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Les Aventures d'Olivier Twist, CHAPITRE V (1)

CHAPITRE V (1)

Olivier fait de nouvelles connaissances, et, la première fois

qu'il assiste à un enterrement, il prend une idée défavorable du

métier de son maître.

Laissé seul dans la boutique du fabricant de cercueils, Olivier

posa la lampe sur un banc et jeta un regard timide autour de lui,

avec un sentiment de terreur dont bien des gens plus âgés que lui

peuvent facilement se rendre compte. Un cercueil inachevé, posé

sur des tréteaux noirs, occupait le milieu de la boutique et avait

une apparence si lugubre, que l'enfant était pris de frisson

chaque fois que ses yeux se portaient de ce côté; il s'attendait

presque à voir se dresser lentement la tête d'un horrible fantôme

dont l'aspect le ferait mourir de frayeur. Le long de la muraille

était disposée une longue rangée de planches de sapin coupées

uniformément, qui avaient l'air dans le demi-jour d'autant de

spectres à larges épaules, avec les mains dans leurs poches; des

plaques de métal, des copeaux, des clous à tête luisante, des

morceaux de drap noir jonchaient le plancher. Derrière le comptoir

on voyait figurés en manière d'enjolivement, sur le mur, deux

croque-morts, à cravate empesée, debout devant la porte d'une

maison, et dans le lointain un corbillard traîné par quatre

chevaux noirs. La boutique était fermée et chaude; l'atmosphère

semblait chargée d'une odeur de cercueil; sous le comptoir, le

trou où était jeté le matelas d'Olivier avait l'air d'une fosse.

Il n'y avait pas que ce spectacle lugubre qui impressionnât

l'enfant; il était seul dans ce lieu étrange; et nous savons tous

combien les plus vaillants d'entre nous se trouveraient parfois

affectés dans une telle situation. L'enfant n'avait point d'ami

auquel il s'intéressât ou qui s'intéressât à lui; il n'avait pas à

pleurer la mort récente d'une personne aimée; son coeur n'avait

pas à gémir de l'absence d'un visage chéri: et pourtant il était

profondément triste; en se glissant dans sa couche étroite, il eut

souhaité d'être dans son cercueil, et de pouvoir dormir pour

toujours dans le cimetière, tandis que l'herbe haute se

balancerait doucement sur sa tête, et que les tristes sons de la

vieille cloche charmeraient son sommeil.

Il fut réveillé le matin par le bruit d'un grand coup de pied

lancé du dehors dans la porte de la boutique, et qu'on réitéra

vingt-cinq fois avec colère pendant qu'il s'habillait à la hâte;

quand il commença à tirer les verrous, les pieds cessèrent de

frapper, et une voix se fit entendre.

«Vas-tu ouvrir la porte? criait-on.

- Oui, monsieur, tout de suite, répondit Olivier tirant le verrou

et faisant tourner la clef dans la serrure.

- Tu es le nouvel apprenti, n'est-ce pas? dit la voix à travers le

trou de la serrure.

- Oui, monsieur, répondit Olivier.

- Quel âge as-tu?

- Dix ans, monsieur, dit Olivier.

- Alors je vais te secouer, dit la voix; tu vas voir, méchant

bâtard que tu es!»

Après cette promesse gracieuse, la voix se mit à siffler.

Olivier avait trop souvent éprouvé les effets de semblables

promesses pour douter que celui qui parlait, quel qu'il fût,

manquât à sa parole. Il tira les verrous d'une main tremblante et

ouvrit la porte.

Il regarda un instant dans la rue, à droite, à gauche, pensant que

l'inconnu qui lui avait adressé la parole par le trou de la

serrure avait fait quelques pas pour se réchauffer; car il ne

voyait personne qu'un gros garçon de l'école de charité, assis sur

une borne en face de la maison, occupé à manger une tartine de

beurre, qu'il coupait en morceaux de la grandeur de sa bouche, et

qu'il avalait avec avidité.

«Pardon, monsieur, dit enfin Olivier, ne voyant aucun autre

visiteur; est-ce vous qui avez frappé?

- J'ai donné des coups de pied, répondit l'autre.

- Auriez-vous besoin d'un cercueil?» demanda naïvement Olivier.

Le garçon parut furieux et dit que c'était Olivier qui aurait

besoin de s'en procurer un avant peu, s'il se permettait de

pareilles plaisanteries avec ses supérieurs.

