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Bram Stoker - Dracula, Part (34)

Part (34)

Je dois les relayer dans un quart d'heure, et j'enregistre ceci sur le phonographe de Lucy. Jusqu'à six heures ils essaieront de se reposer. Je crains que demain ne s'achève notre garde, car le choc qu'elle a eu est trop grand. La pauvre enfant ne s'en remet pas. Que Dieu nous protège tous. LETTRE DE MINA HARKER à LUCY WESTENRA (non décachetée par sa destinataire) 17 septembre Ma chère Lucy, Cela fait une éternité que je n'ai pas reçu de tes nouvelles, ou du moins depuis que je t'ai écrit la dernière fois. Tu me pardonneras, je le sais, toutes mes fautes, quand tu sauras tout ce qui m'est arrivé… Eh bien, j'ai ramené mon mari sain et sauf; et à notre arrivée à Exeter il y avait un attelage qui nous attendait, et à l'intérieur, malgré son attaque de goutte, Mister Hawkins. Il nous conduisit à sa propre maison, où il avait préparé pour nous des chambres coquettes et confortables, et nous dinâmes ensemble. Après le diner, Mister Hawkins dit : « Mes chers amis, je veux boire à votre santé et à votre prospérité - que toutes les bénédictions vous soient accordées à tous les deux. Je vous connais, tous les deux, depuis l'enfance, et je vous ai vus grandir avec un sentiment d'amour et de fierté. Aujourd'hui, j'aimerais que vous partagiez ma maison. Je ne laisse derrière moi aucune femme, aucun enfant - car tous sont partis - et dans mon testament je vous lègue tout ce que je possède. » Je pleurai, ma chère Lucy, tandis que Jonathan serrait les mains du vieil homme. Notre soirée fut vraiment très heureuse. Alors nous voici installés dans cette belle vieille demeure, et depuis ma chambre et le salon, je peux voir les grands ormes du jardin de la cathédrale, leurs larges troncs noirs tranchant sur le jaune vieilli des pierres, et je peux entendre les corbeaux, dans les hauteurs, croasser, croasser, discuter et murmurer toute la journée, à la manière des corbeaux - et des humains. Je suis occupée, comme tu peux t'en douter, à arranger nos affaires et à tenir la maison. Jonathan et Mister Hawkins travaillent toute la journée; car maintenant que Jonathan est son associé, Mister Hawkins veut lui transmettre toutes les informations relatives aux clients. Comment va ta chère mère ? J'aimerais pouvoir m'échapper en ville pour un jour ou deux, afin de te voir, ma chère, mais je n'ose pas partir encore, avec tant de choses qui reposent sur mes épaules; et Jonathan a encore besoin qu'on veille sur lui. Il commence à reprendre du poids, mais il a été terriblement affaibli par sa longue maladie; encore maintenant, il lui arrive de se réveiller en sursaut, tout tremblant, jusqu'à ce que j'arrive à lui faire retrouver son calme. Cependant, Dieu merci, ces crises semblent s'espacer à mesure que les jours passent - et je suis sûre qu'un jour, elles disparaîtront tout à fait. Et maintenant que je t'ai donné mes nouvelles, laisse-moi te demander des tiennes. Quand dois-tu te marier, et où, qui doit officier à la cérémonie, quelle robe vas-tu porter, et cela doit-il être un mariage privé ou public ? Dis-moi tout, ma chère, raconte moi tous les détails, car tout ce qui t'intéresse est important pour moi. Jonathan me dit de t'envoyer ses « salutations respectueuses », mais je crois que cela ne convient pas pour un jeune associé de l'importante firme « Hawkins et Harker », et donc, comme tu m'aimes, qu'il m'aime, et que je t'aime sur tous les modes et à tous les temps, je t'envoie plutôt simplement ses « amitiés ». Au-revoir, ma chère Lucy, que Dieu te bénisse ! Bien à toi, Mina Harker

Rapport de Patrick Hennessey, Docteur en Médecine, Membre du Collège Royal de Chirurgie, etc., etc. à John Seward, Docteur en médecine. 20 septembre Mon cher Sir, Conformément à vos volontés, voici un état de toutes les affaires que vous avez bien voulu laisser à ma charge. Concernant le patient Renfield, il y a beaucoup à dire. Il a eu une nouvelle crise, qui aurait pu avoir de terribles conséquences, mais qui, bien heureusement, n'a finalement amené aucun résultat fâcheux. Cet après-midi, deux hommes conduisant un chariot sont venus à la maison abandonnée sur le terrain qui jouxte le nôtre – la maison vers laquelle, vous vous en souvenez, le patient s'est déjà enfui deux fois. Les deux hommes s'arrêtèrent pour demander leur chemin à notre portier, car ils n'étaient pas d'ici. Je regardais moi-même à la fenêtre de mon bureau à ce moment, car je fumais mon cigare après le repas, et je vis l'un d'eux qui montait vers la maison ; et lorsqu'il passa devant