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Bram Stoker - Dracula, Part (10)

Part (10)

Je n'aurai sans doute pas le plaisir de discuter avec vous ce soir, car de nombreuses tâches m'attendent ; mais allez dormir, je vous en prie. » Je passai dans ma chambre et me mis au lit, et, chose étrange, je dormis d'un sommeil sans rêves. Le désespoir est parfois pourvoyeur d'apaisement. 31 mai Ce matin en m'éveillant, je me dis que je devrais prendre dans mon sac du papier et des enveloppes, et les garder dans ma poche, afin d'être en mesure d'écrire si j'en avais l'opportunité, mais à nouveau, ce fut la surprise, le choc ! Toutes les feuilles de papier avaient disparu, et avec elles toutes mes notes, mon indicateur des chemins de fer, ma lettre d'introduction ; en fait, tout ce qui aurait pu m'être utile si je pouvais sortir du château. Je m'assis, et pris un moment pour réfléchir ; et alors une pensée me vint à l'esprit, et je me mis à la recherche de ma malle, et fouillai la garde-robe où j'avais placé mes vêtements. Mon habit de voyage avait disparu, et aussi mon manteau et ma couverture ; je ne pus en trouver aucune trace nulle part. Voilà qui ressemblait à un nouveau et cruel stratagème… 17 juin

Ce matin, tandis que j'étais assis au bord de mon lit, occupé à me torturer l'esprit, j'entendis au-dehors le claquement d'un fouet, et le martèlement des sabots de chevaux sur le sentier rocheux derrière la cour. Transporté de joie, je me précipitai à la fenêtre, et vis rentrer dans la cour, deux grands chariots, chacun tiré par huit robustes chevaux. Ils étaient conduits par deux Slovaques, avec leur grand chapeau, leur grande ceinture cloutée, une peau de mouton sale et de hautes bottes. Ils avaient aussi leur grande hache à la main. Je courus à la porte, espérant pouvoir les rejoindre en passant par le grand hall, pensant qu'on avait dû l'ouvrir pour eux. Mais à nouveau, ce fut un choc : la porte de ma chambre était fermée de l'extérieur. Alors je courus à la fenêtre et me mis à crier. Ils levèrent les yeux et me regardèrent stupidement, se contant de me montrer du doigt, mais alors, le « hetman » des tziganes arriva, et voyant qu'ils désignaient du doigt ma fenêtre, il dit quelque chose, et ils se mirent à rire. Par la suite, aucun effort de ma part, aucun cri désespéré, aucune supplication ne put m'obtenir ne fut-ce qu'un regard de leur part. Ils se détournaient volontairement de moi. Les chariots contenaient de grandes boites carrées, avec d'épaisses poignées de corde ; elles étaient visiblement vides, car les Slovaques les portaient sans peine, et elles résonnaient tandis qu'on les déplaçait sans ménagement. Quand elles furent toutes déchargées, et empilées en un gros tas dans un coin de la cour, les Tziganes donnèrent de l'argent aux Slovaques, et ces derniers, après avoir craché sur les pièces pour attirer la chance, retournèrent nonchalamment près de leurs chevaux. Peu après, j'entendis le claquement de leurs fouets s'évanouir au loin. 24 juin, avant l'aube La nuit dernière, le Comte m'a quitté tôt, et s'est enfermé dans sa propre chambre. Dès que je l'osai, je montai en hâte l'escalier en colimaçon, et regardai par la fenêtre qui donnait sur le sud. Je voulais surveiller le Comte, car j'avais l'impression qu'il se passait quelque chose. Les Tziganes sont quelque part dans le château, et effectuent un certain travail. Je le sais, car de temps en temps, j'entends le son lointain et étouffé de houes et de pelles ; je ne sais pas de quoi il s'agit, mais il s'agit encore sans doute d'une abominable infamie. Je restai à la fenêtre un peu moins d'une demi-heure, quand je vis quelque chose sortir de la fenêtre du Comte. Je me reculai et regardai attentivement, et je le vis sortir entièrement. Ce fut un nouveau choc pour moi de constater qu'il portait les vêtements que j'avais mis pour venir ici, et