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Bernadette, Sœur Marie-Bernard (Henri Lasserre), Livre 3 – La Vie Cachée et la Mort (5)

Livre 3 – La Vie Cachée et la Mort (5)

Souvent, très souvent, soeur Marie-Bernard était malade et obligêe'de s'aliter, en proie à de cruelles douleurs. Sa patience était angélique. Et pourtant elle ressentait, en son corps chétif, des tortures intolérables. Il semble que la souffrance fût le point culminant de sa vocation, tant elle y trouvait l'occasion d'épanouir toutes les richesses spirituelles dont son âme était remplie. « On ne peut souffrir ni plus ni mieux » : c'est l'expression d'une de ses compagnes. Bernadette dans la souffrance, c'était la Reine en son Royaume.

La douleur physique n'abattait en rien son activité naturelle. Dans son lit ou dans son fauteuil, elle priait et travaillait constamment, répandant autour d'elle les charmants rayons de son innocente gaieté.

Ses doigts étaient d'une habileté merveilleuse : elle tissait le tapis du sanctuaire et festonnait les nappes de l'autel; elle brodait avec un art exquis l'aube du prêtre consécrateur, faisant courir sur la dentelle toutes les délicatesses de son aiguille, comme le bienheureux Angelico de Fiesole faisait jadis courir sur sa toile toutes les grâces de son pinceau... On conserve à Saint-Gildard une aube incomparable brodée par Bernadette et qui fut revêtue, pour la première fois, à Lourdes, par Mgr de Ladoue, lors de son sacre comme Évêque de Nevers.

Elle se plaisait aussi à mille autres petits travaux. Dans quelques lambeaux d'étoffe, elle taillait, découpait et ornait l'image du Coeur de Jésus. D'autres fois, elle promenait sur ces oeufs en couleur, connus sous le nom d'oeufs de Pâques, la pointe de son burin et y dessinait, d'un trait sûr et ferme, les symboles sacrés. Nous possédons une de ces merveilles dues au gracieux talent de la Voyante de Lourdes. C'est un oeuf brun sur lequel elle a gravé, d'un côté, la tiare avec les attributs du Souverain Pontife et l'image de l'Esprit-Saint, planant au-dessus. De l'autre côté est le Calice du saint Sacrifice dans lequel, jaillissant du Coeur de Jésus, ruissellent les gouttes du sang divin. Deux oiseaux du ciel, deux âmes toutes blanches aux ailes déployées, viennent s'y désaltérer, tandis que deux autres colombes promènent tout autour, dans l'horizon étoilé, la croix du Rédempteur et l'olivier de la paix.

Durant ses longues insomnies, elle faisait glisser entre ses mains les dizaines de son Rosaire.

«—La terre est ronde, disait-elle; et, quand il est nuit ici, il est jour en d'autres pays. A toute heure, par conséquent, à toute heure, quelle qu'elle soit, le saint Sacrifice s'offre quelque part, en un lieu qui existe en toute certitude, mais que nous ne connaissons point. J'assiste par la pensée et je m'unis à cette Messe qui se célèbre loin de moi dans une église que j'ignore.

« A la lueur de ma veilleuse, je regarde au bas de mon lit ces gravures collées au mur, cette représentation des cérémonies successives de la Messe, et je parviens à suivre ainsi le saint Sacrifice, même par les yeux. »

Et comme l'enjouement ne perdait jamais ses droits dans le caractère et dans l'esprit de Bernadette, elle ajoutait un jour:

« — Il n'y a que ce vilain petit enfant de choeur qui reste toujours immobile et qui n'agite jamais sa sonnette. J'en ai des impatiences. Il y a des moments où il me prend envie de le secouer. »

Si elle était dans ses souffrances d'une résignation comparable à celle de Job, elle était loin de croire posséder une telle vertu et s'accusait au contraire à tout instant de ne point savoir supporter la douleur, très mécontente et confuse quand on semblait admirer sa patience.

— Soeur Marie-Bernard, que vous êtes soumise!

