Leçon 23 - À la recherche d'une invitation II
(Robert est assis sur un banc du jardin du Luxembourg, parlant avec Marie-Laure. Mireille arrive. Elle semble un peu surprise de les trouver là.)
Mireille: Mais qu'est-ce que vous faites là, tous les deux?
Marie-Laure: On parle.
Mireille: Mais qu'est-ce que vous avez? Vous avez l'air bizarre.
Marie-Laure: Nous? On a l'air bizarre? Bizarre, bizarre!
Robert: J'ai téléphoné aux Courtois, tout à l'heure.
Mireille: Ah, oui?
Robert: D'abord, je suis tombé sur une dame avec un accent bizarre, que je ne comprenais pas très bien.
Mireille: Ah, ça devait être Concepción, leur bonne. Elle est portugaise. C'est une perle! C'est une excellente cuisinière. Elle fait remarquablement bien la cuisine. Marraine aussi, d'ailleurs.
Robert: J'ai retéléphoné un peu plus tard. Là, j'ai eu Mme Courtois. J'ai eu aussi du mal à la comprendre.
Mireille: Pourtant, elle n'a pas l'accent portugais, que je sache!
Robert: Non, mais, ouh, là, là, ce qu'elle parle vite! Et qu'elle est bavarde!
Mireille: Ah, ça, c'est vrai; elle parle beaucoup. Enfin, quand son mari est là, c'est lui qui parle; elle, elle ne dit rien. Alors, quand il n'est pas là, elle en profite!
Robert: Je n'ai pas pu placer un mot! Enfin, il paraît que M. Courtois est absent: il est en voyage. Minouche ne va pas bien du tout. Elle a la migraine, ou quelque chose comme ça. Elle doit l'amener chez le vétérinaire. Alors ils ne peuvent pas me voir avant après-demain. Mais elle m'a invité à dîner après-demain. C'est gentil!
Mireille: C'est une excellente personne; elle a le cœur sur la main. Et lui aussi, d'ailleurs.
(Lui, c'est un bon vivant, toujours content, toujours optimiste. Il ne s'en fait jamais. Il répète toujours: “Ne vous en faites pas, tout ira bien! Ne vous inquiétez pas, il n'y aura pas de problème! Ça ne fera pas un pli! Vous verrez, tout s'arrangera! Il ne faut pas s'en faire!” Elle, c'est plutôt le contraire. Elle est toujours un peu tendue, inquiète. Elle répète toujours: “Tout ça finira mal!” Et lui: “Mais non, Bobonne, tu verras, ça s'arrangera!” Elle a une passion pour les chats. Ils n'ont jamais eu d'enfants. Lui, c'est un gourmet. Il voyage beaucoup pour ses affaires. Il connaît tous les grands restaurants de France. Et comme Concepción est une excellente cuisinière, et Mme Courtois aussi, on mange très bien chez eux.)
Robert: Vous aimez la bonne cuisine?
Mireille: Oh, oui!
Robert: Eh bien alors, puisque Mme Courtois est votre marraine, vous ne pouvez pas vous faire inviter à dîner, après-demain?
Mireille: Ah, je ne sais pas. Je ne sais pas si je serai libre. Enfin, ça ne dépend pas entièrement de moi. Je verrai. Oh, là, là, excusez-moi, je file; je vais être en retard! Au revoir!
Robert: Où est-ce qu'elle va?
Marie-Laure: Mystère et boule de gomme! Vous en voulez une?
(Jeudi 31 mai. Robert se promène dans Paris. Il traverse le marché aux fleurs, il passe devant la Conciergerie, sur les quais de la Seine. Il est nerveux, tendu, inquiet. Il se demande si Mireille sera chez les Courtois, le lendemain.) Il entre au musée du Louvre. Il voit un tableau d'un peintre qui s'appelle Robert. Comme c'est bizarre: il s'appelle Hubert Robert! Bizarre, bizarre. Il passe devant la Victoire de Samothrace.)
Un petit garçon: Dis, Papa, pourquoi elle n'a pas de tête?
Le père: C'est la Victoire de Samothrace!
Le petit garçon: Ah!
(Robert s'arrête devant la Vénus de Milo.)
Le petit garçon: Dis, Papa, pourquoi elle n'a pas de bras?
Le père: C'est la Vénus de Milo!
Le petit garçon: Ah!
(Il va voir la Joconde, mais il ne pense qu'à Mireille: est-ce qu'elle sera chez les Courtois?)
(Vendredi 1er juin. Robert a mal dormi. Il se demande si Mireille sera chez les Courtois. Il ouvre sa fenêtre. Il fait un temps magnifique. Oui, elle y sera!
Il se rase; il se coupe. Ah, non, elle n'y sera pas! Il est neuf heures du matin. Le dîner chez les Courtois est à sept heures et demie—du soir! Robert va se promener pour passer le temps.)
(Il fait le tour de l'île Saint-Louis, il passe devant l'Hôtel de Ville, il explore le Forum des Halles, il visite Beaubourg. Et il se demande si Mireille sera chez les Courtois ce soir. Trois heures: Robert rentre à son hôtel, se change, et prend le métro pour aller chez les Courtois. En sortant du métro, il a l'air perdu.)
Robert (à une passante): Mademoiselle, s'il vous plaît, la tour Totem?
La passante: Je ne connais pas! Ici, vous êtes à la Défense; ce n'est pas ici, je ne crois pas.
Robert: Merci.
(Robert reprend le métro, regarde son plan, semble de plus en plus perdu. Il sort du métro.)
Robert (à un passant): Le quai de Grenelle, s'il vous plaît, c'est par ici?
Le passant: Le quai de Grenelle? Mais c'est dans le 15ème; ici, vous êtes à Montmartre! Il faut prendre le métro!
Robert: Ah, non alors, je n'ai pas le temps! Merci!
(Et Robert part à pied. Il traverse tout Paris à pied. Il marche vite, il regarde son plan, il regarde l'heure: 5 heures, 6 heures, 6 heures et demie, 7 heures. Enfin, voici le quai de Grenelle, la tour Totem. Il est 7 heures 29. Il sonne à une porte. Un monsieur ouvre.)
Robert: Pardon, Monsieur; Mme Courtois, c'est bien ici?
Le monsieur: Ah, non, Monsieur, non! Mme Courtois, ce n'est pas ici, non, vous vous êtes trompé de porte. Mme Courtois, c'est à côté, la porte à côté, juste ici.
Robert: Excusez-moi, Monsieur, je suis désolé de vous avoir dérangé; excusez-moi.
Le monsieur: Ce n'est pas grave, Monsieur. Il n'y a pas de mal. Au revoir, Monsieur.
Robert: Au revoir, Monsieur.
(Il est 7 heures 30. Ouf!)