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Poésie, Jugement (2) - Agrippa d'Aubigné

Jugement (2) - Agrippa d'Aubigné

Lecture : Jean Martin.

--

... Ô enfants de ce siècle, ô abusés moqueurs,

Imployables esprits, incorrigibles coeurs,

Vos esprits trouveront en la fosse profonde

Vrai ce qu'ils ont pensé une fable en ce monde.

[[Ils languiront en vain de regret sans merci.

Votre âme à sa mesure enflera de souci.

Qui vous consolera ? L'ami qui se désole

Vous grincera les dents au lieu de la parole.

Les Saints vous aimaient-ils ? Un abîme est entre eux ;

Leur chair ne s'émeut plus, vous êtes odieux.

Mais n'espérez-vous point fin à votre souffrance ?

Point n'éclaire aux enfers l'aube de l'espérance.

Dieu aurait-il sans fin éloigné sa merci ?

Qui a péché sans fin souffre sans fin aussi.

La clémence de Dieu fait au ciel son office,

Il déploie aux enfers son ire et sa justice.

Mais le feu ensoufré, si grand, si violent,

Ne détruira-t-il pas les corps en les brûlant ?

Non, Dieu les gardera entiers à la vengeance.]]

--

... Transis, désesperés, il n'y a plus de mort

Qui soit pour votre mer des orages le port.

Que si vos yeux de feu jettent l'ardente vue

A l'espoir du poignard, le poignard plus ne tue.

Que la mort (direz-vous) était un doux plaisir

La mort morte ne peut vous tuer, vous saisir.

Voulez-vous du poison ? en vain cet artifice.

Vous vous précipitez ? en vain le précipice.

Courez au feu brûler, le feu vous gèlera ;

Noyez-vous, l'eau est feu, l'eau vous embrasera ;

La peste n'aura plus de vous miséricorde ;

Etranglez-vous, en vain vous tordez une corde ;

Criez après l'enfer, de l'enfer il ne sort

Que l'éternelle soif de l'impossible mort.

[[Vous vous plaigniez des feux : combien de fois votre âme

Désirera n'avoir affaire qu'à la flamme !]]

Vos yeux sont des charbons qui embrasent et fument,

Vos dents sont des cailloux qui en grinçants s'allument.

Dieu s'irrite en vos cris et au faux repentir,

Qui n'a pu commencer que dedans le sentir.

[[Ce feu, par vos côtés ravageant et courant,

Fera revivre encor ce qu'il va dévorant ;]]

Le chariot de Dieu, son torrent et sa grêle,

Mêlent la dure vie et la mort pêle-mêle.

Aboyez comme chiens, hurlez en vos tourments,

L'abîme ne répond que d'autres hurlements ;

Les Satans découplés d'ongles et dents tranchantes

Sans mort déchireront leurs proies renaissantes ;

Ces Démons tourmentants hurleront tourmentés ;

Leurs fronts sillonneront ferrés de cruautés ;

Leurs yeux étincelants auront la même image

Que vous aviez baignants dans le sang du carnage ;

Leurs visages transis, tyrans, vous transiront,

Ils vengeront sur vous ce qu'ils endureront.

Ô malheur des malheurs, quand tels bourreaux mesurent

La force de leurs coups aux grands coups qu'ils endurent !...


Jugement (2) - Agrippa d'Aubigné Judgment (2) - Agrippa d'Aubigné

Lecture : Jean Martin.

--

... Ô enfants de ce siècle, ô abusés moqueurs,

Imployables esprits, incorrigibles coeurs,

Vos esprits trouveront en la fosse profonde

Vrai ce qu'ils ont pensé une fable en ce monde.

[[Ils languiront en vain de regret sans merci.

Votre âme à sa mesure enflera de souci.

Qui vous consolera ? L'ami qui se désole

Vous grincera les dents au lieu de la parole.

Les Saints vous aimaient-ils ? Un abîme est entre eux ;

Leur chair ne s'émeut plus, vous êtes odieux.

Mais n'espérez-vous point fin à votre souffrance ?

Point n'éclaire aux enfers l'aube de l'espérance.

Dieu aurait-il sans fin éloigné sa merci ?

Qui a péché sans fin souffre sans fin aussi.

La clémence de Dieu fait au ciel son office,

Il déploie aux enfers son ire et sa justice.

Mais le feu ensoufré, si grand, si violent,

Ne détruira-t-il pas les corps en les brûlant ?

Non, Dieu les gardera entiers à la vengeance.]]

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... Transis, désesperés, il n'y a plus de mort

Qui soit pour votre mer des orages le port.

Que si vos yeux de feu jettent l'ardente vue

A l'espoir du poignard, le poignard plus ne tue.

Que la mort (direz-vous) était un doux plaisir

La mort morte ne peut vous tuer, vous saisir.

Voulez-vous du poison ? en vain cet artifice.

Vous vous précipitez ? en vain le précipice.

Courez au feu brûler, le feu vous gèlera ;

Noyez-vous, l'eau est feu, l'eau vous embrasera ;

La peste n'aura plus de vous miséricorde ;

Etranglez-vous, en vain vous tordez une corde ;

Criez après l'enfer, de l'enfer il ne sort

Que l'éternelle soif de l'impossible mort.

[[Vous vous plaigniez des feux : combien de fois votre âme

Désirera n'avoir affaire qu'à la flamme !]]

Vos yeux sont des charbons qui embrasent et fument,

Vos dents sont des cailloux qui en grinçants s'allument.

Dieu s'irrite en vos cris et au faux repentir,

Qui n'a pu commencer que dedans le sentir.

[[Ce feu, par vos côtés ravageant et courant,

Fera revivre encor ce qu'il va dévorant ;]]

Le chariot de Dieu, son torrent et sa grêle,

Mêlent la dure vie et la mort pêle-mêle.

Aboyez comme chiens, hurlez en vos tourments,

L'abîme ne répond que d'autres hurlements ;

Les Satans découplés d'ongles et dents tranchantes

Sans mort déchireront leurs proies renaissantes ;

Ces Démons tourmentants hurleront tourmentés ;

Leurs fronts sillonneront ferrés de cruautés ;

Leurs yeux étincelants auront la même image

Que vous aviez baignants dans le sang du carnage ;

Leurs visages transis, tyrans, vous transiront,

Ils vengeront sur vous ce qu'ils endureront.

Ô malheur des malheurs, quand tels bourreaux mesurent

La force de leurs coups aux grands coups qu'ils endurent !...