×

우리는 LingQ를 개선하기 위해서 쿠키를 사용합니다. 사이트를 방문함으로써 당신은 동의합니다 쿠키 정책.


image

Vol de Nuit, I

I

Les collines, sous l'avion, creusaient déjà leur sillage d'ombre dans l'or du soir. Les plaines devenaient lumineuses mais d'une inusable lumière : dans ce pays elles n'en finissent pas de rendre leur or de même qu'après l'hiver, elles n'en finissent pas de rendre leur neige.

Et le pilote Fabien, qui ramenait de l'extrême Sud, vers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l'approche du soir aux mêmes signes que les eaux d'un port : à ce calme, à ces rides légères qu'à peine dessinaient de tranquilles nuages. Il entrait dans une rade immense et bienheureuse.

Il eût pu croire aussi, dans ce calme, faire une lente promenade, presque comme un berger. Les bergers de Patagonie vont, sans se presser, d'un troupeau à l'autre : il allait d'une ville à l'autre, il était le berger des petites villes. Toutes les deux heures, il en rencontrait qui venaient boire au bord des fleuves ou qui broutaient leur plaine.

Quelquefois, après cent kilomètres de steppes plus inhabitées que la mer, il croisait une ferme perdue, et qui semblait emporter en arrière, dans une houle de prairies, sa charge de vies humaines, alors il saluait des ailes ce navire.

« San Julian est en vue; nous atterrirons dans dix minutes. » Le radio navigant passait la nouvelle à tous les postes de la ligne. Sur deux mille cinq cents kilomètres, du détroit de Magellan à Buenos Aires, des escales semblables s'échelonnaient; mais celle-ci s'ouvrait sur les frontières de la nuit comme, en Afrique, sur le mystère, la dernière bourgade soumise.

Le radio passa un papier au pilote :

« — Il y a tant d'orages que les décharges remplissent mes écouteurs. Coucherez-vous à San Julian? » Fabien sourit : le ciel était calme comme un aquarium et toutes les escales, devant eux, leur signalaient « Ciel pur, vent nul ». Il répondit :

« — Continuerons. » Mais le radio pensait que des orages s'étaient installés quelque part, comme des vers s'installent dans un fruit; la nuit serait belle et pourtant gâtée : il lui répugnait d'entrer dans cette ombre prête à pourrir. En descendant moteur au ralenti sur San Julian, Fabien se sentit las. Tout ce qui fait douce la vie des hommes grandissait vers lui : leurs maisons, leurs petits cafés, les arbres de leur promenade. Il était semblable à un conquérant, au soir de ses conquêtes, qui se penche sur les terres de l'empire, et découvre l'humble bonheur des hommes. Fabien avait besoin de déposer les armes, de ressentir sa lourdeur et ses courbatures, on est riche aussi de ses misères, et d'être ici un homme simple, qui regarde par la fenêtre une vision désormais immuable. Ce village minuscule, il l'eût accepté : après avoir choisi on se contente du hasard de son existence et on peut l'aimer. Il vous borne comme l'amour. Fabien eût désiré vivre ici longtemps, prendre sa part ici d'éternité, car les petites villes, où il vivait une heure, et les jardins clos de vieux murs, qu'il traversait, lui semblaient éternels de durer en dehors de lui. Et le village montait vers l'équipage et vers lui s'ouvrait. Et Fabien pensait aux amitiés, aux filles tendres, à l'intimité des nappes blanches, à tout ce qui, lentement, s'apprivoise pour l'éternité. Et le village coulait déjà au ras des ailes, étalant le mystère de ses jardins fermés que leurs murs ne protégeaient plus. Mais Fabien, ayant atterri, sut qu'il n'avait rien vu, sinon le mouvement lent de quelques hommes parmi leurs pierres. Ce village défendait, par sa seule immobilité, le secret de ses passions, ce village refusait sa douceur : il eût fallu renoncer à l'action pour la conquérir.

Quand les dix minutes d'escale furent écoulées, Fabien dut repartir.

Il se retourna vers San Julian : ce n'était plus qu'une poignée de lumières, puis d'étoiles, puis se dissipa la poussière qui, pour la dernière fois, le tenta.

« Je ne vois plus les cadrans : j'allume. » Il toucha les contacts, mais les lampes rouges de la carlingue versèrent vers les aiguilles une lumière encore si diluée dans cette lumière bleue qu'elle ne les colorait pas. Il passa les doigts devant une ampoule : ses doigts se teintèrent à peine.