«Tu ne sais sans doute pas qui je suis, méchant orphelin? dit-il

en descendant de sa borne avec une édifiante gravité.

- Non, monsieur, répondit Olivier.

- Je suis monsieur Noé Claypole, reprit l'autre, et tu es mon

subordonné. Allons, ôte les volets, petit gredin.»

En même temps M. Claypole gratifia Olivier d'un coup de pied, et

entra dans la boutique d'un air de dignité, qui lui donna beaucoup

d'importance, quoiqu'il soit difficile à un garçon, avec une

grosse tête, de petits yeux et une physionomie stupide, de

paraître majestueux dans n'importe quelle situation; à plus forte

raison quand il joint à ces avantages extérieurs un nez rouge et

des tâches de rousseur. Olivier enleva les volets, et, lorsqu'il

voulut en porter un dans une petite cour à côté de la maison, où

on les mettait pendant le jour, il chancela sous le poids et cassa

un carreau; Noé vint gracieusement à son aide, le consola en

l'assurant qu'il le payerait, et daigna lui donner un coup de

main. M. Sowerberry descendit bientôt, et presque aussitôt

Mme Sowerberry parut; Olivier paya le carreau, suivant la

prédiction de Noé, et suivit celui-ci à la cuisine pour déjeuner.

«Venez près du feu, Noé, dit Charlotte; j'ai retiré pour vous du

déjeuner de monsieur un bon petit morceau de lard. Olivier, ferme

la porte derrière M. Noé; prends les morceaux de pain que j'ai mis

sur le couvercle du coffre; voici ton thé; va-t'en l'avaler dans

un coin et dépêche-toi, car il faut aller garder la boutique,

entends-tu?

- Entends-tu, enfant trouvé? dit Noé Claypole.

- Quel drôle de corps vous faites, Noé! dit Charlotte; ne pouvez-

vous laisser cet enfant tranquille?

- Le laisser tranquille! dit Noé; mais il me semble que tout le

monde le laisse assez tranquille comme ça. Il n'a ni père ni mère

qui se mêle de ses affaires; tous ses parents le laissent bien

faire à sa guise; hein, Charlotte? Ah! ah!

- Farceur que vous êtes!» dit Charlotte en riant aux éclats.

Noé fit comme elle; puis ils jetèrent tous deux un coup d'oeil

dédaigneux sur le pauvre Olivier Twist, qui grelottait assis sur

un coffre au fond de la cuisine, et mangeait les restes de pain

dur qu'on lui avait spécialement réservés.

Noé était un enfant de charité, mais non du dépôt de mendicité; il

n'était pas enfant trouvé, car il pouvait faire remonter sa

généalogie jusqu'à son père et à sa mère, qui demeuraient près de

là; sa mère était blanchisseuse; son père, ancien soldat, ivrogne

et retiré du service avec une jambe de bois et une pension de deux

pence et demi par jour. Les garçons de boutique du voisinage

avaient eu longtemps l'habitude d'apostropher Noé dans les rues

par les surnoms les plus injurieux, et il avait souffert sans mot

dire. Mais maintenant que la fortune avait jeté sur son chemin un

pauvre orphelin sans nom, que l'être le plus vil pouvait montrer

du doigt avec mépris, il se vengeait sur lui avec usure. C'est là

un intéressant sujet de réflexion. Nous voyons sous quel beau côté

se montre parfois la nature humaine, et avec quelle similitude les

mêmes qualités aimables se développent chez le plus noble

gentilhomme et chez le plus sale enfant de charité.

Il y avait trois semaines ou un mois qu'Olivier demeurait chez

l'entrepreneur de pompes funèbres, et M. et Mme Sowerberry, après

avoir fermé la boutique, soupaient dans la petite arrière-

boutique, quand M. Sowerberry, après avoir considéré sa femme à

plusieurs reprises de l'air le plus respectueux, entama la

conversation.

«Ma chère amie...»

Il allait continuer, mais Mme Sowerberry leva les yeux d'une façon

si revêche qu'il s'arrêta court.

«Eh bien, quoi? dit Mme Sowerberry avec humeur.

- Rien, chère amie, rien du tout, dit M. Sowerberry.

- Hein? niais que vous êtes, dit Mme Sowerberry.

- Du tout, ma chère, dit humblement M. Sowerberry; je pensais que

vous ne vouliez pas m'écouter; je voulais dire seulement...

- Oh! gardez pour vous ce que vous aviez à dire, interrompit

Mme Sowerberry; je suis comptée pour rien; ne me consultez pas,

entendez-vous? Je ne veux pas me mêler de vos secrets.»

