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Élysée, Clôture des États généraux de la diplomatie (1)

Clôture des États généraux de la diplomatie (1)

Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Monsieur le Rapporteur général des États généraux de la diplomatie, Madame la Secrétaire générale, Mesdames et Messieurs les Directeurs et Directrices, Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs.

Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui.

Il faut souvent une pandémie ou quelque évacuation massive de ressortissants pour que vous voyiez un président de la République dans ces murs.

Je voulais aussi témoigner, par ma présence aujourd'hui, qu'on pouvait, hors situation exceptionnelle et catastrophe, venir se manifester, parce qu'en effet vous êtes le bras armé de notre action internationale, et vous l'avez amplement démontré, en assurant une présence courageuse et efficace dans des pays en guerre, de l'Afghanistan à l'Ukraine, pour n'en citer que quelques uns, en rapatriant des centaines de milliers de Français, et parfois d'ailleurs d'autres ressortissants européens bloqués à l'étranger par le Covid, en négociant des accords historiques avec d'autres puissances ou en permettant des percées diplomatiques inédites comme celle d'ailleurs, il y a encore quelques jours, du Traité international de protection de la haute mer, ou en promouvant notre vision de la souveraineté européenne.

La diplomatie est un métier, par ailleurs, dont je mesure bien la spécificité et les contraintes, un métier d'engagement qui vit au rythme des crises et ne compte pas ses heures ; un métier de passion qui a aussi ses servitudes, et où l'obligation constante de mobilité, avec ses aléas et ses destinations parfois difficiles, pèse sur les conjoints et les familles.

Mais je viens conscient aussi des interrogations qui ont été les vôtres ces derniers mois.

Il faut bien le dire, car c'est à la racine de beaucoup de choses, le ministère a aussi connu, et avant les interrogations qui ont pu naître ces dernières décennies, une profonde attrition de ces moyens, qui étaient déjà parmi les plus faibles quand on compare avec les autres grandes puissances européennes, et tout particulièrement de sa matière humaine qui ne compte plus que 13 600 agents.

Ceci s'est accompagné d'une diminution de ses emprises et même, dans une certaine mesure, de sa place dans l'État.

Ce ne sont pas les parlementaires ici présents qui me contrediront, ils le savent.

Permettez-moi tout de même de noter que c'est bien sous mon premier quinquennat que cette longue baisse a enfin été interrompue à partir de 2020.

Je veux ici saluer aussi le travail de votre prédécesseur, Madame la ministre.

Certains auraient voulu que nous adaptions en quelque sorte nos ambitions à la faiblesse des moyens ou à leur attrition.

Je suis très simplement venu vous dire que j'entends faire le choix contraire : mettre les moyens en conformité à nos ambitions.

J'ai entendu aussi les préoccupations concernant la réforme de la fonction publique et de la haute fonction publique, qui sont venues sur ce terreau propice, celui du doute, parce que les moyens étaient de plus en plus réduits.

Je veux ici le redire avec beaucoup de clarté, je pense que cette réforme est bonne pour l'État, et je pense qu'elle est en particulier bonne pour votre ministère et pour ses agents.

Je veux être très clair, aussi vrai que je reconnais l'existence d'un métier, un métier n'a pas besoin de corps pour exister, et je vous parle avec beaucoup de simplicité, moi qui, sortant de l'ENA, ai rejoint un métier et un corps, et totalement assumé de supprimer ce même corps, ça n'a rien à voir.

Dans toutes les meilleures diplomaties du monde où le métier est reconnu et existe, il existe dans une filière professionnelle, avec un jugement des pairs et des carrières qui doivent être sanctuarisées, ça ne veut pas dire pour autant qu'il faille pour cela un corps.

C'est différent.

Donc oui au métier, non au corps, en d'autres termes.

Le métier, nous le défendrons bien, et je pense que cette réforme va surtout permettre d'affirmer et de mettre déjà en lumière la position d'ouverture de ce ministère.

Étant un des ministères les plus ouverts, vous avez un grand intérêt à cette réforme.

D'ores et déjà, j'ai été informé que plus de 60 % des agents éligibles ont manifesté leur intention de rejoindre les administrateurs de l'État, ce qui est un signe encourageant, l'inscription dans cette interministérialité, et j'ai demandé à la ministre d'enrichir encore la réforme.

Il sera nécessaire, en particulier, de pérenniser les perspectives de progression de carrières, décidées l'an dernier au bénéfice des secrétaires des Affaires étrangères.