« Trop tôt. » Pourtant la nuit montait, pareille à une fumée sombre, et déjà comblait les vallées. On ne distinguait plus celles-ci des plaines. Déjà pourtant s'éclairaient les villages, et leurs constellations se répondaient. Et lui aussi, du doigt, faisait cligner ses feux de position, répondait aux villages. La terre était tendue d'appels lumineux, chaque maison allumant son étoile, face à l'immense nuit, ainsi qu'on tourne un phare vers la mer. Tout ce qui couvrait une vie humaine déjà scintillait. Fabien admirait que l'entrée dans la nuit se fît cette fois, comme une entrée en rade, lente et belle.

Il enfouit sa tête dans la carlingue. Le radium des aiguilles commençait à luire. L'un après l'autre le pilote vérifia des chiffres et fut content. Il se découvrait solidement assis dans le ciel. Il effleura du doigt un longeron d'acier, et sentit dans le métal ruisseler la vie : le métal ne vibrait pas, mais vivait. Les cinq cents chevaux du moteur faisaient naître dans la matière un courant très doux, qui changeait sa glace en chair de velours. Une fois de plus, le pilote n'éprouvait, en vol, ni vertige, ni ivresse, mais le travail mystérieux d'une chair vivante.

Maintenant il s'était recomposé un monde, il y jouait des coudes pour s'y installer bien à l'aise.

Il tapota le tableau de distribution électrique, toucha les contacts un à un, remua un peu, s'adossa mieux, et chercha la position la meilleure pour bien sentir les balancements des cinq tonnes de métal qu'une nuit mouvante épaulait. Puis il tâtonna, poussa en place sa lampe de secours, l'abandonna, la retrouva, s'assura qu'elle ne glissait pas, la quitta de nouveau pour tapoter chaque manette, les joindre à coup sûr, instruire ses doigts pour un monde d'aveugle. Puis, quand ses doigts le connurent bien, il se permit d'allumer une lampe, d'orner sa carlingue d'instruments précis, et surveilla sur les cadrans seuls, son entrée dans la nuit, comme une plongée. Puis, comme rien ne vacillait, ni ne vibrait, ni ne tremblait, et que demeuraient fixes son gyroscope, son altimètre et le régime du moteur, il s'étira un peu, appuya sa nuque au cuir du siège, et commença cette profonde méditation du vol, où l'on savoure une espérance inexplicable.

Et maintenant, au cœur de la nuit comme un veilleur, il découvre que la nuit montre l'homme : ces appels, ces lumières, cette inquiétude. Cette simple étoile dans l'ombre : l'isolement d'une maison. L'une s'éteint : c'est une maison qui se ferme sur son amour.

Ou sur son ennui. C'est une maison qui cesse de faire son signal au reste du monde. Ils ne savent pas ce qu'ils espèrent ces paysans accoudés à la table devant leur lampe : ils ne savent pas que leur désir porte si loin, dans la grande nuit qui les enferme. Mais Fabien le découvre quand il vient de mille kilomètres et sent des lames de fond profondes soulever et descendre l'avion qui respire, quand il a traversé dix orages, comme des pays de guerre, et, entre eux, des clairières de lune, et quand il gagne ces lumières, l'une après l'autre, avec le sentiment de vaincre. Ces hommes croient que leur lampe luit pour l'humble table, mais à quatre-vingts kilomètres d'eux, on est déjà touché par l'appel de cette lumière, comme s'ils la balançaient désespérés, d'une île déserte, devant la mer.

I أنا I I I من I I I I I I

Les collines, sous l'avion, creusaient déjà leur sillage d'ombre dans l'or du soir. The hills under the plane were already digging their shadowy wake in the gold of the evening. As colinas por baixo do avião já estavam a abrir o seu rasto de sombras na noite dourada. Холмы под самолетом уже прочерчивали свой тенистый след в золотом вечернем свете. Les plaines devenaient lumineuses mais d'une inusable lumière : dans ce pays elles n'en finissent pas de rendre leur or de même qu'après l'hiver, elles n'en finissent pas de rendre leur neige. Die Ebenen wurden hell, aber von einem unverwüstlichen Licht: In diesem Land geben sie immer wieder ihr Gold zurück, so wie sie nach dem Winter immer wieder ihren Schnee zurückgeben. The plains became luminous but with an indestructible light: in this country they never stop giving back their gold just as after winter they never stop giving back their snow. As planícies tornaram-se luminosas, mas de uma luz indestrutível: neste país nunca deixam de devolver o seu ouro, tal como depois do Inverno nunca deixam de devolver a sua neve. Равнины стали светлыми, но свет неистребимый: в этой стране никогда не перестают отдавать золото, как после зимы не перестают отдавать снег.