— Oui, sans doute : par force! Il faut bien que je le sois. Mais j'ai beau renouveler mon sacrifice et prétendre que je suis soumise, tous les jours et à tout instant je m'aperçois que ce n'est pas vrai... Je voudrais sortir du lit et aller courir, surtout quand on me taquine, comme aujourd'hui.

— Et qui vous taquine?

— Vous ne voyez donc pas ce rayon de soleil qui vient tout juste se promener sur mon lit pour me narguer, pour me dire qu'il fait beau temps et qu'il faut que je reste dans ma prison? Et ces oiseaux qui chantent pour m'appeler dehors, moi qui suis en cage, ne les entendez-vous pas?

Parfois quand elle avait ses crises de douleur et ses violents élancements:

— Allons! soeur Marie-Bernard, ne perdez pas cette occasion de vous résigner héroïquement.

— Non certes! j'en perds tant d'autres que je vais profiter de celle-ci. Après tout, il n'y a pas moyen de ne point l'accepter, puisque cela vient du bon Dieu.

L'innocente et enfantine gaieté de son caractère était en quelque sorte proverbiale à Saint-Gildard. C'était un des cotes les plus saillants de sa nature.

Mais il n'est point de règle sans exception; et il advenait dans certaines circonstances, qu'un nuage de fugitive mais profonde mélancolie descendait sur elle. Était-ce le spectacle des misères de la terre qui attristait alors celle devant qui le Paradis s'était entr'ouvert? Était-ce le sentiment de l'exil et le regret de ne point entrer encore dans la bienheureuse Patrie? Nous ne savons... Nous savons seulement ce récit que nous a fait une de ses Soeurs en Religion:

— Parfois, mais bien rarement, elle paraît si grave, qu'on pourrait croire qu'elle ploie sous le fardeau de ses douleurs.

Un jour que nous nous promenions ensemble, elle me sembla toute songeuse, tout absorbée et abattue. Vainement j'essayais de la distraire.

Je craignis quelque nuage de tristesse dans la pureté de cette àme : « Ne vous rappelez-vous point, lui dis-je, les promesses de la Sainte Vierge, et ce que vous avez vu de vos yeux? Est-ce que vous l'oubliez?... » A ces mots elle a levé la tête avec une étonnante vivacité « — L'oublier? » a-t-elle répondu avec un accent indéfinissable : — « C'est-là!... » Et elle a posé la main sur son front, dans une attitude sublime de fermeté fidèle et d'amour indicible. Puis elle a un instant fermé les yeux pour mieux regarder en sa mémoire, tandis que moi-même je m'abandonnais à l'émotion de la voir ainsi recueillie, debout et immobile, la main et le doigt encore levés, par ce geste unique et double qui touchait son front et qui montrait le ciel... Un silence solennel s'était fait entre nous. Nous sommes entrées à la chapelle et nous avons prié.

— Avez-vous remarqué, faisait observer une autre Religieuse, que jamais elle ne regarde les statues? Elle éprouve à l'aspect de ces représentations, si grossières pour elle, une impression pénible. Et quand on la force d'y arrêter ses yeux : « — Oh! que c'est laid! » dit-elle.

La soeur A. raconta ceci:

—Naguères, c'était je crois l'an dernier, je me trouvais avec elle dans le petit parloir où l'on a placé la gravure du célèbre tableau de Raphaël : la Transfiguration. Je la lui montrai, lui expliquant que, d'après les connaisseurs, c'était là une oeuvre admirable. Elle me parut peu sensible aux mérites que je lui signalais : — « Est-ce que, si vous étiez artiste, lui demandai-je, si vous aviez dans la main tout le talent nécessaire, il vous serait possible de faire le portrait de la Sainte Vierge? La revoyez-vous dans votre souvenir assez nettement pour cela? » Elle a poussé un soupir : — « Quelquefois, m'a-t-elle répondu : mais pas toujours!» — « Oh petite! me suis-je écriée en riant, c'est quand vous n'êtes pas sage! »

Elle était assurément toujours sage.