Mais cette réforme n'est qu'un des aspects de la réflexion plus large sur l'avenir de notre diplomatie.

C'est pour cela qu'il m'a semblé si nécessaire, comme je vous l'avais dit à la fin de l'été dernier, de conduire des États généraux, ce travail d'introspection et de projection vers l'avenir qui a été conduit sous l'autorité de la ministre et dont nous avons suivi les travaux avec attention.

C'est un exercice inédit auquel vous vous êtes livrés, et j'aimerais remercier tout particulièrement la ministre, l'équipe des États généraux, à commencer par son rapporteur général, Jérôme Bonnafont, et tous celles et ceux qui ont oeuvré avec lui.

Vous avez rassemblé, toutes et tous, et mené cet exercice avec le bon esprit, je le crois, un bilan sans complaisance, une réflexion solide et des propositions crédibles.

Le futur ministère que vous esquissez ainsi doit être profondément rénové, je crois que c'est une nécessité et chacun de nos déplacements le montre.

Si l'on se projette, quelle est la diplomatie dont notre pays a besoin à l'horizon de la décennie ?

Je ne vais pas ici revenir sur la doctrine et ce que j'ai pu déployer, en particulier lors du dernier discours que j'ai pu faire à la Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs.

Je voudrais simplement souligner quatre traits dominants qui relèvent de ces convictions établies ces dernières années, des grands travaux poursuivis à vos côtés ces dernières années et des États Généraux.

Le premier, c'est un coeur de métier profondément rénové.

Le monde change, personne ne nous attend.

La géopolitique de notre siècle sera un système contradictoire fait de coalitions mouvantes et d'inévitables polarisations, un monde querelleur et tenté par la renationalisation.

Nous devrons y rivaliser tout à la fois de cohérence et d'agilité pour trouver notre place.

Nous devrons être sans cesse sur le qui-vive, capables d'assembler des cercles de solidarité, l'Europe, bien évidemment, et cette autonomie stratégique que, je crois, nous avons imposée dans le paysage ces dernières années, et l'Alliance bien entendu, mais l'Indo-Pacifique aussi, pour être au pivot, pour assurer notre souveraineté et notre liberté de manoeuvre, et beaucoup d'autres alliances que nous sommes en train de rebâtir dans des cadres régionaux totalement rénovés.

Notre diplomatie devra donc s'équiper pour cela.

Il faudra renforcer la capacité d'analyse des directions politiques, consolider notre culture stratégique, nous doter de capacité d'anticipation et, pour tout cela, c'est un point cardinal, d'avantage aussi valoriser l'innovation, questionner nos habitudes, revoir nos dogmes, et utiliser l'intelligence artificielle et le traitement de sources ouvertes et, si je puis dire, consolider ce qui, je crois, est une force de notre modèle, c'est-à-dire l'expertise très profonde qu'il y a dans les directions, et gagner sans doute en agilité et capacité à recomposer nos organisations à travers des équipes projet et des tasks forces, comme le font peut-être certains voisins.

Derrière tout cela, il y a notre devoir de bâtir des partenariats et d'aligner l'ensemble des opérateurs de notre action, évidemment l'Agence française de développement en premier chef, mais tous les opérateurs pour que, quand on décide des partenariats, il y ait une très grande cohérence politique.

C'est d'ailleurs cela que je vois dans l'exercice de la tutelle.

Je ne reviens pas sur des débats qu'on connaît par coeur, et j'aperçois le directeur général ici, mais je pense que l'AFD est une force qui doit travailler en synergie avec le Quai, et que la bonne tutelle est une tutelle stratégique, pas une tutelle tatillonne qui cherche à faire le même métier ou à le doublonner.

Par contre, on doit collectivement gagner en cohérence pour redéployer partout des partenariats à 360 quand on décide de stratégies nouvelles.

L'Afrique est un formidable théâtre d'opérations.

Quand on décide d'une cohérence d'action au Sahel, on doit tous s'aligner dans cette même cohérence d'action, et ne pas jouer à géométrie variable.

Quand on décide de réengager avec tel ou tel pays et de dire qu'on a un partenariat nouveau, le sécuritaire n'est plus le primat dominant, mais on doit réengager plus efficacement avec toute la palette, on doit le faire, le faire vite et que ce soit visible.

Cela, je crois que c'est de la clarté stratégique et de la force d'exécution.

