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Bram Stoker - Dracula, Part (48)

Part (48)

Mais le rouge que je sentais aussi monter à mon visage nous mit, d'une certaine façon, à l'aise, car c'était une réponse tacite à sa propre réaction. Je pris ses bagages, parmi lesquels se trouvait une machine à écrire, et nous prîmes le métro pour Fenchurch Street. J'avais télégraphié à l'intendante de l'asile pour qu'elle réserve tout de suite un salon et une chambre pour Mrs. Harker. Nous arrivâmes à l'heure prévue. Elle savait, bien sûr, qu'il s'agissait d'un asile d'aliénés, mais je remarquai qu'elle ne put dissimuler un frisson lorsqu'elle entra dans l'établissement. Elle me dit que si je le permettais, elle viendrait tout de suite me retrouver dans mon bureau, parce qu'elle avait beaucoup à me dire. C'est ici que j'enregistre donc sur mon phonographe, en l'attendant. Jusqu'ici, je n'ai pas encore eu l'opportunité de regarder les documents que Van Helsing m'a laissés, bien qu'ils soient là, devant moi. Je dois trouver un moyen d'occuper Mrs. Harker, afin que j'aie un peu de temps pour les lire. Elle ne sait pas à quel point le temps est précieux, ni ce que nous avons à accomplir. Je dois faire attention à ne pas l'effrayer. La voici !

Journal de Mina Harker, 29 septembre Après m'être un peu apprêtée, je suis descendue au bureau du Dr Seward. Je m'arrêtai un moment à la porte, car je crus l'entendre parler à quelqu'un. Cependant, il m'avait expressément demandé de faire vite, aussi je toquai, et, comme il cria « Entrez », je m'exécutai. A ma grande surprise, il n'y avait personne avec lui. Il était absolument seul, et sur la table en face de lui se trouvait ce que je reconnus instantanément, grâce à la description qu'on m'en avait faite, pour un phonographe. Je n'en avais jamais vu, et ressentais un vif intérêt pour cet objet. « J'espère que je ne vous ai pas fait attendre », dis-je; « mais je suis restée à la porte, pensant que vous étiez en train de parler à quelqu'un ». « Oh », répondit-il avec un sourire, « J'étais seulement en train d'enregistrer mon journal. » « Votre journal ? » demandais-je, surprise. « Oui », répondit-il. « C'est là-dedans que je le tiens. » Comme il parlait, sa main se posa sur le phonographe. J'étais très excitée par cette découverte, et laissai échapper : « Eh bien, cela surclasse tout, même la sténographie ! Puis-je en écouter un extrait ? » « Certainement », répondit-il vivement, et il se leva pour mettre en route la machine. Il s'arrêta cependant dans son mouvement, tandis qu'une expression inquiète gagnait son visage. « En réalité », dit-il un peu mal à l'aise, « Je n'enregistre là que mon journal; et il porte exclusivement - presque exclusivement - sur les cas de mes patients, et il sera peut-être embarrassant - enfin, je veux dire… » Il s'arrêta, et je vins à son secours pour le tirer d'embarras : « Vous avez apporté votre aide à Lucy dans ses derniers instants. Laissez-moi écouter comment elle est morte; je vous serais très reconnaissante de tout ce que vous pourrez m'apprendre sur elle. Elle m'était chère, très chère. » A ma surprise, il répondit, avec un regard presque terrifié : « Vous parler de sa mort ? Pas pour tout l'or du monde ! » « Pourquoi pas ? » demandai-je, comme un sombre et terrible sentiment s'emparait de moi. A nouveau, il observa un silence, et je compris qu'il était en train d'essayer de trouver une excuse. Il bégaya : « Voyez-vous, je ne sais pas comment on fait pour atteindre un passage du journal en particulier. » Tandis qu'il parlait, une idée se faisait jour en lui, et il dit avec une simplicité inconsciente, d'une voix différente, naïve comme celle d'un enfant : « C'est la vérité pure, sur mon honneur, croix de bois, croix de fer ! » Je ne pus m'empêcher de lâcher un sourire, auquel il répondit par une grimace. « Je crains de m'être laissé aller cette fois ! » dit-il. « Mais savez-vous que, bien que je tienne ce journal depuis des mois, pas une fois je ne me suis demandé comment je m'y prendrais pour retrouver un passage particulier si l'envie m'en prenait ? » A cet instant, je m'étais convaincue que ce journal, qui était celui d'un médecin qui s'était occupé de Lucy, pourrait présenter des éléments utiles, à ajouter à la somme de ce que nous savions déjà sur cet Etre maléfique, et je répondis résolument :