Et le pilote Fabien, qui ramenait de l'extrême Sud, vers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l'approche du soir aux mêmes signes que les eaux d'un port : à ce calme, à ces rides légères qu'à peine dessinaient de tranquilles nuages. Und der Pilot Fabien, der die Post aus Patagonien vom äußersten Süden nach Buenos Aires brachte, erkannte den nahenden Abend an denselben Zeichen wie das Wasser eines Hafens: an dieser Ruhe, an diesen leichten Wellen, die kaum von ruhigen Wolken gezeichnet wurden. And the pilot Fabien, who was bringing the Patagonian courier from the far south towards Buenos Aires, recognized the approach of evening by the same signs as the waters of a port: by this calm, by these light ripples that barely outlined tranquil clouds. E o piloto Fabien, que pilotava o correio patagónico do extremo sul para Buenos Aires, reconheceu a aproximação do anoitecer pelos mesmos sinais que as águas de um porto: pela calma, pelas ondulações suaves que mal se delineavam nas nuvens calmas. А пилот Фабьен, выполнявший рейс патагонской почты с крайнего юга в Буэнос-Айрес, распознал наступление вечера по тем же признакам, что и воды в гавани: по штилю, по легкой ряби, едва намеченной спокойными облаками. Il entrait dans une rade immense et bienheureuse. Er fuhr in eine riesige, selige Reede ein. He was entering an immense and happy roadstead. Estaba entrando en un puerto inmenso y dichoso. Estava a entrar num vasto e feliz porto. Он входил в огромную и блаженную гавань. 他正在进入一个巨大而快乐的路基。

Il eût pu croire aussi, dans ce calme, faire une lente promenade, presque comme un berger. He might also have thought, in this calm, that he was taking a slow walk, almost like a shepherd. Também pode ter pensado que, nesta calma, estava a dar um passeio lento, quase como um pastor. Он мог также думать, что в этом спокойствии он совершает медленную прогулку, почти как пастух. 他可能还以为,在这种平静中,他走得很慢,几乎就像一个牧羊人。 Les bergers de Patagonie vont, sans se presser, d'un troupeau à l'autre : il allait d'une ville à l'autre, il était le berger des petites villes. The Patagonian shepherds go, without hurrying, from one herd to another: he went from one town to another, he was the shepherd of small towns. Os pastores da Patagónia deslocam-se sem pressa de um rebanho para outro: ele vai de uma cidade para outra, é o pastor das pequenas cidades. Пастухи Патагонии не спеша переходят от одного стада к другому: он ходил из одного города в другой, он был пастухом маленьких городков. 巴塔哥尼亚的牧羊人从一个羊群到另一个羊群毫不匆忙:他从一个城镇到另一个城镇,他是小城镇的牧羊人。 Toutes les deux heures, il en rencontrait qui venaient boire au bord des fleuves ou qui broutaient leur plaine. Alle paar Stunden traf er welche, die zum Trinken an die Flussufer kamen oder ihre Ebene abgrasten. Every two hours, he met some who came to drink on the banks of the rivers or who browsed their plain. De duas em duas horas, encontrava-os a beber junto aos rios ou a pastar nas suas planícies. Каждые два часа он встречал их, пьющих у рек или пасущихся на равнинах. 每隔两个小时,他就会遇到一些来河边喝酒或浏览平原的人。

Quelquefois, après cent kilomètres de steppes plus inhabitées que la mer, il croisait une ferme perdue, et qui semblait emporter en arrière, dans une houle de prairies, sa charge de vies humaines, alors il saluait des ailes ce navire. Manchmal, wenn er nach hundert Kilometern Steppe, die unbewohnter war als das Meer, auf einen verlorenen Bauernhof stieß, der in einem Schwall von Prärie seine Last von Menschenleben zurückzutragen schien, dann winkte er diesem Schiff mit den Flügeln zu. Sometimes, after a hundred kilometers of steppes more uninhabited than the sea, he came across a remote farmhouse, which seemed to carry away its load of human lives in a swell of meadows, so he saluted this ship with its wings. A veces, tras un centenar de kilómetros de estepas más deshabitadas que el mar, se topaba con una granja perdida que parecía llevar hacia atrás su carga de vidas humanas en un oleaje de praderas, así que se despedía de este barco. Por vezes, depois de cem quilómetros de estepes mais desabitadas do que o mar, encontrava uma quinta perdida que parecia carregar o seu fardo de vidas humanas para trás, numa onda de pradarias, e acenava adeus a esse navio. Иногда, пройдя сотню километров по степям, более необитаемым, чем море, он натыкался на затерянную ферму, которая, казалось, несла свой груз человеческих жизней назад, во вздыбленные прерии, и тогда он махал этому кораблю на прощание. 有时,在比大海还无人居住的一百公里大草原之后,他遇到了一个失落的农场,似乎在一片隆起的草地上承载着人类的生命,所以他用它的翅膀向这艘船致敬。