Donc gardons les sillons d'expertise et les cultures métiers qui sont les nôtres, mais gagnons en agilité et en cohérence dans ce monde profondément rénové. C'est, je crois, ce qui nous rendra plus forts, plus lisibles pour nos partenaires et alliés, et plus lisibles aussi pour les pays auprès desquels nous allons défendre nos intérêts et bâtir des coalitions.

Le deuxième trait, c'est une diplomatie qui se structure autour de la capacité d'influence.

Mon premier mandat a été marqué par un accroissement sans précédent de notre action de solidarité internationale.

La cible de 0,55 % de notre PIB a été atteinte, et nous avons retrouvé notre place de grande puissance de la solidarité.

Là aussi, nous avons mis fin à des années de baisse de nos investissements solidaires et, de la RDC où nous étions il y a quelques jours, au Vanuatu, de l'Ukraine à la Syrie, nous sommes présents là où nous devons l'être, avec nos actions évidemment humanitaires et l'ensemble de ce que nous finançons à travers cet investissement.

Mais nous sommes aussi un point de bascule qui nécessite d'ajouter à la grammaire de la solidarité celle de l'influence.

Les puissances autocratiques tentent de réécrire les principes du système international, de rallier le vaste monde, à la faveur peut-être d'une certaine fatigue de l'Occident, fatigue d'ailleurs qu'on voit chez nous quand le doute s'installe.

Il y a une espèce de relativisme ambiant qui s'installe, y compris dans nos propres ondes et parmi celles et ceux qui sont perçus comme étant la voix de la France, parfois, à l'étranger, et qui viennent servir des discours, on dit maintenant, paraît-il, de déconstruction ou de révision de ce que serait notre propre passé et de l'action des autres.

Je ne m'y résous pas.

Je ne crois pas, pour ma part, que l'autocratie se soit illustrée récemment, qu'on en juge du Covid jusqu'à l'échec de la Russie en Ukraine.

Mais ce combat ne se gagne pas que dans les faits, il se gagne aussi dans les esprits.

Dans ce domaine, nous avons encore beaucoup à faire, je l'ai dit lorsque j'ai esquissé des principes du projet de loi de programmation militaire, nous devons organiser notre capacité d'influence.

Le ministère des Affaires étrangères en est la cheville ouvrière pour l'international.

Il faut maintenant en prendre toute la mesure et changer radicalement d'échelle pour notre dispositif de communication, mais aussi moderniser nos outils, prendre à bras le corps la bataille des réseaux sociaux, y compris face aux manipulations en tout genre, et considérer que c'est un lieu de la guerre hybride et un lieu d'efficacité de notre propre diplomatie.

Beaucoup des dirigeants regardent ce que leur peuple croit et lit, définissent aussi leurs choix par rapport à cela et, lorsque nous perdons la bataille informationnelle, parfois nous annihilons des efforts réels et des investissements concrets.

C'est malheureusement une réalité, qu'on voit sur le théâtre africain et ailleurs.

J'ai vu, à l'instant, un tout petit échantillon des équipes qui se déploient sur ce sujet et qui décrivaient parfaitement, mieux que je ne viens de le faire, tout ce qu'ils font au quotidien, et que vous allez continuer de déployer.

Mais ça veut dire qu'il nous faut structurer des stratégies autour des effets d'influence, de l'impact et de la valeur ajoutée, définir aussi des stratégies d'alliés très concrets sur le terrain et les réseaux sociaux, à peu près dans toutes les géographies, et avancer pour être beaucoup plus efficaces.


Clôture des États généraux de la diplomatie (1) Closing of the States General of Diplomacy (1) Encerramento dos Estados Gerais sobre a Diplomacia (1) 外交官的关闭 (1)

Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Monsieur le Rapporteur général des États généraux de la diplomatie, Madame la Secrétaire générale, Mesdames et Messieurs les Directeurs et Directrices, Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs.

Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui.

Il faut souvent une pandémie ou quelque évacuation massive de ressortissants pour que vous voyiez un président de la République dans ces murs. It often takes a pandemic or some mass evacuation of nationals for you to see a President of the Republic in these walls.

