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Bernadette, Sœur Marie-Bernard (Henri Lasserre), Livre 3 – La Vie Cachée et la Mort (1)

Livre 3 – La Vie Cachée et la Mort (1)

Livre III: La Vie Cachée et la Mort

Soeur Marie-Bernard

A quel moment précis remontait la vocation religieuse de Bernadette? C'est ce que nul ne peut dire, c'est ce qu'elle-même ignorait peut-être.

Tout ce que nous savons, c'est qu'elle datait de loin et très probablement venait de haut.

A Lourdes en effet, et même sur le chemin de la Grotte, tandis que les multitudes se pressaient sur ses pas, Bernadette aspirait déjà de toute son âme à vivre dans le silence, dans le travail, dans le soin pieux des malades, dans la prière et le recueillement, au sein du couvent solitaire.

Elle y aspirait ardemment. Et cependant, tout en caressant un tel rêve, elle n'osait s'abandonner entièrement à cet espoir si doux.

Ayant été témoin, durant toute son enfance, de l'activité et des vertus des Soeurs de Nevers, elle se considérait comme indigne de prendre place dans leurs rangs. La pensée de devenir un jour l'une de leurs compagnes lui semblait par moments une ambition orgueilleuse. Sa vocation, quelque vive et forte qu'elle fût, était puissamment combattue en elle par son humilité.

Elle s'interrogeait et se sondait:

— A quoi pourrais-je être bonne?

Et ne sachant que se répondre en la conscience de son néant, elle laissait un jour échapper sa peine devant un vénérable personnage qui avait autorité pour recevoir ses confidences:

— Comment oser leur demander de me recevoir? Comment charger les chères Soeurs de cette inutilité et de ce fardeau?

— Il est vrai, ma pauvre enfant, que vous êtes bien peu capable, lui répondit-il; mais enfin je viens tout à l'heure de vous voir peler des pommes de terre. Vous pourrez toujours être employée à la cuisine pour éplucher les légumes? Et puis, ce sera de la part des chères Soeurs une oeuvre de charité...

— Et de bien grande charité! s'écria l'humble Enfant qui avait eu la gloire de s'entretenir avec la Mère du Dieu trois fois saint, et dont le nom avait déjà retenti dans tous les continents.

Bien souvent sa prière frappait à la Porte du ciel pour solliciter un conseil ou un ordre de Celle dont ici-bas elle ne devait plus contempler l'ineffable visage, mais qui, du fond de l'invisible, veillait toujours sur sa Fille bien-aimée et se faisait entendre à son coeur par de secrètes inspirations.

L'Enfant de Marie reçut sans doute le rayon de lumière qu'elle implorait. Vers le milieu de 1865, Bernadette demanda aux chères Soeurs de Nevers dont le maternel dévouement l'avait élevée comme écolière, de mettre le comble à leur bonté en daignant la recevoir comme postulante.

La Révérende Mère Roques était supérieure : ses bras s'ouvrirent, tout heureux, pour accueillir Bernadette.

Elle passa ainsi encore un an à l'Hospice de Lourdes, aidant assidûment les Soeurs à soigner les malades et à instruire les petits enfants.

Puis, le moment de partir pour la Maison-Mère et d'entrer au noviciat étant devenu proche, Bernadette alla dans toute la ville embrasser une dernière fois les compagnes de son enfance, ses amies, sa parenté et donner à ceux qui l'aimaient un rendez-vous au Paradis. A chacun elle laissait quelque image de piété, avec ces mots écrits de sa main: « Priez pour Bernadette ».

Et un jour, ayant choisi une heure matinale, elle se rendit à la Grotte; et devant le lieu sacré où la Vierge lui était apparue, elle fondit en larmes et en prières.

Elle fit ses adieux à cette Terre de miracles, à cette Grotte sainte dont elle avait appris le chemin à l'univers entier et d'où elle se bannissait désormais volontairement pour toute la durée de sa vie mortelle.

De quelles invocations fut accompagné ce suprême sacrifice? C'est le secret de Dieu, de la Vierge et des Anges.

Quelques instants après, elle quitta la cité de Lourdes et prit la direction de Nevers.

Telle fut la fin de sa vie publique et son départ pour la vie cachée.

Et c'est ainsi qu'en 1869, nous écrivions ces mots, aux dernières pages de Notre-Dame de Lourdes.

« Bernadette n'est plus à Lourdes... On a vu comme elle avait, en maintes circonstances, repoussé les dons enthousiastes et refusé d'ouvrir à la fortune qui frappait à l'indigente porte de sa maison. Elle rêvait d'autres richesses.

