédiai mon cab, et me dirigeai à pied vers l'ouest. Après le Junior Constitutionnal, je trouvai la maison qui m'avait été décrite. C'était bien l'un des repaires de Dracula. La maison semblait avoir été longtemps inoccupée. Les fenêtres étaient sales, et les volets étaient fermés. Tout était crasseux, et la peinture sur la plupart des parties métalliques s'était écaillée depuis longtemps. Il était évident que jusqu'à récemment, il y avait eu un grand panneau sur le balcon, mais il avait été grossièrement arraché de ses fixations, qui étaient encore en place. Posées sur le balcon, on pouvait voir quelques planches éparses. J'aurais donné beaucoup pour pouvoir voir cette affiche encore intacte : elle m'aurait peut-être fourni des informations sur le propriétaire de la maison. Je me souvenais des recherches qui avaient mené à l'achat de Carfax, et je ne pouvais m'empêcher de penser que si je pouvais apprendre qui était l'ancien propriétaire, il y aurait moyen de découvrir comment accéder à l'intérieur. Il n'y avait plus rien à apprendre en restant sur Piccadilly, et rien à faire de plus. Je fis donc le tour pour voir si je pouvais apprendre quelque chose de plus. Il y avait du monde dans la ruelle, les maisons de Picadilly étant presque toutes occupées. Je demandai à un ou deux portiers ou serviteurs que je croisai s'ils pouvaient me parler un peu de la maison inoccupée. L'un d'entre eux me dit qu'il avait entendu qu'elle venait d'être achetée, mais il ne savait pas à qui. Il me dit toutefois que jusque très récemment, il y avait eu un panneau « A vendre », et que peut-être Mitchell, Sons et Candy, les agents immobiliers, pourraient m'en dire plus : il se souvenait avoir vu le nom de cette firme sur le panneau. Je ne voulus pas me montrer trop impatient, ni éveiller l'intérêt de mon interlocuteur ; je le remerciai donc tout simplement et m'éloignai. Il faisait de plus en plus sombre, et la soirée d'automne commençait, je ne voulais donc pas perdre de temps. Un annuaire du Berkeley m'apprit l'adresse de Mitchell, Sons & Candy, et j'étais bientôt devant leur bureau sur Sackville Street. Le gentleman qui me reçut fut particulièrement aimable, mais aussi très peu bavard. Après m'avoir dit que la maison de Picadilly – que pendant tout notre entretien il appela « le manoir » - était vendue, il considéra la discussion comme terminée. Quand je lui demandai qui l'avait achetée, il ouvrit grand les yeux, tout étonné, et me dit après une courte pause : « Elle est vendue, Sir. » « Pardonnez-moi », lui dis-je avec une égale politesse, « mais j'ai une raison particulière pour avoir besoin de savoir qui l'a achetée. » A nouveau une longue pause, puis haussa encore plus les sourcils et répéta, laconique : « Elle est vendue, Sir ». « Assurément » répliquai-je, « cela ne vous dérangerait pas beaucoup de m'en dire un peu plus. » « Mais cela me dérangerait » répondit-il. Mitchell, Sons & Candy considèrent que les affaires de leurs clients sont tout à fait confidentielles. » C'était manifestement un homme rigide, avec lequel il était inutile de discuter. Je pensais qu'il valait mieux l'affronter sur son propre terrain, et je lui dis : « Vos clients, Sir, ont de la chance d'avoir un gardien aussi rigoureux pour leurs secrets. Je suis moi-même un homme du métier. » Et je lui tendis ma carte. « En l'occurrence, je ne suis pas motivé ici par ma propre curiosité, j'agis de la part de Lord Godalming, qui voudrait quelques renseignements sur une propriété qui était récemment à vendre, d'après ce qu'il a compris. » Ces mots éclairaient l'affaire sous un jour nouveau, et il dit : « J'aimerais vous obliger si je le pouvais, Mr. Harker, et surtout, j'aimerais obliger sa Seigneurie. Nous avons pris en charge la location de quelques chambres pour lui lorsqu'il était encore l'Honorable Arthur Holmwood. Si vous voulez avoir l'obligeance de me laisser l'adresse de Sa Seigneurie, je consulterai la direction à ce sujet, et dans tous les cas, j'écrirai à sa Seigneurie par le courrier de ce soir. Ce serait un plaisir de pouvoir quelque peu déroger à nos règles afin de pouvoir donner à Sa Seigneurie l'information qu'elle demande. » Je voulais en faire un ami, et non un ennemi, aussi je le remerciai, donnai l'adresse d'Arthur chez le Dr. Seward, et rentrai. La nuit était tombée, et j'étais fatigué et affamé. Je pris une tasse de thé à l' Aërated Bread Company, et rentrai à Purfleet par le prochain train. J'y retrouvai tous les autres. Mina était pâle et avait l'air très fatiguée, mais elle fit de vaillants efforts pour paraître joyeuse. Cela me serrait le cœur de penser que je devais tout lui taire, ce qui renforçait son inquiétude. Dieu merci, ce sera la dernière fois qu'elle sera témoin de nos conférences, et qu'elle ressentira l'amertume de notre silence. Cela me demande tout mon courage, de la tenir à l'écart de notre sombre entreprise. Elle semble toutefois en prendre son parti, ou alors c'est que le fait ne serait-ce que d'aborder le sujet lui est maintenant odieux, car lorsque nous y faisons accidentellement référence, elle se met à frissonner. Je suis heureux que nous ayons pris notre résolution à temps, en effet, dans de telles dispositions d'esprit, ce que nous allons progressivement découvrir aurait été une torture