La Commune de Paris - 1871 (1)
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Mes chers camarades bien le bonjour !
Aujourd'hui je vous propose de découvrir l'histoire d'une incroyable insurrection,
que vous êtes nombreux à m'avoir demandé sur la chaîne et qui fête, durant la période où sort
cette vidéo, ses 150 ans : la commune de Paris ! Préparez vous un bon chocolat et des petits
gâteaux, parce qu'on va prendre notre temps ! Et puisqu'il faut bien poser les choses,
on va commencer par un peu de contexte! Depuis le 2 décembre 1852 la France est de nouveau
un empire, gouverné par l'empereur Napoléon III, neveu de Napoléon Ier. Mais à la fin des années
1860 l'opposition républicaine à l'empire se fait de plus en plus importante. Napoléon III décide
donc de faire un certain nombre de concessions pour tenter d'apaiser la situation: on assouplit
le contrôle de la presse, on autorise certaines formes de grève ainsi que les réunions publiques…
Du coup… ben les grèves et les réunions publiques se multiplient. C'était à
prévoir… Les républicains remportent même les élections législatives de 1869 à Paris.
Malgré toutes ces tensions, la plupart des républicains ne sont pas favorables
à une révolution. Ils souhaitent plutôt obtenir
une transition pacifique de l'empire à la République. Il y a bien quelques émeutes,
et même une tentative d'insurrection lancée par des militants d'extrême gauche en 1870,
mais elles restent extrêmement mineures et la situation est vite contrôlée.
Il faut dire que la situation parisienne est bien différente de celles des révolutions de 1830
ou de 1848. La police est plus nombreuse, l'accès aux armes est plus difficile, et on a diminué
grandement l'importance de la garde nationale pour confier la répression à des troupes plus fiables.
La garde nationale, c'est une institution créée lors de la Révolution française et qui consiste
en une milice des citoyens en armes qui a pour but de maintenir l'ordre, mais occasionnellement
défend aussi le territoire contre des ennemis extérieurs, en soutien de l'armée.
Gardez à l'esprit que ce sont donc des civils dont le maintien de l'ordre n'est pas le métier,
donc forcément, quand le peuple se révolte, la garde nationale va avoir
tendance à prendre plus facilement le parti du peuple que ne pourrait le faire l'armée.
A cette époque, les grands travaux du baron Haussmann ont rendu la ville plus propre mais
aussi plus facilement contrôlable. De grandes avenues desservent les lieux de pouvoir comme
l'Hôtel de ville, la préfecture de police ou les Tuileries, de grandes casernes ont
été installées à des endroits sensibles et les populations ouvrières, ont été éloignées
du centre vers les banlieues, notamment dans les quartiers de Montmartre ou de Belleville.
En bref, si Napoléon III est dans une situation inconfortable du fait de la
montée de l'opposition, une révolution ne semble pas imminente. En tout cas jusqu'à l'été 1870…
A la suite de ce qui est, en gros, un incident diplomatique orchestré par Bismarck,
le ministre-président de la Prusse, pour provoquer les Français, la France déclare la guerre à la
Prusse. Ce qui arrange bien notre petit Napoléon III car il se dit que ça va lui permettre de
renforcer son prestige et son autorité, dans un moment où elle est remise en question.
Après tout ça avait déjà marché deux fois avec la guerre de Crimée en 1854,
puis la guerre d'Italie en 1859. Jamais 2 sans 3 non ?
Et Non.., puisque visiblement, la perspective de la guerre ne réjouit pas tout le monde,
comme on peut le voir dans le journal républicain Le Rappel,
où un article du journaliste Edouard Lockroy voit dans la guerre un outil pour renforcer
le pouvoir de l'empereur : ” Et maintenant, il n'est plus question de liberté de la presse,
de liberté individuelle, de réformes, de diminution des impôts, de questions sociale,
de rien ! La défaite nous assure la domination étrangère; la victoire nous promet la dictature.”
À partir du 20 août 1870, l'armée du Maréchal Bazaine est coincée par les Prussiens dans Metz,
mais le pompon, vient lors de la bataille de Sedan, le 1er septembre 1870. Non seulement c'est
une raclée pour le reste de l'armée française, mais en plus Napoléon III lui-même est capturé.