« — Viendra un jour, avaient, à l'origine, prophétisé les incroyants, où tout le monde saura comment elle sera récompensée. »

« Bernadette, en effet, a choisi sa récompense et mis la main sur son trésor. Elle s'est faite Soeur de Charité. Elle s'est vouée à soigner, dans les hôpitaux, les pauvres et les malades recueillis par la pitié publique.

« Après avoir contemplé la face resplendissante de la Mère du Dieu trois fois saint, que pouvait-elle faire autre chose que de devenir la Servante attendrie de ceux dont le Fils de la Vierge a dit: « Ce que vous ferez au plus humble de ces petits, c'est à Moi-même que vous le ferez. »

« C'est chez les Religieuses de la Charité et de l'Instruction chrétiennes, si connues sous le nom de Soeurs de Nevers, que la Voyante a pris le voile. Ordre aimable et aimé, actif comme Marthe et pieux comme Marie! Il convenait à Bernadette, île même que le nid convient à l'oiseau, de même que la ruche bourdonnante convient à la jeune abeille.

Chaque famille religieuse a son type distinctif et particulier. Le type des Soeurs de Nevers est celui-là même de Bernadette : paix profonde, inaltérable sérénité, éternelle jeunesse de l'âme, attrait innocent. Elles portent la croix de l'obéissance et du travail, de la souffrance et de la pauvreté; mais, pour elles comme pour saint Bernard, l'amour en a enlevé le poids. Quel que soit le joug, il est suave; quel que soit le fardeau il est léger. Contemplant et goûtant par avance, au milieu des traverses de la vie, la félicité du Ciel, elles ont l'aspect heureux des filles du Très-Haut, et leur visage doux, avenant et cordial, rayonne toujours de la paix du Seigneur.

« En attendant qu'elle l'appelle en Paradis, c'est dans ce berceau que la Très Sainte Vierge a posé son enfant.

« La Privilégiée de Notre-Dame de Lourdes se nomme maintenant la Soeur Marie-Bernard. Nous l'avons vue naguère en son costume de religieuse, à la Maison-Mère de cette Congrégation, au couvent de Saint-Gildard. Bien qu'elle ait aujourd'hui vingt-cinq ans, sa physionomie a conservé le caractère et la grâce de l'enfance. Elle possède un charme incomparable, un charme qui n'est point d'ici-bas et qui élève l'âme vers les régions du Ciel. En sa présence, le coeur se sent remué dans ce qu'il a de meilleur par je ne sais quel sentiment religieux, et on la quitte tout embaumé par le parfum de cette paisible innocence. On comprend que la Sainte Vierge l'ait aimée. D'ailleurs, rien d'extraordinaire, rien qui la signale aux regards et qui puisse faire deviner le rôle immense qu'elle a rempli entre la Terre et le Ciel. Sa simplicité n'a pas même été atteinte par le mouvement inouï qui s'est fait autour d'elle. Le concours des multitudes et l'enthousiasme des peuples n'ont pas plus troublé son âme que l'eau ne ternirait, en le baignant une heure ou un siècle, l'impérissable pureté du diamant.

« Dieu la visite encore, non plus par des Apparitions radieuses, mais par l'épreuve sacrée de la souffrance. Elle est souvent malade, et ses tortures sont cruelles. Elle les supporte avec une patience douce et presque enjouée. Plusieurs fois on l'a crue à la mort: « Je ne mourrai pas encore, » dit-elle en souriant. »

Bernadette était arrivée au couvent de Saint-Gildard le 8 juillet 1866. La semaine suivante, le 16 juillet, en la fête du Mont-Carmel, elle y célébrait dans le fond de son coeur le huitième anniversaire de la dernière Apparition de Notre-Dame de Lourdes; et vingt et un jours plus tard, le 29 juillet, elle recevait le saint habit qu'elle ne devait plus quitter.

Elle n'eut point à changer de nom. Elle garda ceux quelle avait, au baptême, reçus de la Providence. Marie-Bernarde Soubirous devint la Soeur Marie-Bernard.

Dès le commencement, elle fut une admirable Religieuse. Sa vocation était profonde. Bernadette avait eu, pour guider ses pas, une main au-dessus de toute main. La Vierge Marie n'avait-elle pas été sa première maîtresse des novices?

