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Le Ciné-Club de M.Bobine, Cœur de tonnerre de Michael Apted, l'analyse de M. Bobine (1)

Cœur de tonnerre de Michael Apted, l'analyse de M. Bobine (1)

Adeptes de la Grande Toile, bonjour !

Aujourd'hui, nous allons parler d'un film

qui ne va pas tarder à fêter son trentième anniversaire

puisqu'il est sorti en salles au début de l'année 1992 : Coeur de tonnerre.

On le doit au cinéaste anglais Michael Apted,

disparu il y a près d'un an dans une certaine indifférence.

Si sa fin de carrière au cinéma n'est certes pas très glorieuse,

Apted était capable, en certaines occasions, de livrer des œuvres

qui méritent largement le coup d'œil.

C'est le cas à mon sens de ce Coeur de tonnerre,

se déroulant dans un décor très peu exploité au cinéma

et porté par d'autres ambitions que de simplement raconter une bonne histoire.

Et c'est l'occasion pour nous de s'intéresser à la manière

dont Hollywood représente les indiens en dehors du genre du western !

La dernière fois que j'ai vérifié,

Cœur de tonnerre n'était disponible sur aucune plate-forme de streaming en France.

Il fait plutôt partie de ces films oubliés sur lequel on tombe par hasard

en zappant sur d'obscures chaînes de la TNT.

La sagesse m'impose donc de commencer notre épisode par un petit pitch,

histoire que vous sachiez quand même de quoi le film cause...

Nous sommes au début des années 70, sous l'administration Nixon.

Ray Levoi, un jeune agent du FBI ayant complètement refoulé ses origines indiennes,

est chargé d'enquêter sur le meurtre d'un membre du Conseil Tribal

de la réserve sioux de Bear Creek, dans le Dakota du sud.

Avec son coéquipier, un vétéran du Bureau spécialiste des “Affaires indiennes”,

il trouve un coupable tout désigné en la personne de Jimmy Deux Coups d'Œil,

le leader de l'ARM, un mouvement traditionaliste sioux.

Mais celui-ci clame son innocence

et accuse les indiens pro-gouvernementaux qui dirigent la réserve

et n'hésitent pas à employer des méthodes brutales.

Tandis que le climat de guerre civile s'intensifie,

Ray se voit épaulé dans sa quête de vérité par un policier local,

n vieux sachem et une institutrice militante des droits des indiens,

qui vont l'amener à renouer avec ses racines oubliées.

Coeur de tonnerre est un film qui fleure bon le début des années 90.

Pour commencer, le rôle du directeur du FBI a été confié à Fred Dalton Thompson,

un mec tellement habitué à jouer les figures d'autorité à cette époque

qu'il finira par devenir sénateur du Tennessee et candidat à l'élection présidentielle !

Ensuite, on a affaire à un pur whodunit,

une forme de récit particulièrement à la mode à Hollywood en ces temps-là,

même dans des films n'appartenant pas au genre policier.

Enfin, le sujet qu'il traite était alors plutôt tendance.

Je ne vous apprends sûrement rien si je vous dis que la représentation des Indiens à Hollywood

a longtemps été, disons, problématique.

Si l'image du sauvage faisant obstacle à la Destinée Manifeste

a été dépassée dès les années 40,

le whitewashing à gogo a perduré pendant deux bonnes décennies.

Pour jouer des Indiens, Un peu de plumes et de maquillage

tout le monde pouvait faire l'affaire.

Tout le monde… sauf les Indiens !

Dans les années 50,

l'acteur originaire de Brooklyn Jeff Chandler avait littéralement fait une OPA

sur le rôle du chef apache Cochise puisqu'il l'a interprété dans pas moins de 3 films !

Il faut vraiment attendre le début des seventies pour que les choses bougent un peu

parce que cette fois, on préfère imprimer la réalité plutôt que la légende.

John Wayne se fait flinguer dans le dos au beau milieu des Cowboys,

les exactions de la Cavalerie américaine sont dénoncées dans Soldat bleu et Little Big Man,

Des films comme Jeremiah Johnson et Un homme nommé cheval montrent la vie

aux côtés des Peaux-Rouges sans jamais céder aux clichés.

En 1971, pour la première fois,

un acteur amérindien est nommé aux Oscars.