« Alors, Dr Seward, vous devriez me laisser en réaliser une copie pour vous avec ma machine à écrire ». Il blêmit, jusqu'à atteindre une mortelle pâleur, et dit : « Non ! non ! non ! Pour tout l'or du monde, je ne vous laisserai pas connaître cette terrible histoire! » Ainsi cela avait été terrible; mon intuition ne m'avait pas trompée ! Pendant un moment je réfléchis, et tandis que mes yeux balayaient inconsciemment la pièce, à la recherche de quelque chose ou de quelque occasion pour m'aider, ils se posèrent sur une grosse liasse de papiers dactylographiés, sur la table. Son regard croisa le mien, et, machinalement, suivit sa direction. Comme il tomba sur le paquet, il comprit où je voulais en venir. « Vous ne me connaissez pas », dis-je. « Quand vous aurez lu ces papiers - mon propre journal et également celui de mon mari, que j'ai tapés - vous me connaîtrez mieux. Je n'ai pas flanché, et j'ai consacré toutes mes pensées et tout mon coeur à cette cause; mais, bien sûr, vous ne me connaissez pas - pas encore - et je ne dois pas m'attendre à ce que vous me fassiez confiance dès maintenant. » Il s'agit certainement d'une noble nature; cette pauvre chère Lucy ne se trompait pas à son sujet. Il se leva et ouvrit un grand tiroir, dans lequel étaient rangés en bon ordre un bon nombre de tubes de métal, scellés à la cire, puis il dit : « Vous avez parfaitement raison. Je ne vous faisais pas confiance parce que je ne vous connaissais pas. Mais je vous connais maintenant, et laissez-moi vous dire que j'aurais dû vous faire confiance depuis longtemps. Je sais que Lucy vous a parlé de moi ; elle m'a aussi parlé de vous. Puis-je essayer de réparer ce tort de la seule façon qui soit en mon pouvoir ? Prenez ces cylindres et écoutez-les - les six premiers sont personnels, et ils ne vous plongeront pas dans l'horreur; ainsi, vous me connaîtrez mieux. Le dîner sera sans doute prêt, à cette heure. Dans le même temps, je commencerai la lecture de ces documents, qui éclaireront ma compréhension d'un certain nombre de choses. » Il déplaça le phonographe jusqu'au salon qui m'était destiné, et fit les réglages pour moi. Maintenant, je vais découvrir quelque chose de plaisant, j'en suis sûre; car cela me racontera la seconde version d'une histoire d'amour, dont je connais déjà la première version. Journal du Dr. Seward 29 septembre J'étais tellement absorbé dans l'extraordinaire journal de Jonathan Harker, et dans celui de sa femme, que j'ai laissé filer le temps sans m'en rendre compte. Mrs. Harker n'était pas encore descendue lorsque la servante vint annoncer le dîner ; je répondis donc à cette dernière : « Elle est certainement fatiguée, attendons une heure », et je me remis à mon travail. J'avais juste terminé le journal de Mrs. Harker, lorsque celle-ci entra. Elle était jolie et charmante, mais semblait très triste, et ses yeux étaient humides de larmes. Cela me bouleversa. Ces derniers temps, j'ai eu beaucoup de raisons de pleurer, Dieu le sait ! Mais le réconfort des larmes m'avait toujours été refusé, et à ce moment, la vue de ces beaux yeux encore humides m'alla droit au cœur. Alors je lui dis, aussi doucement que je pus : « Je crains fort de vous avoir peinée. » « Oh, non, pas peinée », répondit-elle. « Mais j'ai été touchée, plus que je ne saurais le dire, par votre chagrin. C'est une machine extraordinaire, mais elle révèle la vérité toute crue. Elle m'a raconté, jusque dans ses moindres intonations, les angoisses de votre cœur. C'était comme une âme qui en aurait appelé à Dieu tout-puissant. Personne ne doit plus jamais entendre de tels mots ! Voyez, j'ai essayé de me rendre utile. J'ai tout recopié