Voulons-nous dire cependant que rien d'humain ne restât encore en cette enfant d'ici-bas, si exquise par la nature, si surélevée et sanctifiée par la grâce? Ne se rencontrait-il en elle aucune fragilité? Ne témoignait-elle pas çà et là quelqu'impatience dans la contradiction quand elle croyait voir attaquer la vérité ou la justice? Son âme vive, son caractère droit et net ne laissèrent-ils jamais échapper, sous l'empire d'une première impression, telle ou telle parole dont la franchise était un peu âpre, dont la sincérité laissait voir quelque humeur, et quelque titillement de l'appétit irascible?

Si nous prétendions cela, si nous déclarions qu'elle avait atteint toute perfection et que ses pieds ne touchaient plus la terre, Bernadette, du lieu de gloire où elle est sans doute, trouverait moyen de nous faire comprendre qu'elle nous désapprouve de parler ainsi, et elle nous arrêterait en nous disant: « Ceci ne fut point. »

Étant encore dans cette vallée des combats que traversent depuis six mille ans les soldats de l'Église militante, étant encore sur le sol de la lutte et du mérite, Bernadette ne devait point être soustraite aux conditions générales et à l'infirmité originelle de notre race. Les plus grands héros peuvent être blessés. Cette Vaillante ne fut donc point invulnérable. Mais, la maternelle Providence considérait peut-être avec un sourire ces surprises de l'âme et ces légères imperfections; car elle voyait sa chère et admirable Bernadette trouver toujours, dans cette vénielle défectuosité d'un instant, l'occasion d'une vertu plus haute; dans ce minime accident, l'aliment de l'humilité; dans cette fugitive défaillance, le principe d'un élan nouveau.

Telle l'Aïeule aux grands bras ouverts regarde le petit enfant qui accourt à elle avec amour et qui tombe, une fois ou l'autre, sur le sable du rivage ou dans l'herbe de la prairie. Il roule, il s'inquiète, il se dépite, puis, se relevant d'un bond, il se remet à courir avec plus d'ardeur vers le sein bien-aimé de celle qui l'attend au bout du chemin.

— Allons! dit l'Aïeule, c'est par ces petites chutes que l'enfance apprend à marcher.

Mais l'être gracieux et charmant qui court et qui tombe n'a point cette philosophie : chaque accident pour lui est une catastrophe; et ce qui fait sourire l'Aïeule le fait pleurer.

Ses moindres imperfections semblaient donc des crimes à Bernadette; et elle s'en voulait amèrement, après tant de résolutions et de fermes propos, d'être encore si souvent surprise...


Livre 3 – La Vie Cachée et la Mort (1) Buch 3 - Das verborgene Leben und der Tod (1) Book 3 - The Hidden Life and Death (1)

**Livre III: La Vie Cachée et la Mort**

**Soeur Marie-Bernard**

A quel moment précis remontait la vocation religieuse de Bernadette? C'est ce que nul ne peut dire, c'est ce qu'elle-même ignorait peut-être.

Tout ce que nous savons, c'est qu'elle datait de loin et très probablement venait de haut.

A Lourdes en effet, et même sur le chemin de la Grotte, tandis que les multitudes se pressaient sur ses pas, Bernadette aspirait déjà de toute son âme à vivre dans le silence, dans le travail, dans le soin pieux des malades, dans la prière et le recueillement, au sein du couvent solitaire.

Elle y aspirait ardemment. Et cependant, tout en caressant un tel rêve, elle n'osait s'abandonner entièrement à cet espoir si doux.

Ayant été témoin, durant toute son enfance, de l'activité et des vertus des Soeurs de Nevers, elle se considérait comme indigne de prendre place dans leurs rangs. La pensée de devenir un jour l'une de leurs compagnes lui semblait par moments une ambition orgueilleuse. Sa vocation, quelque vive et forte qu'elle fût, était puissamment combattue en elle par son humilité.

Elle s'interrogeait et se sondait:

— A quoi pourrais-je être bonne?

Et ne sachant que se répondre en la conscience de son néant, elle laissait un jour échapper sa peine devant un vénérable personnage qui avait autorité pour recevoir ses confidences:

— Comment oser leur demander de me recevoir? Comment charger les chères Soeurs de cette inutilité et de ce fardeau?

— Il est vrai, ma pauvre enfant, que vous êtes bien peu capable, lui répondit-il; mais enfin je viens tout à l'heure de vous voir peler des pommes de terre. Vous pourrez toujours être employée à la cuisine pour éplucher les légumes? Et puis, ce sera de la part des chères Soeurs une oeuvre de charité...

— Et de bien grande charité! s'écria l'humble Enfant qui avait eu la gloire de s'entretenir avec la Mère du Dieu trois fois saint, et dont le nom avait déjà retenti dans tous les continents.

