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Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", Eglise et pouvoir : La cathédrale de Toul

Eglise et pouvoir : La cathédrale de Toul

Mes chers camarades, bien le bonjour et bienvenue dans la ville de Toul, en Meurthe-et-Moselle,

au cœur de la Lorraine historique ! Une fois n'est pas coutume, on va parler de cathédrale, et

ce qui est passionnant avec les cathédrales, c'est qu'elles nous en apprennent beaucoup

sur l'Histoire d'une ville. Une histoire assez mouvementé pour le cas de Toul !

Grâce à deux cours d'eau, la Moselle et la Meuse, Toul est au centre de l'Europe. Elle

est connectée à la Belgique, à l'Allemagne, et aux Pays-Bas. Il suffit d'un coup d'œil

alentour pour voir que la ville est placée à un endroit stratégique où les cours d'eau

se touchent presque : ici, à peine 12 petits kilomètres séparent la Moselle de la Meuse,

ce qui explique la présence d'un canal pour relier les deux.

Dès 450 avant notre ère, des populations s'installent ici pour bénéficier du trafic

fluvial. Le peuple des Leuques colonise les bords de l'eau, mais aussi les hauteurs alentour. Après

4 siècles de paix, en 58 avant notre ère, César et ses légions débarquent dans la région, les

Leuques continuent sur leur lancée et préfèrent ravitailler César plutôt que de l'affronter.

Et pour eux c'est plutôt une bonne décision puisque la ville devient par la suite un castrum

romain : Tullum Leucorum. Les Leuques ont droit de cité et ils s'intègrent parfaitement à l'Empire.

L'eau favorise le commerce, mais aussi une agriculture bien particulière : la vigne.

Au 4e siècle, Toul produit et exporte son vin en masse...et ça marche plutôt bien,

puisque la vigne est encore là aujourd'hui ! L'eau et le vin, c'est déjà pas mal pour

découvrir et comprendre Toul. Mais sa véritable histoire d'amour, le troisième pilier qui va

nous permettre de raconter cette ville du Moyen ge à nos jours, c'est sa cathédrale !

Une cathédrale est souvent révélatrice de l'identité d'une ville, de son histoire,

et surtout de ses difficultés passées. Au Moyen âge, la cathédrale et la ville

sont en effet très liées : ce sont les habitants qui financent la construction

de ce temple religieux, qui est aussi le centre du pouvoir de l'évêque et des

chanoines. Il dépend donc de la santé économique et politique de la cité.

Et bien sûr, cette même cité dépend du pays alentour : alors en cas de problème,

comme une guerre, ça se ressent sur l'édifice ! A Toul comme ailleurs, la ville et son église vont

grandir ensemble, souffrir ensemble, se disputer et se réconcilier... Et vous allez le voir,

Derrière cette façade splendide, se cache une histoire pas toujours rose…

Revenons au 4e siècle : en même temps que la vigne, apparaît le christianisme. Le premier

évêque de Toul est Saint Mansuy, et il a bien de la chance ! Pour dessiner les frontières de

son diocèse, il calque la carte de l'ancien territoire des Leuques, qui est absolument

immense. Mansuy se taille donc la part du lion, avec l'un des plus grands diocèses de

toute l'Europe ! Beaucoup de terre, beaucoup de revenus, le tout sous bonne protection puisque le

castrum est équipé d'une enceinte fortifiée qui le protège de tous les raids barbares.

Enfin, presque tous : en 456, Attila fait quand-même tout cramer, y compris le temple

païen toujours en place. Une aubaine pour l'évêque, qui peut édifier une première

cathédrale directement sur les ruines. Et on ne fait pas les choses à moitié : le premier

groupe épiscopal compte trois églises, dédiées à Notre Dame, Saint Jean-Baptiste,

et enfin Saint Etienne pour la cathédrale. En gros on peut dire merci Attila !

En 496, les clercs de Toul instruisent Clovis dans la foi chrétienne : la ville

s'associe donc à la royauté mérovingienne, puis carolingienne : Charlemagne l'intègre

au réseau de cités épiscopales qui forment le cœur de son empire, par leur essor culturel,

intellectuel et économique. C'est le premier âge d'or de Toul, qui est contrôlée exclusivement

par son évêque, chargé de la politique, de la sécurité, de la justice et de l'impôt.