— Toutefois, nous disait une des Soeurs, ceux-là se tromperaient singulièrement qui croiraient que la nature n'a pas en elle ses vivacités et ses saillies, que la grâce réprime. Soeur Marie-Bernard a un esprit naturel, prompt et logique, qui lui fait aisément monter la repartie aux lèvres quand elle a conscience d'avoir raison; repartie habituellement pittoresque, heureuse d'expression, très précise et très frappante. Elle excelle, comme l'on dit, à river son clou à l'adversaire : mais elle le rive avec un marteau d'or. Elle le fait en effet avec tant de justesse et de prestesse, que presque toujours c'est à la fois irréprochable et charmant...

« Et cependant elle se le reproche, souvent avec angoisse. Et ce sont là ses amers repentirs et ses grands mécontentements d'elle-même. Elle tremble d'avoir fait, ou tout au moins d'avoir pu faire de la peine; et elle ne peut se consoler de ces pointes de son esprit, dans la crainte qu'elles n'aient blessé çà et là la sensibilité du prochain, à qui elle s'empresse d'en demander pardon. Elle en devient toute mélancolique; et, excessive peut-être en cela, elle s'abandonne alors à une sorte d'humeur inquiète, à un vif dépit contre elle-même qui l'assombrit brusquement.

« Y a-t-il en tout cela quelque travers, quelque défaillance, quelque imperfection? Je ne sais : le Seigneur seul est juge. Mais ce défaut, si c'en est un (et il le semble parfois), mais ce côté de son caractère est le voile sous lequel Dieu la cache pour nous empêcher de trop admirer, comme étant au-dessus de la terre, notre bien-aimée Soeur, et de trop voir en elle un Ange du Paradis. A lui seul la gloire sans ombre. Et puis, c'est par là qu'il maintient notre chère Marie-Bernard dans cette humilité profonde qui la fait se considérer comme la dernière d'entre nous et comme la plus misérable des Religieuses... Jamais l'orgueil, jamais la tentation de se complaire en elle-même n'a paru effleurer cette âme que Notre-Dame de Lourdes avait élue entre toutes les autres... »


Livre 3 – La Vie Cachée et la Mort (5) Buch 3 - Das verborgene Leben und der Tod (5) Book 3 - The Hidden Life and Death (5)

Souvent, très souvent, soeur Marie-Bernard était malade et obligêe'de s'aliter, en proie à de cruelles douleurs. Sa patience était angélique. Et pourtant elle ressentait, en son corps chétif, des tortures intolérables. Il semble que la souffrance fût le point culminant de sa vocation, tant elle y trouvait l'occasion d'épanouir toutes les richesses spirituelles dont son âme était remplie. « On ne peut souffrir ni plus ni mieux » : c'est l'expression d'une de ses compagnes. Bernadette dans la souffrance, c'était la Reine en son Royaume.

La douleur physique n'abattait en rien son activité naturelle. Dans son lit ou dans son fauteuil, elle priait et travaillait constamment, répandant autour d'elle les charmants rayons de son innocente gaieté.

Ses doigts étaient d'une habileté merveilleuse : elle tissait le tapis du sanctuaire et festonnait les nappes de l'autel; elle brodait avec un art exquis l'aube du prêtre consécrateur, faisant courir sur la dentelle toutes les délicatesses de son aiguille, comme le bienheureux Angelico de Fiesole faisait jadis courir sur sa toile toutes les grâces de son pinceau... On conserve à Saint-Gildard une aube incomparable brodée par Bernadette et qui fut revêtue, pour la première fois, à Lourdes, par Mgr de Ladoue, lors de son sacre comme Évêque de Nevers.

Elle se plaisait aussi à mille autres petits travaux. Dans quelques lambeaux d'étoffe, elle taillait, découpait et ornait l'image du Coeur de Jésus. D'autres fois, elle promenait sur ces oeufs en couleur, connus sous le nom d'oeufs de Pâques, la pointe de son burin et y dessinait, d'un trait sûr et ferme, les symboles sacrés. Nous possédons une de ces merveilles dues au gracieux talent de la Voyante de Lourdes. C'est un oeuf brun sur lequel elle a gravé, d'un côté, la tiare avec les attributs du Souverain Pontife et l'image de l'Esprit-Saint, planant au-dessus. De l'autre côté est le Calice du saint Sacrifice dans lequel, jaillissant du Coeur de Jésus, ruissellent les gouttes du sang divin. Deux oiseaux du ciel, deux âmes toutes blanches aux ailes déployées, viennent s'y désaltérer, tandis que deux autres colombes promènent tout autour, dans l'horizon étoilé, la croix du Rédempteur et l'olivier de la paix.