à la machine à écrire, et plus personne n'entendra plus comme moi les tourments de votre cœur. » « Personne n'aura besoin de savoir, personne ne devra savoir » dis-je à voix basse. Elle posa sa main sur la mienne, et me dit, très grave : « Ah, mais il le faut ! » « Il le faut ? Mais pourquoi ? » « Parce que cela fait partie de cette terrible histoire, de la mort de la pauvre Lucy et de tout ce qui l'a amenée, parce que dans la lutte que nous allons devoir mener pour débarrasser la terre de ce terrible monstre, nous devons disposer de tout le savoir et de toute l'aide que nous pouvons obtenir. Je crois que les cylindres que vous m'avez donnés contenaient plus d'informations que ce que vous souhaitiez me communiquer, mais je vois qu'ils jettent aussi bien des lumières sur ce ténébreux mystère. Vous me laisserez vous aider, n'est-ce pas ? Je connais toute l'histoire jusqu'à un certain point, et je vois déjà, même si votre journal ne m'a amenée qu'au 7 septembre, à quel point la pauvre Lucy était perdue, et comment son horrible destin s'est accompli. Jonathan et moi avons travaillé jour et nuit depuis que le Professeur Van Helsing est venu nous voir. Il est parti à Whitby pour y recueillir de nouvelles informations, et il sera ici demain pour se joindre à nous. Nous ne devons avoir aucun secret entre nous, nous devons travailler ensemble, et dans une confiance absolue, et alors nous serons plus fort que si certains d'entre nous sont encore dans les ténèbres. » Elle me regardait si intensément, et faisait preuve en même temps d'un tel courage et d'une telle détermination, que je me rendis aussitôt à ses arguments. « Vous pouvez » lui dis-je, « faire comme vous l'entendez en ces matières. Dieu me pardonne si je fais erreur ! Il y a encore de terribles choses à apprendre, mais si vous avez déjà parcouru si loin le chemin qui mena Lucy à la mort, vous n'accepterez pas, je le sais, de rester dans l'ignorance. Et la fin, la toute fin, vous apportera peut-être quelque réconfort. Venez, il est l'heure de dîner. Nous devons garder des forces l'un et l'autre pour ce qui nous attend : notre tâche sera cruelle et terrible. Après le repas, vous pourrez apprendre le reste de l'histoire, et je vous répondrai si vous avez des questions – si quelque fait, évident pour ceux qui étaient présents, vous semblait obscur. Journal de Mina Harker 29 septembre Après dîner j'accompagnai le Dr Seward à son bureau, où il ramena son phonographe, et moi, ma machine à écrire. Il m'installa sur une chaise confortable, et arrangea le phonographe de manière à ce que je puisse le manipuler sans avoir à me lever. Puis il m'indiqua comment faire pour arrêter la lecture au cas où je souhaiterais faire une pause. Ensuite il prit une chaise avec beaucoup de précautions, et l'installa de manière à me tourner le dos, afin que je me sente le plus libre possible, et il se plongea dans sa lecture. Je portai la fourche de métal à mes oreilles, et écoutai. Quand l'histoire terrible de la mort de Lucy, et tout ce qui s'en suivait, fut terminée, je m'affaissai sur mon siège, sans force. Heureusement, je ne suis pas du genre à m'évanouir. Quand le Dr Seward me vit, il sauta sur ses pieds avec une exclamation horrifiée, et sortit précipitamment une carafe d'un placard, pour me servir un peu de brandy. Cela me redonna des forces en quelques minutes. Mon cerveau était dans un tourbillon, et si, à travers cette multitude d'horreurs, n'avait pas brillé le rayon sacré d'une lumière, à savoir que ma chère, chère Lucy était enfin en paix, je ne crois pas que j'aurais pu le supporter aussi stoïquement. Tout cela est si sauvage, étrange et mystérieux, que si je n'avais pas eu connaissance de l'expérience de Jonathan en Transylvanie, je n'aurais jamais pu le croire. Même ainsi, je ne savais que croire, et ne parvins à m'extirper de mes doutes qu'en m'occupant d'autre chose. Je retirai le couvercle de ma machine à écrire, et m'adressai au Dr Seward : « Laissez-moi tout retranscrire maintenant.