Quand ça ne veut pas… ça ne veut pas.
Le résultat de ce fiasco ne se fait pas attendre. Le 4 septembre à Paris,
à la suite d'une grosse manifestation,les députés républicains proclament la république à l'hôtel
de ville et établissent un gouvernement de défense nationale. Ce gouvernement,
essentiellement composé de républicains modérés, ne comporte aucun républicain révolutionnaire.
Il n'est pas contre la paix avec les Prussiens, mais Bismarck réclame une énorme indemnité ainsi
que l'Alsace et une partie de la Lorraine. La guerre devient donc un conflit pour la
sauvegarde de l'intégrité du territoire mais aussi pour celle de la république elle-même.
Les républicains modérés et les socialistes, qu'ils soient révolutionnaires ou non,
mettent leurs différences de côté et s'unissent contre l'ennemi commun. En
plus de cela, bonapartistes et royalistes participent également à la défense du pays.
En gros tout le monde se réunit et s'accorde autour du fait qu'il faut poutrer les Prussiens.
À Paris, les militants de gauche organisent des comités de vigilance pour la défense de la patrie
et de la république dans chaque arrondissement. Il y a une volonté d'organiser le peuple pour
profiter de la guerre afin d'établir une république sociale et démocratique.
Le 19 septembre Paris est encerclée, 500 000 hommes dont 340 000 de la garde nationale la
défendent. Les Prussiens et leurs alliés, bien inférieurs en nombre, font le siège
de la ville pour affamer la population et pousser les français à la capitulation.
L'état major français n'a pas beaucoup confiance en ses hommes qu'il considère trop peu disciplinés
et pas entraînés. Leur stratégie va donc être d'attendre la venue d'une armée de secours
venue de province, pour tenter une sortie et, à ce moment-là, faire la jonction pour briser le siège.
Sur le papier, ça tient la route comme stratégie, sauf que les armées de secours ne s'en sortent
pas vraiment mieux, et aucune n'arrive à venir menacer le dispositif prussien autour de Paris.
D'autant plus que fin octobre l'armée du général Bazaine toujours coincée à Metz se rend. Si la
nouvelle a du mal à arriver jusqu'à Paris, on l'affirme comme vraie, puis on la dément dans
le journal du lendemain avant de finalement confirmer les faits. Les Parisiens se sentent
abandonnés et dans le journal Le Combat cette capitulation est qualifiée de “haute trahison”.
Très vite, l'hiver arrive et il est terrible. La population manque de nourriture,
à tel point que devant l'hôtel de ville on installe un marché du rat
et de la souris et les ⅔ des chevaux de la ville finissent par être mangés.
Mais la situation n'est pas la même pour tout le monde, ainsi pendant les pauvres mangeaient du
rat, les bourgeois se faisaient des repas de luxe dans des restos chics pour Noël où on leur servait
les animaux du zoo : civet de Kangourou, consommé d'éléphant, terrine d'antilope, chameau rôti…
Les difficultés pour s'approvisionner en nourriture, mais aussi en bois de chauffage
retombent sur les femmes puisque la plupart des hommes sont engagés dans la garde nationale,
qui représente pour beaucoup, leur seule source de revenus.
Les difficultés qu'elles éprouvent les politisent et elles sont très présentes
dans les clubs politiques, qui pullulent depuis la proclamation de la république.
En plus de ces difficultés, de nombreuses maladies se développent en ville : tuberculose, variole… le
taux de mortalité est 4 fois supérieur à celui en temps de paix. C'est pas la teuf quoi, mais les
parisiens tiennent bon et beaucoup réclament une sortie en masse pour briser le siège.
Le 5 janvier les allemands commencent à bombarder la ville pour démoraliser les
Parisiens, mais cela ne fait que renforcer leur détermination. Le 6 janvier est publiée
l'affiche rouge qui critique le gouvernement pour son inaction militaire alors qu'il dispose
de la supériorité numérique. L'affiche réclame l'établissement de la Commune
en référence à l'institution de la Commune insurrectionnelle de Paris de 1792. Elle
réclame aussi la réquisition de toutes les ressources matérielles et humaines,
l'établissement d'un rationnement général mais aussi des attaques en masse contre les Prussiens.