À ces mots, elle poussa un éclat de rire affecté qui faisait

craindre des suites violentes.

«Mais, ma chère, dit Sowerberry, il me faut votre avis.

- Non, non, que vous importe mon avis? répliqua la femme d'un air

pincé; demandez conseil à d'autres.»

Et elle réitéra ce rire forcé qui faisait trembler M. Sowerberry.

Elle suivait en ceci la politique ordinaire aux femmes, celle qui

leur réussit le plus souvent: elle forçait son mari à solliciter

comme une faveur la permission de lui dire ce qu'elle était

curieuse d'apprendre, et, après une petite querelle qui ne dura

pas tout à fait trois quarts d'heure, elle accorda généreusement

cette permission.

«C'est seulement au sujet du petit Olivier, dit M. Sowerberry; il

a fort bonne mine, cet enfant.

- Le beau miracle! il mange assez pour ça, répondit la dame.

- Ses traits ont une expression de tristesse qui lui donne l'air

très intéressant, reprit M. Sowerberry. Il ferait un excellent

muet[3], ma chère.»

Mme Sowerberry leva la tête en signa d'étonnement; son mari s'en

aperçut et, sans laisser le temps à la bonne dame de placer une

observation, il continua:

«Non pas un muet pour accompagner le convoi des grandes personnes,

ma chère, mais seulement pour les convois d'enfants; ce serait une

nouveauté d'avoir un muet d'un âge en rapport avec celui du

défunt. Soyez sûre que cela ferait un effet superbe.»

Mme Sowerberry, qui montrait un goût exquis dans les questions

relatives aux pompes funèbres, fut frappée de la nouveauté de

cette idée; mais comme elle eût compromis sa dignité en approuvant

son mari, dans la circonstance actuelle, elle se contenta de lui

demander avec beaucoup d'aigreur comment il se faisait que cette

idée ne lui fût pas venue à l'esprit depuis longtemps.

M. Sowerberry en conclut avec raison que sa proposition était bien

accueillie; il fut décidé sur-le-champ qu'Olivier serait tout

d'abord initié aux mystères de la profession, et que, dans ce but,

il accompagnerait son maître à la première occasion.

Elle ne se fit pas longtemps attendre. Le lendemain matin, après

le déjeuner, M. Bumble entra dans la boutique, et, appuyant sa

canne contre le comptoir, tira de sa poche son grand portefeuille

de cuir, et y prit un bout de papier qu'il passa à Sowerberry.

«Ah! dit l'entrepreneur, en le parcourant des yeux d'un air

réjoui; c'est une commande pour un cercueil, hein?

- Pour un cercueil d'abord, et un enterrement paroissial ensuite,

dit M. Bumble en fermant son portefeuille qui était, comme lui,

très rebondi.

- Bayton? dit l'entrepreneur, cessant de lire et regardant

M. Bumble; voilà la première fois que j'entends ce nom-là.

- Des entêtés, monsieur Sowerberry, répondit M. Bumble en hochant

la tête; des entêtés, et des orgueilleux, je le crains.

- Des orgueilleux? s'écria M. Sowerberry avec un rire moqueur;

pour le coup, c'est trop fort.

- Ça fait pitié, dit le bedeau; ça fait suer.

- D'accord, répondit le fabricant de cercueils d'un air

approbatif.

- Nous n'avons entendu parler d'eux qu'avant-hier soir, dit le

bedeau; et nous n'aurions rien su sur leur compte, si une femme

qui loge dans la même maison ne s'était adressée au comité

paroissial pour le prier d'envoyer le chirurgien paroissial

visiter une femme qui était au plus mal. Il était sorti pour

dîner; mais son aide, qui est un garçon fort habile, leur envoya

haut la main une médecine dans une bouteille à cirage.

- Ah! voila ce qu'on peut appeler de la promptitude, dit

l'entrepreneur.

- Sans doute, reprit le bedeau; mais qu'en est-il résulté? Savez-

vous jusqu'où a été l'ingratitude de ces rebelles, monsieur?

Croiriez-vous que le mari a renvoyé dire que la médecine ne

convenait pas au genre de maladie de sa femme et qu'elle ne la

prendrait pas? Entendez-vous cela? qu'elle ne la prendrait pas!

une médecine excellente, énergique, salutaire, qu'on avait

administrée avec succès, pas plus tard qu'il y a huit jours, à


CHAPITRE V (1) KAPITEL V (1) CHAPTER V (1)

Olivier fait de nouvelles connaissances, et, la première fois Olivier makes new acquaintances, and, the first time

qu'il assiste à un enterrement, il prend une idée défavorable du that he attends a funeral, he takes an unfavorable idea of the

métier de son maître. his master's craft.