Bien souvent sa prière frappait à la Porte du ciel pour solliciter un conseil ou un ordre de Celle dont ici-bas elle ne devait plus contempler l'ineffable visage, mais qui, du fond de l'invisible, veillait toujours sur sa Fille bien-aimée et se faisait entendre à son coeur par de secrètes inspirations.

L'Enfant de Marie reçut sans doute le rayon de lumière qu'elle implorait. Vers le milieu de 1865, Bernadette demanda aux chères Soeurs de Nevers dont le maternel dévouement l'avait élevée comme écolière, de mettre le comble à leur bonté en daignant la recevoir comme postulante.

La Révérende Mère Roques était supérieure : ses bras s'ouvrirent, tout heureux, pour accueillir Bernadette.

Elle passa ainsi encore un an à l'Hospice de Lourdes, aidant assidûment les Soeurs à soigner les malades et à instruire les petits enfants.

Puis, le moment de partir pour la Maison-Mère et d'entrer au noviciat étant devenu proche, Bernadette alla dans toute la ville embrasser une dernière fois les compagnes de son enfance, ses amies, sa parenté et donner à ceux qui l'aimaient un rendez-vous au Paradis. A chacun elle laissait quelque image de piété, avec ces mots écrits de sa main: « Priez pour Bernadette ».

Et un jour, ayant choisi une heure matinale, elle se rendit à la Grotte; et devant le lieu sacré où la Vierge lui était apparue, elle fondit en larmes et en prières.

Elle fit ses adieux à cette Terre de miracles, à cette Grotte sainte dont elle avait appris le chemin à l'univers entier et d'où elle se bannissait désormais volontairement pour toute la durée de sa vie mortelle.

De quelles invocations fut accompagné ce suprême sacrifice? C'est le secret de Dieu, de la Vierge et des Anges.

Quelques instants après, elle quitta la cité de Lourdes et prit la direction de Nevers.

Telle fut la fin de sa vie publique et son départ pour la vie cachée.

Et c'est ainsi qu'en 1869, nous écrivions ces mots, aux dernières pages de __Notre-Dame de Lourdes__.

« Bernadette n'est plus à Lourdes... On a vu comme elle avait, en maintes circonstances, repoussé les dons enthousiastes et refusé d'ouvrir à la fortune qui frappait à l'indigente porte de sa maison. Elle rêvait d'autres richesses.

« — Viendra un jour, avaient, à l'origine, prophétisé les incroyants, où tout le monde saura comment elle sera récompensée. »

« Bernadette, en effet, a choisi sa récompense et mis la main sur son trésor. Elle s'est faite Soeur de Charité. Elle s'est vouée à soigner, dans les hôpitaux, les pauvres et les malades recueillis par la pitié publique.

« Après avoir contemplé la face resplendissante de la Mère du Dieu trois fois saint, que pouvait-elle faire autre chose que de devenir la Servante attendrie de ceux dont le Fils de la Vierge a dit: « Ce que vous ferez au plus humble de ces petits, c'est à Moi-même que vous le ferez. »

« C'est chez les Religieuses de la Charité et de l'Instruction chrétiennes, si connues sous le nom de __Soeurs de Nevers__, que la Voyante a pris le voile. Ordre aimable et aimé, actif comme Marthe et pieux comme Marie! Il convenait à Bernadette, île même que le nid convient à l'oiseau, de même que la ruche bourdonnante convient à la jeune abeille.

Chaque famille religieuse a son type distinctif et particulier. Le type des Soeurs de Nevers est celui-là même de Bernadette : paix profonde, inaltérable sérénité, éternelle jeunesse de l'âme, attrait innocent. Elles portent la croix de l'obéissance et du travail, de la souffrance et de la pauvreté; mais, pour elles comme pour saint Bernard, l'amour en a enlevé le poids. Quel que soit le joug, il est suave; quel que soit le fardeau il est léger. Contemplant et goûtant par avance, au milieu des traverses de la vie, la félicité du Ciel, elles ont l'aspect heureux des filles du Très-Haut, et leur visage doux, avenant et cordial, rayonne toujours de la paix du Seigneur.

« En attendant qu'elle l'appelle en Paradis, c'est dans ce berceau que la Très Sainte Vierge a posé son enfant.