« San Julian est en vue; nous atterrirons dans dix minutes. "San Julian ist in Sicht; wir werden in zehn Minuten landen. “San Julian is in sight; we will land in ten minutes. "Сан-Джулиан" уже в поле зрения; через десять минут мы высадимся. » Le radio navigant passait la nouvelle à tous les postes de la ligne. The ship's radio broadcast the news to all the posts on the line. "Радисты" передали новость на все станции, находящиеся на линии. 船上的收音机将消息广播到在线的所有帖子。 Sur deux mille cinq cents kilomètres, du détroit de Magellan à Buenos Aires, des escales semblables s'échelonnaient; mais celle-ci s'ouvrait sur les frontières de la nuit comme, en Afrique, sur le mystère, la dernière bourgade soumise. Auf einer Strecke von 2500 Kilometern von der Magellanstraße bis nach Buenos Aires gab es ähnliche Zwischenstopps, aber dieser hier öffnete sich an den Grenzen der Nacht, wie in Afrika das Geheimnis der letzten unterworfenen Siedlung. Over two thousand five hundred kilometers, from the Strait of Magellan to Buenos Aires, similar stopovers were spread out; but this one opened onto the frontiers of the night like, in Africa, onto the mystery, the last submissive town. Durante dois mil e quinhentos quilómetros, do Estreito de Magalhães a Buenos Aires, houve escalas semelhantes, mas esta abria-se para as fronteiras da noite, como a última aldeia subjugada de África. На протяжении двух тысяч пятисот километров от Магелланова пролива до Буэнос-Айреса были подобные остановки, но эта открывалась на границу ночи, как последняя покоренная деревня в Африке. 两千五百多公里,从麦哲伦海峡到布宜诺斯艾利斯,分布着类似的中转站;但这一个打开了夜晚的边界,就像在非洲,打开了神秘,最后一个顺从的城镇。

Le radio passa un papier au pilote : Der Funker reichte dem Piloten einen Zettel: The radio passed a paper to the pilot: Радист передал пилоту лист бумаги: 收音机把一张纸递给飞行员:

« — Il y a tant d'orages que les décharges remplissent mes écouteurs. " - Es gibt so viele Gewitter, dass die Entladungen meine Kopfhörer füllen. “—There are so many storms that the shocks fill my earphones. "- Hay tantas tormentas que las descargas llenan mis auriculares. "- As tempestades são tantas que as descargas enchem os meus auscultadores. "- Штормов так много, что разряды заполняют мои наушники. 「——暴风雨太多了,我的耳机里充满了冲击。 Coucherez-vous à San Julian? Will you sleep in San Julian? Будете ли Вы останавливаться в San Julian? 你会睡在圣朱利安吗? » Fabien sourit : le ciel était calme comme un aquarium et toutes les escales, devant eux, leur signalaient « Ciel pur, vent nul ». Fabien smiled: the sky was calm as an aquarium and all the stopovers in front of them signaled "Pure sky, zero wind". "Фабьен улыбнулся: небо было спокойным, как аквариум, и все порты захода перед ними сигнализировали: "Чистое небо, без ветра". 法比安笑了笑:天空平静得像个水族馆,前面的所有停留点都在发出“纯净的天空,零风”的信号。 Il répondit : He answered : Он ответил:

« — Continuerons. “We will continue. "Давайте продолжим. » Mais le radio pensait que des orages s'étaient installés quelque part, comme des vers s'installent dans un fruit; la nuit serait belle et pourtant gâtée : il lui répugnait d'entrer dans cette ombre prête à pourrir. But the radio thought that thunderstorms had settled somewhere, like worms settle in a fruit; the night would be beautiful and yet spoiled: it was repugnant to her to enter this shadow ready to rot. "Pero la radio pensó que las tormentas se habían instalado en alguna parte, como los gusanos se instalan en una fruta; la noche sería hermosa y, sin embargo, estropeada: detestaba entrar en esta sombra dispuesta a pudrirse. "Но радио подумало, что бури где-то поселились, как черви поселяются в плоде; ночь будет прекрасна и все же испорчена: он не любил входить в эту готовую сгнить тень. 但收音机认为雷暴已经在某个地方落下,就像虫子落入果实中一样。夜晚将是美丽的,但却被宠坏了:进入这个即将腐烂的阴影对她来说是令人反感的。 En descendant moteur au ralenti sur San Julian, Fabien se sentit las. Going down the engine idling on San Julian, Fabien felt tired. Пока двигатель работал на холостом ходу в Сан-Джулиане, Фабьен чувствовал усталость. Tout ce qui fait douce la vie des hommes grandissait vers lui : leurs maisons, leurs petits cafés, les arbres de leur promenade. Everything that makes men's lives sweet grew towards him: their houses, their little cafes, the trees on their promenade. Все, что делает человеческую жизнь сладкой, росло навстречу ему: их дома, их маленькие кафе, деревья на их набережной. Il était semblable à un conquérant, au soir de ses conquêtes, qui se penche sur les terres de l'empire, et découvre l'humble bonheur des hommes. He was like a conqueror, on the evening of his conquests, who bends over the lands of the empire, and discovers the humble happiness of men. Era como um conquistador, na noite das suas conquistas, que olha para as terras do império e descobre a humilde felicidade dos homens. Он был похож на завоевателя, который в вечер своих побед окидывает взглядом земли империи и видит скромное счастье людей. Fabien avait besoin de déposer les armes, de ressentir sa lourdeur et ses courbatures, on est riche aussi de ses misères, et d'être ici un homme simple, qui regarde par la fenêtre une vision désormais immuable. Fabien musste die Waffen niederlegen, seine Schwere und seinen Muskelkater spüren - man ist auch reich an seinem Elend - und hier ein einfacher Mann sein, der aus dem Fenster auf eine nunmehr unveränderliche Vision blickt. Fabien needed to lay down his arms, to feel his heaviness and his aches, we are also rich in his miseries, and to be here a simple man, who looks out of the window at a vision that is now immutable. Фабьену нужно было сложить оружие, почувствовать свою тяжесть, свои боли - мы тоже богаты своими страданиями - и стать здесь простым человеком, смотрящим из окна на неизменное видение. 法比恩需要放下双臂,感受他的沉重和疼痛,我们也饱受他的痛苦,成为一个简单的人,看着窗外的景象,现在已经一成不变。 Ce village minuscule, il l'eût accepté : après avoir choisi on se contente du hasard de son existence et on peut l'aimer. Dieses winzige Dorf hätte er akzeptiert: Nachdem man gewählt hat, gibt man sich mit dem Zufall seiner Existenz zufrieden und kann es lieben. This tiny village, he would have accepted: after having chosen one is content with the chance of its existence and one can love it. Он бы принял эту крохотную деревушку: раз выбрал, значит, довольствуешься случайностью своего существования и можешь ее любить. Il vous borne comme l'amour. Er begrenzt dich wie die Liebe. It limits you like love. Te golpea como el amor. Она привязывает к себе, как любовь. Fabien eût désiré vivre ici longtemps, prendre sa part ici d'éternité, car les petites villes, où il vivait une heure, et les jardins clos de vieux murs, qu'il traversait, lui semblaient éternels de durer en dehors de lui. Die kleinen Städte, in denen er eine Stunde lebte, und die von alten Mauern umgebenen Gärten, durch die er ging, schienen ihm ewig zu sein, weil sie außerhalb von ihm dauerten. Fabien would have liked to live here for a long time, to take his share here of eternity, for the small towns, where he lived for an hour, and the gardens enclosed by old walls, which he passed through, seemed to him to last forever outside of him. Фабьен хотел бы прожить здесь долгое время, отвести здесь свою долю вечности, потому что маленькие городки, в которых он жил по часу, и сады, обнесенные старыми стенами, через которые он проходил, казались ему вечностью вне его. 法比安本想在这里住很长时间,在此分享他的永恒,因为他住了一个小时的小镇,以及他经过的被旧墙围起来的花园,在他看来似乎可以持续下去永远在他之外。 Et le village montait vers l'équipage et vers lui s'ouvrait. Und das Dorf stieg zur Mannschaft hinauf und zu ihr hin öffnete es sich. And the village rose towards the crew and towards him opened up. И деревня поднялась навстречу экипажу и открылась для него. Et Fabien pensait aux amitiés, aux filles tendres, à l'intimité des nappes blanches, à tout ce qui, lentement, s'apprivoise pour l'éternité. Und Fabien dachte an Freundschaften, zarte Mädchen, die Vertrautheit weißer Tischdecken, an all das, was sich langsam für die Ewigkeit zähmt. And Fabien thought of friendships, of tender girls, of the intimacy of white tablecloths, of everything that slowly becomes tamed for eternity. И Фабьен подумал о дружбе, о нежных девушках, об интимности белых скатертей, обо всем том, что постепенно становится прирученным для вечности. Et le village coulait déjà au ras des ailes, étalant le mystère de ses jardins fermés que leurs murs ne protégeaient plus. Und das Dorf floss bereits an den Flügeln vorbei und breitete das Geheimnis seiner geschlossenen Gärten aus, die ihre Mauern nicht mehr schützten. And the village was already flowing level with the wings, spreading the mystery of its closed gardens that their walls no longer protected. А деревня уже текла на уровне крыльев, распространяя тайну своих закрытых садов, которые их стены уже не защищали. Mais Fabien, ayant atterri, sut qu'il n'avait rien vu, sinon le mouvement lent de quelques hommes parmi leurs pierres. Doch als Fabien gelandet war, wusste er, dass er nichts gesehen hatte, außer der langsamen Bewegung einiger Männer zwischen ihren Steinen. But Fabien, having landed, knew he had seen nothing, except the slow movement of a few men among their stones. Но Фабьен, высадившись на берег, знал, что не видел ничего, кроме медленного движения нескольких человек среди камней. Ce village défendait, par sa seule immobilité, le secret de ses passions, ce village refusait sa douceur : il eût fallu renoncer à l'action pour la conquérir. Dieses Dorf verteidigte allein durch seine Unbeweglichkeit das Geheimnis seiner Leidenschaften, dieses Dorf verweigerte seine Sanftheit: Man hätte auf die Handlung verzichten müssen, um sie zu erobern. This village defended, by its sheer immobility, the secret of its passions, this village refused its gentleness: it would have been necessary to give up action to conquer it. Самой своей неподвижностью эта деревня защищала тайну своих страстей, эта деревня отказывалась от своей мягкости: чтобы покорить ее, пришлось бы отказаться от действия.