Laissé seul dans la boutique du fabricant de cercueils, Olivier Left alone in the shop of the coffin maker, Olivier

posa la lampe sur un banc et jeta un regard timide autour de lui, put the lamp on a bench and cast a shy glance around him,

avec un sentiment de terreur dont bien des gens plus âgés que lui with a feeling of terror that many people older than him

peuvent facilement se rendre compte. can easily realize. Un cercueil inachevé, posé An unfinished coffin, laid

sur des tréteaux noirs, occupait le milieu de la boutique et avait on black trestles, occupied the middle of the shop and had

une apparence si lugubre, que l'enfant était pris de frisson an appearance so gloomy, that the child was seized with shivers

chaque fois que ses yeux se portaient de ce côté; il s'attendait each time his eyes were on that side; he expected

presque à voir se dresser lentement la tête d'un horrible fantôme almost like seeing the head of a horrible ghost slowly rise

dont l'aspect le ferait mourir de frayeur. the sight of which would scare him to death. Le long de la muraille Along the wall

était disposée une longue rangée de planches de sapin coupées lay a long row of cut fir planks

uniformément, qui avaient l'air dans le demi-jour d'autant de uniformly, which looked in the half-light of as many

spectres à larges épaules, avec les mains dans leurs poches; des broad-shouldered ghosts, with their hands in their pockets; of the

plaques de métal, des copeaux, des clous à tête luisante, des metal plates, shavings, shiny nails,

morceaux de drap noir jonchaient le plancher. pieces of black cloth were strewn on the floor. Derrière le comptoir Behind the desk

on voyait figurés en manière d'enjolivement, sur le mur, deux one saw figured in a way of embellishment, on the wall, two

croque-morts, à cravate empesée, debout devant la porte d'une undertakers, with a starched tie, standing in front of the door of a

maison, et dans le lointain un corbillard traîné par quatre house, and in the distance a hearse pulled by four

chevaux noirs. La boutique était fermée et chaude; l'atmosphère The shop was closed and warm; the atmosphere

semblait chargée d'une odeur de cercueil; sous le comptoir, le seemed charged with the smell of a coffin; under the counter,

trou où était jeté le matelas d'Olivier avait l'air d'une fosse. The hole where Olivier's mattress was thrown looked like a pit.

Il n'y avait pas que ce spectacle lugubre qui impressionnât It was not only this dismal spectacle that impressed

l'enfant; il était seul dans ce lieu étrange; et nous savons tous the child; he was alone in this strange place; and we all know

combien les plus vaillants d'entre nous se trouveraient parfois how the bravest of us would sometimes find ourselves

affectés dans une telle situation. affected in such a situation. L'enfant n'avait point d'ami The child had no friend

auquel il s'intéressât ou qui s'intéressât à lui; il n'avait pas à in whom he was interested or who was interested in him; he didn't have to

pleurer la mort récente d'une personne aimée; son coeur n'avait mourning the recent death of a loved one; his heart had no

pas à gémir de l'absence d'un visage chéri: et pourtant il était not to groan at the absence of a cherished face: and yet he was

profondément triste; en se glissant dans sa couche étroite, il eut deeply sad; slipping into his narrow couch, he had

souhaité d'être dans son cercueil, et de pouvoir dormir pour wished to be in his coffin, and to be able to sleep for

toujours dans le cimetière, tandis que l'herbe haute se still in the cemetery, while the tall grass

balancerait doucement sur sa tête, et que les tristes sons de la would swing gently on his head, and the sad sounds of the

vieille cloche charmeraient son sommeil. old bell would charm his sleep.

Il fut réveillé le matin par le bruit d'un grand coup de pied He was awakened in the morning by the sound of a great kick

lancé du dehors dans la porte de la boutique, et qu'on réitéra thrown from outside into the door of the shop, and which was repeated

vingt-cinq fois avec colère pendant qu'il s'habillait à la hâte; twenty-five times angrily as he dressed hastily;

quand il commença à tirer les verrous, les pieds cessèrent de when he started to pull the bolts, the feet stopped

frapper, et une voix se fit entendre. knock, and a voice was heard.