Durant ses longues insomnies, elle faisait glisser entre ses mains les dizaines de son Rosaire.

«—La terre est ronde, disait-elle; et, quand il est nuit ici, il est jour en d'autres pays. A toute heure, par conséquent, à toute heure, quelle qu'elle soit, le saint Sacrifice s'offre quelque part, en un lieu qui existe en toute certitude, mais que nous ne connaissons point. J'assiste par la pensée et je m'unis à cette Messe qui se célèbre loin de moi dans une église que j'ignore.

« A la lueur de ma veilleuse, je regarde au bas de mon lit ces gravures collées au mur, cette représentation des cérémonies successives de la Messe, et je parviens à suivre ainsi le saint Sacrifice, même par les yeux. »

Et comme l'enjouement ne perdait jamais ses droits dans le caractère et dans l'esprit de Bernadette, elle ajoutait un jour:

« — Il n'y a que ce vilain petit enfant de choeur qui reste toujours immobile et qui n'agite jamais sa sonnette. “'There's only that naughty little altar boy who always remains motionless and who never rings his bell. J'en ai des impatiences. I have impatience. Il y a des moments où il me prend envie de le secouer. »

Si elle était dans ses souffrances d'une résignation comparable à celle de Job, elle était loin de croire posséder une telle vertu et s'accusait au contraire à tout instant de ne point savoir supporter la douleur, très mécontente et confuse quand on semblait admirer sa patience.

— Soeur Marie-Bernard, que vous êtes soumise!

— Oui, sans doute : par force! Il faut bien que je le sois. I must be. Mais j'ai beau renouveler mon sacrifice et prétendre que je suis soumise, tous les jours et à tout instant je m'aperçois que ce n'est pas vrai... Je voudrais sortir du lit et aller courir, surtout quand on me taquine, comme aujourd'hui.

— Et qui vous taquine?

— Vous ne voyez donc pas ce rayon de soleil qui vient tout juste se promener sur mon lit pour me narguer, pour me dire qu'il fait beau temps et qu'il faut que je reste dans ma prison? Et ces oiseaux qui chantent pour m'appeler dehors, moi qui suis en cage, ne les entendez-vous pas?

Parfois quand elle avait ses crises de douleur et ses violents élancements:

— Allons! soeur Marie-Bernard, ne perdez pas cette occasion de vous résigner héroïquement.

— Non certes! j'en perds tant d'autres que je vais profiter de celle-ci. Après tout, il n'y a pas moyen de ne point l'accepter, puisque cela vient du bon Dieu.

L'innocente et enfantine gaieté de son caractère était en quelque sorte proverbiale à Saint-Gildard. C'était un des cotes les plus saillants de sa nature.

Mais il n'est point de règle sans exception; et il advenait dans certaines circonstances, qu'un nuage de fugitive mais profonde mélancolie descendait sur elle. Était-ce le spectacle des misères de la terre qui attristait alors celle devant qui le Paradis s'était entr'ouvert? Était-ce le sentiment de l'exil et le regret de ne point entrer encore dans la bienheureuse Patrie? Nous ne savons... Nous savons seulement ce récit que nous a fait une de ses Soeurs en Religion:

— Parfois, mais bien rarement, elle paraît si grave, qu'on pourrait croire qu'elle ploie sous le fardeau de ses douleurs.

Un jour que nous nous promenions ensemble, elle me sembla toute songeuse, tout absorbée et abattue. Vainement j'essayais de la distraire.