pour elle. Je ne pouvais informer les autres de mes découvertes du jour avant que nous soyons seuls, et donc après le dîner, qui fut suivi d'un peu de musique pour sauver les apparences, j'emmenai Mina à sa chambre et la laissai se mettre au lit. Ma chère femme se montra plus tendre que jamais, et se jeta à mon cou comme si elle voulait me retenir, mais j'avais beaucoup à dire aux autres et je dus partir. Dieu merci, le silence que je me dois d'observer à son endroit n'a rien changé entre nous. Quand je redescendis, je trouvai les autres assemblés autour du feu dans le bureau. Dans le train, j'avais complété mon journal, et je le leur lus tous simplement : c'était le meilleur moyen de partager avec eux mes informations. Quand j'eus terminé, Van Helsing dit : « C'était une bonne journée de travail, ami Jonathan. Sans aucun doute, nous sommes sur les traces des caisses manquantes. Si nous les trouvons toutes dans cette maison, alors notre travail est presque terminé. Mais s'il en manque encore, nous devrons les chercher, jusqu'à ce que nous les trouvions. Alors, nous frapperons le coup final, et acculerons ce monstre à sa mort véritable. » Nous restâmes silencieux un moment, et tout à coup Mr. Morris prit la parole : « Dites donc, comment va-t-on entrer dans cette maison ? » « Nous sommes bien entrés dans l'autre », répondit Lord Godalming. « Mais, Art, c'était différent. Nous sommes entrés par effraction à Carfax, mais il faisait nuit, et nous avions un parc entouré de murs pour nous protéger des regards. Ca sera autre chose de s'introduire dans une maison de Picadilly, que ce soit de jour ou de nuit. Je dois avouer que je ne sais pas comment nous allons faire pour rentrer, à moins que ce rond-de-cuir ne puisse nous procurer une clé ; nous en saurons peut-être plus lorsque vous aurez reçu la lettre demain matin. » Lord Godalming fronça les sourcils, se leva, et se mit à arpenter la pièce. Mais bientôt il s'arrêta, et dit, se tournant successivement vers chacun d'entre nous : « Quincey est plein de bon sens. Cette histoire d'effraction commence à devenir sérieuse. Nous avons réussi une fois, mais maintenant nous voilà face à une tâche bien difficile – à moins que nous ne puissions trouver les clés du Comte. » Comme nous ne pouvions rien faire de plus jusqu'au matin, et comme il était plus sage d'attendre que Lord Godalming ait eu des nouvelles de Mitchell, nous décidâmes de ne prendre aucune résolution avant le petit déjeûner. Nous restâmes assis à fumer un bon moment, discutant de tous les aspects de l'affaire, et j'en profitai également pour remettre ce journal à jour. Je suis maintenant très fatigué et je vais aller au lit…

Juste un mot de plus. Mina dort profondément, et sa respiration est régulière. Son front est strié de petites rides, comme si même dans son sommeil elle continuait à réfléchir. Elle est toujours trop pâle, mais ne semble pas aussi hagarde que ce matin. Demain, je pense, elle ira mieux. Elle sera à la maison à Exeter. Oh, mais comme j'ai sommeil ! Journal du Dr Seward 1er octobre Je suis à nouveau déconcerté par Renfield. Son humeur change si rapidement que je n'arrive pas à les suivre, et comme elles révèlent toujours beaucoup plus que son propre état, elles offrent un très intéressant sujet d ‘étude. Ce matin, quand je suis allé le voir après qu'il a refusé de voir Van Helsing, ses manières étaient celles d'un homme qui est maître de son destin – subjectivement, en tout cas. Il ne tenait pas du tout compte des choses purement terrestres, il flottait dans les cieux, et contemplait dédaigneusement les faiblesses et les besoins de nous autres pauvres mortels… Je pensais que je pourrais profiter de l'occasion et apprendre quelque chose, et je lui demandai : « Et les mouches ? » Il me sourit d'un air supérieur – un sourire qui aurait convenu au Malvolio de La nuit des rois, et me répondit : « Le mouche, mon cher Sir, a une particularité étonnante. Ses ailes représentent parfaitement les pouvoirs aériens des facultés psychiques. Les anciens avaient bien raison quand ils représentaient l'âme sous la forme d'un papillon ! » Je poussai son analogie jusqu'au bout et lui demandai aussitôt : « Oh, c'est donc après une âme que vous en avez ? » Sa folie fut plus forte que sa raison, et son visage prit une expression embarrassée, mais il se mit à secouer la tête d'un air décidé que je avais rarement vu, et dit : « Oh non, oh non ! Je ne veux pas d'âmes. Je ne veux que de la vie. » Son visage s'éclaira. « Je suis tout à fait indifférent à tout cela maintenant. La vie, c'est très bien, j'ai tout ce que je désire. Vous devrez vous trouver un nouveau patient, Docteur, si vous voulez étudier la zoophagie ! » J'étais un peu déconcerté, aussi je poursuivis : « Ainsi, vous commandez à la vie. Vous êtes un dieu, je suppose ? » Il me sourit d'un air supérieur. « Oh, non, loin de moi la volonté de m'arroger les attributs de Dieu. Je ne me sens même pas concerné par Lui d'un point de vue purement spirituel. Si je devais définir ma position intellectuelle, je suis, en ce qui concerne les choses purement terrestres, un peu dans la position qu'occupait Enoch sur le plan spirituel. » C'était une énigme pour moi. Sur le moment, je ne pus me rappeler le rôle qu'occupait Enoch dans les Ecritures.