Ce qui n'empêche pas Marlon Brando, récompensé deux ans plus tard pour son rôle dans Le Parrain

de se faire représenter sur scène par l'actrice et activiste Sacheen Littlefeather

pour protester contre l'invisibilisation des Native Americans dans l'industrie du cinéma.

Après l'échec sans appel de La porte du paradis en 1980,

le western n'a plus du tout la côté à Hollywood

et les Indiens disparaissent avec lui dans le hors champ.

S'il fallait retenir une œuvre importante de cette période,

ce serait de toute évidence le documentaire Broken Rainbow en 1985,

qui raconte la relocalisation forcée de milliers d'Indiens Navajo et Hopi

après la découverte de gisements miniers sur leurs terres en Arizona.

Et puis, soudain, en 1990...

Danse avec les loups est un projet de pure passion

que Kevin Costner a mis de longues années à monter,

en partie parce qu'il cumule un certain nombre de handicaps.

C'est un western, ce qui n'est pas très à la mode à l'époque,

c'est aussi un film très ambitieux visuellement

qui dure plus de 3 heures sans happy-end.

Costner y est entouré de comédiens amérindiens inconnus au bataillon

qui déclament une bonne partie de leurs dialogues en langue lakota,

forçant les spectateurs américains à faire

quelque chose de complètement inhabituel à l'époque :

ire les sous-titres.

Bref, c'est pas gagné d'avance.

Et pourtant le bide annoncé se révèle être un triomphe à la fois critique et public.

Grâce à lui, le western va connaître un nouveau souffle pendant quelques années

avant de retomber en quasi hibernation.

Dans le sillage de Danse avec les loups,

des projets donnant le beau rôle aux Indiens d'Amérique voient aussi le jour.

Kevin Costner surfe sur la vague qu'il a lui-même lancée

en produisant pour CBS la série documentaire 500 Nations,

qui veut mettre en lumière toute la richesse de la culture amérindienne.

En 1993, après avoir envisagé de faire un film sur le chef sioux Crazy Horse,

Walter Hill tourne Geronimo avec Gene Hackman, Monsieur Western à cette époque,

un tout jeune Matt Damon et Wes Studi dans le rôle-titre.

L'année précédente, le même Wes Studi jouait déjà un impitoyable guerrier, Huron cette fois,

dans le très beau Dernier des mohicans de Michael Mann.

Et au même moment, les pontes de Disney validaient le projet Pocahontas,

qui avait tout selon eux pour casser la baraque.

Dans ce contexte favorable,

j'ai tendance à penser que les producteurs de Coeur de tonnerre,

qui incluent un certain Robert de Niro,

n'ont pas eu trop de mal à obtenir le feu vert de TriStar Pictures.

Devant la caméra, le réalisateur Michael Apted a réussi

à réunir un casting assez attractif.

Le fringuant Val Kilmer,

qui ne se trimbalait pas encore une réputation de mec ingérable sur les plateaux.

Le très estimé Sam Shepard qui, quand il ne jouait pas les seconds rôles de qualité,

accumulait les prix prestigieux pour ses pièces de théâtre.

Ouais, de loin y'a un petit air de ressemblance.

Beau mec, ceci dit.

Et, enfin, Graham Greene, tout juste sorti de son rôle

de Oiseau Bondissant dans Danse avec les loups

qui lui a valu une nomination méritée aux Oscars.

Du côté de l'équipe technique, il y a aussi du beau monde.

La photo est assurée par le génial Roger Deakins,

qui nous fait comprendre dès les premières images

qu'on va assister à un truc pas dégueulasse à regarder.

Sa caméra n'a aucun mal à rendre justice

à la beauté austère des paysages des Black Hills.

Et elle nous offre quelques mouvements classieux qui ont été repris par d'autres depuis.

À la musique, on retrouve le regretté James Horner,

collaborateur régulier de Michael Apted.

Si je ne m'abuse, Cœur de tonnerre est le film où il va commencer

son exploration des sonorités indiennes

qui reviendront ensuite très régulièrement dans sa filmographie.

Mais malgré ses atouts indéniables,

Cœur de tonnerre n'a pas fait d'étincelles au box-office US, loin s'en faut.

Et du coup, il a connu une distribution en catimini dans le reste du monde.

Il y a de fortes chances que ce dédain des spectateurs américains ait à voir

avec ce que Michael Apted essaie de leur raconter.

Contrairement à tous les films qu'on a cités jusque-là,

Coeur de tonnerre ne se déroule pas à l'époque héroïque du Far West mais dans les années 70,

soit des décennies après la fin des Guerres Indiennes.