Au point qu'au 10e siècle est construite une nouvelle cathédrale romane, si grande

qu'elle englobe littéralement les 3 anciennes églises ! L'évêque cherche ainsi à montrer sa

puissance et son indépendance. En effet, depuis le Traité de Verdun signé en 843,

l'empire a été divisé en 3 espaces : Franc à l'Ouest, Germanique à l'Est...et, coincée

au milieu, la Lotharingie où se trouve Toul. Et faut bien se rendre compte que les rois de

France comme les empereurs d'Allemagne ne vont jamais vraiment cesser de se

disputer cet espace central. En fait, ça va durer...jusqu'au 20e siècle !!!

Les évêques, bien placés au centre de l'échiquier, en profitent pour accroître leur influence locale

en soutenant les Francs ou les Germains selon leurs intérêts. Des mesures qui permettent de

multiplier les agrandissements et modifications de la cathédrale. Ce que l'on peut observer de nos

jours est le 9e édifice construit au même endroit. Son chantier a débuté au 13e siècle, en même

temps qu'une collégiale : Saint Gengoult, ayant pour but d'accueillir un collège de chanoines.

Ces édifices nous renseignent sur une chose : à cette époque,

Toul est une ville d'importance et l'influence de l'église dans la ville est énorme.

Encore en 1789, lors de la Révolution Française, la ville compte :

-1 évêque - 2 chapitres de chanoines,

- 6 paroisses, - 3 abbayes,

- une dizaine de maisons religieuses, - 20 religieux,

- 100 religieuses, - et 200 prêtres.

Et ça, ce n'est qu'après un 18e siècle où les vocations religieuses sont en chute. Imaginez ce

que c'était à la grande époque du Moyen âge...des centaines de religieux, auxquels il faut ajouter

leurs valets, leurs serviteurs, leurs employés, leurs fournisseurs, les bâtiments annexes,

les logements, les stockages, les achats de terrains autour de la ville, les rentes,

les loyers, les quêtes perçues pour chaque paroissien… Tout ça sur une ville n'excédant

pas les 7.000 habitants. Donc ça représente une part énorme de l'activité économique locale.

Le cas de Toul est spectaculaire, mais loin d'être isolé : je vous recommande les superbes vidéos des

cours publics de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine, qui vous révèleront à quel

point la cathédrale a du poids dans la ville médiévale. Les liens sont en description !

Les travaux de Saint Gengoult démarrent donc en même temps que ceux de la dernière

cathédrale. Cette nouvelle collégiale est dédiée à Gengoult, ou Gangolf, un saint du

8e siècle vénéré en Bourgogne et en Lorraine. Tué par l'amant de sa femme, c'est le saint

patron...des cocus ! A invoquer en cas de situation conjugale difficile,

Saint Gengoult est un peu celui qui ramasse les pots cassés quand Saint Valentin s'est foiré.

Mais même avec la protection des saints et toute sa fortune, l'évêque peine à achever

ces constructions. En effet, il est souvent en dispute avec les bourgeois de la ville,

ou les comtes de Bar ou de Lorraine. Avec tout ça, les travaux prennent du retard : il faut plus de

250 ans pour enfin terminer la cathédrale : elle est lancée en 1221, il y a 800 ans - à l'époque de

Robin des Bois s'il avait existé - et est achevée en 1497 : après la découverte des Amériques !

Mais pendant tout ce temps, l'architecture évolue. Résultat : le bâtiment est de style

gothique classique, puis rayonnant, et enfin flamboyant, avant de connaître quelques

influences de la Renaissance. C'est ainsi qu'en entrant dans le petit cloître de Saint-Gengoult,

on passe une porte typiquement Renaissance...pour arriver dans un intérieur en gothique flamboyant !

...rien à voir avec le cloître de la cathédrale, qui lui est en gothique rayonnant,

donc plus ancien. Il est d'ailleurs immense : ses trois allées font au

total 157m de long. C'est l'un des plus grands cloître Gothique de France ! Il

faut bien toute cette place pour accueillir l'immense chapitre de l'évêque. Sans compter

ses autres habitants : les gargouilles ! Bien conservés, très visibles à cette faible hauteur,

ces petits monstres de pierre servent à évacuer les eaux du toit.

Ce cloître permet à l'époque de relier plusieurs églises disparues entre elles,

et les bâtiments communautaires des chanoines. Il y a tant de monde qui vit là que, comme dans

chaque ville de France, l'évêque est un peu obligé d'aller voir ailleurs pour trouver du confort.

