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Honoré de Balzac. L’Auberge rouge., 07. Honoré de Balzac. L’Auberge rouge. Partie 7/9.

07. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Partie 7/9.

Ma voisine me poussa le pied, et me fit un signe en me montrant monsieur Taillefer. L'ancien fournisseur avait négligemment laissé tomber sa main sur ses yeux ; mais, entre les intervalles de ses doigts, nous crûmes voir une flamme sombre dans son regard.

– Hein ? me dit-elle à l'oreille. S'il se nommait Frédéric.

Je répondis en la guignant [1] de l'œil comme pour lui dire : « Silence ! Hermann reprit ainsi :

– Frédéric, s'écria le sous-aide, Frédéric m'a lâchement abandonné. Il aura eu peur. Peut-être se sera-t-il caché dans l'auberge, car nos deux chevaux étaient encore le matin dans la cour.

– Quel incompréhensible mystère, ajouta-t-il après un moment de silence. Le somnambulisme, le somnambulisme ! Je n'en ai eu qu'un seul accès dans ma vie, et encore à l'âge de six ans.

– M'en irai-je d'ici, reprit-il, frappant du pied sur la terre, en emportant tout ce qu'il y a d'amitié dans le monde ? Mourrai-je donc deux fois en doutant d'une fraternité commencée à l'âge de cinq ans, et continuée au collège, aux écoles ! Où est Frédéric ?

Il pleura. Nous tenons donc plus à un sentiment qu'à la vie.

– Rentrons, me dit-il, je préfère être dans mon cachot. Je ne voudrais pas qu'on me vit pleurant. J'irai courageusement (jusqu') à la mort, mais je ne sais pas faire de l'héroïsme à contretemps, et j'avoue que je regrette ma jeune et belle vie. Pendant cette nuit je n'ai pas dormi ; je me suis rappelé les scènes de mon enfance, et me suis vu courant dans ces prairies dont le souvenir a peut-être causé ma perte.

– J'avais de l'avenir, me dit-il en s'interrompant. Douze hommes ; un sous-lieutenant qui criera : – Portez armes, en joue, feu ! un roulement de tambours ; et l'infamie ! voilà mon avenir maintenant. Oh ! il y a un Dieu, ou tout cela serait par trop niais.

Alors il me prit et me serra dans ses bras en m'étreignant avec force.

– Ah ! vous êtes le dernier homme avec lequel j'aurai pu épancher mon âme. Vous serez libre, vous ! vous verrez votre mère ! Je ne sais si vous êtes riche ou pauvre, mais qu'importe ! vous êtes le monde entier pour moi. Ils ne se battront pas toujours, ceux-ci. Eh ! bien, quand ils seront en paix, allez à Beauvais. Si ma mère survit à la fatale nouvelle de ma mort, vous l'y trouverez. Dites-lui ces consolantes paroles :

– Il était innocent !

– Elle vous croira, reprit-il. Je vais lui écrire ; mais vous lui porterez mon dernier regard, vous lui direz que vous êtes le dernier homme que j'aurai embrassé. Ah ! combien elle vous aimera, la pauvre femme ! vous qui aurez été mon dernier ami.

– Ici, dit-il après un moment de silence pendant lequel il resta comme accablé sous le poids de ses souvenirs, chefs et soldats me sont inconnus, et je leur fais horreur à tous. Sans vous, mon innocence serait un secret entre le ciel et moi.

Je lui jurai d'accomplir saintement ses dernières volontés. Mes paroles, mon effusion de cœur le touchèrent. Peu de temps après, les soldats revinrent le chercher et le ramenèrent au conseil de guerre. Il était condamné. J'ignore les formalités qui devaient suivre ou accompagner ce premier jugement, je ne sais pas si le jeune chirurgien défendit sa vie dans toutes les règles ; mais il s'attendait à marcher au supplice le lendemain matin, et passa la nuit à écrire à sa mère.

– Nous serons libres tous deux, me dit-il en souriant, quand je l'allai voir le lendemain ; j'ai appris que le général a signé votre grâce.

