#68 - Être homosexuel en France (1)
Salut à toutes et à tous, bienvenue. Je suis très content de vous retrouver pour ce nouvel épisode. On va passer une trentaine de minutes ensemble pour parler un peu en français. Enfin, c'est surtout moi qui vais parler et vous, vous allez m'écouter !
L'objectif de ce podcast, si c'est la première fois que vous l'écoutez, c'est de vous aider à améliorer votre compréhension en français, en particulier votre compréhension orale. Et pour faire ça, au lieu de faire des leçons de grammaire traditionnelles, moi, je préfère vous parler de sujets qui me semblent intéressants d'une manière intelligible, compréhensible, même si le français n'est pas votre langue maternelle.
Si vous avez l'impression que je parle un peu vite maintenant, que le niveau de difficulté est un peu trop élevé, je vous conseille de commencer par les premiers épisodes parce que quand j'ai lancé ce podcast, je parlais un peu plus lentement, je faisais plus d'efforts au niveau de mon élocution pour bien articuler etc. Et maintenant, je me suis adapté parce que les auditeurs et les auditrices ont fait des progrès, vous avez fait des progrès, et je parle d'une manière qui est plus naturelle, plus détendue.
On a beaucoup de choses à se dire aujourd'hui, on a un programme très chargé. Ah oui, d'ailleurs, une petite précision parce que j'ai vu cette erreur récemment. “Chargé”, on l'utilise en général avec une chose ou une période de temps. Par exemple, vous pouvez dire, comme je l'ai fait, on a “un programme chargé”, “une journée chargée”, “une semaine chargée”.
Mais si vous utilisez ça pour une personne, si vous dites “je suis chargé”, ça fait plutôt référence à une charge physique. Par exemple, si vous allez à l'aéroport et que vous avez beaucoup de valises avec vous parce que vous partez en vacances pour plusieurs semaines, vous pouvez dire : “je suis chargé” ou alors “la voiture est chargée” dans le sens où vous avez mis beaucoup de valises, de bagages, dans le coffre.
Donc si vous avez beaucoup de travail en ce moment, beaucoup de choses à faire, ne dites pas “je suis chargé” mais dites plutôt “je suis occupé”, “je suis très occupé”, “j'ai beaucoup de travail”, “j'ai plein de choses à faire”. Ok, j'espère que cette distinction est plus claire maintenant pour vous.
Comme d'habitude, pour commencer, on va écouter un témoignage. Et aujourd'hui, c'est le témoignage d'une auditrice du podcast qui s'appelle Aldina et qui vient d'Indonésie.
Salut Hugo,
Je m'appelle Aldina, je suis indonésienne. Depuis deux semaines, j'habite à Paris et je viens de commencer à travailler dans une entreprise française. En ce moment, je travaille surtout en anglais mais j'espère améliorer mon français.
Ça fait à peu près six mois que j'apprends le français et j'adore vraiment ton podcast, ça m'aide beaucoup dans mon apprentissage de la langue française. Je l'écoute régulièrement depuis que j'ai commencé mes cours de français en Indonésie et je continue toujours de l'écouter dans le métro parisien.
En fait, j'ai du mal à réagir à ce que mes collègues disent lors d'une conversation en français. Est-ce que tu as des conseils pour réagir plus naturellement ou des expressions que les Français utilisent souvent pour réagir ?
Je te remercie et je te souhaite encore plus de succès pour innerFrench.
Merci Aldina de m'avoir envoyé ton enregistrement. Je pense que c'est la première fois qu'on a une Indonésienne dans ce podcast donc ça me fait très plaisir. En plus, vous allez voir que, dans cet épisode, on va surtout entendre des auditeurs asiatiques. Donc ça change un peu et ça montre que l'audience du podcast grandit. InnerFrench ne connaît pas de frontières ! Ça me fait vraiment plaisir de voir que le podcast est écouté dans plein de pays différents, plein de cultures différentes. Et moi, je suis très content aussi de vous rencontrer à travers ces messages que vous m'envoyez, ces enregistrements. Ça me fait très plaisir !