Il fait alors construire sa propre domus, la maison de l'évêque, qu'on appellera bien plus tard

le palais épiscopal.En France la quasi-totalité de ces palais ont été très bien conservés,

car reconvertis en préfectures de police, casernes, musées ou écoles.

Celui-ci date du 18e siècle, et accueille désormais l'hôtel de ville. Ce palais peut à

l'occasion accueillir une belle cour en façade, et c'est là que se joue la vie publique de la

cité...mais pas du tout à la cathédrale, réservée au chanoines ou aux marchands !

Après ce long tour d'horizon, nous voici de retour dans la cathédrale Saint-Étienne de Toul, un

édifice assez exceptionnel. Le style “Français”, qu'on appellera plus tard “gothique” apparaît en

Île-de-France avant de se répandre en Europe. Toul est justement le premier édifice gothique

construit à l'Est, dans l'espace impérial. Cette église initie donc l'école Touloise,

qui va influencer bien des constructions en Lorraine, à Metz, Saint-Dié et Epinal, mais

aussi en Allemagne, à Trèves, à Cologne, à Worms ou encore à Ratisbonne. Un beau rayonnement !

On commence toujours la construction ou la reconstruction d'une église par son chœur,

l'endroit le plus sacré de l'Eglise puisqu'il continent l'autel et le tabernacle : une armoire

qui contient en général un récipient sacré et les hosties. On avance ensuite jusqu'à la façade,

en démontant et en remplaçant le bâtiment bloc par bloc. Le chœur

et le transept datent donc du 13e siècle, la nef du 14e, et la façade,

du 15e. Deux chapelles latérales sont même ajoutées encore plus tard, au 16e siècle,

dans le plus pur style Renaissance. Pendant tout ce temps la cathédrale

est donc en chantier mais elle peut être utilisée pour dire les messes et les offices !

La nef est empli d'une grande clarté. Pleine de couleurs au Moyen ge,

la cathédrale avait perdu ses beaux atours avec le temps, et était devenue toute grise.

Mais la récente restauration a révélé de belles traces de polychromie dans la nef,

ce qui a permis de repeindre les arcs en doré. Et à 30m de hauteur,

les clefs de voûte sont multicolores. Tout le reste a retrouvé sa blancheur, ce qui met

particulièrement en valeur l'orgue néoclassique des années 60, niché là, sous la rosace.

La façade de la cathédrale de Toul, magnifique, a elle bien failli ne jamais voir le jour !

Si la Guerre de Cent Ans est finie, elle continue d'avoir des répercussions : les

conflits entre ducs de Lorraine et de Bourgogne impactent l'économie locale. En 1460,

ce sont donc le pape Pie II et le roi de France Charles VII (le copain de Jeanne d'Arc) qui

envoient les fonds nécessaires pour que les derniers vestiges romans soient modernisés

en gothique. Après presque 40 ans de travaux, en 1497 les cloches peuvent enfin sonner au sommet

des deux impressionnantes tours de 62m de haut. Alors bien sûr, il faut imaginer cette façade

garnie d'innombrables statues, mais la Révolution Française est passée par là !

Toul est sortie grandie de la longue période médiévale durant laquelle elle a su garder une

certaine autonomie, et jouer son rôle sur la scène diplomatique européenne.

En 1648, la Guerre de Trente Ans s'achève, et Toul est définitivement annexée à la France,

dans la nouvelle province des Trois-Évêchés : Toul, Metz, Verdun. Dans un premier temps,

la fière cité autonome devient une simple ville frontière. Puis progressivement,

elle entre dans une phase de déclin, ou plutôt, elle se transforme.

Sur le plan religieux, Toul s'efface. En 1776, l'immense évêché est

démembré en plusieurs petits évêchés ; En 1790, il est même supprimé : désormais,

l'évêque ne séjournera plus à Toul, mais à Nancy. Une sacrée insulte pour

la cité épiscopale vieille de 14 siècles ! En 1794, après avoir dissout les ordres

religieux, la Révolution s'attaque à la cathédrale et à son cloître.

Bref : ça sent le sapin !

Mais au 18e siècle, qui dit frontière, dit Vauban, alias le chevalier Sébastien Le Prestre

de Vauban. Cet architecte militaire reconnu fait fortifier toute la cité de Toul. La Porte de

Metz est le dernier vestige de son époque. Bien entendu, on peut encore voir des fortifications

qui respectent ses plans ingénieux, mais elles ont été aménagées, transformées et restaurées.

