Leçon 19 - Attention: Écoles I
(Paris, le Quartier latin, le quartier des écoles, des facultés, des études, et des étudiants. Mireille et Robert discutent. Ils sont sûrement étudiants. Les étudiants étudient, manifestent, et, le reste du temps, discutent. Robert a invité Mireille à prendre quelque chose à la Closerie des Lilas. Ils ont traversé le jardin du Luxembourg, sont passés devant l'Institut d'Art et d'Archéologie, où Mireille suit un cours.)
Mireille: Ça, là, à droite, c'est l'Institut d'Art et d'Archéologie. J'y suis un cours d'art grec.
(Ils se sont assis à la terrasse de la Closerie des Lilas. Il était 11 heures et quart à l'horloge de l'Observatoire, et 5h 15 à la montre de Robert.)
Robert: Quelle heure est-il?
Mireille: 11h, 11h et quart—oui, onze heures et quart.
Robert: J'avais encore l'heure de New-York.
Mireille: Pourquoi avez-vous voulu venir ici?
Robert: Vous savez, je ne connais pas beaucoup de cafés à Paris. Je connaissais celui-ci à cause d'Hemingway, de Scott Fitzgerald, de Gertrude Stein. Vous ne venez jamais ici?
Mireille: Non, c'est la première fois.
Robert: Ça ne vous plaît pas?
Mireille: Si, si! Mais c'est un peu trop chic et trop cher pour une pauvre petite étudiante comme moi. Si je veux prendre un café avec des copains, je vais plutôt dans un petit bistro du Quartier.
Le garçon: Qu'est-ce que je vous sers?
Mireille: Voyons, Hemingway prenait sans doute un whisky, mais ce n'est pas particulièrement français. Qu'est-ce qu'il y a comme apéritifs bien français?
Le garçon: Vous avez le Dubonnet, le Martini.
Mireille: C'est italien, ça, non?
Le garçon: L'Ambassadeur, le Pernod, le Ricard.
Mireille: Mmmm, le Pernod, j'adore ça, mais c'est un peu trop fort.
Le garçon: La Suze, le pineau des Charentes, le Saint-Raphaël, le Byrrh, le kir.
Mireille: Ah, c'est ça, je vais prendre un kir!
Le garçon: Et pour Monsieur?
Robert: Euh . . . la même chose.
Robert: Alors, vous faites de l'histoire de l'art?
Mireille: Oui, j'ai toujours aimé le dessin et la peinture. Déjà, toute petite, à l'école maternelle, je plongeais les doigts avec délices dans les pots de couleurs, et je barbouillais d'admirables tableaux abstraits. J'étais imbattable. C'était moi la championne de ma classe, et j'ai gardé le titre jusqu'à la fin de l'école maternelle. Plus tard, à l'école primaire, l'institutrice nous a montré des reproductions de peintures murales de Matisse. Transportée d'admiration, le soir même, j'ai entrepris de couvrir de fresques les murs et le plafond de ma chambre. Mes parents n'ont pas apprécié. En France, les grands artistes sont toujours incompris.
Robert: Des peintures de Matisse? Ça devait être une école d'avant-garde!
Mireille: Une école d'avant-garde? Pourquoi? Vous savez, Matisse était considéré comme un peintre d'avant-garde vers, euh, 1910!
Robert: C'était une école privée?
Mireille: Non, l'école du quartier, une école publique.
Robert: Ça devait être une bonne école.
Mireille: Comme toutes les autres. Vous savez, en France toutes les écoles sont à peu près pareilles: c'est l'Etat qui finance et qui contrôle l'éducation nationale. Le système est le même dans toute la France.
Robert: Alors, plus tard, au lycée, vous avez continué à faire de l'art et à étudier l'histoire de l'art?
Mireille: Mais non, pensez-vous! Il y a tellement d'autres matières à étudier! Rien qu'en histoire, par exemple, on étudie l'histoire ancienne, l'histoire de France, le Moyen Age, les Temps modernes, l'Epoque contemporaine, l'histoire des pays étrangers; on n'en finit pas! Sans compter la géographie! Ça ne laisse pas beaucoup de temps pour l'histoire de l'art.
Robert: Moi, j'ai suivi un cours d'histoire européenne quand j'étais à l'école secondaire aux Etats-Unis. Je n'ai pas beaucoup aimé ça: trop de rois, trop de guerres. Mais vous êtes obligés de faire de l'histoire?
Mireille: Bien sûr, l'histoire est obligatoire, comme presque toutes les matières, d'ailleurs. Vous savez, jusqu'en première, on n'a pas beaucoup de choix.
Robert: Quels cours avez-vous suivis?
Mireille: Eh bien, moi, j'ai fait "A" en première, c'est-à-dire la section Lettres. J'ai fait du latin, mais pas de grec. Et puis, j'ai suivi les cours communs à toutes les sections: j'ai fait du français, naturellement; des maths, malheureusement (parce que j'ai toujours été nulle en maths; j'ai failli rater mon bac à cause des maths). Et puis, j'ai fait des sciences nat, je veux dire des sciences naturelles: de la zoologie, de la géologie, de la physiologie, de la botanique. Ça, ça m'a beaucoup plu, la botanique, à cause des fleurs. J'adore les fleurs! J'étais très bonne en botanique. Et puis j'ai fait de la chimie, de la physique–quoi encore? De la philo, en terminale.
Robert: ?
Mireille: La dernière classe du lycée, avant le bac. Et puis j'ai fait des langues, allemand et anglais.
Robert: Vous savez l'anglais?
Mireille: Oui, un peu, mais ce n'est pas au lycée que je l'ai appris. J'ai passé trois étés en Angleterre. Au lycée, on enseigne plutôt mal les langues étrangères. Et puis, vous pensez bien qu'avec toutes ces matières au programme, on ne sait jamais rien à fond!
Robert: Même si on n'apprend rien à fond, tout ça donne l'impression d'un travail énorme!
Mireille: Oh, ça, oui! Il y a du travail! Le pire, c'est le travail à la maison, les devoirs à faire, les leçons à apprendre, les interrogations écrites à préparer. Sans compter l'obsession du baccalauréat à la fin des études!
Robert: En somme, vous devez être bien contente d'en avoir fini avec le lycée?
Mireille: Ça, oui, vous pouvez le dire! Maintenant, à la fac, je me sens beaucoup plus libre. Tous les cours que je suis me plaisent, surtout les cours d'art grec. Et le prof est un amour! Il est beau comme un dieu, et tellement spirituel! C'est un régal de l'écouter!