«Vas-tu ouvrir la porte? “Are you going to open the door? criait-on.

- Oui, monsieur, tout de suite, répondit Olivier tirant le verrou - Yes, sir, right away, replied Olivier, pulling the lock.

et faisant tourner la clef dans la serrure. and turning the key in the lock.

- Tu es le nouvel apprenti, n'est-ce pas? - You're the new apprentice, aren't you? dit la voix à travers le said the voice through the

trou de la serrure. keyhole.

- Oui, monsieur, répondit Olivier. - Yes, sir, replied Olivier.

- Quel âge as-tu?

- Dix ans, monsieur, dit Olivier. - Ten years, sir, said Olivier.

- Alors je vais te secouer, dit la voix; tu vas voir, méchant - Then I will shake you, said the voice; you'll see, bad guy

bâtard que tu es!» bastard that you are!”

Après cette promesse gracieuse, la voix se mit à siffler. After this gracious promise, the voice began to hiss.

Olivier avait trop souvent éprouvé les effets de semblables Olivier had too often experienced the effects of similar

promesses pour douter que celui qui parlait, quel qu'il fût, promises to doubt that the speaker, whoever he was,

manquât à sa parole. broke his word. Il tira les verrous d'une main tremblante et He pulled the bolts with a trembling hand and

ouvrit la porte.

Il regarda un instant dans la rue, à droite, à gauche, pensant que He looked for a moment in the street, to the right, to the left, thinking that

l'inconnu qui lui avait adressé la parole par le trou de la the stranger who had spoken to him through the hole of the

serrure avait fait quelques pas pour se réchauffer; car il ne lock had taken a few steps to warm up; because he does

voyait personne qu'un gros garçon de l'école de charité, assis sur saw no one but a fat boy from the charity school, sitting on

une borne en face de la maison, occupé à manger une tartine de terminal in front of the house, busy eating a sandwich of

beurre, qu'il coupait en morceaux de la grandeur de sa bouche, et butter, which he cut into pieces the size of his mouth, and

qu'il avalait avec avidité. which he swallowed greedily.

«Pardon, monsieur, dit enfin Olivier, ne voyant aucun autre "Excuse me, sir," said Olivier finally, not seeing any other

visiteur; est-ce vous qui avez frappé? visitor; is it you who knocked?

- J'ai donné des coups de pied, répondit l'autre. - I kicked, replied the other.

- Auriez-vous besoin d'un cercueil?» demanda naïvement Olivier. - Do you need a coffin?” Olivier asked naively.

Le garçon parut furieux et dit que c'était Olivier qui aurait The boy looked furious and said that it was Olivier who would have

besoin de s'en procurer un avant peu, s'il se permettait de need to get some before long, if he allowed himself to

pareilles plaisanteries avec ses supérieurs. such jokes with his superiors.

«Tu ne sais sans doute pas qui je suis, méchant orphelin? "You don't know who I am, wicked orphan? dit-il

en descendant de sa borne avec une édifiante gravité. descending from its terminal with an edifying gravity.

- Non, monsieur, répondit Olivier. - No, sir, replied Olivier.

- Je suis monsieur Noé Claypole, reprit l'autre, et tu es mon - I am Monsieur Noé Claypole, resumed the other, and you are my

subordonné. Allons, ôte les volets, petit gredin.» Come on, take down the shutters, you little scoundrel.”

En même temps M. Claypole gratifia Olivier d'un coup de pied, et At the same time Mr. Claypole kicked Olivier, and

entra dans la boutique d'un air de dignité, qui lui donna beaucoup entered the shop with an air of dignity, which gave him much

d'importance, quoiqu'il soit difficile à un garçon, avec une importance, though difficult for a boy, with a

grosse tête, de petits yeux et une physionomie stupide, de big head, small eyes and a stupid countenance,

paraître majestueux dans n'importe quelle situation; à plus forte look majestic in any situation; stronger

raison quand il joint à ces avantages extérieurs un nez rouge et reason when he adds to these external advantages a red nose and

des tâches de rousseur. freckles. Olivier enleva les volets, et, lorsqu'il Olivier took down the shutters, and when he

voulut en porter un dans une petite cour à côté de la maison, où wanted to carry one to a small yard next to the house, where

on les mettait pendant le jour, il chancela sous le poids et cassa they were put on during the day, he staggered under the weight and broke

un carreau; Noé vint gracieusement à son aide, le consola en a tile; Noah graciously came to his aid, consoled him

l'assurant qu'il le payerait, et daigna lui donner un coup de assuring him that he would pay him, and condescended to give him a

main. hand. M. Sowerberry descendit bientôt, et presque aussitôt Mr. Sowerberry soon descended, and almost immediately

Mme Sowerberry parut; Olivier paya le carreau, suivant la Mrs. Sowerberry appeared; Olivier called the diamond, following the

prédiction de Noé, et suivit celui-ci à la cuisine pour déjeuner. Noah's prediction, and followed him to the kitchen for lunch.