qu'il portait en bandoulière ce sac terrible que j'avais vu les femmes emporter. Il ne pouvait y avoir aucun doute quant à son but, et tout cela avec mes vêtements, qui plus est ! Voilà donc quelle était sa nouvelle diablerie : permettre aux autres de me voir moi, penseraient-ils, afin qu'il puisse prouver qu'on m'avait vu en ville ou dans un village poster mes lettres, mais aussi, afin qu'on m'attribue toutes les horreurs qu'il pourrait perpétrer. J'enrage à l'idée que tout cela se déroule tandis que je suis assis là, véritablement prisonnier, mais sans la protection de la loi, qui est à la fois le droit et la consolation du prisonnier, même pour le criminel. Je pensais attendre le retour du Comte, et pendant un long moment, je restais résolument à la fenêtre. Puis je remarquai d'étranges petits points qui flottaient dans les rayons de la lune. C'était comme de minuscules grains de poussière, qui tourbillonnaient et se rassemblaient en nuées vaporeuses. J'éprouvais une sorte d'apaisement et de calme à les contempler. Je m'installai dans l'embrasure de la fenêtre dans une position plus confortable, afin de mieux jouir de ballet nocturne. Quelque chose me fit sursauter, le hurlement sourd et pitoyable de chiens quelque part dans la vallée, hors de ma vue. Le son gagna en clarté, et les grains de poussière qui flottaient dans le ciel se mirent à dessiner de nouvelles formes en dansant dans le clair de lune. Quant à moi, je sentais que je combattais pour réveiller en moi des instincts endormis ; non, c'était mon âme elle-même qui luttait, et des sentiments à demi oubliés s'efforçaient de répondre à cet appel. J'étais hypnotisé ! Les poussières dansaient de plus en plus vite, et les rayons de lune qui arrivaient sur moi semblaient trembler en franchissant cette masse frissonnante, qui s'agglomérait de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle semble prendre des formes fantomatiques. Et alors je sursautai, maintenant pleinement éveillé et en pleine possession de mes sens, et je m'enfuis en criant. Les formes spectrales, qui se matérialisaient graduellement sous les rayons de la lune, étaient celles de ces trois femmes de l'au-delà auxquelles j'étais maintenant lié. Je m'enfuis, et retrouvai quelque sentiment de sécurité dans ma propre chambre, où la lumière de la lune n'entrait pas, et où la lampe brillait avec éclat. Après environ deux heures, j'entendis un bruit troublant dans la chambre du Comte, quelque chose comme un gémissement aigu vite réprimé. Puis ce fut le silence, un silence profond et affreux, qui me glaça le sang. Le cœur battant, j'essayai d'ouvrir la porte, mais j'étais enfermé, et ne pouvais rien faire. Je m'assis, et me mis simplement à pleurer.

Tandis que j'étais assis, j'entendis un son dans la cour au-dehors, un terrible cri de femme. Je courus à la fenêtre, et je me penchai pour regarder à travers les barreaux. Et je vis en effet une femme, les cheveux en désordre, portant les mains à son cœur comme si elle avait couru à perdre haleine. Elle s'appuyait contre le coin de la grille. Quand elle vit mon visage à la fenêtre, elle se lança en avant et lança, d'une voix lourde de menace : « Monstre ! Rendez-moi mon enfant ! » Elle se jeta à genoux, puis, levant les mains, cria à nouveau les mêmes mots d'un ton qui me déchira le cœur. Puis elle se tordit les cheveux et se frappa la poitrine, et s'abandonna aux violences les plus extravagantes que lui inspirait son émotion. Finalement, elle s'avança, et bien que je ne pusse la voir, je l'entendis frapper de ses mains nues la porte d'entrée. Haut au-dessus de moi, probablement dans la tour, j'entendis la voix du Comte. Il appelait de son ton dur et métallique. A son appel sembla répondre, dans le lointain, le hurlement des loups. Après seulement quelques minutes, une horde surgit et déferla, comme l'eau surgissant d'un barrage rompu, à travers la large entrée de la cour. La femme ne cria pas, et le hurlement des loups ne dura pas longtemps. Avant peu ils s'éloignèrent l'un après l'autre, en se léchant les babines. Je ne pouvais pas la plaindre, car je savais maintenant ce qu'il était advenu de son enfant, et il valait mieux qu'elle meure. Que faire ? Que puis-je faire ? Comment m'échapper de ce lieu monstrueux de ténèbres et de terreur ? 