Les Native Americans ne partagent donc plus depuis longtemps les grands espaces américains

avec les visages pâles, qui ont préféré les parquer dans des réserves.

Le film ne se prive pas de montrer les conditions de vie déplorables qui règnent à Bear Creek,

comme dans tous ces lieux complètement abandonnés par les pouvoirs publics.

Le gouvernement fédéral est pointé du doigt pour les abus de sa politique d'assimilation.

Mais aussi pour sa responsabilité directe dans les problèmes de santé gravissimes

qui rongent la réserve.

Coeur de tonnerre convoque aussi le souvenir du massacre de Wounded Knee en 1890,

où plus de 300 Sioux, hommes, femmes et enfants,

sont tombés sous les balles des soldats du 7ème de Cavalerie.

Dans les années 70, cet événement tragique s'est retrouvé au cœur

d'un vaste mouvement de revendications des Native Americans.

Il y a d'abord la publication en 1970 du livre Bury my Heart at Wounded Knee

qui revient sur l'impact proprement désastreux

de la conquête de l'Ouest sur les populations indiennes

et déclenche un réveil des consciences.

Trois ans plus tard, 200 membres de l'American Indian Movement (ou AIM)

vont occuper pendant 71 jours la ville de Wounded Knee

pour protester contre l'extraction d'uranium et de gaz naturel sur leurs terres,

mais aussi contre la gestion de la réserve de Pine Ridge par le chef tribal Dick Wilson,

qu'ils considèrent comme une marionnette du gouvernement.

La levée du siège par l'armée et le FBI fera deux morts

et donnera lieu l'année suivante à un procès retentissant.

Le scénariste John Fusco s'est directement inspiré de ce contexte explosif

pour construire l'intrigue de Coeur de tonnerre.

La réserve fictive de Bear Creek est un décalque très clair de celle Pine Ridge,

située elle aussi dans le Dakota du Sud

et considérée comme un des endroits les plus sinistrés des États-Unis

avec un taux de mortalité infantile 3 fois supérieur à la moyenne nationale

et une espérance de vie qui ne dépasse pas les 50 ans.

Le fameux Dick Wilson est représenté dans le film

sous les traits de ce bon vieux Fred Ward

et rebaptisé pour l'occasion Jack Milton.

Comme son modèle, le personnage cherche avant tout

à défendre ses intérêts et ceux du gouvernement.

Il est à la tête d'une milice privée qui n'hésite pas à pousser très loin l'intimidation.

Dans la réalité comme dans la fiction,

les membres de cette brigade se font appeler les GOONS

pour “Guardians of the Oglala Nation”.

L'AIM - American Indian Movement - change très subtilement de nom pour devenir ARM :

Aboriginal Rights Movement.

À sa tête, on retrouve deux personnages qui entendent dénoncer, chacun à leur façon,

le traitement de leur peuple et la corruption généralisée :

la militante pacifique Maggie Aigle Ours

et le partisan de l'action directe Jimmy Deux Coups d'Œil.

La première évoque à bien des égards une des figures marquantes de l'AIM,

Anna Mae Aquash,

dont le corps criblé de balles a été retrouvé à Pine Ridge

plusieurs semaines après sa disparition en décembre 1975.

De façon générale, après les événements de Wounded Knee,

les morts mystérieuses ont eu tendance à se multiplier chez les activistes amérindiens,

sans que le FBI ne semble particulièrement s'en émouvoir.

Avec le personnage de Jimmy Deux Coups d'Œil, suspect n°1 du meurtre qui ouvre le récit,

John Fusco renvoie explicitement à une autre “affaire indienne”

qui a fait grand bruit à l'époque.

Le 26 juin 1975,

deux agents spéciaux du FBI à la recherche d'un voleur de bottes (oui oui, de BOTTES !)

sont abattus sur la réserve de Pine Ridge, encore elle.

Très vite, les soupçons des enquêteurs se portent vers un certain Leonard Peltier

et deux autres membres actifs de l'AIM.

Aussitôt inscrit sur la liste des 10 personnes les plus recherchées par le FBI,

Peltier est arrêté quelques mois plus tard au Canada

et jugé séparément des autres accusés.

