Leçon 17 - Il n'y a pas de sot métier I
(Paris au printemps: Il y a des fleurs dans le jardin du Luxembourg. Une petite fille joue gentiment avec son bateau. Il est dix heures du matin. Au Sénat, les sénateurs discutent. Dans le jardin, sur un banc, deux jeunes gens parlent: ce sont Mireille Belleau et Robert Taylor.)
Mireille: Vous vous appelez Taylor? Mais ça veut dire tailleur, ça, en anglais.
Robert: Euh . . . je ne sais pas.
Mireille: Mais si, tailor, ça veut dire tailleur en anglais. Tout le monde sait ça: “My tailor is rich,” c'est dans tous les livres d'anglais!
Robert: Oui . . . euh, non . . . bien sûr! Mais, je veux dire, mon nom s'écrit avec un "y", et le mot anglais pour “tailleur” s'écrit avec un "i".
Mireille: Oh, mais ça ne fait rien, c'est sûrement la même chose! L'orthographe, vous savez, ça ne veut rien dire! D'ailleurs, il y a des tas de gens qui ont un nom de métier; tenez, par exemple Boucher, c'est un nom propre, un nom de famille. Il y a des tas de gens qui s'appellent Boucher, comme Boucher, le peintre du XVIIIème siècle, ou Hélène Boucher, par exemple (c'était une aviatrice); et boucher, évidemment, c'est aussi un nom de métier: le boucher qui vend de la viande. C'est comme ça qu'une fois, je me souviens, j'ai vu sur une pharmacie: “M. Boucher, pharmacien.” C'était un monsieur qui était pharmacien de son métier et qui s'appelait Boucher.
Robert: Et vous avez déjà vu sur une boucherie: “M. Pharmacien, boucher”?
Mireille: Ah, non! Pharmacien, c'est un nom de profession, de métier, mais ce n'est pas un nom propre. Personne ne s'appelle Pharmacien, que je sache! Ni Informaticien! Mais il y a des tas de gens qui s'appellent Boulanger (comme celui qui fait le pain), ou Charpentier, comme celui qui fait les charpentes: Gustave Charpentier, par exemple, c'était un compositeur. Messager, aussi, c'est un nom de métier: celui qui porte des messages ou des marchandises; et c'est aussi un nom propre: André Messager, c'était un compositeur aussi. Charbonnier, quelqu'un qui vend du charbon, c'est aussi un nom propre, et aussi Forestier, Couturier, Bouvier.
Robert: Bouvier? C'était le nom de jeune fille de ma mère! Mais ce n'est pas un nom de métier!
Mireille: Mais si, bien sûr que c'est un nom de métier! Enfin, c'était un nom de métier autrefois: le bouvier, c'était celui qui conduisait les boeufs. Evidemment, aujourd'hui, ça ne se fait plus beaucoup en France. “Profession: bouvier,” ça ne se dit plus beaucoup. On parle plutôt de conducteur de tracteur. Chevrier aussi c'est un nom de famille, et le chevrier est celui qui s'occupe des chèvres. Et puis, il y a aussi Berger, comme celui qui s'occupe des moutons, et puis Mineur, Marin.
Robert: Marin, c'est ce que je voulais être quand j'avais douze ou treize ans.
Mireille: Ouais, c'est drôle, les idées qu'on a, quand on est petit. Vous savez ce que je voulais être, moi, quand j'étais petite? Je voulais être infirmière et actrice: infirmière pendant le jour, et actrice le soir.
Robert: Moi aussi, j'avais des idées plutôt bizarres. Quand j'étais petit, quand j'avais sept ou huit ans, je voulais être pompier, pour rouler à toute vitesse dans les rues et faire beaucoup de bruit; monter en haut de la grande échelle, et plonger dans une fenêtre ouverte qui crache des flammes et de la fumée.
Mireille: Et sauver les bébés endormis au milieu des flammes.
(Mais que se passe-t-il? C'est encore Marie-Laure qui arrive toute trempée!)
Mireille: Mais d'où sors-tu comme ça?
Marie-Laure: Du bassin.
Mireille: Tu es allée plonger dans le bassin?
Marie-Laure: Ben, non, pas vraiment! Je suis tombée. J'ai voulu attraper mon bateau, je me suis penchée, et puis j'ai glissé, alors je suis tombée, voilà.
Mireille: C'est malin! Allez, va te changer! Rentre à la maison tout de suite. Et tu avais mal à la gorge, hier! Mais qu'est-ce que Maman va dire?
(Et Marie-Laure s'en va.)
Mireille: Cette gamine est insupportable! Heureusement qu'elle sait nager!
Robert: Elle va sûrement devenir championne de natation; ou bien elle va faire de l'exploration sous-marine avec l'équipe de Cousteau.
Mireille: On ne sait jamais!
Robert: Ouais! On ne sait jamais comment les choses vont tourner.