Je voulais aussi témoigner, par ma présence aujourd'hui, qu'on pouvait, hors situation exceptionnelle et catastrophe, venir se manifester, parce qu'en effet vous êtes le bras armé de notre action internationale, et vous l'avez amplement démontré, en assurant une présence courageuse et efficace dans des pays en guerre, de l'Afghanistan à l'Ukraine, pour n'en citer que quelques uns, en rapatriant des centaines de milliers de Français, et parfois d'ailleurs d'autres ressortissants européens bloqués à l'étranger par le Covid, en négociant des accords historiques avec d'autres puissances ou en permettant des percées diplomatiques inédites comme celle d'ailleurs, il y a encore quelques jours, du Traité international de protection de la haute mer, ou en promouvant notre vision de la souveraineté européenne. I also wanted to show, by my presence here today, that we could, outside of exceptional and catastrophic situations, come forward, because you are indeed the armed arm of our international action, and you have amply demonstrated this, by ensuring a courageous and effective presence in countries at war, from Afghanistan to Ukraine, to name but a few, by repatriating hundreds of thousands of French citizens, and sometimes other European citizens blocked abroad by Covid, by negotiating historic agreements with other powers or by allowing unprecedented diplomatic breakthroughs such as the one, just a few days ago, of the International Treaty for the Protection of the High Seas, or by promoting our vision of European sovereignty.

La diplomatie est un métier, par ailleurs, dont je mesure bien la spécificité et les contraintes, un métier d'engagement qui vit au rythme des crises et ne compte pas ses heures ; un métier de passion qui a aussi ses servitudes, et où l'obligation constante de mobilité, avec ses aléas et ses destinations parfois difficiles, pèse sur les conjoints et les familles. Diplomacy is a profession, moreover, whose specificity and constraints I am well aware of, a profession of commitment that lives to the rhythm of crises and does not count its hours; a profession of passion that also has its servitudes, and where the constant obligation of mobility, with its hazards and its sometimes difficult destinations, weighs heavily on spouses and families.

Mais je viens conscient aussi des interrogations qui ont été les vôtres ces derniers mois. But I am also aware of the questions that you have been asking yourselves in recent months.

Il faut bien le dire, car c'est à la racine de beaucoup de choses, le ministère a aussi connu, et avant les interrogations qui ont pu naître ces dernières décennies, une profonde attrition de ces moyens, qui étaient déjà parmi les plus faibles quand on compare avec les autres grandes puissances européennes, et tout particulièrement de sa matière humaine qui ne compte plus que 13 600 agents. It must be said, because it is at the root of many things, that the Ministry has also experienced, and before the questions that may have arisen in recent decades, a profound attrition of its resources, which were already among the weakest when compared with other major European powers, and especially of its human resources, which now number only 13,600 agents

Ceci s'est accompagné d'une diminution de ses emprises et même, dans une certaine mesure, de sa place dans l'État. This has been accompanied by a reduction in its holdings and even, to a certain extent, its place in the State.

Ce ne sont pas les parlementaires ici présents qui me contrediront, ils le savent. The members of parliament present here won't contradict me, they know it.

Permettez-moi tout de même de noter que c'est bien sous mon premier quinquennat que cette longue baisse a enfin été interrompue à partir de 2020. Allow me to point out, however, that it was under my first quinquennium that this long decline was finally halted, starting in 2020.

Je veux ici saluer aussi le travail de votre prédécesseur, Madame la ministre.

Certains auraient voulu que nous adaptions en quelque sorte nos ambitions à la faiblesse des moyens ou à leur attrition. Some people would have liked us to adapt our ambitions to the weakness or attrition of our resources.

Je suis très simplement venu vous dire que j'entends faire le choix contraire : mettre les moyens en conformité à nos ambitions. I've simply come to tell you that I intend to make the opposite choice: to bring our resources into line with our ambitions.

J'ai entendu aussi les préoccupations concernant la réforme de la fonction publique et de la haute fonction publique, qui sont venues sur ce terreau propice, celui du doute, parce que les moyens étaient de plus en plus réduits. I've also heard the concerns about the reform of the civil service and senior civil servants, which have arisen in this fertile breeding ground of doubt, because resources have been increasingly reduced.

Je veux ici le redire avec beaucoup de clarté, je pense que cette réforme est bonne pour l'État, et je pense qu'elle est en particulier bonne pour votre ministère et pour ses agents.

Je veux être très clair, aussi vrai que je reconnais l'existence d'un métier, un métier n'a pas besoin de corps pour exister, et je vous parle avec beaucoup de simplicité, moi qui, sortant de l'ENA, ai rejoint un métier et un corps, et totalement assumé de supprimer ce même corps, ça n'a rien à voir. I want to be very clear, as much as I recognize the existence of a profession, a profession doesn't need a body to exist, and I'm speaking to you with a great deal of simplicity, as someone who, after graduating from ENA, joined a profession and a body, and totally assumed responsibility for suppressing that same body, it's got nothing to do with it.