la fenêtre de Renfield, le patient commença à l'insulter, et à le traiter de tous les noms qui lui venaient à l'esprit. L'autre, qui semblait être un brave homme, se contenta de lui répondre : « Ferme-la, espèce de miteux », sur quoi Renfield l'accusa de l'avoir volé, de vouloir le tuer, et lui dit qu'il ferait tout pour l'arrêter, même s'il devait pour cela se balancer au bout d'une corde. J'ouvris la fenêtre, et fis signe à l'homme de ne pas faire attention à lui. Alors, après avoir observé attentivement autour de lui, il comprit dans quel genre d'endroit il se trouvait et me dit : « Dieu vous garde, Sir, je f'rai pas attention à c'qu'on pourrait m'dire dans une maison d'fous. J'vous plains vous et vot'patron de d'voir vivre avec ces bêtes-là. » Puis il s'enquit poliment de son chemin, et je lui indiquai où trouver la grille qui permettait d'entrer dans la propriété abandonnée. Il s'éloigna, suivi par les menaces et les malédictions de Renfield. Je descendis, pour voir si je pourrais comprendre les raisons de cette colère, car il se conduit généralement en homme bien élevé, et si l'on excepte ses accès de violence, rien de tel n'était jamais arrivé. A mon grand étonnement, je le trouvai parfaitement calme et même de manières très agréables. J'essayai de l'amener à parler de l'incident, mais il me demanda platement de quoi je voulais parler, ce qui me convainquit qu'il ignorait tout de cette histoire. J'ai le regret de dire, toutefois, qu'il ne s'agissait là que d'une nouvelle manifestation de son astuce ; en effet moins d'une demi-heure plus tard, j'entendais à nouveau parler de lui. Cette fois, il s'était échappé par la fenêtre de sa chambre, et dévalait l'allée en courant. J'appelai les surveillants et nous nous lançâmes à sa poursuite ; je craignais qu'il ne fasse quelque nouvelle bêtise. Ma peur se trouva justifiée quand je vis le même chariot redescendre la route, chargé maintenant de grandes caisses de bois. Les hommes s'épongeaient le front, et leur visage était rouge, comme après un intense exercice physique. Avant que je ne puisse le rejoindre, il se précipita sur eux, et tirant l'un des hommes hors du chariot, commença à lui frapper la tête contre le sol. Si je ne m'étais pas saisi de lui à ce moment, je crois bien qu'il l'aurait tué sur-le-champ. Le second homme sauta à terre, et le frappa à la tête à l'aide du manche de son grand fouet. C'était un coup terrible, mais Renfield ne sembla même pas s'en rendre compte ; au contraire, il l'empoigna à son tour, et se mit à se battre avec nous trois en même temps, nous secouant dans tous les sens comme si nous étions des chatons. Vous savez que je ne suis pas un gringalet, et les deux autres étaient aussi des hommes robustes. Au début, il se battit sans rien dire, mais tandis que nous commencions à le maîtriser, et que les surveillants lui enfilaient une camisole de force, il se mit à crier : « Je déjouerai leurs plans ! Ils ne peuvent pas me voler ! Ils ne peuvent pas m'assassiner à petit feu ! Je me battrai pour mon Seigneur et Maître ! » et autres divagations incohérentes. Ce fut avec de considérables difficultés qu'ils parvinrent à le ramener à l'institut et à l'enfermer dans la chambre capitonnée. L'un des surveillants, Hardy, eut un doigt démis ; toutefois, je le lui remis en place et il se porte maintenant très bien. Les deux transporteurs nous menacèrent d'abord vivement de porter l'affaire devant les tribunaux, et de faire s'abattre sur nous toutes les sanctions imaginables. Toutefois, ces menaces étaient tempérées par le fait qu'ils n'étaient pas fiers d'avoir été dominés par un pauvre fou. Ils dirent que s'ils n'avaient pas épuisé toutes leurs forces à transporter les lourdes caisses dans le chariot, ils auraient rapidement eu raison de lui. Ils donnèrent une autre raison à leur défaite : la soif extraordinaire qu'ils éprouvaient après leur travail dans la poussière, et l'absence de tout débit de boisson aux environs. Je compris parfaitement cette allusion, et après un bon verre de grog, ou plutôt deux, et un souverain en poche, ils oublièrent vite l'attaque, et jurèrent même qu'ils rencontreraient volontiers un fou plus dangereux encore, si cela leur valait le plaisir de faire la connaissance d'un « sacré chic type » comme votre correspondant. Je pris leurs nom et adresse, au cas où. Les voici : Jack Smollet, de Dudding's Rent, King George's Road, Great Walworth, et Thomas Snelling, Peter Farley's Row, Guide Court, Bethnal Green. Ce sont deux employés de Harris et fils, société de transport de marchandises, Orange Master's Yard, Soho.

