Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban d'Alfonso Cuarón : l'analyse de M. bobine (2)
J.K. Rowling use d'élégantes métaphores pour dépeindre cet âge de transition où on est,
pour citer un chef d'oeuvre sorti récemment :
Tous les nouveaux personnages introduits dans ce nouveau volet
affichent ainsi une double nature.
Remus Lupin bien sûr.
Mais aussi Sirius Black et Sibylle Trelawney,
qui ne sont pas forcément aussi malfaisant et à côté de la plaque qu'ils en ont l'air.
Et puis il y a ce fameux climax placé sous le signe du voyage dans le temps,
où Harry Potter finit à son tour par se dédoubler.
On notera d'ailleurs qu'en s'apercevant lui-même, le jeune sorcier … ne se reconnaît pas !
Pour parler de crise d'identité chez les ados, on a connu moins subtil...
Alfonso Cuarón a parfaitement compris cette dimension du bouquin de Rowling.
Et pour la mettre en valeur, il va se servir de ses outils de cinéaste.
Prenez le motif de l'isolement par exemple.
Déjà présent dans livre quand Harry fugue de chez les Dursley
ou se retrouve privé de sortie à Pré-au-lard,
il est érigé en véritable principe de mise en scène par le cinéaste.
Dès qu'il en a l'occasion,
Cuarón sépare son héros des autres personnages dans le cadre.
Comme ici.
Ou là.
Ou encore là.
Les questionnements identitaires liés à l'adolescence se retrouvent
dans ces plans où Harry contemple son reflet.
Et les bouleversements physiques de l'âge ingrat sont évoquées poétiquement
dans ces tableaux où le Saule Cogneur change d'apparence au gré des saisons.
Si on poursuit dans cette idée, on peut du coup se reposer la question :
pourquoi Alfonso Cuarón a-t-il envoyé valdinguer les choix graphiques de Columbus ?
Pour marquer son territoire tout bêtement ?
Ou bien pour souligner de façon créative et originale un des thèmes centraux du bouquin :
celui de la rébellion ?
Et tiens, tant qu'on y est,
la confusion que peuvent ressentir les spectateurs non initiés devant la scène de la Cabane Hurlante...
ne serait-elle pas savamment entretenue par le réalisateur afin de faire écho à la propre confusion de Harry,
qui passe de quelques minutes de ça :
à ça ?
Bon okay là, c'est peut-être un peu tiré par les cheveux.
Mais ce qui est sûr, c'est qu'Alfonso Cuarón fait tout ce qu'il peut
pour renforcer l'identification à son héros.
Et se rapprocher autant que possible de la perspective narrative adoptée par J.K. Rowling,
à savoir la focalisation interne.
Le prisonnier d'Azkaban compte ainsi un nombre assez impressionnant de plans qui,
sans forcément tomber dans la vue subjective, épousent le regard de Harry.
Naturellement,
Cuarón choisit de boucler son portrait du jeune Potter par un gros plan.
En cela, il se distingue des autres réalisateurs de la saga
qui préfèrent finir sur des vues plus larges du domaine de Poudlard.
à l'exception du dernier volet où David Yates,
en bon cinéaste moyen qu'il est, décide de couper la poire en deux !
Bref, loin de la trahison évoquée plus haut,
Alfonso Cuarón semble être en réalité le seul réalisateur de la saga
à avoir saisi le sens profond de l'œuvre de J.K. Rowling
et à s'être efforcé de le traduire en images.
C'est aussi le seul qui a réussi à transformer un film de commande avec un cahier des charges gros comme ça
en œuvre personnelle s'inscrivant parfaitement dans sa filmographie.
Un véritable tour de magie, digne de l'évasion de la prison d'Azkaban !
Mais plus que Sirius Black,
s'il y a un personnage du film qui semble être le reflet du cinéaste,
c'est Rémus Lupin.
Comme le professeur de Défense contre les Forces du Mal,
Alfonso Cuarón a débarqué à l'improviste à Poudlard.
Il a pris Harry Potter sous son aile,
l'a aidé et à exploiter son potentiel et à se révéler à lui-même.
Pour cela, il n'a pas hésité à transgresser quelques règles,
bien conscient que ça allait lui attirer des ennuis.
Une fois son « méfait accompli »,
il a donc choisi de poser sa démission et de partir vers d'autres aventures.
Même si on peut regretter le départ de Cuarón,
la légitimité acquise grâce au Prisonnier d'Azkaban lui a permis d'enchaîner avec un projet perso,
qui a fini par devenir un des films les plus importants des années 2000.
Puis avec un autre projet perso
qui a fini par devenir un des films les plus importants des années 2010.
Suite au triomphe public et critique de Gravity
dont nous avions déjà parlé dans un épisode du Ciné-club de M. Bobine
la Warner s'est empressé de proposer au mexicain la réalisation des Animaux fantastiques,
le spin-off/prequel/on sait pas trop de Harry Potter,
sensé ouvrir une nouvelle saga de 5 volets.
Cuarón a eu la bonne idée de décliner l'offre,
forçant le se rabattre sur … David Yates,
le réalisateur des quatre derniers épisodes de Harry Potter.
Bref, un « safe choice », comme au bon vieux temps de L'école des sorciers.
Alfonso Cuarón, lui, est retourné au Mexique
pour tourner un tout petit film en langue espagnole : Roma.
On ne sait trop encore de quoi ça cause.
Mais ma boule de cristal me dit qu'il y aura des plans-séquences.
Et que ce sera vachement bien !
Voilà, c'est tout pour aujourd'hui !
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