×

Nous utilisons des cookies pour rendre LingQ meilleur. En visitant le site vous acceptez nos Politique des cookies.

image

Les Aventures d'Olivier Twist, CHAPITRE VIII (2)

CHAPITRE VIII (2)

les préceptes moraux de son bienfaiteur n'avaient pas eu

d'influence sur lui. Dans cette pensée, il résolut de mériter

aussi vite que possible l'estime du vieux monsieur et de renoncer

à l'honneur de fréquenter le _matois_, si celui-ci, comme il avait

lieu de le croire, était incorrigible.

Jack Dawkins ne voulut pas entrer à Londres avant la nuit, et il

était près d'onze heures quand ils arrivèrent à la barrière

d'Islington. Ils passèrent par la rue Saint-Jean, descendirent la

petite rue qui aboutit au théâtre de Sadlerwell, longèrent

Exmouth-Street et Coppice-Row, puis la petite cour pris du dépôt

de mendicité; ils traversèrent ensuite le terrain classique qui se

nommait jadis Hokley in the Hole; ils gagnèrent _Little Saffron-

Hill_ et _Saffron-Hill the Great_, que le rusé matois franchit

d'un pas rapide, en recommandant à Olivier de le suivre de près.

Quoique Olivier eût assez à faire pour ne pas perdre de vue son

guide, il ne put s'empêcher de jeter en passant quelques regards

furtifs des deux côtés de la rue: c'était l'endroit le plus sale

et le plus misérable qu'il eût jamais vu. La rue était étroite et

humide, et l'air était chargé de miasmes fétides. Il y avait un

assez grand nombre de petites boutiques, dont tout l'étalage

consistait en un tas d'enfants qui criaient à qui mieux mieux,

malgré l'heure avancée de la nuit. Les seuls endroits qui

parussent prospérer au milieu de la misère générale, étaient les

tavernes, où des Irlandais de la lie du peuple, c'est-à-dire la

lie de l'espèce humaine, se querellaient de toutes leurs forces.

De petites ruelles et des passages couverts, qui çà et là

aboutissaient à la rue principale, laissaient voir quelques

chétives maisons, devant lesquelles des hommes et des femmes ivres

se vautraient dans la boue; et parfois on voyait sortir avec

précaution de ces repaires des individus à figure sinistre, dont,

selon toute apparence, les intentions n'étaient ni louables ni

rassurantes.

Olivier se demandait s'il ne ferait pas mieux de se sauver, quand

ils atteignirent le bout de la rue. Son guide le prît par le bras,

poussa la porte d'une maison proche de Fieldlane, le fit entrer

dons une allée et referma la porte derrière lui.

«Qui va là? cria une voix en réponse à un sifflet du matois.

- Plummy et Slam!» fut la réponse. C'était sans doute un signal ou

un mot d'ordre pour indiquer que tout allait bien.

La faible lueur d'une chandelle éclaira le mur au fond de l'allée,

et l'on vit paraître une tête au niveau du sol, derrière la rampe

brisée d'un escalier qui menait jadis à une cuisine.

«Vous êtes deux, dit l'homme en haussant la chandelle et en

mettent la main au-dessus de ses yeux pour mieux distinguer les

objets; qui est l'autre?

- Une nouvelle recrue, répondit Jack Dawkins en faisant avancer

Olivier.

- D'où vient-il?

- Du pays des innocents. Fagin est-il en haut?

- Oui, il assortit les mouchoirs. Montez.»

L'homme disparut, et ils restèrent dans les ténèbres.

Toujours entraîné par son compagnon qui lui serrait fortement la

main, Olivier cherchait de l'autre sa route à tâtons. Il gravit

difficilement, dans l'obscurité, les degrés en ruine que son guide

enjambait avec une prestesse qui montrait qu'il connaissait

parfaitement ce chemin; il poussa la porte d'une chambre de

derrière et y introduisit Olivier. Les murs et le plafond étaient

noircis par le temps et la malpropreté. Devant le feu, sur une

table de sapin, se trouvaient une chandelle fixée dans le goulot

d'une bouteille de grès, deux ou trois pots d'étain, un pain, du

beurre et une assiette. Des saucisses cuisaient dans une poêle

dont la queue était attachée avec une ficelle au manteau de la

cheminée, et auprès se tenait un vieux juif, une fourchette à la

main. Son visage était couvert de rides, et ses traits ignobles et

repoussants étaient en partie cachés par une épaisse chevelure

rousse; il portait une sale robe de chambre de flanelle, n'avait

pas de cravate, et semblait partager son attention entre la poêle

et une corde à laquelle pendaient un grand nombre de foulards.

Plusieurs méchants lits, faits avec de vieux sacs, étaient

disposés l'un près de l'autre sur le plancher. Autour de la table,

quatre ou cinq enfants de l'âge du _Matois_ fumaient leur pipe et

buvaient des liqueurs en se donnant des airs de grands garçons;

ils entourèrent leur camarade, qui dit au juif quelques mots à

voix basse; puis ils se tournèrent en riant vers Olivier, ainsi

que le juif qui tenait toujours sa fourchette.

«Je vous présente mon ami Olivier Twist,» dit Jack Dawkins.

Le juif rit en grimaçant. Il fit un profond salut à Olivier, le

prit par la main et dit qu'il espérait avoir l'honneur de faire

avec lui plus ample connaissance. Alors les petits fumeurs

l'entourèrent, lui donnèrent de solides poignées de main, de

manière à faire tomber son petit paquet; l'un d'eux s'empressa de

le débarrasser de sa casquette; un autre eut l'obligeance de

fouiller ses poches pour lui épargner, vu son état de fatigue, la

peine de les vider avant de se coucher. Les politesses ne se

seraient sans doute pas bornées là, sans les coups de fourchette

que le juif prodigua généreusement sur la tête et les épaules de

ces complaisants petits drôles.

«Nous sommes charmés de te voir, Olivier, dit le juif. Matois,

tire du feu les saucisses et approche un baquet pour faire asseoir

Olivier. Ah! tu regardes avec étonnement les mouchoirs! en voilà

une belle collection, hein, mon ami? Nous venons justement de les

préparer pour la lessive. Voilà tout, Olivier, voilà tout; ah! ah!

ah!»

Les derniers mots du juif furent accueillis avec acclamation par

ses jeunes élèves, puis on se mit à souper.

Olivier mangea sa part; ensuite le juif lui versa un verre de grog

au genièvre, en lui recommandant de le boire d'un trait, parce

qu'un autre convive avait besoin de son verre. Olivier obéit;

bientôt il se sentit porté doucement sur un des sacs et s'endormit

d'un profond sommeil.

Learn languages from TV shows, movies, news, articles and more! Try LingQ for FREE