« La Privilégiée de Notre-Dame de Lourdes se nomme maintenant la Soeur Marie-Bernard. Nous l'avons vue naguère en son costume de religieuse, à la Maison-Mère de cette Congrégation, au couvent de Saint-Gildard. Bien qu'elle ait aujourd'hui vingt-cinq ans, sa physionomie a conservé le caractère et la grâce de l'enfance. Elle possède un charme incomparable, un charme qui n'est point d'ici-bas et qui élève l'âme vers les régions du Ciel. En sa présence, le coeur se sent remué dans ce qu'il a de meilleur par je ne sais quel sentiment religieux, et on la quitte tout embaumé par le parfum de cette paisible innocence. On comprend que la Sainte Vierge l'ait aimée. D'ailleurs, rien d'extraordinaire, rien qui la signale aux regards et qui puisse faire deviner le rôle immense qu'elle a rempli entre la Terre et le Ciel. Sa simplicité n'a pas même été atteinte par le mouvement inouï qui s'est fait autour d'elle. Le concours des multitudes et l'enthousiasme des peuples n'ont pas plus troublé son âme que l'eau ne ternirait, en le baignant une heure ou un siècle, l'impérissable pureté du diamant.

« Dieu la visite encore, non plus par des Apparitions radieuses, mais par l'épreuve sacrée de la souffrance. Elle est souvent malade, et ses tortures sont cruelles. Elle les supporte avec une patience douce et presque enjouée. Plusieurs fois on l'a crue à la mort: « Je ne mourrai pas encore, » dit-elle en souriant. »

Bernadette était arrivée au couvent de Saint-Gildard le 8 juillet 1866. La semaine suivante, le 16 juillet, en la fête du Mont-Carmel, elle y célébrait dans le fond de son coeur le huitième anniversaire de la dernière Apparition de Notre-Dame de Lourdes; et vingt et un jours plus tard, le 29 juillet, elle recevait le saint habit qu'elle ne devait plus quitter.

Elle n'eut point à changer de nom. Elle garda ceux quelle avait, au baptême, reçus de la Providence. Marie-Bernarde Soubirous devint la Soeur Marie-Bernard.

Dès le commencement, elle fut une admirable Religieuse. Sa vocation était profonde. Bernadette avait eu, pour guider ses pas, une main au-dessus de toute main. La Vierge Marie n'avait-elle pas été sa première maîtresse des novices?

Voulons-nous dire cependant que rien d'humain ne restât encore en cette enfant d'ici-bas, si exquise par la nature, si surélevée et sanctifiée par la grâce? Ne se rencontrait-il en elle aucune fragilité? Ne témoignait-elle pas çà et là quelqu'impatience dans la contradiction quand elle croyait voir attaquer la vérité ou la justice? Son âme vive, son caractère droit et net ne laissèrent-ils jamais échapper, sous l'empire d'une première impression, telle ou telle parole dont la franchise était un peu âpre, dont la sincérité laissait voir quelque humeur, et quelque titillement de l'appétit irascible?

Si nous prétendions cela, si nous déclarions qu'elle avait atteint toute perfection et que ses pieds ne touchaient plus la terre, Bernadette, du lieu de gloire où elle est sans doute, trouverait moyen de nous faire comprendre qu'elle nous désapprouve de parler ainsi, et elle nous arrêterait en nous disant: « Ceci ne fut point. »

Étant encore dans cette vallée des combats que traversent depuis six mille ans les soldats de l'Église militante, étant encore sur le sol de la lutte et du mérite, Bernadette ne devait point être soustraite aux conditions générales et à l'infirmité originelle de notre race. Les plus grands héros peuvent être blessés. Cette Vaillante ne fut donc point invulnérable. Mais, la maternelle Providence considérait peut-être avec un sourire ces surprises de l'âme et ces légères imperfections; car elle voyait sa chère et admirable Bernadette trouver toujours, dans cette vénielle défectuosité d'un instant, l'occasion d'une vertu plus haute; dans ce minime accident, l'aliment de l'humilité; dans cette fugitive défaillance, le principe d'un élan nouveau.

Telle l'Aïeule aux grands bras ouverts regarde le petit enfant qui accourt à elle avec amour et qui tombe, une fois ou l'autre, sur le sable du rivage ou dans l'herbe de la prairie. Il roule, il s'inquiète, il se dépite, puis, se relevant d'un bond, il se remet à courir avec plus d'ardeur vers le sein bien-aimé de celle qui l'attend au bout du chemin.

— Allons! dit l'Aïeule, c'est par ces petites chutes que l'enfance apprend à marcher.

Mais l'être gracieux et charmant qui court et qui tombe n'a point cette philosophie : chaque accident pour lui est une catastrophe; et ce qui fait sourire l'Aïeule le fait pleurer.

Ses moindres imperfections semblaient donc des crimes à Bernadette; et elle s'en voulait amèrement, après tant de résolutions et de fermes propos, d'être encore si souvent surprise...