Je restai silencieux, et le regardai pour bien graver ses traits dans ma mémoire. Alors il prit une expression de dégoût, et me dit : – J'ai été tristement lâche ! J'ai, pendant toute la nuit, demandé ma grâce à ces murailles. Et il me montrait les murs de son cachot.

– Oui, oui, reprit-il, j'ai hurlé de désespoir, (et) je me suis révolté, j'ai subi la plus terrible des agonies morales.

– J'étais seul ! Maintenant, je pense à ce que vont dire les autres... Le courage est un costume à prendre. Je dois aller décemment à la mort... Aussi....

07. Honoré de Balzac. L’Auberge rouge. Partie 7/9. 07. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Part 7/9. 07. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Parte 7/9. 07. Honoré de Balzac. L'Auberge rouge. Parte 7/9.

Ma voisine me poussa le pied, et me fit un signe en me montrant monsieur Taillefer. My neighbor pushed my foot, and made a sign to me, showing me Monsieur Taillefer. L’ancien fournisseur avait négligemment laissé tomber sa main sur ses yeux ; mais, entre les intervalles de ses doigts, nous crûmes voir une flamme sombre dans son regard. The former supplier had casually dropped his hand over his eyes; but, between the intervals of his fingers, we thought we saw a dark flame in his eyes.

– Hein ? - Eh ? me dit-elle à l’oreille. she whispered in my ear. S’il se nommait Frédéric. If his name was Frederic.

Je répondis en la guignant [1] de l’œil comme pour lui dire : « Silence ! I answered with a look on my face [1] as if to say, "Silence! Hermann reprit ainsi : Hermann resumed thus:

– Frédéric, s’écria le sous-aide, Frédéric m’a lâchement abandonné. “Frederick,” cried the assistant, “Frederick has cowardly abandoned me. Il aura eu peur. He would have been afraid. Peut-être se sera-t-il caché dans l’auberge, car nos deux chevaux étaient encore le matin dans la cour. Perhaps he will have hidden himself in the inn, for our two horses were still in the yard in the morning.

– Quel incompréhensible mystère, ajouta-t-il après un moment de silence. “What an incomprehensible mystery,” he added after a moment of silence. Le somnambulisme, le somnambulisme ! Je n’en ai eu qu’un seul accès dans ma vie, et encore à l’âge de six ans. I've only had it once in my life, and again when I was six years old.

– M’en irai-je d’ici, reprit-il, frappant du pied sur la terre, en emportant tout ce qu’il y a d’amitié dans le monde ? "Shall I go from here," he went on, stamping his foot on the ground, taking away all the friendship in the world? Mourrai-je donc deux fois en doutant d’une fraternité commencée à l’âge de cinq ans, et continuée au collège, aux écoles ! Will I therefore die twice doubting a fraternity begun at the age of five, and continued in college, in schools! Où est Frédéric ?

Il pleura. He cried. Nous tenons donc plus à un sentiment qu’à la vie. So we are more attached to a feeling than to life. Así que nos aferramos más a un sentimiento que a la vida.

– Rentrons, me dit-il, je préfère être dans mon cachot. - Let's go home, he said to me, I'd rather be in my dungeon. Je ne voudrais pas qu’on me vit pleurant. I wouldn't want to be seen crying. J’irai courageusement (jusqu') à la mort, mais je ne sais pas faire de l’héroïsme à contretemps, et j’avoue que je regrette ma jeune et belle vie. I will go bravely (until) to death, but I do not know how to make heroism at the wrong time, and I confess that I regret my young and beautiful life. Pendant cette nuit je n’ai pas dormi ; je me suis rappelé les scènes de mon enfance, et me suis vu courant dans ces prairies dont le souvenir a peut-être causé ma perte. During this night I did not sleep; I remembered the scenes of my childhood, and saw myself running in these meadows, the memory of which may have been my downfall.

– J’avais de l’avenir, me dit-il en s’interrompant. “I had a future,” he told me, interrupting himself. Douze hommes ; un sous-lieutenant qui criera : – Portez armes, en joue, feu ! Twelve men; a second lieutenant who will shout: - Wear arms, play, fire! un roulement de tambours ; et l’infamie ! a roll of drums; and infamy! voilà mon avenir maintenant. this is my future now. Oh ! il y a un Dieu, ou tout cela serait par trop niais. there is a God, or all that would be too stupid.