25 juin, au matin – Nul homme ne peut savoir, tant qu'il n'a pas affronté la nuit, combien est douce et chère à son cœur la venue du matin. Quand le soleil fut suffisamment haut dans le ciel pour venir frapper le haut de la grande porte qui faisait face à ma fenêtre, il me semblait que c'était comme si la colombe de l'arche s'y posait. Ma peur s'évanouit comme s'il se fût agi d'un vêtement diaphane se dissolvant dans la chaleur. Il me faut agir d'une façon ou d'une autre tant que je ressens en moi le courage que me donne le jour. La nuit dernière, l'une de mes lettres antidatées a été postée : la première de cette fatale série qui doit effacer de la surface de la terre toute trace de mon existence. N'y pensons plus, il faut agir ! Chaque fois que je me suis senti maltraité ou menacé, ou que j'ai ressenti la peur, c'était la nuit. Je n'ai encore jamais vu le Comte à la lumière du jour. Se pourrait-il qu'il dorme, tandis que les autres sont éveillés, et qu'il soit éveillé quand ils dorment à leur tour ? Si seulement je pouvais pénétrer dans sa chambre ! Mais c'est impossible. La porte est toujours fermée à clé, il n'y a pas moyen. Si, il y a un moyen, si j'ose m'y risquer. Là où le Comte peut se rendre, pourquoi un autre ne pourrait-il pas aller ? Je l'ai vu sortir de cette fenêtre en rampant. Pourquoi ne pourrais-je l'imiter, et rentrer par cette même fenêtre ? C'est une entreprise sans espoir, mais ma situation l'est plus encore. Je vais tenter la chose. Au pire, je pourrais trouver la mort, mais la mort d'un homme n'est pas celle d'une bête, et la porte de l'au-delà me sera peut-être encore ouverte. Que Dieu m'assiste ! Adieu, Mina, si j'échoue ! Adieu, mon ami fidèle et second père, adieu vous tous, et enfin adieu Mina ! Le même jour, un peu plus tard – J'ai tenté la chose, et, avec l'aide de Dieu, je suis parvenu à revenir sain et sauf dans cette pièce. Je dois rapporter dans l'ordre chaque détail de mon aventure. Tant que mon courage était ferme, je suis allé droit à la fenêtre sud, et sans attendre je suis sorti, prenant appui sur l'étroite margelle de pierre qui de ce côté, court tout le long du bâtiment. Les pierres sont grandes et grossièrement taillées, et le mortier entre elles a depuis longtemps été emporté par le passage des années. J'enlevai mes bottes, et m'aventurai au-dehors sans beaucoup d'espoir. Une seule fois je regardai vers le bas, pour m'assurer que je pourrais résister si d'aventure je jetais un regard dans cet horrible précipice, mais par la suite, je me gardai bien de recommencer. Je savais très bien dans quelle direction et à quelle distance se trouvait la fenêtre du Comte, et je m'y rendis comme je le pus, profitant de toutes les opportunités que je trouvais. Je n'avais pas le vertige – je suppose que j'étais trop excité – et je me retrouvai sur le rebord de la fenêtre après un temps qui me sembla ridiculement court, essayant de relever la fenêtre à guillotine. J'étais très agité, toutefois, quand je me courbai et passai par la fenêtre, les pieds en premier. Alors, je regardai autour de moi, cherchant le Comte, mais je fis une découverte qui m'emplit de joie : la pièce était

vide ! Elle était sommairement décorée, et les meubles, qui étaient à peu près les mêmes que dans les chambres du sud, étaient couverts de poussière et semblaient n'avoir jamais été utilisés. Je cherchai la clé, mais elle n'était pas dans la serrure, et je ne pus la trouver nulle part.