Tandis que ces derniers sont acquittés faute d'éléments à charge,


Cœur de tonnerre de Michael Apted, l'analyse de M. Bobine (1) Michael Apted's Heart of Thunder, Mr. Bobbin's analysis (1) Corazón de trueno, de Michael Apted, análisis del Sr. Bobbin (1) Heart of Thunder van Michael Apted, analyse van Mr Bobbin (1) Coração de Trovão de Michael Apted, análise de Mr Bobbin (1)

Adeptes de la Grande Toile, bonjour !

Aujourd'hui, nous allons parler d'un film

qui ne va pas tarder à fêter son trentième anniversaire

puisqu'il est sorti en salles au début de l'année 1992 : Coeur de tonnerre.

On le doit au cinéaste anglais Michael Apted,

disparu il y a près d'un an dans une certaine indifférence.

Si sa fin de carrière au cinéma n'est certes pas très glorieuse,

Apted était capable, en certaines occasions, de livrer des œuvres

qui méritent largement le coup d'œil.

C'est le cas à mon sens de ce Coeur de tonnerre,

se déroulant dans un décor très peu exploité au cinéma

et porté par d'autres ambitions que de simplement raconter une bonne histoire.

Et c'est l'occasion pour nous de s'intéresser à la manière

dont Hollywood représente les indiens en dehors du genre du western !

La dernière fois que j'ai vérifié,

Cœur de tonnerre n'était disponible sur aucune plate-forme de streaming en France.

Il fait plutôt partie de ces films oubliés sur lequel on tombe par hasard

en zappant sur d'obscures chaînes de la TNT.

La sagesse m'impose donc de commencer notre épisode par un petit pitch,

histoire que vous sachiez quand même de quoi le film cause...

Nous sommes au début des années 70, sous l'administration Nixon.

Ray Levoi, un jeune agent du FBI ayant complètement refoulé ses origines indiennes,

est chargé d'enquêter sur le meurtre d'un membre du Conseil Tribal

de la réserve sioux de Bear Creek, dans le Dakota du sud.

Avec son coéquipier, un vétéran du Bureau spécialiste des “Affaires indiennes”,

il trouve un coupable tout désigné en la personne de Jimmy Deux Coups d'Œil,

le leader de l'ARM, un mouvement traditionaliste sioux.

Mais celui-ci clame son innocence

et accuse les indiens pro-gouvernementaux qui dirigent la réserve

et n'hésitent pas à employer des méthodes brutales.

Tandis que le climat de guerre civile s'intensifie,

Ray se voit épaulé dans sa quête de vérité par un policier local,

n vieux sachem et une institutrice militante des droits des indiens,

qui vont l'amener à renouer avec ses racines oubliées.

Coeur de tonnerre est un film qui fleure bon le début des années 90.

Pour commencer, le rôle du directeur du FBI a été confié à Fred Dalton Thompson,

un mec tellement habitué à jouer les figures d'autorité à cette époque

qu'il finira par devenir sénateur du Tennessee et candidat à l'élection présidentielle !

Ensuite, on a affaire à un pur whodunit,

une forme de récit particulièrement à la mode à Hollywood en ces temps-là,

même dans des films n'appartenant pas au genre policier.

Enfin, le sujet qu'il traite était alors plutôt tendance.

Je ne vous apprends sûrement rien si je vous dis que la représentation des Indiens à Hollywood

a longtemps été, disons, problématique.

Si l'image du sauvage faisant obstacle à la Destinée Manifeste

a été dépassée dès les années 40,

le whitewashing à gogo a perduré pendant deux bonnes décennies.

Pour jouer des Indiens, Un peu de plumes et de maquillage

tout le monde pouvait faire l'affaire.

Tout le monde… sauf les Indiens !

Dans les années 50,

l'acteur originaire de Brooklyn Jeff Chandler avait littéralement fait une OPA

sur le rôle du chef apache Cochise puisqu'il l'a interprété dans pas moins de 3 films !

Il faut vraiment attendre le début des seventies pour que les choses bougent un peu

parce que cette fois, on préfère imprimer la réalité plutôt que la légende.

John Wayne se fait flinguer dans le dos au beau milieu des Cowboys,

les exactions de la Cavalerie américaine sont dénoncées dans Soldat bleu et Little Big Man,

Des films comme Jeremiah Johnson et Un homme nommé cheval montrent la vie

aux côtés des Peaux-Rouges sans jamais céder aux clichés.

En 1971, pour la première fois,

un acteur amérindien est nommé aux Oscars.