Dans toutes les meilleures diplomaties du monde où le métier est reconnu et existe, il existe dans une filière professionnelle, avec un jugement des pairs et des carrières qui doivent être sanctuarisées, ça ne veut pas dire pour autant qu'il faille pour cela un corps. In all the world's top diplomatic services, where the profession is recognized and exists, it exists in a professional sector, with peer review and careers that must be protected. This does not mean, however, that a body is needed for this purpose.

C'est différent.

Donc oui au métier, non au corps, en d'autres termes.

Le métier, nous le défendrons bien, et je pense que cette réforme va surtout permettre d'affirmer et de mettre déjà en lumière la position d'ouverture de ce ministère.

Étant un des ministères les plus ouverts, vous avez un grand intérêt à cette réforme.

D'ores et déjà, j'ai été informé que plus de 60 % des agents éligibles ont manifesté leur intention de rejoindre les administrateurs de l'État, ce qui est un signe encourageant, l'inscription dans cette interministérialité, et j'ai demandé à la ministre d'enrichir encore la réforme.

Il sera nécessaire, en particulier, de pérenniser les perspectives de progression de carrières, décidées l'an dernier au bénéfice des secrétaires des Affaires étrangères.

Mais cette réforme n'est qu'un des aspects de la réflexion plus large sur l'avenir de notre diplomatie.

C'est pour cela qu'il m'a semblé si nécessaire, comme je vous l'avais dit à la fin de l'été dernier, de conduire des États généraux, ce travail d'introspection et de projection vers l'avenir qui a été conduit sous l'autorité de la ministre et dont nous avons suivi les travaux avec attention.

C'est un exercice inédit auquel vous vous êtes livrés, et j'aimerais remercier tout particulièrement la ministre, l'équipe des États généraux, à commencer par son rapporteur général, Jérôme Bonnafont, et tous celles et ceux qui ont oeuvré avec lui.

Vous avez rassemblé, toutes et tous, et mené cet exercice avec le bon esprit, je le crois, un bilan sans complaisance, une réflexion solide et des propositions crédibles.

Le futur ministère que vous esquissez ainsi doit être profondément rénové, je crois que c'est une nécessité et chacun de nos déplacements le montre.

Si l'on se projette, quelle est la diplomatie dont notre pays a besoin à l'horizon de la décennie ?

Je ne vais pas ici revenir sur la doctrine et ce que j'ai pu déployer, en particulier lors du dernier discours que j'ai pu faire à la Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs.

Je voudrais simplement souligner quatre traits dominants qui relèvent de ces convictions établies ces dernières années, des grands travaux poursuivis à vos côtés ces dernières années et des États Généraux.

Le premier, c'est un coeur de métier profondément rénové.

Le monde change, personne ne nous attend.

La géopolitique de notre siècle sera un système contradictoire fait de coalitions mouvantes et d'inévitables polarisations, un monde querelleur et tenté par la renationalisation.

Nous devrons y rivaliser tout à la fois de cohérence et d'agilité pour trouver notre place.

Nous devrons être sans cesse sur le qui-vive, capables d'assembler des cercles de solidarité, l'Europe, bien évidemment, et cette autonomie stratégique que, je crois, nous avons imposée dans le paysage ces dernières années, et l'Alliance bien entendu, mais l'Indo-Pacifique aussi, pour être au pivot, pour assurer notre souveraineté et notre liberté de manoeuvre, et beaucoup d'autres alliances que nous sommes en train de rebâtir dans des cadres régionaux totalement rénovés.

Notre diplomatie devra donc s'équiper pour cela.

Il faudra renforcer la capacité d'analyse des directions politiques, consolider notre culture stratégique, nous doter de capacité d'anticipation et, pour tout cela, c'est un point cardinal, d'avantage aussi valoriser l'innovation, questionner nos habitudes, revoir nos dogmes, et utiliser l'intelligence artificielle et le traitement de sources ouvertes et, si je puis dire, consolider ce qui, je crois, est une force de notre modèle, c'est-à-dire l'expertise très profonde qu'il y a dans les directions, et gagner sans doute en agilité et capacité à recomposer nos organisations à travers des équipes projet et des tasks forces, comme le font peut-être certains voisins.

Derrière tout cela, il y a notre devoir de bâtir des partenariats et d'aligner l'ensemble des opérateurs de notre action, évidemment l'Agence française de développement en premier chef, mais tous les opérateurs pour que, quand on décide des partenariats, il y ait une très grande cohérence politique.

C'est d'ailleurs cela que je vois dans l'exercice de la tutelle.