Quand les dix minutes d'escale furent écoulées, Fabien dut repartir. Als die zehn Minuten Aufenthalt vorbei waren, musste Fabien wieder abreisen. When the ten-minute stopover was over, Fabien had to leave. По окончании десятиминутной стоянки Фабьену пришлось снова отправиться в путь. 十分钟的停留结束后,法比恩不得不离开。

Il se retourna vers San Julian : ce n'était plus qu'une poignée de lumières, puis d'étoiles, puis se dissipa la poussière qui, pour la dernière fois, le tenta. He turned back to San Julian: it was only a handful of lights, then stars, then the dust cleared which, for the last time, tempted him. Он оглянулся на Сан-Джулиан: это была лишь горстка огней, затем звезды, затем пыль, которая искушала его в последний раз.

« Je ne vois plus les cadrans : j'allume. "I can't see the dials anymore: I turn on the light. "Я больше не вижу циферблатов: я просто включаю их. » Il toucha les contacts, mais les lampes rouges de la carlingue versèrent vers les aiguilles une lumière encore si diluée dans cette lumière bleue qu'elle ne les colorait pas. "Er berührte die Kontakte, aber die roten Lampen im Rumpf gossen ein Licht zu den Nadeln, das in diesem blauen Licht noch so verdünnt war, dass es sie nicht färbte. "He touched the contacts, but the red lamps in the cabin shone a light toward the needles that was still so diluted in that blue light that it did not color them. "Он прикоснулся к контактам, но красные лампы в кабине осветили иглы светом, который был еще настолько разбавлен синим светом, что не окрасил их. 他摸了摸触点,但机舱里的红灯照在针头上,仍然被那蓝光稀释得没有给针上色。 Il passa les doigts devant une ampoule : ses doigts se teintèrent à peine. He passed his fingers in front of a light bulb: his fingers were barely tinted. Он провел пальцами по лампочке: пальцы едва заметно покалывало.

« Trop tôt. " Too early. "Слишком рано. “ 太早了。 » Pourtant la nuit montait, pareille à une fumée sombre, et déjà comblait les vallées. Yet night was rising, like dark smoke, and was already filling the valleys. "Pero la noche se alzaba, como humo oscuro, y ya llenaba los valles. "Но ночь поднималась, как темный дым, и уже заполняла долины. 然而夜幕正在升起,像黑烟一样,已经填满了山谷。 On ne distinguait plus celles-ci des plaines. Diese waren nicht mehr von den Ebenen zu unterscheiden. These could no longer be distinguished from the plains. Их уже нельзя было отличить от равнины. 这些不再与平原区分开来。 Déjà pourtant s'éclairaient les villages, et leurs constellations se répondaient. Already, however, the villages were lighted up, and their constellations answered each other. Деревни уже были освещены, и их созвездия отвечали друг другу. 然而,村庄已经被点亮,他们的星座相互回应。 Et lui aussi, du doigt, faisait cligner ses feux de position, répondait aux villages. Und auch er ließ mit dem Finger seine Positionslichter blinken und antwortete auf die Dörfer. And he, too, flickered his position lights with his finger, answered the villages. Y él también utilizó su dedo para encender las luces de posición y contestar a los pueblos. И он тоже с помощью пальца мигал габаритными огнями и отвечал на вопросы селян. 他也用手指闪烁他的位置灯,回答村庄。 La terre était tendue d'appels lumineux, chaque maison allumant son étoile, face à l'immense nuit, ainsi qu'on tourne un phare vers la mer. Die Erde war mit Lichtrufen überspannt, jedes Haus zündete seinen Stern an und blickte in die weite Nacht, so wie man einen Leuchtturm auf das Meer richtet. The earth was tense with luminous calls, each house lighting up its star, facing the immense night, as one turns a lighthouse towards the sea. Земля была унизана светящимися звонками, каждый дом зажигал свою звезду, обращенный к необъятной ночи, как поворачивают маяк к морю. Tout ce qui couvrait une vie humaine déjà scintillait. Alles, was bereits ein Menschenleben bedeckte, glitzerte. Everything that covered a human life already shimmered. Все, что покрывало человеческую жизнь, уже сверкало. 覆盖人类生活的一切都已经闪闪发光。 Fabien admirait que l'entrée dans la nuit se fît cette fois, comme une entrée en rade, lente et belle. Fabien admired that the entry into the night took place this time, like an entry into the harbor, slow and beautiful. Фабьен восхищался тем, что на этот раз вступление в ночь было медленным и красивым. 法比恩很佩服这次的入夜,就像入海口一样,缓慢而美丽。