Après Vauban, les guerres napoléoniennes démontrent l'urgence de sécuriser la

frontière française orientale. Toul résiste héroïquement en 1814, puis encore en 1870

face aux troupes Allemandes venues annexer une partie de l'Alsace et de la Moselle…

et oui, au final c'est assez dingue : on est toujours sur le conflit pour

savoir qui contrôlera la Lotharingie ! Et ce sera encore le cas en 39-45 !

A chacune de ces guerres, les destructions et les reconstructions se succèdent, sans épargner

la cathédrale : En 1870, les bombes rasent ¼ de la ville, et détruisent des vitraux de la cathédrale.

Les Français décident alors de construire une ceinture défensive pour la république : Verdun,

Toul et Epinal forment 3 camps retranchés pour abriter 42.000 soldats. A elle seule, Toul en

accueille 12.000, répartis dans ses 12 forts. Juste à temps pour la 1ere guerre

mondiale ! Mais...il ne se passe rien. La ligne de front s'arrête à quelques

kilomètres. La ville est épargnée pour le moment…jusqu'à la 2nd guerre mondiale !

L'héroïque résistance des Toulois en juin 1940 provoque un second

bombardement : ⅓ de la ville est rasé. On avait heureusement démonté les vitraux

de la cathédrale pour les protéger mais le bâtiment est mutilé. La cathédrale trône,

sombre et abîmée, au-dessus d'une ville fantôme : Toul vient de passer de 13.000

à 3.000 habitants. Pendant toute l'occupation, elle est vide, comme abandonnée à elle-même...

Rien à voir avec la Toul d'aujourd'hui puisque après la guerre, la ville a été reconstruite.

L'activité militaire a dû faire face à d'autres pans de l'économie qui se sont développés,

notamment, en ce qui me concerne, le tourisme. Aujourd'hui je me suis

concentré sur la cathédrale, et sur son rapport au reste de la ville, parce que

Toul offre un parfait exemple de cette relation médiévale très privilégiée entre cité et église.

Mais lorsqu'on se promène dans Toul, on peut apercevoir bien d'autres choses : des vestiges

de remparts gallo-romains, des églises, des musées, et même une commanderie de Templiers.

En tout cas c'est une très belle ville nichée au milieu des remparts et il y a un beau parcours à

faire dans le centre-ville pour découvrir tout ça ! Si vous avez l'occasion de passer dans le coin,

n'hésitez pas ! Merci à Jean de Boissésson avec qui j'ai préparé cette vidéo, merci à

la ville de Toul qui m'a contacté pour mettre en avant son patrimoine et merci à Maxime Santiago

et à son superbe travail de reconstitution 3D de la cathédrale, vous pouvez retrouver tout ça

en description. On espère comme toujours que ça vous a plu et on compte sur vous pour partager

l'épisode si c'est le cas ! A très bientôt pour de nouveaux reportages sur Nota Bene !

Eglise et pouvoir : La cathédrale de Toul Kirche und Macht: Kathedrale von Toul Church and power: Toul Cathedral Iglesia y poder : Catedral de Toul Chiesa e potere : La cattedrale di Toul 教会と権力 :トゥール大聖堂 Kerk en macht : Kathedraal van Toul Igreja e poder : Catedral de Toul Церковь и власть : Тульский собор Kyrka och makt : Katedralen i Toul 教堂与权力 :图尔大教堂

Mes chers camarades, bien le bonjour et bienvenue  dans la ville de Toul, en Meurthe-et-Moselle, Meine lieben Freunde, hallo und willkommen in der Stadt Toul in Meurthe-et-Moselle,

au cœur de la Lorraine historique ! Une fois  n'est pas coutume, on va parler de cathédrale, et im Herzen des historischen Lothringens! Einmal ist keinmal, wir werden von einer Kathedrale sprechen und

ce qui est passionnant avec les cathédrales,  c'est qu'elles nous en apprennent beaucoup

sur l'Histoire d'une ville. Une histoire  assez mouvementé pour le cas de Toul !