«Venez près du feu, Noé, dit Charlotte; j'ai retiré pour vous du "Come near the fire, Noah," said Charlotte; I withdrew for you from

déjeuner de monsieur un bon petit morceau de lard. gentleman's lunch a good little piece of bacon. Olivier, ferme

la porte derrière M. Noé; prends les morceaux de pain que j'ai mis the door behind Mr. Noah; take the pieces of bread that I put

sur le couvercle du coffre; voici ton thé; va-t'en l'avaler dans on the trunk lid; here is your tea; are you going to swallow it in

un coin et dépêche-toi, car il faut aller garder la boutique, a corner and hurry up, because we have to go and guard the shop,

entends-tu?

- Entends-tu, enfant trouvé? - Do you hear, foundling? dit Noé Claypole.

- Quel drôle de corps vous faites, Noé! - What a strange body you have, Noah! dit Charlotte; ne pouvez- said Charlotte; can't

vous laisser cet enfant tranquille? you leave this child alone?

- Le laisser tranquille! dit Noé; mais il me semble que tout le said Noah; but it seems to me that everyone

monde le laisse assez tranquille comme ça. everyone leaves him alone enough as it is. Il n'a ni père ni mère He has neither father nor mother

qui se mêle de ses affaires; tous ses parents le laissent bien who minds his own business; all his parents leave him well

faire à sa guise; hein, Charlotte? do as one pleases; eh, Charlotte? Ah! ah!

- Farceur que vous êtes!» dit Charlotte en riant aux éclats. - You prankster!” said Charlotte, laughing out loud.

Noé fit comme elle; puis ils jetèrent tous deux un coup d'oeil Noah did like her; then they both glanced

dédaigneux sur le pauvre Olivier Twist, qui grelottait assis sur disdainful of poor Olivier Twist, who was shivering sitting on

un coffre au fond de la cuisine, et mangeait les restes de pain a chest at the back of the kitchen, and ate the leftover bread

dur qu'on lui avait spécialement réservés. hard that we had specially reserved for him.

Noé était un enfant de charité, mais non du dépôt de mendicité; il Noah was a child of charity, but not of the begging; he

n'était pas enfant trouvé, car il pouvait faire remonter sa was not a foundling, because he could trace his

généalogie jusqu'à son père et à sa mère, qui demeuraient près de genealogy to his father and mother, who lived near

là; sa mère était blanchisseuse; son père, ancien soldat, ivrogne the; his mother was a laundress; his father, a former soldier, a drunkard

et retiré du service avec une jambe de bois et une pension de deux and retired from service with a wooden leg and a pension of two

pence et demi par jour. pence and a half a day. Les garçons de boutique du voisinage The neighborhood shop boys

avaient eu longtemps l'habitude d'apostropher Noé dans les rues had long been accustomed to apostrophizing Noah in the streets

par les surnoms les plus injurieux, et il avait souffert sans mot by the most insulting nicknames, and he had suffered without a word

dire. Mais maintenant que la fortune avait jeté sur son chemin un But now that fortune had thrown his way a

pauvre orphelin sans nom, que l'être le plus vil pouvait montrer poor nameless orphan, whom the vilest being could show

du doigt avec mépris, il se vengeait sur lui avec usure. the finger with contempt, he avenged himself on him with usury. C'est là

un intéressant sujet de réflexion. an interesting subject for reflection. Nous voyons sous quel beau côté We see under what a beautiful side

se montre parfois la nature humaine, et avec quelle similitude les sometimes shows itself human nature, and with what similarity the

mêmes qualités aimables se développent chez le plus noble same lovable qualities develop in the noblest

gentilhomme et chez le plus sale enfant de charité. gentleman and in the dirtiest child of charity.