Cette affiche est critiquée dans le journal des débats, plutôt conservateur qui voit là
une tentative de diviser les parisiens pour faciliter la tâche aux Prussiens.
Le 22 janvier on apprend que le gouvernement a entamé des négociations avec Bismarck,
une émeute éclate à l'hôtel de ville où la foule tente de prendre le bâtiment
pour empêcher le gouvernement de capituler. Après quelques échanges de tirs qui font 5
morts et une vingtaine de blessés, la tentative échoue et le 28 janvier l'armistice est signé.
Les forts autour de Paris sont livrés à l'ennemi et l'armée est en grande partie désarmée,
ce qui n'est pas le cas de la garde nationale.
Autant vous dire que les Parisiens sont très,
très en colère puisqu'ils ont l'impression d'avoir été trahis.
L'armistice prévoit l'organisation d'élections nationales au plus vite.
Bismarck souhaite en effet négocier la paix avec un gouvernement le plus légitime possible.
Ces élections portent au pouvoir une majorité de conservateurs et de royalistes favorables
à la paix et élus essentiellement par la province campagnarde. À Paris en revanche,
on élit une majorité de républicains radicaux partisans de la poursuite de la guerre,
les révolutionnaires y emportent 5 sièges sur 43 et les républicains modérés,
représentant le gouvernement provisoire désormais haïs sont presque tous battus.
Adolphe Thiers, un conservateur qui avait déjà voulu négocier la paix en octobre 1870
prend la tête du gouvernement dans lequel il intègre quelques républicains modérés,
membres de l'ancien gouvernement provisoire, des monarchistes et des bonapartistes.
Autant dire que les parisiens ne sont pas hyper confiants dans leur nouveau gouvernement !
Ce manque de confiance se ressent dans le texte du journaliste Jules Vallès,
l'un des rédacteurs de l'affiche rouge, qui crée son journal “Le Cri du peuple” le 22 février 1871.
Le texte publié dans le premier numéro est intitulé “Paris Vendu”. Dans celui-ci il
promet le châtiment à ceux qui ont livré Paris et il prédit que Thiers voudra réprimer le
peuple mais que pour ce faire il devra “enlever aux citoyens leurs armes et à Belleville son
drapeau. Que fera le peuple alors ? On n'a rien à lui conseiller, rien à lui défendre; chacun,
sous la redingote ou le bourgeron, s'inspirera de son devoir, en ces heures suprêmes.”
Et la suite nous le montrera,
le Jules Vallès, il a eu du pif ! Le nouveau gouvernement n'est déjà
pas très populaire à Paris, mais il ne va rien faire pour arranger les choses. Il commence par
remettre en cause la solde des gardes nationaux qui devront prouver être pauvres pour pouvoir
la toucher. Cette solde étant le seul revenu de nombreux parisiens, ils sont pas vraiment jouasse…
Un premier accord de paix est signé avec Bismarck, qui ne représente désormais pas juste la Prusse
mais le premier Reich allemand fondé le 18 janvier 1871, à Versailles. Cet accord prévoit,
entre autres choses, l'humiliation suprême pour les Parisiens qui ont résisté pendant
5 mois de siège : un défilé militaire allemand sur les Champs Elysées, le 1er mars. Puis le 10
mars l'assemblée qui était réunie à Bordeaux, déplace le siège du gouvernement à Versailles.
Donc Paris perd son statut de capitale, et au profit de Versailles,
ville symbole de la monarchie absolue ! C'est un peu comme si le gouvernement
avait une petite checklist de tout ce qu'ils pourraient faire pour énerver les Parisiens,
et ils cochent méthodiquement toutes les cases, une par une.
On décide également que les dettes de commerce qui avaient été reportées pendant le siège doivent
maintenant être remboursées, ainsi beaucoup de petits entrepreneurs se retrouvent en faillite.
Résultat, en plus des classes populaires, la petite et la moyenne bourgeoisie commencent
à l'avoir bien mauvaise aussi. Les autorités militaires de Paris qui
sentent que ça ne sent pas hyper bon interdisent 6 journaux de gauche dont