Je vous rapporterai tout ce qui se passera ici et qui présentera un intérêt, et je vous télégraphierai immédiatement si c'est nécessaire. Veuillez me croire, cher Monsieur, votre fidèle Patrick Hennessey. Lettre de Mina Harker à Lucy Westenra (non-décachetée par la destinataire) 18 septembre Ma très chère Lucy, Une vague de tristesse est tombée sur nous. Mister Hawkins est mort très soudainement. Certains penseront peut-être que cela n'est pas triste pour nous, mais nous nous étions tellement attachés à lui que nous avons l''impression de perdre un père. Je n'ai jamais connu de père ni de mère, aussi la mort du cher homme est un grand choc pour moi. Jonathan est très perturbé. Ce n'est pas seulement qu'il éprouve du chagrin, un chagrin profond, parce que le cher vieillard s'était montré amical avec lui pendant toute sa vie, et à la fin, l'avait traité comme son propre fils, et lui avait laissé un bien qui, pour nos origines modestes, représente une fortune inimaginable… Jonathan ressent ce deuil aussi d'une autre manière. Il dit que les responsabilités que tout cela lui fait endosser le rendent nerveux. Il commence à douter de lui-même. J'essaie de le réconforter, et ma confiance en lui l'aide à retrouver un peu de confiance en lui-même. Mais c'est là la plus grave conséquence de ce choc terrible dont il a fait l'expérience . Oh, quelle pitié qu'une nature douce, simple, noble et forte comme la sienne - une nature qui lui a permis, avec l'aide de notre cher ami, de s'élever en quelques années de la condition de clerc à celle d'avoué - soit à ce point affaiblie, que l'essentiel de ses forces ait disparu... Pardonne-moi, ma chère, d'assombrir ton bonheur avec mes inquiétudes personnelles, mais, ma chère Lucy, je dois en parler à quelqu'un, car l'effort pour conserver une apparence courageuse et chaleureuse me coûte beaucoup, et je n'ai ici personne à qui me confier. Je redoute de venir à Londres, ce que nous devons faire après-demain, car le pauvre Mister Hawkins a stipulé dans son testament qu'il souhaitait être enterré dans le caveau de son père. Comme il n'a plus aucun parent, Jonathan devra mener le cortège. J'essaierai de trouver un moment pour te voir, ma très chère, même pour quelques minutes. Excuse-moi de te troubler ainsi. Bien Affectueusement, Mina Harker Journal du Docteur Seward 20 septembre

Seules l'habitude et la détermination peuvent me permettre d'enregistrer quelque chose ce soir. Je suis si malheureux, si abattu, si fatigué du monde et de tout ce qu'il contient, y compris de la vie elle-même, qu'il me serait parfaitement indifférent à cette heure d'être frôlé par les ailes de l'Ange de la Mort. Et ces ailes sinistres, il les a beaucoup agitées ces derniers temps - la mère de Lucy, le père d'Arthur, et maintenant….

