Leçon 16 - Entrée en matière III
(Le Jardin du Luxembourg, à Paris, par une belle journée de printemps. Il y a des fleurs, des petits oiseaux. Il fait beau, mais il y a quelques nuages. Un jeune homme, brun, assez grand, sympathique, est assis sur un banc. Il parle avec une petite fille qui tient un bateau. Ce jeune homme n'est pas français. Il est en France depuis deux jours. Au loin, une jeune fille arrive.)
Marie-Laure: Tiens, voilà ma sœur qui revient. Bon, ben moi, je m'en vais. Je vais profiter du vent, tant qu'il y en a. Hoh! Elle n'a pas l'air contente, ma soeur. Quand je lui ai dit que Maman la cherchait, tout à l'heure, ce n'était pas vrai! C'était une blague. Vous ne lui dites rien, hein! Mystère et boule de gomme!
(Marie-Laure est partie quand Mireille revient.)
Mireille: Où est Marie-Laure?
Robert: Elle vient de partir par là avec son bateau. Elle a dit qu'elle allait profiter du vent tant qu'il y en avait.
Mireille: Quelle sale gosse, cette gamine! Elle me disait que ma mère me cherchait, alors qu'il n'y avait personne à la maison. C'est encore une de ses blagues stupides! Elle est vraiment impossible, cette gamine!
Robert: Est-ce que vous connaissez le Pays Basque?
Mireille: Eh bien, vous, alors, on peut dire que vous avez des questions plutôt inattendues! Pourquoi vous me demandez ça? Je ne vois vraiment pas le rapport. Oui, je le connais un peu. L'été dernier, nous sommes allés à Saint-Jean-de-Luz avec mes parents. Autrefois, quand j'étais petite, nous allions toujours à Belle-Ile-en-Mer, en Bretagne. J'aimais bien Belle-Ile; c'était tranquille, il y avait moins de monde. On faisait de la voile, on pêchait des crevettes, on attrapait des crabes. Et quand il pleuvait, on jouait aux portraits, ou alors on allait voir de vieux films. Ma soeur trouvait que ce n'était pas assez dans le vent, enfin, je veux dire à la mode. Alors, l'année dernière, nous sommes allés à Saint-Jean. C'est plus animé, mais, mais, pourquoi est-ce que vous me demandez ça?
Robert: J'ai envie d'y aller. Ma mère m'en parlait souvent quand j'étais enfant.
Mireille: C'est un très beau pays. Votre mère est de là?
Robert: Non, pas vraiment. Mais elle y a passé plusieurs années quand elle était enfant. Mon grand-père, le père de ma mère, était juge. Son premier poste a été La Rochelle. C'est pendant que mes grands-parents étaient à La Rochelle que ma mère est née. Puis, mon grand-père est passé au tribunal de Bayonne quand ma mère avait quatre ou cinq ans; ils sont restés six ou sept ans à Bayonne, je crois. C'est pendant qu'ils étaient à Bayonne que ma mère a rencontré cette Mme Courtois.
Mireille: Ah, en effet, elle est née au Pays Basque. Ses parents étaient commerçants. Ils avaient un magasin de tissus, en face de la cathédrale. Et vos grands-parents, où sont-ils maintenant?
Robert: Ils sont morts tous les deux. Ils sont morts quand j'avais neuf ou dix ans. Mais dites-moi, je pensais. Je vais aller chez les Courtois demain. Vous n'avez pas envie d'aller les voir demain, par hasard, puisque Mme Courtois est votre marraine?
Mireille: Non, demain, je ne peux pas; je dois aller à Chartres.
Robert: Voir la cathédrale? Je veux aller la voir aussi, un jour.
Mireille: Non, la cathédrale, je la connais, vous pensez! Je l'ai visitée au moins cinq ou six fois avec mes parents, et autant de fois avec l'école! Demain, je dois aller voir une exposition dans un petit musée qui se trouve juste à côté.
Robert: Est-ce que vous voudriez bien me permettre de . . .
Mireille: de m'accompagner? Oh, mais vous pouvez, si vous voulez. Mais vous oubliez que demain, vous allez chez les Courtois!
Robert: Oh, je peux y aller un autre jour: après-demain, par exemple.
(À ce moment-là, Marie-Laure arrive en pleurant.)
Marie Laure: Mireille!
Mireille: Quoi, qu'est-ce qu'il y a encore?
Marie-Laure: Je suis en panne.
Mireille: Tu es en panne?
Marie-Laure: Oui, le bateau est en panne: il n'y a plus de vent, et il est au milieu du bassin; il ne revient pas. Viens!
Mireille: Ecoute, tu m'embêtes. Débrouille-toi.
Marie-Laure: Mais viens!
Mireille: Non!
Marie-Laure: Viens.
Robert: J'y vais.
Mireille: Mais qu'elle est agaçante, cette gamine!
(Robert et Mireille se lèvent. Ils se dirigent vers le bassin: mais le bateau de Marie-Laure est revenu tout près du bord.)
Mireille: Tu te moques de nous! “Gna, gna, gna, mon bateau est en panne, il est au milieu du bassin." Eh!
Marie-Laure: Ben, oui, il était là, tout à l'heure, au milieu du bassin. Le vent est revenu, c'est tout! Oh, c'est tout emmêlé!
Mireille: Eh, débrouille-toi!
Robert: Ce n'est pas grave. Je vais arranger ça. Et voilà!
Mireille: Eh bien, dis merci!
Marie-Laure: Merci!
(Robert et Mireille s'en vont ensemble dans le jardin du Luxembourg.)
Mireille: Vous êtes trop gentil! Mais, dites-moi, avec tout ça, comment vous appelez-vous?
Robert: Robert Taylor, aucun rapport avec l'acteur. Et vous-même?
Mireille: Mireille Belleau, aucun rapport avec le poète!
(Quelle pédante, cette Mireille! Elle fait allusion à Rémy Belleau, un poète du XVIème siècle, un peu oublié.)