Je craignis quelque nuage de tristesse dans la pureté de cette àme : « Ne vous rappelez-vous point, lui dis-je, les promesses de la Sainte Vierge, et ce que vous avez vu de vos yeux? Est-ce que vous l'oubliez?... » A ces mots elle a levé la tête avec une étonnante vivacité « — L'oublier? » a-t-elle répondu avec un accent indéfinissable : — « C'est-là!... » Et elle a posé la main sur son front, dans une attitude sublime de fermeté fidèle et d'amour indicible. Puis elle a un instant fermé les yeux pour mieux regarder en sa mémoire, tandis que moi-même je m'abandonnais à l'émotion de la voir ainsi recueillie, debout et immobile, la main et le doigt encore levés, par ce geste unique et double qui touchait son front et qui montrait le ciel... Un silence solennel s'était fait entre nous. Nous sommes entrées à la chapelle et nous avons prié.

— Avez-vous remarqué, faisait observer une autre Religieuse, que jamais elle ne regarde les statues? Elle éprouve à l'aspect de ces représentations, si grossières pour elle, une impression pénible. Et quand on la force d'y arrêter ses yeux : « — Oh! que c'est laid! » dit-elle.

La soeur A. raconta ceci:

—Naguères, c'était je crois l'an dernier, je me trouvais avec elle dans le petit parloir où l'on a placé la gravure du célèbre tableau de Raphaël : la Transfiguration. Je la lui montrai, lui expliquant que, d'après les connaisseurs, c'était là une oeuvre admirable. Elle me parut peu sensible aux mérites que je lui signalais : — « Est-ce que, si vous étiez artiste, lui demandai-je, si vous aviez dans la main tout le talent nécessaire, il vous serait possible de faire le portrait de la Sainte Vierge? La revoyez-vous dans votre souvenir assez nettement pour cela? » Elle a poussé un soupir : — « Quelquefois, m'a-t-elle répondu : __mais pas toujours!__» — « Oh petite! She heaved a sigh: "Sometimes," she replied, "but not always!" "Oh girl! me suis-je écriée en riant, c'est quand vous n'êtes pas sage! I exclaimed laughing, it's when you're not good! »

Elle était assurément toujours sage.

— Toutefois, nous disait une des Soeurs, ceux-là se tromperaient singulièrement qui croiraient que la nature n'a pas en elle ses vivacités et ses saillies, que la grâce réprime. "However," one of the Sisters told us, "those would be singularly mistaken who believe that nature does not have within her its vivacities and its projections, which grace represses." Soeur Marie-Bernard a un esprit naturel, prompt et logique, qui lui fait aisément monter la repartie aux lèvres quand elle a conscience d'avoir raison; repartie habituellement pittoresque, heureuse d'expression, très précise et très frappante. Elle excelle, comme l'on dit, à river son clou à l'adversaire : mais elle le rive avec un marteau d'or. She excels, as they say, in riveting her nail to her adversary: but she rivets him with a hammer of gold. Elle le fait en effet avec tant de justesse et de prestesse, que presque toujours c'est à la fois irréprochable et charmant...

« Et cependant elle se le reproche, souvent avec angoisse. “And yet she reproaches herself for it, often with anguish. Et ce sont là ses amers repentirs et ses grands mécontentements d'elle-même. Elle tremble d'avoir fait, ou tout au moins d'avoir pu faire de la peine; et elle ne peut se consoler de ces pointes de son esprit, dans la crainte qu'elles n'aient blessé çà et là la sensibilité du prochain, à qui elle s'empresse d'en demander pardon. Elle en devient toute mélancolique; et, excessive peut-être en cela, elle s'abandonne alors à une sorte d'humeur inquiète, à un vif dépit contre elle-même qui l'assombrit brusquement.

« Y a-t-il en tout cela quelque travers, quelque défaillance, quelque imperfection? Je ne sais : le Seigneur seul est juge. Mais ce défaut, si c'en est un (et il le semble parfois), mais ce côté de son caractère est le voile sous lequel Dieu la cache pour nous empêcher de trop admirer, comme étant au-dessus de la terre, notre bien-aimée Soeur, et de trop voir en elle un Ange du Paradis. A lui seul la gloire sans ombre. Et puis, c'est par là qu'il maintient notre chère Marie-Bernard dans cette humilité profonde qui la fait se considérer comme la dernière d'entre nous et comme la plus misérable des Religieuses... Jamais l'orgueil, jamais la tentation de se complaire en elle-même n'a paru effleurer cette âme que Notre-Dame de Lourdes avait élue entre toutes les autres... »