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Je dois les relayer dans un quart d'heure, et j'enregistre ceci sur le phonographe de Lucy. Jusqu'à six heures ils essaieront de se reposer. Je crains que demain ne s'achève notre garde, car le choc qu'elle a eu est trop grand. La pauvre enfant ne s'en remet pas. Que Dieu nous protège tous. LETTRE DE MINA HARKER à LUCY WESTENRA (non décachetée par sa destinataire) 17 septembre Ma chère Lucy, Cela fait une éternité que je n'ai pas reçu de tes nouvelles, ou du moins depuis que je t'ai écrit la dernière fois. Tu me pardonneras, je le sais, toutes mes fautes, quand tu sauras tout ce qui m'est arrivé… Eh bien, j'ai ramené mon mari sain et sauf; et à notre arrivée à Exeter il y avait un attelage qui nous attendait, et à l'intérieur, malgré son attaque de goutte, Mister Hawkins. Il nous conduisit à sa propre maison, où il avait préparé pour nous des chambres coquettes et confortables, et nous dinâmes ensemble. Après le diner, Mister Hawkins dit : « Mes chers amis, je veux boire à votre santé et à votre prospérité - que toutes les bénédictions vous soient accordées à tous les deux. Je vous connais, tous les deux, depuis l'enfance, et je vous ai vus grandir avec un sentiment d'amour et de fierté. Aujourd'hui, j'aimerais que vous partagiez ma maison. Je ne laisse derrière moi aucune femme, aucun enfant - car tous sont partis - et dans mon testament je vous lègue tout ce que je possède. » Je pleurai, ma chère Lucy, tandis que Jonathan serrait les mains du vieil homme. Notre soirée fut vraiment très heureuse. Alors nous voici installés dans cette belle vieille demeure, et depuis ma chambre et le salon, je peux voir les grands ormes du jardin de la cathédrale, leurs larges troncs noirs tranchant sur le jaune vieilli des pierres, et je peux entendre les corbeaux, dans les hauteurs, croasser, croasser, discuter et murmurer toute la journée, à la manière des corbeaux - et des humains. So here we are, in this beautiful old house, and from my bedroom and the living room, I can see the great elms of the cathedral garden, their broad black trunks standing out against the aged yellow of the stones, and I can hear the crows, high above, cawing, cawing, chattering and murmuring all day long, just like crows - and humans. Je suis occupée, comme tu peux t'en douter, à arranger nos affaires et à tenir la maison. Jonathan et Mister Hawkins travaillent toute la journée; car maintenant que Jonathan est son associé, Mister Hawkins veut lui transmettre toutes les informations relatives aux clients. Comment va ta chère mère ? J'aimerais pouvoir m'échapper en ville pour un jour ou deux, afin de te voir, ma chère, mais je n'ose pas partir encore, avec tant de choses qui reposent sur mes épaules; et Jonathan a encore besoin qu'on veille sur lui. Il commence à reprendre du poids, mais il a été terriblement affaibli par sa longue maladie; encore maintenant, il lui arrive de se réveiller en sursaut, tout tremblant, jusqu'à ce que j'arrive à lui faire retrouver son calme. Cependant, Dieu merci, ces crises semblent s'espacer à mesure que les jours passent - et je suis sûre qu'un jour, elles disparaîtront tout à fait. Et maintenant que je t'ai donné mes nouvelles, laisse-moi te demander des tiennes. Quand dois-tu te marier, et où, qui doit officier à la cérémonie, quelle robe vas-tu porter, et cela doit-il être un mariage privé ou public ? Dis-moi tout, ma chère, raconte moi tous les détails, car tout ce qui t'intéresse est important pour moi. Jonathan me dit de t'envoyer ses « salutations respectueuses », mais je crois que cela ne convient pas pour un jeune associé de l'importante firme « Hawkins et Harker », et donc, comme tu m'aimes, qu'il m'aime, et que je t'aime sur tous les modes et à tous les temps, je t'envoie plutôt simplement ses « amitiés ». Au-revoir, ma chère Lucy, que Dieu te bénisse ! Bien à toi, Mina Harker