Grâce à deux cours d'eau, la Moselle et la  Meuse, Toul est au centre de l'Europe. Elle Dank zweier Flüsse, der Mosel und der Maas, liegt Toul im Zentrum Europas. Sie

est connectée à la Belgique, à l'Allemagne,  et aux Pays-Bas. Il suffit d'un coup d'œil ist mit Belgien, Deutschland und den Niederlanden verbunden. Nur ein Blick

alentour pour voir que la ville est placée  à un endroit stratégique où les cours d'eau

se touchent presque : ici, à peine 12 petits  kilomètres séparent la Moselle de la Meuse,

ce qui explique la présence  d'un canal pour relier les deux.

Dès 450 avant notre ère, des populations  s'installent ici pour bénéficier du trafic

fluvial. Le peuple des Leuques colonise les bords  de l'eau, mais aussi les hauteurs alentour. Après

4 siècles de paix, en 58 avant notre ère, César  et ses légions débarquent dans la région, les

Leuques continuent sur leur lancée et préfèrent  ravitailler César plutôt que de l'affronter.

Et pour eux c'est plutôt une bonne décision  puisque la ville devient par la suite un castrum

romain : Tullum Leucorum. Les Leuques ont droit de  cité et ils s'intègrent parfaitement à l'Empire.

L'eau favorise le commerce, mais aussi une  agriculture bien particulière : la vigne.

Au 4e siècle, Toul produit et exporte son  vin en masse...et ça marche plutôt bien,

puisque la vigne est encore là aujourd'hui ! L'eau et le vin, c'est déjà pas mal pour

découvrir et comprendre Toul. Mais sa véritable  histoire d'amour, le troisième pilier qui va

nous permettre de raconter cette ville du  Moyen ge à nos jours, c'est sa cathédrale !

Une cathédrale est souvent révélatrice de  l'identité d'une ville, de son histoire,

et surtout de ses difficultés passées.  Au Moyen âge, la cathédrale et la ville

sont en effet très liées : ce sont les  habitants qui financent la construction

de ce temple religieux, qui est aussi  le centre du pouvoir de l'évêque et des

chanoines. Il dépend donc de la santé  économique et politique de la cité.

Et bien sûr, cette même cité dépend du  pays alentour : alors en cas de problème,

comme une guerre, ça se ressent sur l'édifice ! A  Toul comme ailleurs, la ville et son église vont

grandir ensemble, souffrir ensemble, se disputer  et se réconcilier... Et vous allez le voir,

Derrière cette façade splendide, se  cache une histoire pas toujours rose…

Revenons au 4e siècle : en même temps que la  vigne, apparaît le christianisme. Le premier

évêque de Toul est Saint Mansuy, et il a bien  de la chance ! Pour dessiner les frontières de

son diocèse, il calque la carte de l'ancien  territoire des Leuques, qui est absolument

immense. Mansuy se taille donc la part du  lion, avec l'un des plus grands diocèses de

toute l'Europe ! Beaucoup de terre, beaucoup de  revenus, le tout sous bonne protection puisque le

castrum est équipé d'une enceinte fortifiée  qui le protège de tous les raids barbares.

Enfin, presque tous : en 456, Attila fait  quand-même tout cramer, y compris le temple

païen toujours en place. Une aubaine pour  l'évêque, qui peut édifier une première

cathédrale directement sur les ruines. Et on  ne fait pas les choses à moitié : le premier

groupe épiscopal compte trois églises,  dédiées à Notre Dame, Saint Jean-Baptiste,

et enfin Saint Etienne pour la cathédrale. En gros on peut dire merci Attila !

En 496, les clercs de Toul instruisent  Clovis dans la foi chrétienne : la ville

s'associe donc à la royauté mérovingienne,  puis carolingienne : Charlemagne l'intègre

au réseau de cités épiscopales qui forment le  cœur de son empire, par leur essor culturel,

intellectuel et économique. C'est le premier âge  d'or de Toul, qui est contrôlée exclusivement

par son évêque, chargé de la politique, de  la sécurité, de la justice et de l'impôt.

Au point qu'au 10e siècle est construite  une nouvelle cathédrale romane, si grande

qu'elle englobe littéralement les 3 anciennes  églises ! L'évêque cherche ainsi à montrer sa

puissance et son indépendance. En effet,  depuis le Traité de Verdun signé en 843,

l'empire a été divisé en 3 espaces : Franc  à l'Ouest, Germanique à l'Est...et, coincée

au milieu, la Lotharingie où se trouve Toul. Et faut bien se rendre compte que les rois de

France comme les empereurs d'Allemagne  ne vont jamais vraiment cesser de se

disputer cet espace central. En fait,  ça va durer...jusqu'au 20e siècle !!!