Alors il me prit et me serra dans ses bras en m’étreignant avec force. So he took me and hugged me tightly.

– Ah ! vous êtes le dernier homme avec lequel j’aurai pu épancher mon âme. you are the last man with whom I could pour out my soul. eres el último hombre con el que podré derramar mi alma. Vous serez libre, vous ! You will be free! vous verrez votre mère ! you will see your mother! Je ne sais si vous êtes riche ou pauvre, mais qu’importe ! I don't know if you are rich or poor, but who cares! vous êtes le monde entier pour moi. you are the whole world to me. Ils ne se battront pas toujours, ceux-ci. They will not always fight, these. Eh ! bien, quand ils seront en paix, allez à Beauvais. well, when they are at peace, go to Beauvais. Si ma mère survit à la fatale nouvelle de ma mort, vous l’y trouverez. If my mother survives the fatal news of my death, you will find her there. Dites-lui ces consolantes paroles : Tell him these consoling words:

– Il était innocent ! "He was innocent!"

– Elle vous croira, reprit-il. “She will believe you,” he continued. Je vais lui écrire ; mais vous lui porterez mon dernier regard, vous lui direz que vous êtes le dernier homme que j’aurai embrassé. I will write to him; but you will give him my last look, you will tell him that you are the last man I will have kissed. Ah ! combien elle vous aimera, la pauvre femme ! how much she will love you, poor woman! vous qui aurez été mon dernier ami. you who will have been my last friend.

– Ici, dit-il après un moment de silence pendant lequel il resta comme accablé sous le poids de ses souvenirs, chefs et soldats me sont inconnus, et je leur fais horreur à tous. “Here,” he said after a moment of silence during which he remained as if overwhelmed by the weight of his memories, “leaders and soldiers are unknown to me, and I horrify them all. Sans vous, mon innocence serait un secret entre le ciel et moi. Without you, my innocence would be a secret between heaven and me.

Je lui jurai d’accomplir saintement ses dernières volontés. I swore to him to fulfill his last wishes in a holy way. Mes paroles, mon effusion de cœur le touchèrent. My words, my outpouring of heart touched him. Peu de temps après, les soldats revinrent le chercher et le ramenèrent au conseil de guerre. Shortly after, the soldiers came back to fetch him and brought him back to the council of war. Il était condamné. He was doomed. J’ignore les formalités qui devaient suivre ou accompagner ce premier jugement, je ne sais pas si le jeune chirurgien défendit sa vie dans toutes les règles ; mais il s’attendait à marcher au supplice le lendemain matin, et passa la nuit à écrire à sa mère. I am unaware of the formalities which were to follow or accompany this first judgment, I do not know if the young surgeon defended his life in all the rules; but he expected to walk to the execution the next morning, and passed the night in writing to his mother.

– Nous serons libres tous deux, me dit-il en souriant, quand je l’allai voir le lendemain ; j’ai appris que le général a signé votre grâce. "We will both be free," he said, smiling, when I went to see him the next day; I learned that the general signed your pardon.

Je restai silencieux, et le regardai pour bien graver ses traits dans ma mémoire. I remained silent, and looked at him to engrave his features in my memory. Alors il prit une expression de dégoût, et me dit : – J’ai été tristement lâche ! Then he assumed an expression of disgust and said to me: - I was sadly cowardly! J’ai, pendant toute la nuit, demandé ma grâce à ces murailles. I have, throughout the night, asked for my pardon from these walls. Et il me montrait les murs de son cachot. And he showed me the walls of his cell.

– Oui, oui, reprit-il, j’ai hurlé de désespoir, (et) je me suis révolté, j’ai subi la plus terrible des agonies morales. – Yes, yes, he went on, I howled in despair, (and) I revolted, I suffered the most terrible of moral agonies.

– J’étais seul ! - I was alone ! Maintenant, je pense à ce que vont dire les autres... Le courage est un costume à prendre. Now I think about what the others will say ... Courage is a costume to be taken. Je dois aller décemment à la mort... Aussi.... I have to go decently to death ... Also ....