Rapport de Patrick Hennessey, Docteur en Médecine, Membre du Collège Royal de Chirurgie, etc., etc. à John Seward, Docteur en médecine. 20 septembre Mon cher Sir, Conformément à vos volontés, voici un état de toutes les affaires que vous avez bien voulu laisser à ma charge. Concernant le patient Renfield, il y a beaucoup à dire. Il a eu une nouvelle crise, qui aurait pu avoir de terribles conséquences, mais qui, bien heureusement, n'a finalement amené aucun résultat fâcheux. Cet après-midi, deux hommes conduisant un chariot sont venus à la maison abandonnée sur le terrain qui jouxte le nôtre – la maison vers laquelle, vous vous en souvenez, le patient s'est déjà enfui deux fois. Les deux hommes s'arrêtèrent pour demander leur chemin à notre portier, car ils n'étaient pas d'ici. Je regardais moi-même à la fenêtre de mon bureau à ce moment, car je fumais mon cigare après le repas, et je vis l'un d'eux qui montait vers la maison ; et lorsqu'il passa devant la fenêtre de Renfield, le patient commença à l'insulter, et à le traiter de tous les noms qui lui venaient à l'esprit. L'autre, qui semblait être un brave homme, se contenta de lui répondre : « Ferme-la, espèce de miteux », sur quoi Renfield l'accusa de l'avoir volé, de vouloir le tuer, et lui dit qu'il ferait tout pour l'arrêter, même s'il devait pour cela se balancer au bout d'une corde. J'ouvris la fenêtre, et fis signe à l'homme de ne pas faire attention à lui. Alors, après avoir observé attentivement autour de lui, il comprit dans quel genre d'endroit il se trouvait et me dit : « Dieu vous garde, Sir, je f'rai pas attention à c'qu'on pourrait m'dire dans une maison d'fous. J'vous plains vous et vot'patron de d'voir vivre avec ces bêtes-là. » Puis il s'enquit poliment de son chemin, et je lui indiquai où trouver la grille qui permettait d'entrer dans la propriété abandonnée. Il s'éloigna, suivi par les menaces et les malédictions de Renfield. Je descendis, pour voir si je pourrais comprendre les raisons de cette colère, car il se conduit généralement en homme bien élevé, et si l'on excepte ses accès de violence, rien de tel n'était jamais arrivé. A mon grand étonnement, je le trouvai parfaitement calme et même de manières très agréables. J'essayai de l'amener à parler de l'incident, mais il me demanda platement de quoi je voulais parler, ce qui me convainquit qu'il ignorait tout de cette histoire. J'ai le regret de dire, toutefois, qu'il ne s'agissait là que d'une nouvelle manifestation de son astuce ; en effet moins d'une demi-heure plus tard, j'entendais à nouveau parler de lui. Cette fois, il s'était échappé par la fenêtre de sa chambre, et dévalait l'allée en courant. J'appelai les surveillants et nous nous lançâmes à sa poursuite ; je craignais qu'il ne fasse quelque nouvelle bêtise. Ma peur se trouva justifiée quand je vis le même chariot redescendre la route, chargé maintenant de grandes caisses de bois. Les hommes s'épongeaient le front, et leur visage était rouge, comme après un intense exercice physique. Avant que je ne puisse le rejoindre, il se précipita sur eux, et tirant l'un des hommes hors du chariot, commença à lui frapper la tête contre le sol. Si je ne m'étais pas saisi de lui à ce moment, je crois bien qu'il l'aurait tué sur-le-champ. Le second homme sauta à terre, et le frappa à la tête à l'aide du manche de son grand fouet. C'était un coup terrible, mais Renfield ne sembla même pas s'en rendre compte ; au contraire, il l'empoigna à son tour, et se mit à se battre avec nous trois en même temps, nous secouant dans tous les sens comme si nous étions des chatons. Vous savez que je ne suis pas un gringalet, et les deux autres étaient aussi des hommes robustes. Au début, il se battit sans rien dire, mais tandis que nous commencions à le maîtriser, et que les surveillants lui enfilaient une camisole de force, il se mit à crier : « Je déjouerai leurs plans ! Ils ne peuvent pas me voler ! Ils ne peuvent pas m'assassiner à petit feu ! Je me battrai pour mon Seigneur et Maître ! » et autres divagations incohérentes. Ce fut avec de considérables difficultés qu'ils parvinrent à le ramener à l'institut et à l'enfermer dans la chambre capitonnée. L'un des surveillants, Hardy, eut un doigt démis ; toutefois, je le lui