Les évêques, bien placés au centre de l'échiquier,  en profitent pour accroître leur influence locale Die gut im Zentrum des Schachbretts platzierten Läufer nutzen dies, um ihren lokalen Einfluss zu erhöhen

en soutenant les Francs ou les Germains selon  leurs intérêts. Des mesures qui permettent de

multiplier les agrandissements et modifications  de la cathédrale. Ce que l'on peut observer de nos

jours est le 9e édifice construit au même endroit.  Son chantier a débuté au 13e siècle, en même

temps qu'une collégiale : Saint Gengoult, ayant  pour but d'accueillir un collège de chanoines.

Ces édifices nous renseignent  sur une chose : à cette époque,

Toul est une ville d'importance et l'influence  de l'église dans la ville est énorme.

Encore en 1789, lors de la Révolution  Française, la ville compte :

-1 évêque - 2 chapitres de chanoines,

- 6 paroisses, - 3 abbayes,

- une dizaine de maisons religieuses, - 20 religieux,

- 100 religieuses, - et 200 prêtres.

Et ça, ce n'est qu'après un 18e siècle où les  vocations religieuses sont en chute. Imaginez ce

que c'était à la grande époque du Moyen âge...des  centaines de religieux, auxquels il faut ajouter

leurs valets, leurs serviteurs, leurs employés,  leurs fournisseurs, les bâtiments annexes,

les logements, les stockages, les achats  de terrains autour de la ville, les rentes,

les loyers, les quêtes perçues pour chaque  paroissien… Tout ça sur une ville n'excédant

pas les 7.000 habitants. Donc ça représente une  part énorme de l'activité économique locale.

Le cas de Toul est spectaculaire, mais loin d'être  isolé : je vous recommande les superbes vidéos des

cours publics de la Cité de l'Architecture  et du Patrimoine, qui vous révèleront à quel

point la cathédrale a du poids dans la ville  médiévale. Les liens sont en description !

Les travaux de Saint Gengoult démarrent  donc en même temps que ceux de la dernière

cathédrale. Cette nouvelle collégiale est  dédiée à Gengoult, ou Gangolf, un saint du

8e siècle vénéré en Bourgogne et en Lorraine. Tué par l'amant de sa femme, c'est le saint

patron...des cocus ! A invoquer en  cas de situation conjugale difficile,

Saint Gengoult est un peu celui qui ramasse les  pots cassés quand Saint Valentin s'est foiré.

Mais même avec la protection des saints et  toute sa fortune, l'évêque peine à achever

ces constructions. En effet, il est souvent  en dispute avec les bourgeois de la ville,

ou les comtes de Bar ou de Lorraine. Avec tout ça,  les travaux prennent du retard : il faut plus de

250 ans pour enfin terminer la cathédrale : elle  est lancée en 1221, il y a 800 ans - à l'époque de

Robin des Bois s'il avait existé - et est achevée  en 1497 : après la découverte des Amériques !

Mais pendant tout ce temps, l'architecture  évolue. Résultat : le bâtiment est de style

gothique classique, puis rayonnant, et enfin  flamboyant, avant de connaître quelques

influences de la Renaissance. C'est ainsi qu'en  entrant dans le petit cloître de Saint-Gengoult,

on passe une porte typiquement Renaissance...pour  arriver dans un intérieur en gothique flamboyant !

...rien à voir avec le cloître de la  cathédrale, qui lui est en gothique rayonnant,

donc plus ancien. Il est d'ailleurs  immense : ses trois allées font au

total 157m de long. C'est l'un des plus  grands cloître Gothique de France ! Il

faut bien toute cette place pour accueillir  l'immense chapitre de l'évêque. Sans compter

ses autres habitants : les gargouilles ! Bien  conservés, très visibles à cette faible hauteur,

ces petits monstres de pierre  servent à évacuer les eaux du toit.

Ce cloître permet à l'époque de relier  plusieurs églises disparues entre elles,

et les bâtiments communautaires des chanoines.  Il y a tant de monde qui vit là que, comme dans

chaque ville de France, l'évêque est un peu obligé  d'aller voir ailleurs pour trouver du confort.

Il fait alors construire sa propre domus, la  maison de l'évêque, qu'on appellera bien plus tard

le palais épiscopal.En France la quasi-totalité  de ces palais ont été très bien conservés,

car reconvertis en préfectures de  police, casernes, musées ou écoles.