Il enfouit sa tête dans la carlingue. He buried his head in the cabin. Он зарылся головой в кабину. 他把头埋在小屋里。 Le radium des aiguilles commençait à luire. The radium from the needles was beginning to glow. Радий в иглах начал светиться. 针中的镭开始发光。 L'un après l'autre le pilote vérifia des chiffres et fut content. One after another the pilot checked numbers and was pleased. Один за другим пилот проверял цифры и был доволен. Il se découvrait solidement assis dans le ciel. He found himself solidly seated in the sky. Он обнаружил, что прочно сидит в небе. Il effleura du doigt un longeron d'acier, et sentit dans le métal ruisseler la vie : le métal ne vibrait pas, mais vivait. He touched a steel spar with his finger, and felt life streaming through the metal: the metal did not vibrate, but lived. Tocó una chapa de acero con el dedo y sintió que la vida fluía por el metal: el metal no vibraba, sino que vivía. Он провел пальцем по стальному лонжерону и почувствовал, как по металлу течет жизнь: металл не вибрировал, он жил. Les cinq cents chevaux du moteur faisaient naître dans la matière un courant très doux, qui changeait sa glace en chair de velours. The five hundred horsepower of the motor caused a very gentle current to be born in matter, which changed its ice into velvety flesh. Двигатель мощностью пятьсот лошадиных сил создавал в материале очень мягкое течение, превращая его лед в бархатную плоть. Une fois de plus, le pilote n'éprouvait, en vol, ni vertige, ni ivresse, mais le travail mystérieux d'une chair vivante. Once again, the pilot felt, in flight, neither vertigo nor drunkenness, but the mysterious work of living flesh. Una vez más, el piloto no experimentó ni vértigo ni intoxicación en vuelo, sino el misterioso trabajo de la carne viva. И снова пилот испытал в полете не головокружение и не опьянение, а таинственную работу живой плоти.

Maintenant il s'était recomposé un monde, il y jouait des coudes pour s'y installer bien à l'aise. Now he had recomposed a world for himself, he was jostling to settle there comfortably. Теперь он заново собирал свой собственный мир и пробивал себе дорогу в него локтями.

Il tapota le tableau de distribution électrique, toucha les contacts un à un, remua un peu, s'adossa mieux, et chercha la position la meilleure pour bien sentir les balancements des cinq tonnes de métal qu'une nuit mouvante épaulait. He tapped the electrical distribution board, touched the contacts one by one, stirred a little, leaned back better, and looked for the best position to really feel the swings of the five tons of metal supported by a shifting night. Golpeó el cuadro eléctrico, tocó los contactos uno a uno, se estremeció un poco, se reclinó mejor y trató de encontrar la mejor posición para sentir el vaivén de las cinco toneladas de metal que soportaba una noche movediza. Он постучал по электрическому щиту, потрогал один за другим контакты, немного поколебался, откинулся назад и попытался найти наилучшее положение, чтобы почувствовать, как раскачиваются пять тонн металла, которые поддерживала движущаяся ночь. Puis il tâtonna, poussa en place sa lampe de secours, l'abandonna, la retrouva, s'assura qu'elle ne glissait pas, la quitta de nouveau pour tapoter chaque manette, les joindre à coup sûr, instruire ses doigts pour un monde d'aveugle. Then he fumbled, pushed his emergency light into place, dropped it, found it, made sure it didn't slip, left it again to tap each lever, join them for sure, instruct his fingers for a world of blind. Затем он нащупал вокруг себя, воткнул на место аварийную лампу, бросил ее, снова нашел, убедился, что она не соскальзывает, снова оставил, чтобы постучать по каждому рычагу, соединить их наверняка, натренировать пальцы для мира слепых. 然后他摸索着,把他的应急灯推到合适的位置,放下它,找到它,确保它没有滑倒,再次离开它来敲击每个杠杆,肯定地加入它们,指导他的手指进入一个盲目的世界。 Puis, quand ses doigts le connurent bien, il se permit d'allumer une lampe, d'orner sa carlingue d'instruments précis, et surveilla sur les cadrans seuls, son entrée dans la nuit, comme une plongée. Then, when his fingers got to know him well, he allowed himself to light a lamp, to adorn his cabin with precise instruments, and watched on the dials alone, his entry into the night, like a dive. Потом, когда пальцы уже хорошо знали его, он позволил себе зажечь лампу, украсить каюту точными приборами и следить по одним только циферблатам за своим входом в ночь, как за погружением. 然后,当他的手指熟悉了他之后,他让自己点亮了一盏灯,用精密的仪器装饰他的小屋,独自看着表盘,他进入了黑夜,就像潜水一样。 Puis, comme rien ne vacillait, ni ne vibrait, ni ne tremblait, et que demeuraient fixes son gyroscope, son altimètre et le régime du moteur, il s'étira un peu, appuya sa nuque au cuir du siège, et commença cette profonde méditation du vol, où l'on savoure une espérance inexplicable. Then, as nothing wobbled, vibrated, or shook, and his gyroscope, altimeter, and engine rpm remained fixed, he stretched a little, leaned his neck against the leather of the seat, and began this deep meditation of flight, where one savors an inexplicable hope. Puis, comme rien ne vacillait, ni ne vibrait, ni ne tremblait, et que demeuraient fixes son gyroscope, son altimètre et le régime du moteur, il s'étira un peu, appuya sa nuque au cuir du siège, et commença cette profonde méditation du vol, où l'on savoure une espérance inexplicable. Затем, поскольку ничего не колебалось, не вибрировало и не дрожало, а гироскоп, высотомер и обороты двигателя оставались неизменными, он немного потянулся, прислонился затылком к коже сиденья и приступил к той глубокой медитации полета, когда ощущаешь необъяснимую надежду.