Part (10) Anteil (10) Part (10) Parte (10) Parte (10)

Je n'aurai sans doute pas le plaisir de discuter avec vous ce soir, car de nombreuses tâches m'attendent ; mais allez dormir, je vous en prie. I'm sure I won't have the pleasure of chatting with you this evening, as I've got a lot of work to do, but please get some sleep. » Je passai dans ma chambre et me mis au lit, et, chose étrange, je dormis d'un sommeil sans rêves. "I went to my room and got into bed, and, strangely enough, I slept a dreamless sleep. Le désespoir est parfois pourvoyeur d'apaisement. Despair is sometimes a source of appeasement. 31 mai Ce matin en m'éveillant, je me dis que je devrais prendre dans mon sac du papier et des enveloppes, et les garder dans ma poche, afin d'être en mesure d'écrire si j'en avais l'opportunité, mais à nouveau, ce fut la surprise, le choc ! May 31 When I woke up this morning, I said to myself that I should take some paper and envelopes from my bag and keep them in my pocket, so as to be able to write if I had the opportunity, but once again, it was a surprise, a shock! Toutes les feuilles de papier avaient disparu, et avec elles toutes mes notes, mon indicateur des chemins de fer, ma lettre d'introduction ; en fait, tout ce qui aurait pu m'être utile si je pouvais sortir du château. All the sheets of paper were gone, and with them all my notes, my railroad timetable, my letter of introduction; in fact, everything that might have been useful to me if I could get out of the castle. Todas las hojas de papel habían desaparecido, y con ellas todas mis notas, mi horario de trenes, mi carta de presentación; de hecho, todo lo que podría haberme sido útil si hubiera podido salir del castillo. Tutti i fogli erano spariti, e con essi tutti i miei appunti, il mio orario ferroviario, la mia lettera di presentazione; in realtà, tutto ciò che avrebbe potuto essermi utile se fossi riuscito a uscire dal castello. Je m'assis, et pris un moment pour réfléchir ; et alors une pensée me vint à l'esprit, et je me mis à la recherche de ma malle, et fouillai la garde-robe où j'avais placé mes vêtements. I sat down, and took a moment to think; and then a thought occurred to me, and I went in search of my trunk, and searched the closet where I had placed my clothes. Mon habit de voyage avait disparu, et aussi mon manteau et ma couverture ; je ne pus en trouver aucune trace nulle part. Voilà qui ressemblait à un nouveau et cruel stratagème… 17 juin It seemed like a cruel new ploy... June 17

Ce matin, tandis que j'étais assis au bord de mon lit, occupé à me torturer l'esprit, j'entendis au-dehors le claquement d'un fouet, et le martèlement des sabots de chevaux sur le sentier rocheux derrière la cour. This morning, as I sat on the edge of my bed, torturing my mind, I heard the crack of a whip outside, and the pounding of horses' hooves on the rocky path behind the courtyard. Questa mattina, mentre ero seduto sul bordo del letto a torturare la mia mente, ho sentito lo schiocco di una frusta e il rumore degli zoccoli dei cavalli sul sentiero roccioso dietro il cortile. Transporté de joie, je me précipitai à la fenêtre, et vis rentrer dans la cour, deux grands chariots, chacun tiré par huit robustes chevaux. Ils étaient conduits par deux Slovaques, avec leur grand chapeau, leur grande ceinture cloutée, une peau de mouton sale et de hautes bottes. They were led by two Slovaks, with their big hats, big studded belts, dirty sheepskins and high boots. Ils avaient aussi leur grande hache à la main. They also carried their big axes. Je courus à la porte, espérant pouvoir les rejoindre en passant par le grand hall, pensant qu'on avait dû l'ouvrir pour eux. I ran to the door, hoping to reach them through the great hall, thinking it must have been opened for them. Mais à nouveau, ce fut un choc : la porte de ma chambre était fermée de l'extérieur. Alors je courus à la fenêtre et me mis à crier. So I ran to the window and started screaming. Ils levèrent les yeux et me regardèrent stupidement, se contant de me montrer du doigt, mais alors, le « hetman » des tziganes arriva, et voyant qu'ils désignaient du doigt ma fenêtre, il dit quelque chose, et ils se mirent à rire. They looked up and stared at me stupidly, just pointing, but then the "hetman" of the gypsies arrived, and seeing that they were pointing at my window, he said something, and