Je ne reviens pas sur des débats qu'on connaît par coeur, et j'aperçois le directeur général ici, mais je pense que l'AFD est une force qui doit travailler en synergie avec le Quai, et que la bonne tutelle est une tutelle stratégique, pas une tutelle tatillonne qui cherche à faire le même métier ou à le doublonner.

Par contre, on doit collectivement gagner en cohérence pour redéployer partout des partenariats à 360 quand on décide de stratégies nouvelles.

L'Afrique est un formidable théâtre d'opérations.

Quand on décide d'une cohérence d'action au Sahel, on doit tous s'aligner dans cette même cohérence d'action, et ne pas jouer à géométrie variable.

Quand on décide de réengager avec tel ou tel pays et de dire qu'on a un partenariat nouveau, le sécuritaire n'est plus le primat dominant, mais on doit réengager plus efficacement avec toute la palette, on doit le faire, le faire vite et que ce soit visible.

Cela, je crois que c'est de la clarté stratégique et de la force d'exécution.

Donc gardons les sillons d'expertise et les cultures métiers qui sont les nôtres, mais gagnons en agilité et en cohérence dans ce monde profondément rénové. C'est, je crois, ce qui nous rendra plus forts, plus lisibles pour nos partenaires et alliés, et plus lisibles aussi pour les pays auprès desquels nous allons défendre nos intérêts et bâtir des coalitions.

Le deuxième trait, c'est une diplomatie qui se structure autour de la capacité d'influence.

Mon premier mandat a été marqué par un accroissement sans précédent de notre action de solidarité internationale.

La cible de 0,55 % de notre PIB a été atteinte, et nous avons retrouvé notre place de grande puissance de la solidarité.

Là aussi, nous avons mis fin à des années de baisse de nos investissements solidaires et, de la RDC où nous étions il y a quelques jours, au Vanuatu, de l'Ukraine à la Syrie, nous sommes présents là où nous devons l'être, avec nos actions évidemment humanitaires et l'ensemble de ce que nous finançons à travers cet investissement.

Mais nous sommes aussi un point de bascule qui nécessite d'ajouter à la grammaire de la solidarité celle de l'influence.

Les puissances autocratiques tentent de réécrire les principes du système international, de rallier le vaste monde, à la faveur peut-être d'une certaine fatigue de l'Occident, fatigue d'ailleurs qu'on voit chez nous quand le doute s'installe.

Il y a une espèce de relativisme ambiant qui s'installe, y compris dans nos propres ondes et parmi celles et ceux qui sont perçus comme étant la voix de la France, parfois, à l'étranger, et qui viennent servir des discours, on dit maintenant, paraît-il, de déconstruction ou de révision de ce que serait notre propre passé et de l'action des autres.

Je ne m'y résous pas.

Je ne crois pas, pour ma part, que l'autocratie se soit illustrée récemment, qu'on en juge du Covid jusqu'à l'échec de la Russie en Ukraine.

Mais ce combat ne se gagne pas que dans les faits, il se gagne aussi dans les esprits.

Dans ce domaine, nous avons encore beaucoup à faire, je l'ai dit lorsque j'ai esquissé des principes du projet de loi de programmation militaire, nous devons organiser notre capacité d'influence.

Le ministère des Affaires étrangères en est la cheville ouvrière pour l'international.

Il faut maintenant en prendre toute la mesure et changer radicalement d'échelle pour notre dispositif de communication, mais aussi moderniser nos outils, prendre à bras le corps la bataille des réseaux sociaux, y compris face aux manipulations en tout genre, et considérer que c'est un lieu de la guerre hybride et un lieu d'efficacité de notre propre diplomatie.

Beaucoup des dirigeants regardent ce que leur peuple croit et lit, définissent aussi leurs choix par rapport à cela et, lorsque nous perdons la bataille informationnelle, parfois nous annihilons des efforts réels et des investissements concrets.

C'est malheureusement une réalité, qu'on voit sur le théâtre africain et ailleurs.

J'ai vu, à l'instant, un tout petit échantillon des équipes qui se déploient sur ce sujet et qui décrivaient parfaitement, mieux que je ne viens de le faire, tout ce qu'ils font au quotidien, et que vous allez continuer de déployer.

Mais ça veut dire qu'il nous faut structurer des stratégies autour des effets d'influence, de l'impact et de la valeur ajoutée, définir aussi des stratégies d'alliés très concrets sur le terrain et les réseaux sociaux, à peu près dans toutes les géographies, et avancer pour être beaucoup plus efficaces.