Aldina, ça fait seulement 6 mois que tu apprends le français et tu as déjà un excellent niveau ! Donc je pense que tu as soit une très bonne méthode, soit tu as passé énormément de temps, énormément d'heures, à apprendre la langue. Ou alors tu es tout simplement une prodige parce que c'est vraiment impressionnant d'avoir un tel niveau après seulement 6 mois !
Tu nous dis que tu as un peu de mal à réagir aux phrases de tes collègues. Quand ils te disent des choses, t'aimerais bien avoir différentes réactions, leur montrer que tu les écoutes, que ça t'intéresse, et tu sais pas forcément quoi dire. Alors, pour être honnête avec toi, moi aussi j'ai un peu le même problème ! C'est vrai que, dans une conversation, c'est agréable si votre interlocuteur vous montre de l'intérêt avec des petits mots, des petites expressions. Moi, c'est quelque chose que j'ai pas du tout l'habitude de faire. C'est pas du tout naturel pour moi. Parfois je me force un peu mais bon, c'est un peu bizarre.
Plus sérieusement, j'ai fait un guide avec 198 expressions pour mieux comprendre le français oral et, dedans, il y a aussi certaines expressions pour vous aider à réagir, justement, à des choses ou à des phrases que vous pouvez entendre. Donc si tu l'as pas encore téléchargé, tu peux le trouver gratuitement sur mon site, sur la page “guide”, tout simplement. Et je ferai peut-être une vidéo un peu plus détaillée, uniquement sur ce genre de réactions, sur des petits mots qu'on peut utiliser pour exprimer la surprise, l'approbation, etc. Il faut que je trouve un format un peu intéressant pour le faire parce que si c'est juste une liste d'expressions, ça va pas être passionnant, à mon avis. Donc je vais réfléchir à ça, je vais essayer de le faire et de publier cette vidéo sur ma chaîne YouTube.
Mais toi, Aldina, tu as la chance d'être en France donc tu peux observer les Français dans leur milieu naturel. Et ça, c'est génial parce que tu peux voir directement quelles expressions tes collègues utilisent. À mon avis, c'est la façon la plus naturelle de le faire parce que quand on apprend des expressions ou des phrases toutes faites dans un guide par exemple ou dans un livre, on n'a pas toujours le contexte. Et parfois, c'est des livres qui sont un peu démodés donc les expressions ne s'utilisent plus vraiment. Du coup, si tu veux être sûre d'utiliser des expressions qui sont toujours d'actualité, on pourrait dire, eh bien écoute tout simplement tes collègues, prends des notes et essaye de réutiliser certaines expressions que tu entends au travail. À mon avis, c'est la façon la plus naturelle. Moi, c'est ce que je fais également en Pologne. J'apprends le polonais et j'ai la chance de vivre à Varsovie donc je peux, dans mon environnement, entendre différentes expressions et parfois j'ai un petit carnet, ou alors je les note sur mon portable pour pouvoir les réutiliser plus tard.
Le mois de juin, comme vous le savez peut-être, c'est, depuis quelques années, un mois qu'on appelle “le mois des fiertés”. “Le mois des fiertés” parce qu'il y a plusieurs communautés qui sont, on peut dire, célébrées au mois de juin, notamment les communautés homosexuelles, lesbiennes, transsexuelles, queer etc. Et justement, il y a un auditeur qui s'appelle Tanmoy, qui est indien, qui m'a envoyé un message sur Facebook pour me demander de parler un peu de ce sujet. C'est intéressant parce que, en Inde, l'homosexualité a été dépénalisée l'année dernière, en 2018. “Dépénalisée“, ça veut dire qu'à présent, l'homosexualité n'est plus punie par la loi, ça n'est plus considéré comme un crime. Donc Tanmoy m'a demandé de parler un peu de la situation des LGBTQ+ en France.
LGBTQ+, c'est pour lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels, queers (donc au fur et à mesure, il y a des lettres qui s'ajoutent pour les nouvelles catégories, on pourrait dire, qui sont de plus en plus reconnues, de plus en plus visibles dans nos sociétés). En France, on reprend certaines dénominations anglaises. Donc par exemple, on utilise aussi le mot “queer”. On utilise également le mot “gay” pour dire homosexuel. Donc voilà, parfois dans cet épisode, je vais utiliser les mots français, les mots anglais parce que les Français eux-mêmes ont tendance à utiliser les deux versions.