Celui-ci date du 18e siècle, et accueille  désormais l'hôtel de ville. Ce palais peut à

l'occasion accueillir une belle cour en façade,  et c'est là que se joue la vie publique de la

cité...mais pas du tout à la cathédrale,  réservée au chanoines ou aux marchands !

Après ce long tour d'horizon, nous voici de retour  dans la cathédrale Saint-Étienne de Toul, un

édifice assez exceptionnel. Le style “Français”,  qu'on appellera plus tard “gothique” apparaît en

Île-de-France avant de se répandre en Europe.  Toul est justement le premier édifice gothique

construit à l'Est, dans l'espace impérial.  Cette église initie donc l'école Touloise, gebaut im Osten, im imperialen Raum. Diese Kirche initiiert daher die Schule von Touloise,

qui va influencer bien des constructions en  Lorraine, à Metz, Saint-Dié et Epinal, mais

aussi en Allemagne, à Trèves, à Cologne, à Worms  ou encore à Ratisbonne. Un beau rayonnement ! auch in Deutschland, in Trier, Köln, Worms oder Regensburg. Eine schöne Ausstrahlung!

On commence toujours la construction ou la  reconstruction d'une église par son chœur,

l'endroit le plus sacré de l'Eglise puisqu'il  continent l'autel et le tabernacle : une armoire

qui contient en général un récipient sacré et  les hosties. On avance ensuite jusqu'à la façade,

en démontant et en remplaçant le  bâtiment bloc par bloc. Le chœur Abbau und Austausch des Bausteins Block für Block. Der Chor

et le transept datent donc du 13e  siècle, la nef du 14e, et la façade,

du 15e. Deux chapelles latérales sont même  ajoutées encore plus tard, au 16e siècle,

dans le plus pur style Renaissance. Pendant tout ce temps la cathédrale

est donc en chantier mais elle peut être  utilisée pour dire les messes et les offices !

La nef est empli d'une grande clarté.  Pleine de couleurs au Moyen ge,

la cathédrale avait perdu ses beaux atours  avec le temps, et était devenue toute grise.

Mais la récente restauration a révélé de  belles traces de polychromie dans la nef,

ce qui a permis de repeindre les  arcs en doré. Et à 30m de hauteur,

les clefs de voûte sont multicolores. Tout  le reste a retrouvé sa blancheur, ce qui met

particulièrement en valeur l'orgue néoclassique  des années 60, niché là, sous la rosace.

La façade de la cathédrale de Toul, magnifique,  a elle bien failli ne jamais voir le jour ! Die prächtige Fassade der Kathedrale von Toul hat fast nie das Licht der Welt erblickt!

Si la Guerre de Cent Ans est finie, elle  continue d'avoir des répercussions : les Obwohl der Hundertjährige Krieg vorbei ist, hat er noch immer Nachwirkungen: die

conflits entre ducs de Lorraine et de  Bourgogne impactent l'économie locale. En 1460,

ce sont donc le pape Pie II et le roi de France  Charles VII (le copain de Jeanne d'Arc) qui

envoient les fonds nécessaires pour que les  derniers vestiges romans soient modernisés

en gothique. Après presque 40 ans de travaux, en  1497 les cloches peuvent enfin sonner au sommet

des deux impressionnantes tours de 62m de haut. Alors bien sûr, il faut imaginer cette façade

garnie d'innombrables statues, mais la  Révolution Française est passée par là ! gesäumt von unzähligen Statuen, aber die Französische Revolution war da!

Toul est sortie grandie de la longue période  médiévale durant laquelle elle a su garder une Toul ist aus der langen mittelalterlichen Zeit hervorgegangen, in der es sich halten konnte

certaine autonomie, et jouer son rôle  sur la scène diplomatique européenne.

En 1648, la Guerre de Trente Ans s'achève, et  Toul est définitivement annexée à la France,

dans la nouvelle province des Trois-Évêchés  : Toul, Metz, Verdun. Dans un premier temps,

la fière cité autonome devient une simple  ville frontière. Puis progressivement,

elle entre dans une phase de déclin,  ou plutôt, elle se transforme.