they started laughing. Par la suite, aucun effort de ma part, aucun cri désespéré, aucune supplication ne put m'obtenir ne fut-ce qu'un regard de leur part. After that, no effort on my part, no desperate cry, no pleading could get me so much as a glance from them. Dopodiché, nessuno sforzo da parte mia, nessun grido disperato, nessuna supplica riuscì ad ottenere da loro anche solo uno sguardo. Ils se détournaient volontairement de moi. They were willingly turning away from me. Si sono deliberatamente allontanati da me. Les chariots contenaient de grandes boites carrées, avec d'épaisses poignées de corde ; elles étaient visiblement vides, car les Slovaques les portaient sans peine, et elles résonnaient tandis qu'on les déplaçait sans ménagement. The carts contained large square boxes, with thick rope handles; they were obviously empty, as the Slovaks carried them effortlessly, and they resonated as they were ruthlessly moved. Quand elles furent toutes déchargées, et empilées en un gros tas dans un coin de la cour, les Tziganes donnèrent de l'argent aux Slovaques, et ces derniers, après avoir craché sur les pièces pour attirer la chance, retournèrent nonchalamment près de leurs chevaux. When they were all unloaded, and piled in a big heap in a corner of the yard, the gypsies gave the Slovaks some money, and the latter, after spitting on the coins to attract luck, returned nonchalantly to their horses. Peu après, j'entendis le claquement de leurs fouets s'évanouir au loin. Shortly afterwards, I heard the crack of their whips fade into the distance. 24 juin, avant l'aube La nuit dernière, le Comte m'a quitté tôt, et s'est enfermé dans sa propre chambre. June 24, before dawn Last night, the Count left me early and locked himself in his own room. Dès que je l'osai, je montai en hâte l'escalier en colimaçon, et regardai par la fenêtre qui donnait sur le sud. As soon as I dared, I hurried up the spiral staircase and looked out of the south-facing window. Je voulais surveiller le Comte, car j'avais l'impression qu'il se passait quelque chose. I wanted to keep an eye on the Count, because I had a feeling something was up. Les Tziganes sont quelque part dans le château, et effectuent un certain travail. The gypsies are somewhere in the castle, doing some work. Je le sais, car de temps en temps, j'entends le son lointain et étouffé de houes et de pelles ; je ne sais pas de quoi il s'agit, mais il s'agit encore sans doute d'une abominable infamie. I know, because from time to time I hear the distant, muffled sound of hoes and shovels; I don't know what it's about, but it's undoubtedly another abominable infamy. Je restai à la fenêtre un peu moins d'une demi-heure, quand je vis quelque chose sortir de la fenêtre du Comte. I stood at the window for just under half an hour, when I saw something emerge from the Count's window. Je me reculai et regardai attentivement, et je le vis sortir entièrement. I stepped back and looked carefully, and saw him come out entirely. Ce fut un nouveau choc pour moi de constater qu'il portait les vêtements que j'avais mis pour venir ici, et qu'il portait en bandoulière ce sac terrible que j'avais vu les femmes emporter. It was another shock for me to see that he was wearing the clothes I'd put on to get here, and that he was slung over his shoulder that terrible bag I'd seen the women carry. Il ne pouvait y avoir aucun doute quant à son but, et tout cela avec mes vêtements, qui plus est ! There could be no doubt as to his purpose, and all this in my clothes, no less! Voilà donc quelle était sa nouvelle diablerie : permettre aux autres de me voir moi, penseraient-ils, afin qu'il puisse prouver qu'on m'avait vu en ville ou dans un village poster mes lettres, mais aussi, afin qu'on m'attribue toutes les horreurs qu'il pourrait perpétrer. So this was his new diablerie: allowing others to see me, they would think, so that he could prove that I had been seen in town or in a village posting my letters, but also, so that I could be blamed for any horrors he might perpetrate. Questa era dunque la sua nuova diablerie: permettere ad altri di vedermi, pensavano, in modo da poter dimostrare che ero stato visto in città o in un villaggio mentre imbucavo le mie lettere, ma anche per potermi incolpare di eventuali orrori che avrebbe potuto perpetrare. J'enrage à l'idée que tout cela se déroule