Part (48) Anteil (48) Part (48) Parte (48)

Mais le rouge que je sentais aussi monter à mon visage nous mit, d'une certaine façon, à l'aise, car c'était une réponse tacite à sa propre réaction. Je pris ses bagages, parmi lesquels se trouvait une machine à écrire, et nous prîmes le métro pour Fenchurch Street. J'avais télégraphié à l'intendante de l'asile pour qu'elle réserve tout de suite un salon et une chambre pour Mrs. Harker. Nous arrivâmes à l'heure prévue. Elle savait, bien sûr, qu'il s'agissait d'un asile d'aliénés, mais je remarquai qu'elle ne put dissimuler un frisson lorsqu'elle entra dans l'établissement. Elle me dit que si je le permettais, elle viendrait tout de suite me retrouver dans mon bureau, parce qu'elle avait beaucoup à me dire. C'est ici que j'enregistre donc sur mon phonographe, en l'attendant. Jusqu'ici, je n'ai pas encore eu l'opportunité de regarder les documents que Van Helsing m'a laissés, bien qu'ils soient là, devant moi. Je dois trouver un moyen d'occuper Mrs. Harker, afin que j'aie un peu de temps pour les lire. Elle ne sait pas à quel point le temps est précieux, ni ce que nous avons à accomplir. Je dois faire attention à ne pas l'effrayer. La voici !

Journal de Mina Harker, 29 septembre Après m'être un peu apprêtée, je suis descendue au bureau du Dr Seward. Je m'arrêtai un moment à la porte, car je crus l'entendre parler à quelqu'un. Cependant, il m'avait expressément demandé de faire vite, aussi je toquai, et, comme il cria « Entrez », je m'exécutai. A ma grande surprise, il n'y avait personne avec lui. Il était absolument seul, et sur la table en face de lui se trouvait ce que je reconnus instantanément, grâce à la description qu'on m'en avait faite, pour un phonographe. Je n'en avais jamais vu, et ressentais un vif intérêt pour cet objet. « J'espère que je ne vous ai pas fait attendre », dis-je; « mais je suis restée à la porte, pensant que vous étiez en train de parler à quelqu'un ». « Oh », répondit-il avec un sourire, « J'étais seulement en train d'enregistrer mon journal. » « Votre journal ? » demandais-je, surprise. « Oui », répondit-il. « C'est là-dedans que je le tiens. » Comme il parlait, sa main se posa sur le phonographe. J'étais très excitée par cette découverte, et laissai échapper : « Eh bien, cela surclasse tout, même la sténographie ! Puis-je en écouter un extrait ? » « Certainement », répondit-il vivement, et il se leva pour mettre en route la machine. Il s'arrêta cependant dans son mouvement, tandis qu'une expression inquiète gagnait son visage. « En réalité », dit-il un peu mal à l'aise, « Je n'enregistre là que mon journal; et il porte exclusivement - presque exclusivement - sur les cas de mes patients, et il sera peut-être embarrassant - enfin, je veux dire… » Il s'arrêta, et je vins à son secours pour le tirer d'embarras : « Vous avez apporté votre aide à Lucy dans ses derniers instants. Laissez-moi écouter comment elle est morte; je vous serais très reconnaissante de tout ce que vous pourrez m'apprendre sur elle. Elle m'était chère, très chère. » A ma surprise, il répondit, avec un regard presque terrifié : « Vous parler de sa mort ? Pas pour tout l'or du monde ! » « Pourquoi pas ? » demandai-je, comme un sombre et terrible sentiment s'emparait de moi. A nouveau, il observa un silence, et je compris qu'il était en train d'essayer de trouver une excuse. Il bégaya : « Voyez-vous, je ne sais pas comment on fait pour atteindre un passage du journal en particulier. » Tandis qu'il parlait, une idée se faisait jour en lui, et il dit avec une simplicité inconsciente, d'une voix différente, naïve comme celle d'un enfant : « C'est la vérité pure, sur mon honneur, croix de bois, croix de fer ! » Je ne pus m'empêcher de lâcher un sourire, auquel il répondit par une grimace. « Je crains de m'être laissé aller cette fois ! » dit-il. « Mais savez-vous que, bien que je tienne ce journal depuis des mois, pas une fois je ne me suis demandé comment je m'y prendrais pour retrouver un passage particulier si l'envie m'en prenait ? » A cet instant, je m'étais convaincue que ce journal, qui était celui d'un médecin qui s'était occupé de Lucy, pourrait présenter des éléments utiles, à ajouter à la somme de ce que nous savions déjà sur cet Etre maléfique, et je répondis résolument :