En France, la dépénalisation de l'homosexualité remonte à 1982 sous l'impulsion, à l'époque, du ministre de la Justice Robert Badinter. Robert Badinter, c'est quelqu'un de très important pour l'histoire de France parce qu'il a notamment beaucoup contribué à l'abolition de la peine de mort (la peine de mort qu'on appelle aussi parfois “la peine capitale”). Donc lui, Robert Badinter, était avocat et ensuite il est devenu ministre de la justice. Et il s'est beaucoup battu à la fois pour abolir cette peine de mort et, plus tard, pour dépénaliser l'homosexualité. Donc c'est ce qui a été fait en 1982 et, depuis cette date, les droits des homosexuels en France ont beaucoup évolué.
Ce qu'on va essayer de faire dans cet épisode, c'est de se mettre à la place d'une personne homosexuelle. Alors c'est un exercice un peu délicat. Moi, je suis hétérosexuel donc c'est un peu difficile pour moi d'imaginer exactement par quoi passe une personne homosexuelle. Mais j'ai lu plusieurs articles, j'ai lu des livres, j'ai vu des films sur ce sujet. Donc à partir de toutes ces observations, on peut essayer d'imaginer un peu quelles sont les difficultés que rencontre une personne homosexuelle tout au long de sa vie.
Et je vais faire ça parce que je pense que c'est important d'essayer de se mettre à la place des gens. C'est un message que je répète souvent dans le podcast mais, pour mieux comprendre les autres, pour mieux comprendre leurs difficultés, pour mieux comprendre leurs réactions, eh bien ça vaut la peine d'essayer de se mettre à leur place, d'essayer d'imaginer leur quotidien. Parce que comme ça, je pense qu'ensuite, on a un peu plus d'empathie. C'est ce qu'on va essayer de faire dans cet épisode. On va voir les différentes étapes de la vie d'une personne homosexuelle, à commencer par l'enfance, logiquement. Et puis, on va voir un peu quels sont les obstacles, quelles sont les difficultés, que peut rencontrer cette personne.
Commençons par l'enfance avec une question, avec un débat qui est assez épineux. La question de savoir si l'homosexualité est quelque chose d'inné ou d'acquis.
Quand on dit qu'une caractéristique est “innée”, ça veut dire qu'on l'a dès la naissance. Donc c'est plutôt quelque chose de biologique, quelque chose qu'on a dans nos gènes. Et en effet, il y a des chercheurs qui se disent que l'homosexualité est quelque chose qui vient des gènes, que certains gènes peuvent provoquer l'homosexualité d'une personne. Et ces chercheurs essayent de détecter, justement, quels gènes sont responsables de l'homosexualité.
De l'autre côté, il y a un autre groupe qui pense que l'homosexualité est quelque chose d'acquis, autrement dit, quelque chose qu'on acquiert avec le temps à travers notre environnement, à travers notre éducation. Donc à ce moment-là, l'homosexualité, c'est pas quelque chose de biologique mais plutôt de psychologique. Et il y a des psychologues et des psychiatres qui essayent de comprendre quels sont les facteurs qui peuvent favoriser cette homosexualité
Alors, ça peut être intéressant d'un point de vue scientifique, d'essayer de comprendre ça, d'essayer de comprendre si l'homosexualité est plutôt innée ou acquise. Mais le problème, c'est que souvent, cette question donne lieu à certaines dérives. Qu'on considère l'homosexualité comme quelque chose d'inné ou comme quelque chose d'acquis, il y a dans les deux cas des groupes de personnes qui veulent considérer l'homosexualité comme une maladie : soit comme une maladie génétique, soit comme une maladie mentale
Ça, ça a donné lieu à des pratiques assez barbares, par exemple à des lobotomies. Je sais que ça avait lieu en France, aux Etats-Unis, en URSS. “Des lobotomies”, autrement dit on enlevait une partie du cerveau de certaines personnes pour essayer de leur faire “perdre” leur homosexualité.