tandis que je suis assis là, véritablement prisonnier, mais sans la protection de la loi, qui est à la fois le droit et la consolation du prisonnier, même pour le criminel. It infuriates me that all this is going on while I sit here, truly a prisoner, but without the protection of the law, which is both the right and the consolation of the prisoner, even for the criminal. Je pensais attendre le retour du Comte, et pendant un long moment, je restais résolument à la fenêtre. I thought I'd wait for the Count to return, and for a long time I remained resolutely at the window. Puis je remarquai d'étranges petits points qui flottaient dans les rayons de la lune. Then I noticed strange little dots floating in the moon's rays. C'était comme de minuscules grains de poussière, qui tourbillonnaient et se rassemblaient en nuées vaporeuses. They were like tiny specks of dust, swirling and gathering into vaporous clouds. J'éprouvais une sorte d'apaisement et de calme à les contempler. I felt a kind of peace and calm contemplating them. Je m'installai dans l'embrasure de la fenêtre dans une position plus confortable, afin de mieux jouir de ballet nocturne. I settled into a more comfortable position in the window embrasure, to better enjoy the nocturnal ballet. Quelque chose me fit sursauter, le hurlement sourd et pitoyable de chiens quelque part dans la vallée, hors de ma vue. Something startled me, the muffled, pitiful howling of dogs somewhere in the valley, out of my sight. Le son gagna en clarté, et les grains de poussière qui flottaient dans le ciel se mirent à dessiner de nouvelles formes en dansant dans le clair de lune. The sound gained in clarity, and the grains of dust floating in the sky began to draw new shapes as they danced in the moonlight. Quant à moi, je sentais que je combattais pour réveiller en moi des instincts endormis ; non, c'était mon âme elle-même qui luttait, et des sentiments à demi oubliés s'efforçaient de répondre à cet appel. As for me, I felt I was fighting to awaken dormant instincts; no, it was my soul itself that was struggling, and half-forgotten feelings were striving to answer this call. J'étais hypnotisé ! Les poussières dansaient de plus en plus vite, et les rayons de lune qui arrivaient sur moi semblaient trembler en franchissant cette masse frissonnante, qui s'agglomérait de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle semble prendre des formes fantomatiques. The dust danced faster and faster, and the moonbeams that fell on me seemed to tremble as they passed over the shivering mass, which grew more and more agglomerated, until it seemed to take on ghostly forms. Et alors je sursautai, maintenant pleinement éveillé et en pleine possession de mes sens, et je m'enfuis en criant. And then I gasped, now fully awake and in full possession of my senses, and ran away screaming. Poi sono saltata, ormai completamente sveglia e in pieno possesso dei miei sensi, e sono corsa via urlando. Les formes spectrales, qui se matérialisaient graduellement sous les rayons de la lune, étaient celles de ces trois femmes de l'au-delà auxquelles j'étais maintenant lié. The spectral forms, gradually materializing under the moon's rays, were those of the three otherworldly women to whom I was now linked. Je m'enfuis, et retrouvai quelque sentiment de sécurité dans ma propre chambre, où la lumière de la lune n'entrait pas, et où la lampe brillait avec éclat. I fled, and found some sense of security in my own room, where the moonlight did not enter, and the lamp shone brightly. Fuggii e trovai un po' di sicurezza nella mia stanza, dove non entrava la luce della luna e dove la lampada brillava intensamente. Après environ deux heures, j'entendis un bruit troublant dans la chambre du Comte, quelque chose comme un gémissement aigu vite réprimé. After about two hours, I heard a disturbing noise in the Count's room, something like a high-pitched moan that was quickly suppressed. Puis ce fut le silence, un silence profond et affreux, qui me glaça le sang. Then there was silence, a deep, awful silence that made my blood run cold. Le cœur battant, j'essayai d'ouvrir la porte, mais j'étais enfermé, et ne pouvais rien faire. With my heart pounding, I tried to open the door, but I was locked in and couldn't do anything. Je m'assis, et me mis simplement à pleurer. I sat down and simply began to cry.