Ce qui n'empêche pas Marlon Brando, récompensé deux ans plus tard pour son rôle dans Le Parrain

de se faire représenter sur scène par l'actrice et activiste Sacheen Littlefeather

pour protester contre l'invisibilisation des Native Americans dans l'industrie du cinéma.

Après l'échec sans appel de La porte du paradis en 1980,

le western n'a plus du tout la côté à Hollywood

et les Indiens disparaissent avec lui dans le hors champ.

S'il fallait retenir une œuvre importante de cette période,

ce serait de toute évidence le documentaire Broken Rainbow en 1985,

qui raconte la relocalisation forcée de milliers d'Indiens Navajo et Hopi

après la découverte de gisements miniers sur leurs terres en Arizona.

Et puis, soudain, en 1990...

Danse avec les loups est un projet de pure passion

que Kevin Costner a mis de longues années à monter,

en partie parce qu'il cumule un certain nombre de handicaps.

C'est un western, ce qui n'est pas très à la mode à l'époque,

c'est aussi un film très ambitieux visuellement

qui dure plus de 3 heures sans happy-end.

Costner y est entouré de comédiens amérindiens inconnus au bataillon

qui déclament une bonne partie de leurs dialogues en langue lakota,

forçant les spectateurs américains à faire

quelque chose de complètement inhabituel à l'époque :

ire les sous-titres.

Bref, c'est pas gagné d'avance.

Et pourtant le bide annoncé se révèle être un triomphe à la fois critique et public.

Grâce à lui, le western va connaître un nouveau souffle pendant quelques années

avant de retomber en quasi hibernation.

Dans le sillage de Danse avec les loups,

des projets donnant le beau rôle aux Indiens d'Amérique voient aussi le jour.

Kevin Costner surfe sur la vague qu'il a lui-même lancée

en produisant pour CBS la série documentaire 500 Nations,

qui veut mettre en lumière toute la richesse de la culture amérindienne.

En 1993, après avoir envisagé de faire un film sur le chef sioux Crazy Horse,

Walter Hill tourne Geronimo avec Gene Hackman, Monsieur Western à cette époque,

un tout jeune Matt Damon et Wes Studi dans le rôle-titre.

L'année précédente, le même Wes Studi jouait déjà un impitoyable guerrier, Huron cette fois,

dans le très beau Dernier des mohicans de Michael Mann.

Et au même moment, les pontes de Disney validaient le projet Pocahontas,

qui avait tout selon eux pour casser la baraque.

Dans ce contexte favorable,

j'ai tendance à penser que les producteurs de Coeur de tonnerre,

qui incluent un certain Robert de Niro,

n'ont pas eu trop de mal à obtenir le feu vert de TriStar Pictures.

Devant la caméra, le réalisateur Michael Apted a réussi

à réunir un casting assez attractif.

Le fringuant Val Kilmer,

qui ne se trimbalait pas encore une réputation de mec ingérable sur les plateaux.

Le très estimé Sam Shepard qui, quand il ne jouait pas les seconds rôles de qualité,

accumulait les prix prestigieux pour ses pièces de théâtre.

Ouais, de loin y'a un petit air de ressemblance.

Beau mec, ceci dit.

Et, enfin, Graham Greene, tout juste sorti de son rôle

de Oiseau Bondissant dans Danse avec les loups

qui lui a valu une nomination méritée aux Oscars.

Du côté de l'équipe technique, il y a aussi du beau monde.

La photo est assurée par le génial Roger Deakins,

qui nous fait comprendre dès les premières images

qu'on va assister à un truc pas dégueulasse à regarder.

Sa caméra n'a aucun mal à rendre justice

à la beauté austère des paysages des Black Hills.

Et elle nous offre quelques mouvements classieux qui ont été repris par d'autres depuis.

À la musique, on retrouve le regretté James Horner,

collaborateur régulier de Michael Apted.

Si je ne m'abuse, Cœur de tonnerre est le film où il va commencer

son exploration des sonorités indiennes

qui reviendront ensuite très régulièrement dans sa filmographie.

Mais malgré ses atouts indéniables,

Cœur de tonnerre n'a pas fait d'étincelles au box-office US, loin s'en faut.

Et du coup, il a connu une distribution en catimini dans le reste du monde.

Il y a de fortes chances que ce dédain des spectateurs américains ait à voir

avec ce que Michael Apted essaie de leur raconter.