remis en place et il se porte maintenant très bien. Les deux transporteurs nous menacèrent d'abord vivement de porter l'affaire devant les tribunaux, et de faire s'abattre sur nous toutes les sanctions imaginables. Toutefois, ces menaces étaient tempérées par le fait qu'ils n'étaient pas fiers d'avoir été dominés par un pauvre fou. Ils dirent que s'ils n'avaient pas épuisé toutes leurs forces à transporter les lourdes caisses dans le chariot, ils auraient rapidement eu raison de lui. Ils donnèrent une autre raison à leur défaite : la soif extraordinaire qu'ils éprouvaient après leur travail dans la poussière, et l'absence de tout débit de boisson aux environs. Je compris parfaitement cette allusion, et après un bon verre de grog, ou plutôt deux, et un souverain en poche, ils oublièrent vite l'attaque, et jurèrent même qu'ils rencontreraient volontiers un fou plus dangereux encore, si cela leur valait le plaisir de faire la connaissance d'un « sacré chic type » comme votre correspondant. Je pris leurs nom et adresse, au cas où. Les voici : Jack Smollet, de Dudding's Rent, King George's Road, Great Walworth, et Thomas Snelling, Peter Farley's Row, Guide Court, Bethnal Green. Ce sont deux employés de Harris et fils, société de transport de marchandises, Orange Master's Yard, Soho.

Je vous rapporterai tout ce qui se passera ici et qui présentera un intérêt, et je vous télégraphierai immédiatement si c'est nécessaire. Veuillez me croire, cher Monsieur, votre fidèle Patrick Hennessey. Lettre de Mina Harker à Lucy Westenra (non-décachetée par la destinataire) 18 septembre Ma très chère Lucy, Une vague de tristesse est tombée sur nous. Mister Hawkins est mort très soudainement. Certains penseront peut-être que cela n'est pas triste pour nous, mais nous nous étions tellement attachés à lui que nous avons l''impression de perdre un père. Je n'ai jamais connu de père ni de mère, aussi la mort du cher homme est un grand choc pour moi. Jonathan est très perturbé. Ce n'est pas seulement qu'il éprouve du chagrin, un chagrin profond, parce que le cher vieillard s'était montré amical avec lui pendant toute sa vie, et à la fin, l'avait traité comme son propre fils, et lui avait laissé un bien qui, pour nos origines modestes, représente une fortune inimaginable… Jonathan ressent ce deuil aussi d'une autre manière. Il dit que les responsabilités que tout cela lui fait endosser le rendent nerveux. Il commence à douter de lui-même. J'essaie de le réconforter, et ma confiance en lui l'aide à retrouver un peu de confiance en lui-même. Mais c'est là la plus grave conséquence de ce choc terrible dont il a fait l'expérience . Oh, quelle pitié qu'une nature douce, simple, noble et forte comme la sienne - une nature qui lui a permis, avec l'aide de notre cher ami, de s'élever en quelques années de la condition de clerc à celle d'avoué - soit à ce point affaiblie, que l'essentiel de ses forces ait disparu... Pardonne-moi, ma chère, d'assombrir ton bonheur avec mes inquiétudes personnelles, mais, ma chère Lucy, je dois en parler à quelqu'un, car l'effort pour conserver une apparence courageuse et chaleureuse me coûte beaucoup, et je n'ai ici personne à qui me confier. Je redoute de venir à Londres, ce que nous devons faire après-demain, car le pauvre Mister Hawkins a stipulé dans son testament qu'il souhaitait être enterré dans le caveau de son père. Comme il n'a plus aucun parent, Jonathan devra mener le cortège. J'essaierai de trouver un moment pour te voir, ma très chère, même pour quelques minutes. Excuse-moi de te troubler ainsi. Bien Affectueusement, Mina Harker Journal du Docteur Seward 20 septembre

Seules l'habitude et la détermination peuvent me permettre d'enregistrer quelque chose ce soir. Je suis si malheureux, si abattu, si fatigué du monde et de tout ce qu'il contient, y compris de la vie elle-même, qu'il me serait parfaitement indifférent à cette heure d'être frôlé par les ailes de l'Ange de la Mort. Et ces ailes sinistres, il les a beaucoup agitées ces derniers temps - la mère de Lucy, le père d'Arthur, et maintenant….