Tandis que j'étais assis, j'entendis un son dans la cour au-dehors, un terrible cri de femme. As I sat there, I heard a sound in the courtyard outside, a terrible woman's scream. Je courus à la fenêtre, et je me penchai pour regarder à travers les barreaux. I ran to the window and leaned out to peer through the bars. Et je vis en effet une femme, les cheveux en désordre, portant les mains à son cœur comme si elle avait couru à perdre haleine. And indeed I saw a woman, her hair in disarray, holding her hands to her heart as if she'd been running for breath. Elle s'appuyait contre le coin de la grille. She leaned against the corner of the gate. Era appoggiata all'angolo del cancello. Quand elle vit mon visage à la fenêtre, elle se lança en avant et lança, d'une voix lourde de menace : « Monstre ! When she saw my face at the window, she lunged forward and shouted, in a voice heavy with menace: "Monster! Rendez-moi mon enfant ! » Elle se jeta à genoux, puis, levant les mains, cria à nouveau les mêmes mots d'un ton qui me déchira le cœur. "She threw herself on her knees, then, raising her hands, shouted the same words again in a tone that tore at my heart. Puis elle se tordit les cheveux et se frappa la poitrine, et s'abandonna aux violences les plus extravagantes que lui inspirait son émotion. Then she twisted her hair and beat her chest, and gave in to the most extravagant violence inspired by her emotion. Finalement, elle s'avança, et bien que je ne pusse la voir, je l'entendis frapper de ses mains nues la porte d'entrée. Finally, she stepped forward, and although I couldn't see her, I could hear her bare hands banging on the front door. Finalmente, se acercó y, aunque no podía verla, oí cómo golpeaba con sus manos desnudas la puerta principal. Haut au-dessus de moi, probablement dans la tour, j'entendis la voix du Comte. High above me, probably in the tower, I heard the Count's voice. Il appelait de son ton dur et métallique. He called in his hard, metallic tone. A son appel sembla répondre, dans le lointain, le hurlement des loups. His call seemed to be answered by the howling of wolves in the distance. Après seulement quelques minutes, une horde surgit et déferla, comme l'eau surgissant d'un barrage rompu, à travers la large entrée de la cour. After just a few minutes, a horde of them burst through the wide entrance to the courtyard, like water surging from a broken dam. Dopo pochi minuti, un'orda di persone ha fatto irruzione dall'ampio ingresso del cortile come l'acqua di una diga rotta. La femme ne cria pas, et le hurlement des loups ne dura pas longtemps. Avant peu ils s'éloignèrent l'un après l'autre, en se léchant les babines. Before long, they moved away one after the other, licking their lips. Je ne pouvais pas la plaindre, car je savais maintenant ce qu'il était advenu de son enfant, et il valait mieux qu'elle meure. I couldn't feel sorry for her, because now I knew what had happened to her child, and it was better for her to die. Que faire ? What to do? ¿Qué puedo hacer? Que puis-je faire ? What can I do? Comment m'échapper de ce lieu monstrueux de ténèbres et de terreur ? 25 juin, au matin – Nul homme ne peut savoir, tant qu'il n'a pas affronté la nuit, combien est douce et chère à son cœur la venue du matin. June 25, morning - No man can know, until he has faced the night, how sweet and dear to his heart the coming of morning is. Quand le soleil fut suffisamment haut dans le ciel pour venir frapper le haut de la grande porte qui faisait face à ma fenêtre, il me semblait que c'était comme si la colombe de l'arche s'y posait. When the sun was high enough in the sky to hit the top of the big door facing my window, it seemed as if the dove from the ark was landing there. Ma peur s'évanouit comme s'il se fût agi d'un vêtement diaphane se dissolvant dans la chaleur. My fear vanished as if it had been a diaphanous garment dissolving in the heat. Il me faut agir d'une façon ou d'une autre tant que je ressens en moi le courage que me donne le jour. I have to act somehow as long as I feel the courage that the day gives me. La nuit dernière, l'une de mes lettres antidatées a été postée : la première de cette fatale série qui doit effacer de la surface de la terre toute trace de mon existence. Last night, one of my backdated letters was mailed: the first of the fatal series that will wipe all traces of my existence from the face of the earth. N'y pensons plus, il faut agir ! Let's stop thinking about it and start acting! Chaque fois que je me suis senti maltraité ou menacé, ou que j'ai ressenti la peur, c'était la nuit. Whenever I felt mistreated or threatened, or felt fear, it was at night. Je n'ai encore jamais vu le Comte à la lumière du jour. I've never seen the Count in daylight. Se pourrait-il qu'il