Il existe également toujours aujourd'hui des centres de rééducation où on essaye de “traiter” les patients pour qu'ils cessent d'être homosexuels. A ce moment-là, on considère que l'homosexualité, c'est plutôt quelque chose qui vient de l'environnement, qui est lié à la psychologie, et on essaye de traiter ces personnes pour qu'elles arrêtent d'être homosexuelles.
C'est vrai que l'homosexualité a été considérée comme une maladie mentale pendant très longtemps. D'ailleurs, elle a été retirée officiellement de la liste des maladies mentales en 1981 en France (donc il y a un peu moins d'une quarantaine d'années) et en 1990 pour l'Organisation mondiale de la santé.
Mais cette question de l'homosexualité innée ou acquise, je sais pas si elle intéresse beaucoup les enfants homosexuels. A mon avis, ce sont plutôt les parents qui se posent ce genre de questions. Ils essayent de comprendre pourquoi leur enfant est homosexuel, surtout les parents qui refusent cette homosexualité. Ils se disent qu'ils ont peut-être commis des erreurs (“des erreurs” entre guillemets) dans leur éducation et ils culpabilisent à cause de ça, ils se sentent coupables.
Mais je pense que, quand on est enfant, on ne raisonne pas forcément en termes de sexualité. Quand on a 5 ou 6 ans, on se dit pas : “je suis hétérosexuel” ou “je suis homosexuel”. C'est des choses qui sont assez abstraites et dont on n'a pas forcément connaissance à cet âge-là. Vers 5 ou 6 ans, on a simplement nos premières attirances pour certaines personnes. Parfois, ce sont des personnes du sexe opposé, quand on est hétérosexuel, et parfois, des personnes du même sexe.
Par contre, ce qui va influencer l'enfant, ce sont les réactions de son environnement face à ses désirs. Peut-être que l'enfant va partager l'objet de ses désirs avec ses parents, qu'il va en parler à ses parents, dire qu'il est amoureux par exemple, d'une personne ou d'une autre. Et l'enfant va voir la réaction de ses parents face à ça. Peut-être que ses parents vont lui dire qu'on ne peut pas aimer une personne du même sexe que nous, que si on est un petit garçon, on doit aimer une petite fille et vice-versa. À ce moment-là, l'enfant va identifier ce qui est acceptable ou non au sein de sa famille. Et ce genre de réactions va avoir une influence sur la sexualité de l'enfant et comment il se positionne par rapport à ça.
Ce qui est également intéressant, c'est qu'on raisonne souvent en se disant que l'homosexualité et l'hétérosexualité sont deux sexualités mutuellement exclusives : soit on est homosexuel, soit on est hétérosexuel. En réalité, c'est pas vraiment le cas. Et c'est quelque chose qui est bien connu du milieu scientifique depuis des dizaines d'années parce qu'une des premières personnes à avoir réfléchi à ce sujet, c'est un professeur de biologie américain qui s'appelle Charles Kinsey. Et lui, il était spécialisé dans l'étude de la sexualité. Et dans les années 30, il a créé une échelle qu'on appelle “l'échelle de Kinsey” qui va de 0 à 6. Donc c'est une échelle qui est graduée de 0 à 6. Quand on est à 0, on est 100% hétérosexuel et à 6, on est 100% homosexuel. Mais en réalité, la majorité des personnes se trouvent sur les chiffres intermédiaires, à 1 2 3 4 5. Très souvent, on se situe entre les deux avec une attirance plus forte pour les personnes du sexe opposé ou les personnes du même sexe. Mais ce sont pas deux sexualités qui sont mutuellement exclusives.
Autrement dit, c'est une question qui est beaucoup plus complexe que ce qu'on peut croire quand on voit les débats médiatiques sur ce sujet. Donc c'est intéressant d'avoir le recul scientifique, on peut dire, sur cette question, pour montrer que c'est beaucoup plus subtil que les caricatures qu'on peut voir dans certains médias.