Sur le plan religieux, Toul s'efface. En 1776, l'immense évêché est Auf religiöser Ebene verblasst Toul. 1776 entstand das riesige Bistum

démembré en plusieurs petits évêchés ; En 1790, il est même supprimé : désormais,

l'évêque ne séjournera plus à Toul,  mais à Nancy. Une sacrée insulte pour

la cité épiscopale vieille de 14 siècles ! En 1794, après avoir dissout les ordres

religieux, la Révolution s'attaque  à la cathédrale et à son cloître.

Bref : ça sent le sapin ! Kurz gesagt: Es riecht nach Tanne!

Mais au 18e siècle, qui dit frontière, dit  Vauban, alias le chevalier Sébastien Le Prestre Aber im 18. Jahrhundert, wer Grenze sagt, sagt Vauban, alias der Ritter Sébastien Le Prestre

de Vauban. Cet architecte militaire reconnu fait  fortifier toute la cité de Toul. La Porte de

Metz est le dernier vestige de son époque. Bien  entendu, on peut encore voir des fortifications Metz ist das letzte Überbleibsel seiner Zeit. Natürlich kann man immer noch Befestigungen sehen

qui respectent ses plans ingénieux, mais elles  ont été aménagées, transformées et restaurées.

Après Vauban, les guerres napoléoniennes  démontrent l'urgence de sécuriser la

frontière française orientale. Toul résiste  héroïquement en 1814, puis encore en 1870

face aux troupes Allemandes venues annexer  une partie de l'Alsace et de la Moselle…

et oui, au final c'est assez dingue  : on est toujours sur le conflit pour

savoir qui contrôlera la Lotharingie  ! Et ce sera encore le cas en 39-45 !

A chacune de ces guerres, les destructions et  les reconstructions se succèdent, sans épargner

la cathédrale : En 1870, les bombes rasent ¼ de la  ville, et détruisent des vitraux de la cathédrale.

Les Français décident alors de construire une  ceinture défensive pour la république : Verdun,

Toul et Epinal forment 3 camps retranchés pour  abriter 42.000 soldats. A elle seule, Toul en

accueille 12.000, répartis dans ses 12 forts. Juste à temps pour la 1ere guerre

mondiale ! Mais...il ne se passe rien.  La ligne de front s'arrête à quelques

kilomètres. La ville est épargnée pour le  moment…jusqu'à la 2nd guerre mondiale !

L'héroïque résistance des Toulois  en juin 1940 provoque un second

bombardement : ⅓ de la ville est rasé. On  avait heureusement démonté les vitraux

de la cathédrale pour les protéger mais le  bâtiment est mutilé. La cathédrale trône,

sombre et abîmée, au-dessus d'une ville  fantôme : Toul vient de passer de 13.000 dark and damaged, above a ghost town: Toul has just gone from 13,000

à 3.000 habitants. Pendant toute l'occupation,  elle est vide, comme abandonnée à elle-même...

Rien à voir avec la Toul d'aujourd'hui puisque  après la guerre, la ville a été reconstruite. Heute hat Toul nichts mehr zu tun, da die Stadt nach dem Krieg wieder aufgebaut wurde.

L'activité militaire a dû faire face à d'autres  pans de l'économie qui se sont développés,

notamment, en ce qui me concerne,  le tourisme. Aujourd'hui je me suis

concentré sur la cathédrale, et sur son  rapport au reste de la ville, parce que

Toul offre un parfait exemple de cette relation  médiévale très privilégiée entre cité et église.

Mais lorsqu'on se promène dans Toul, on peut  apercevoir bien d'autres choses : des vestiges

de remparts gallo-romains, des églises, des  musées, et même une commanderie de Templiers.

En tout cas c'est une très belle ville nichée au  milieu des remparts et il y a un beau parcours à

faire dans le centre-ville pour découvrir tout ça  ! Si vous avez l'occasion de passer dans le coin,

n'hésitez pas ! Merci à Jean de Boissésson  avec qui j'ai préparé cette vidéo, merci à

la ville de Toul qui m'a contacté pour mettre en  avant son patrimoine et merci à Maxime Santiago

et à son superbe travail de reconstitution 3D  de la cathédrale, vous pouvez retrouver tout ça

en description. On espère comme toujours que ça  vous a plu et on compte sur vous pour partager in Beschreibung. Wie immer hoffen wir, dass es Ihnen gefallen hat, und wir zählen auf Ihr Teilen

l'épisode si c'est le cas ! A très bientôt  pour de nouveaux reportages sur Nota Bene !