dorme, tandis que les autres sont éveillés, et qu'il soit éveillé quand ils dorment à leur tour ? Si seulement je pouvais pénétrer dans sa chambre ! If only I could get into his room! Mais c'est impossible. La porte est toujours fermée à clé, il n'y a pas moyen. The door is always locked, there's no way. Si, il y a un moyen, si j'ose m'y risquer. Là où le Comte peut se rendre, pourquoi un autre ne pourrait-il pas aller ? Where the Count can go, why shouldn't someone else? Je l'ai vu sortir de cette fenêtre en rampant. I saw him crawl out of that window. Pourquoi ne pourrais-je l'imiter, et rentrer par cette même fenêtre ? Why shouldn't I imitate him, and come in through that same window? C'est une entreprise sans espoir, mais ma situation l'est plus encore. Je vais tenter la chose. Au pire, je pourrais trouver la mort, mais la mort d'un homme n'est pas celle d'une bête, et la porte de l'au-delà me sera peut-être encore ouverte. At worst, I could die, but the death of a man is not the death of a beast, and the door to the beyond may yet be open to me. Que Dieu m'assiste ! God help me! Adieu, Mina, si j'échoue ! Adieu, mon ami fidèle et second père, adieu vous tous, et enfin adieu Mina ! Farewell, my faithful friend and second father, farewell to you all, and finally farewell Mina! Le même jour, un peu plus tard – J'ai tenté la chose, et, avec l'aide de Dieu, je suis parvenu à revenir sain et sauf dans cette pièce. Je dois rapporter dans l'ordre chaque détail de mon aventure. Tant que mon courage était ferme, je suis allé droit à la fenêtre sud, et sans attendre je suis sorti, prenant appui sur l'étroite margelle de pierre qui de ce côté, court tout le long du bâtiment. As long as my courage was firm, I went straight to the south window, and without waiting I climbed out, leaning on the narrow stone coping that runs the length of the building on this side. Finché il mio coraggio fu forte, andai dritto alla finestra sud e senza aspettare uscii, appoggiandomi allo stretto cornicione di pietra che corre lungo l'edificio su questo lato. Les pierres sont grandes et grossièrement taillées, et le mortier entre elles a depuis longtemps été emporté par le passage des années. The stones are large and roughly cut, and the mortar between them has long since been washed away by the passage of time. Le pietre sono grandi e tagliate grossolanamente, e la malta che le separa è stata a lungo lavata via dal passare del tempo. J'enlevai mes bottes, et m'aventurai au-dehors sans beaucoup d'espoir. I took off my boots, and ventured outside without much hope. Une seule fois je regardai vers le bas, pour m'assurer que je pourrais résister si d'aventure je jetais un regard dans cet horrible précipice, mais par la suite, je me gardai bien de recommencer. Only once did I look down, to make sure I'd be able to resist if I happened to glance over that horrible precipice, but after that I was careful not to do it again. Solo una volta guardai in basso, per assicurarmi di poter resistere se mi fosse capitato di gettare uno sguardo su quell'orribile precipizio, ma poi mi guardai bene dal farlo di nuovo. Je savais très bien dans quelle direction et à quelle distance se trouvait la fenêtre du Comte, et je m'y rendis comme je le pus, profitant de toutes les opportunités que je trouvais. I knew very well in which direction and how far away the Count's window was, and I made my way there as best I could, taking advantage of every opportunity I could find. Je n'avais pas le vertige – je suppose que j'étais trop excité – et je me retrouvai sur le rebord de la fenêtre après un temps qui me sembla ridiculement court, essayant de relever la fenêtre à guillotine. I wasn't afraid of heights - I guess I was too excited - and found myself on the windowsill after what seemed a ridiculously short time, trying to raise the sash window. J'étais très agité, toutefois, quand je me courbai et passai par la fenêtre, les pieds en premier. I was very agitated, however, when I bent down and went through the window, feet first. Alors, je regardai autour de moi, cherchant le Comte, mais je fis une découverte qui m'emplit de joie : la pièce était So I looked around, searching for the Count, but I made a discovery that filled me with joy: the room was

vide ! Elle était sommairement décorée, et les meubles, qui étaient à peu près les mêmes que dans les chambres du sud, étaient couverts de poussière et semblaient n'avoir jamais été utilisés. It was sparsely decorated, and the furniture, which was much the same as in the southern rooms, was covered in dust and looked as if it had never been used. Je cherchai la clé, mais elle n'était pas dans la serrure, et je ne pus la trouver nulle part. I looked for the key, but it wasn't in the lock, and I couldn't find it anywhere.