« Alors, Dr Seward, vous devriez me laisser en réaliser une copie pour vous avec ma machine à écrire ». Il blêmit, jusqu'à atteindre une mortelle pâleur, et dit : « Non ! non ! non ! Pour tout l'or du monde, je ne vous laisserai pas connaître cette terrible histoire! » Ainsi cela avait été terrible; mon intuition ne m'avait pas trompée ! Pendant un moment je réfléchis, et tandis que mes yeux balayaient inconsciemment la pièce, à la recherche de quelque chose ou de quelque occasion pour m'aider, ils se posèrent sur une grosse liasse de papiers dactylographiés, sur la table. Son regard croisa le mien, et, machinalement, suivit sa direction. Comme il tomba sur le paquet, il comprit où je voulais en venir. « Vous ne me connaissez pas », dis-je. "You don't know me," I said. « Quand vous aurez lu ces papiers - mon propre journal et également celui de mon mari, que j'ai tapés - vous me connaîtrez mieux. Je n'ai pas flanché, et j'ai consacré toutes mes pensées et tout mon coeur à cette cause; mais, bien sûr, vous ne me connaissez pas - pas encore - et je ne dois pas m'attendre à ce que vous me fassiez confiance dès maintenant. » Il s'agit certainement d'une noble nature; cette pauvre chère Lucy ne se trompait pas à son sujet. Il se leva et ouvrit un grand tiroir, dans lequel étaient rangés en bon ordre un bon nombre de tubes de métal, scellés à la cire, puis il dit : « Vous avez parfaitement raison. Je ne vous faisais pas confiance parce que je ne vous connaissais pas. Mais je vous connais maintenant, et laissez-moi vous dire que j'aurais dû vous faire confiance depuis longtemps. Je sais que Lucy vous a parlé de moi ; elle m'a aussi parlé de vous. Puis-je essayer de réparer ce tort de la seule façon qui soit en mon pouvoir ? Prenez ces cylindres et écoutez-les - les six premiers sont personnels, et ils ne vous plongeront pas dans l'horreur; ainsi, vous me connaîtrez mieux. Le dîner sera sans doute prêt, à cette heure. Dans le même temps, je commencerai la lecture de ces documents, qui éclaireront ma compréhension d'un certain nombre de choses. » Il déplaça le phonographe jusqu'au salon qui m'était destiné, et fit les réglages pour moi. Maintenant, je vais découvrir quelque chose de plaisant, j'en suis sûre; car cela me racontera la seconde version d'une histoire d'amour, dont je connais déjà la première version. Journal du Dr. Seward 29 septembre J'étais tellement absorbé dans l'extraordinaire journal de Jonathan Harker, et dans celui de sa femme, que j'ai laissé filer le temps sans m'en rendre compte. Mrs. Harker n'était pas encore descendue lorsque la servante vint annoncer le dîner ; je répondis donc à cette dernière : « Elle est certainement fatiguée, attendons une heure », et je me remis à mon travail. J'avais juste terminé le journal de Mrs. Harker, lorsque celle-ci entra. Elle était jolie et charmante, mais semblait très triste, et ses yeux étaient humides de larmes. Cela me bouleversa. Ces derniers temps, j'ai eu beaucoup de raisons de pleurer, Dieu le sait ! Mais le réconfort des larmes m'avait toujours été refusé, et à ce moment, la vue de ces beaux yeux encore humides m'alla droit au cœur. Alors je lui dis, aussi doucement que je pus : « Je crains fort de vous avoir peinée. » « Oh, non, pas peinée », répondit-elle. « Mais j'ai été touchée, plus que je ne saurais le dire, par votre chagrin. C'est une machine extraordinaire, mais elle révèle la vérité toute crue. Elle m'a raconté, jusque dans ses moindres intonations, les angoisses de votre cœur. C'était comme une âme qui en aurait appelé à Dieu tout-puissant. Personne ne doit plus jamais entendre de tels mots ! Voyez, j'ai essayé de me rendre utile. J'ai tout recopié à la