Il y avait trois semaines ou un mois qu'Olivier demeurait chez Olivier had been living with him for three weeks or a month.

l'entrepreneur de pompes funèbres, et M. et Mme Sowerberry, après the undertaker, and Mr. and Mrs. Sowerberry, after

avoir fermé la boutique, soupaient dans la petite arrière- having closed the shop, were supping in the little backyard

boutique, quand M. Sowerberry, après avoir considéré sa femme à shop, when Mr. Sowerberry, after considering his wife at

plusieurs reprises de l'air le plus respectueux, entama la several times with the most respectful air, began the

conversation.

«Ma chère amie...» "My dear friend..."

Il allait continuer, mais Mme Sowerberry leva les yeux d'une façon He was going to continue, but Mrs. Sowerberry looked up in a

si revêche qu'il s'arrêta court. so surly that he stopped short.

«Eh bien, quoi? dit Mme Sowerberry avec humeur. said Mrs. Sowerberry crossly.

- Rien, chère amie, rien du tout, dit M. Sowerberry. "Nothing, dear, nothing at all," said Mr. Sowerberry.

- Hein? niais que vous êtes, dit Mme Sowerberry. fool that you are, said Mrs. Sowerberry.

- Du tout, ma chère, dit humblement M. Sowerberry; je pensais que “Not at all, my dear,” said Mr. Sowerberry humbly; I thought that

vous ne vouliez pas m'écouter; je voulais dire seulement... you didn't want to listen to me; I just meant...

- Oh! gardez pour vous ce que vous aviez à dire, interrompit keep to yourself what you had to say, interrupted

Mme Sowerberry; je suis comptée pour rien; ne me consultez pas, Mrs. Sowerberry; I am counted for nothing; don't consult me,

entendez-vous? Je ne veux pas me mêler de vos secrets.» I don't want to meddle in your secrets."

À ces mots, elle poussa un éclat de rire affecté qui faisait At these words, she let out an affected burst of laughter which made

craindre des suites violentes. fear of violent consequences.

«Mais, ma chère, dit Sowerberry, il me faut votre avis. 'But, my dear,' said Sowerberry, 'I need your advice.

- Non, non, que vous importe mon avis? - No, no, what do you care about my opinion? répliqua la femme d'un air replied the woman with an air

pincé; demandez conseil à d'autres.» pinched; seek advice from others.”

Et elle réitéra ce rire forcé qui faisait trembler M. Sowerberry. And she repeated that forced laugh which made Mr. Sowerberry tremble.

Elle suivait en ceci la politique ordinaire aux femmes, celle qui She followed in this the ordinary policy for women, that which

leur réussit le plus souvent: elle forçait son mari à solliciter succeeds most often: she forced her husband to solicit

comme une faveur la permission de lui dire ce qu'elle était as a favor permission to tell her what she was

curieuse d'apprendre, et, après une petite querelle qui ne dura curious to learn, and, after a little quarrel that did not last

pas tout à fait trois quarts d'heure, elle accorda généreusement not quite three-quarters of an hour, she generously granted

cette permission.

«C'est seulement au sujet du petit Olivier, dit M. Sowerberry; il 'It's only about little Olivier,' said Mr. Sowerberry; he

a fort bonne mine, cet enfant. looks very good, this child.

- Le beau miracle! il mange assez pour ça, répondit la dame. he eats enough for that, replied the lady.

- Ses traits ont une expression de tristesse qui lui donne l'air – His features have an expression of sadness that makes him look

très intéressant, reprit M. Sowerberry. very interesting,” resumed Mr. Sowerberry. Il ferait un excellent He would make a great

muet[3], ma chère.» dumb[3], my dear.”

Mme Sowerberry leva la tête en signa d'étonnement; son mari s'en Mrs. Sowerberry raised her head in astonishment; her husband is leaving

aperçut et, sans laisser le temps à la bonne dame de placer une saw and, without giving the good lady time to place a

observation, il continua:

«Non pas un muet pour accompagner le convoi des grandes personnes, “Not a mute to accompany the convoy of grown-ups,

ma chère, mais seulement pour les convois d'enfants; ce serait une my dear, but only for convoys of children; it would be a

nouveauté d'avoir un muet d'un âge en rapport avec celui du novelty of having a mute of an age related to that of the

défunt. deceased. Soyez sûre que cela ferait un effet superbe.» Be sure it would have a superb effect.”