Et maintenant, au cœur de la nuit comme un veilleur, il découvre que la nuit montre l'homme : ces appels, ces lumières, cette inquiétude. And now, in the heart of the night like a watchman, he discovers that the night shows man: these calls, these lights, this anxiety. И вот теперь, в сердце ночи, как сторож, он обнаруживает, что ночь показывает человека: эти звонки, эти огни, эту тревогу. Cette simple étoile dans l'ombre : l'isolement d'une maison. This simple star in the shadows: the isolation of a house. Одинокая звезда в тени: изоляция дома. L'une s'éteint : c'est une maison qui se ferme sur son amour. One goes out: it's a house that closes on its love. Один уходит: дом замыкается на своей любви.

Ou sur son ennui. Or about his boredom. Или скука. 或者关于他的无聊。 C'est une maison qui cesse de faire son signal au reste du monde. It is a house that ceases to make its signal to the rest of the world. Это дом, который перестает подавать сигналы остальному миру. 这是一座不再向世界其他地方发出信号的房子。 Ils ne savent pas ce qu'ils espèrent ces paysans accoudés à la table devant leur lampe : ils ne savent pas que leur désir porte si loin, dans la grande nuit qui les enferme. They don't know what these peasants leaning on the table in front of their lamp are hoping for: they don't know that their desire carries so far, in the deep night that encloses them. Они не знают, на что они надеются, эти крестьяне, склонившиеся за столом перед своей лампой: они не знают, что их желание уносится так далеко, в великую ночь, которая их окружает. 他们不知道这些靠在灯前桌子上的农民们在期待什么:他们不知道他们的愿望在包围着他们的深夜中持续到那么远。 Mais Fabien le découvre quand il vient de mille kilomètres et sent des lames de fond profondes soulever et descendre l'avion qui respire, quand il a traversé dix orages, comme des pays de guerre, et, entre eux, des clairières de lune, et quand il gagne ces lumières, l'une après l'autre, avec le sentiment de vaincre. But Fabien discovers it when he comes from a thousand kilometers and feels deep swells raising and lowering the breathing plane, when he has crossed ten storms, like countries at war, and, between them, moonlights, and when he gains these lights, one after another, with the feeling of victory. Но Фабьен обнаруживает его, когда, приехав за тысячу километров, чувствует, как глубокие подводные течения поднимают и опускают плоскость дыхания, когда он проходит через десять штормов, похожих на воюющие страны, а между ними - лунные просветы, и когда он обретает эти просветы, один за другим, с чувством победы. Ces hommes croient que leur lampe luit pour l'humble table, mais à quatre-vingts kilomètres d'eux, on est déjà touché par l'appel de cette lumière, comme s'ils la balançaient désespérés, d'une île déserte, devant la mer. These men believe that their lamp shines for the humble table, but eighty kilometers from them, one is already touched by the call of this light, as if they were dangling it in despair, from a desert island, in front of the sea. Эти люди верят, что их лампа светит для скромного стола, но в восьмидесяти километрах от них нас уже касается зов этого света, словно они отчаянно качают его с необитаемого острова перед морем.