machine à écrire, et plus personne n'entendra plus comme moi les tourments de votre cœur. » « Personne n'aura besoin de savoir, personne ne devra savoir » dis-je à voix basse. Elle posa sa main sur la mienne, et me dit, très grave : « Ah, mais il le faut ! » « Il le faut ? Mais pourquoi ? » « Parce que cela fait partie de cette terrible histoire, de la mort de la pauvre Lucy et de tout ce qui l'a amenée, parce que dans la lutte que nous allons devoir mener pour débarrasser la terre de ce terrible monstre, nous devons disposer de tout le savoir et de toute l'aide que nous pouvons obtenir. Je crois que les cylindres que vous m'avez donnés contenaient plus d'informations que ce que vous souhaitiez me communiquer, mais je vois qu'ils jettent aussi bien des lumières sur ce ténébreux mystère. Vous me laisserez vous aider, n'est-ce pas ? Je connais toute l'histoire jusqu'à un certain point, et je vois déjà, même si votre journal ne m'a amenée qu'au 7 septembre, à quel point la pauvre Lucy était perdue, et comment son horrible destin s'est accompli. Jonathan et moi avons travaillé jour et nuit depuis que le Professeur Van Helsing est venu nous voir. Il est parti à Whitby pour y recueillir de nouvelles informations, et il sera ici demain pour se joindre à nous. Nous ne devons avoir aucun secret entre nous, nous devons travailler ensemble, et dans une confiance absolue, et alors nous serons plus fort que si certains d'entre nous sont encore dans les ténèbres. » Elle me regardait si intensément, et faisait preuve en même temps d'un tel courage et d'une telle détermination, que je me rendis aussitôt à ses arguments. « Vous pouvez » lui dis-je, « faire comme vous l'entendez en ces matières. Dieu me pardonne si je fais erreur ! Il y a encore de terribles choses à apprendre, mais si vous avez déjà parcouru si loin le chemin qui mena Lucy à la mort, vous n'accepterez pas, je le sais, de rester dans l'ignorance. Et la fin, la toute fin, vous apportera peut-être quelque réconfort. Venez, il est l'heure de dîner. Nous devons garder des forces l'un et l'autre pour ce qui nous attend : notre tâche sera cruelle et terrible. Après le repas, vous pourrez apprendre le reste de l'histoire, et je vous répondrai si vous avez des questions – si quelque fait, évident pour ceux qui étaient présents, vous semblait obscur. Journal de Mina Harker 29 septembre Après dîner j'accompagnai le Dr Seward à son bureau, où il ramena son phonographe, et moi, ma machine à écrire. Il m'installa sur une chaise confortable, et arrangea le phonographe de manière à ce que je puisse le manipuler sans avoir à me lever. Puis il m'indiqua comment faire pour arrêter la lecture au cas où je souhaiterais faire une pause. Ensuite il prit une chaise avec beaucoup de précautions, et l'installa de manière à me tourner le dos, afin que je me sente le plus libre possible, et il se plongea dans sa lecture. Je portai la fourche de métal à mes oreilles, et écoutai. Quand l'histoire terrible de la mort de Lucy, et tout ce qui s'en suivait, fut terminée, je m'affaissai sur mon siège, sans force. Heureusement, je ne suis pas du genre à m'évanouir. Quand le Dr Seward me vit, il sauta sur ses pieds avec une exclamation horrifiée, et sortit précipitamment une carafe d'un placard, pour me servir un peu de brandy. Cela me redonna des forces en quelques minutes. Mon cerveau était dans un tourbillon, et si, à travers cette multitude d'horreurs, n'avait pas brillé le rayon sacré d'une lumière, à savoir que ma chère, chère Lucy était enfin en paix, je ne crois pas que j'aurais pu le supporter aussi stoïquement. Tout cela est si sauvage, étrange et mystérieux, que si je n'avais pas eu connaissance de l'expérience de Jonathan en Transylvanie, je n'aurais jamais pu le croire. Même ainsi, je ne savais que croire, et ne parvins à m'extirper de mes doutes qu'en m'occupant d'autre chose. Je retirai le couvercle de ma machine à écrire, et m'adressai au Dr Seward : « Laissez-moi tout retranscrire maintenant.