Contrairement à tous les films qu'on a cités jusque-là,

Coeur de tonnerre ne se déroule pas à l'époque héroïque du Far West mais dans les années 70,

soit des décennies après la fin des Guerres Indiennes.

Les Native Americans ne partagent donc plus depuis longtemps les grands espaces américains

avec les visages pâles, qui ont préféré les parquer dans des réserves.

Le film ne se prive pas de montrer les conditions de vie déplorables qui règnent à Bear Creek,

comme dans tous ces lieux complètement abandonnés par les pouvoirs publics.

Le gouvernement fédéral est pointé du doigt pour les abus de sa politique d'assimilation.

Mais aussi pour sa responsabilité directe dans les problèmes de santé gravissimes

qui rongent la réserve.

Coeur de tonnerre convoque aussi le souvenir du massacre de Wounded Knee en 1890,

où plus de 300 Sioux, hommes, femmes et enfants,

sont tombés sous les balles des soldats du 7ème de Cavalerie.

Dans les années 70, cet événement tragique s'est retrouvé au cœur

d'un vaste mouvement de revendications des Native Americans.

Il y a d'abord la publication en 1970 du livre Bury my Heart at Wounded Knee

qui revient sur l'impact proprement désastreux

de la conquête de l'Ouest sur les populations indiennes

et déclenche un réveil des consciences.

Trois ans plus tard, 200 membres de l'American Indian Movement (ou AIM)

vont occuper pendant 71 jours la ville de Wounded Knee

pour protester contre l'extraction d'uranium et de gaz naturel sur leurs terres,

mais aussi contre la gestion de la réserve de Pine Ridge par le chef tribal Dick Wilson,

qu'ils considèrent comme une marionnette du gouvernement.

La levée du siège par l'armée et le FBI fera deux morts

et donnera lieu l'année suivante à un procès retentissant.

Le scénariste John Fusco s'est directement inspiré de ce contexte explosif

pour construire l'intrigue de Coeur de tonnerre.

La réserve fictive de Bear Creek est un décalque très clair de celle Pine Ridge,

située elle aussi dans le Dakota du Sud

et considérée comme un des endroits les plus sinistrés des États-Unis

avec un taux de mortalité infantile 3 fois supérieur à la moyenne nationale

et une espérance de vie qui ne dépasse pas les 50 ans.

Le fameux Dick Wilson est représenté dans le film

sous les traits de ce bon vieux Fred Ward

et rebaptisé pour l'occasion Jack Milton.

Comme son modèle, le personnage cherche avant tout

à défendre ses intérêts et ceux du gouvernement.

Il est à la tête d'une milice privée qui n'hésite pas à pousser très loin l'intimidation.

Dans la réalité comme dans la fiction,

les membres de cette brigade se font appeler les GOONS

pour “Guardians of the Oglala Nation”.

L'AIM - American Indian Movement - change très subtilement de nom pour devenir ARM :

Aboriginal Rights Movement.

À sa tête, on retrouve deux personnages qui entendent dénoncer, chacun à leur façon,

le traitement de leur peuple et la corruption généralisée :

la militante pacifique Maggie Aigle Ours

et le partisan de l'action directe Jimmy Deux Coups d'Œil.

La première évoque à bien des égards une des figures marquantes de l'AIM,

Anna Mae Aquash,

dont le corps criblé de balles a été retrouvé à Pine Ridge

plusieurs semaines après sa disparition en décembre 1975.

De façon générale, après les événements de Wounded Knee,

les morts mystérieuses ont eu tendance à se multiplier chez les activistes amérindiens,

sans que le FBI ne semble particulièrement s'en émouvoir.

Avec le personnage de Jimmy Deux Coups d'Œil, suspect n°1 du meurtre qui ouvre le récit,

John Fusco renvoie explicitement à une autre “affaire indienne”

qui a fait grand bruit à l'époque.

Le 26 juin 1975,

deux agents spéciaux du FBI à la recherche d'un voleur de bottes (oui oui, de BOTTES !)

sont abattus sur la réserve de Pine Ridge, encore elle.

Très vite, les soupçons des enquêteurs se portent vers un certain Leonard Peltier

et deux autres membres actifs de l'AIM.

Aussitôt inscrit sur la liste des 10 personnes les plus recherchées par le FBI,

Peltier est arrêté quelques mois plus tard au Canada

et jugé séparément des autres accusés.

Tandis que ces derniers sont acquittés faute d'éléments à charge,