Mme Sowerberry, qui montrait un goût exquis dans les questions Mrs. Sowerberry, who showed exquisite taste in questions

relatives aux pompes funèbres, fut frappée de la nouveauté de relating to funeral directors, was struck by the novelty of

cette idée; mais comme elle eût compromis sa dignité en approuvant that idea; but since she would have compromised her dignity by approving

son mari, dans la circonstance actuelle, elle se contenta de lui her husband, in the present circumstance, she was content with him

demander avec beaucoup d'aigreur comment il se faisait que cette to ask very sourly how it was that this

idée ne lui fût pas venue à l'esprit depuis longtemps. idea had not occurred to him for a long time.

M. Sowerberry en conclut avec raison que sa proposition était bien Mr. Sowerberry correctly concludes that his proposal was well

accueillie; il fut décidé sur-le-champ qu'Olivier serait tout welcomed; it was decided on the spot that Olivier would be everything

d'abord initié aux mystères de la profession, et que, dans ce but, first initiated into the mysteries of the profession, and that, for this purpose,

il accompagnerait son maître à la première occasion. he would accompany his master at the first opportunity.

Elle ne se fit pas longtemps attendre. She didn't wait long. Le lendemain matin, après The next morning, after

le déjeuner, M. Bumble entra dans la boutique, et, appuyant sa breakfast, Mr. Bumble entered the shop, and, pressing his

canne contre le comptoir, tira de sa poche son grand portefeuille cane against the counter, took his large wallet from his pocket

de cuir, et y prit un bout de papier qu'il passa à Sowerberry. of leather, and took out a slip of paper which he passed to Sowerberry.

«Ah! dit l'entrepreneur, en le parcourant des yeux d'un air said the contractor, looking over him with a

réjoui; c'est une commande pour un cercueil, hein? rejoiced; it's an order for a coffin, huh?

- Pour un cercueil d'abord, et un enterrement paroissial ensuite, - For a coffin first, and then a parish burial,

dit M. Bumble en fermant son portefeuille qui était, comme lui, said Mr. Bumble, closing his wallet which was, like him,

très rebondi. very bouncy.

- Bayton? dit l'entrepreneur, cessant de lire et regardant said the contractor, stopping to read and looking

M. Bumble; voilà la première fois que j'entends ce nom-là. Mr. Bumble; this is the first time I hear that name.

- Des entêtés, monsieur Sowerberry, répondit M. Bumble en hochant "Stubborn ones, Mr. Sowerberry," replied Mr. Bumble, nodding.

la tête; des entêtés, et des orgueilleux, je le crains. the head; stubborn and proud, I fear.

- Des orgueilleux? s'écria M. Sowerberry avec un rire moqueur; exclaimed Mr. Sowerberry with a mocking laugh;

pour le coup, c'est trop fort. for now, it's too strong.

- Ça fait pitié, dit le bedeau; ça fait suer. - It's pitiful, said the beadle; it sweats.

- D'accord, répondit le fabricant de cercueils d'un air "Okay," replied the coffin maker with an air of

approbatif.

- Nous n'avons entendu parler d'eux qu'avant-hier soir, dit le - We only heard about them the night before last, said the

bedeau; et nous n'aurions rien su sur leur compte, si une femme beadle; and we would have known nothing about them, if a woman

qui loge dans la même maison ne s'était adressée au comité who lives in the same house had not addressed the committee

paroissial pour le prier d'envoyer le chirurgien paroissial parish priest to ask him to send the parish surgeon

visiter une femme qui était au plus mal. visit a woman who was at her worst. Il était sorti pour He was out for

dîner; mais son aide, qui est un garçon fort habile, leur envoya having dinner; but his assistant, who is a very clever boy, sent them

haut la main une médecine dans une bouteille à cirage. hands down medicine in a shoe polish bottle.

- Ah! voila ce qu'on peut appeler de la promptitude, dit here is what one can call promptness, says

l'entrepreneur.

- Sans doute, reprit le bedeau; mais qu'en est-il résulté? “Without doubt,” resumed the beadle; but what resulted? Savez-

vous jusqu'où a été l'ingratitude de ces rebelles, monsieur? how far was the ingratitude of these rebels, sir?

Croiriez-vous que le mari a renvoyé dire que la médecine ne Would you believe the husband sent back saying that medicine does not

convenait pas au genre de maladie de sa femme et qu'elle ne la not suitable for the kind of illness of his wife and that she did not

prendrait pas? Entendez-vous cela? Do you hear that? qu'elle ne la prendrait pas! that she wouldn't take it!

une médecine excellente, énergique, salutaire, qu'on avait an excellent, energetic, salutary medicine, which we had

administrée avec succès, pas plus tard qu'il y a huit jours, à successfully administered, no later than eight days ago, at