#87 - 2020 : une drôle d'année (2)
Maintenant, on va passer à mon bilan professionnel de 2020. J'ai commencé 2020 sur les rotules. Ça, c'est une expression «être sur les rotules» ou «finir sur les rotules». La rotule, c'est un os qui se trouve dans le genou, le genou, c'est cette articulation, pardon, au milieu de la jambe. Et quand on dit qu'on est sur les rotules, ça veut dire qu'on est très fatigué. En général, c'est plutôt une fatigue physique, mais on peut aussi l'utiliser, par extension pour dire qu'on est fatigué mentalement.
Moi, j'étais sur les rotules en commençant 2020 parce qu'en décembre 2019, j'ai fini mon cours Raconte ton histoire que j'ai mis en vente. Il y a eu beaucoup d'inscriptions donc ensuite il fallait que j'accompagne tous ces élèves, que je réponde à leurs questions. Il y avait plusieurs centaines d'élèves à gérer. A côté de ça, j'avais aussi toujours mon premier cours Build a Strong Core, avec là aussi des élèves à aider, le podcast, la chaîne YouTube. Donc, ça a commencé à faire beaucoup.
Et on peut dire que 2020, pour moi, c'est l'année de la rançon de la gloire. Ça, c'est une autre bonne expression, «la rançon de la gloire». «Une rançon», c'est un prix à payer pour quelque chose. Donc «la rançon de la gloire», c'est le prix que vous devez payer pour la gloire, pour la célébrité. On dit aussi souvent «le revers de la médaille». Alors évidemment, je plaisante, j'exagère un peu. Je suis très content de payer cette rançon.
J'ai la chance d'avoir trouvé un public, de vous avoir trouvé avec innerFrench. Et cette année, avec le covid, vous avez été encore plus nombreux à me découvrir. Je sais que vous m'avez envoyé des emails pour me dire que vous aviez découvert la chaîne ou le podcast pendant le confinement. Ce qui fait que cette année, j'ai reçu encore plus d'emails et de commentaires que les années précédentes. Donc, j'ai commencé à ressentir de la culpabilité. Bon, c'est pas quelque chose de nouveau, ce sentiment de culpabilité… Mais je me sens coupable parce que je trouve ça malpoli de ne pas pouvoir répondre à tous vos emails et tous vos commentaires. J'ai un peu l'impression de vous laisser tomber. J'ai l'impression de ne pas pouvoir vous aider. De temps en temps, quand cette culpabilité est trop forte, je commence à essayer de répondre à tous les emails que j'ai reçus dans les dernières semaines. Et puis, au bout d'une heure ou deux, je me rends compte que j'ai seulement répondu à une petite dizaine ou une vingtaine d'emails et que si je devais répondre à tout le monde, eh bien je n'aurais plus le temps de faire quoi que ce soit d'autre. Je n'aurais plus le temps de faire le podcast ni des vidéos sur la chaîne YouTube, donc je me sens coupable.
Je sais que ce n'est pas une question de vie ou de mort, que souvent vous m'écrivez juste pour me remercier ou pour me demander un petit conseil. Je sais aussi que s'il n'y a pas de nouvelles vidéos ou de nouveaux podcasts, vous n'allez pas mourir non plus, que vous avez toutes et tous des choses beaucoup plus importantes à faire dans la vie que d'écouter innerFrench. Mais moi, j'y pense un peu toute la journée, j'ai toujours ça dans le fond de ma tête. J'aimerais bien pouvoir vous répondre à toutes et à tous. Mais voilà, malheureusement, ce n'est pas possible. Heureusement, j'ai de la chance parce que vous êtes très patients et compréhensifs. Parfois, vous m'écrivez même en me disant que je ne suis pas obligé de répondre à votre email, donc c'est très gentil. Et si je ne vous ai pas répondu, si je n'ai pas répondu à votre email et que vous écoutez ce podcast, sachez que je suis désolé mais voilà, c'est devenu physiquement impossible de répondre à tout le monde.
À côté de ça, il y a aussi les élèves qui ont acheté mes cours, donc des personnes qui ont vraiment payé pour recevoir mon aide. Là aussi, je vous ai dit qu'il y a de plus en plus d'étudiants dans mes cours. Donc, ça représente une charge de travail de plus en plus importante pour les aider dans les exercices, répondre à leurs questions, à leurs doutes, les encourager, etc.
Bref, cette année, j'ai vraiment eu ce dilemme entre aider les personnes qui me contactent directement et qui ont besoin de moi, ou alors continuer à créer du contenu qui peut bénéficier au plus grand nombre. Et ça peut vous sembler un peu étrange parce que je vous dis que j'ai décidé de ne plus répondre à tous les emails mais d'un autre côté, il n'y a pas eu beaucoup de nouveaux contenus sur innerFrench cette année.
En fait, ça, c'est la deuxième rançon de la gloire, on pourrait dire. Parce que comme je sais que vous êtes de plus en plus nombreux à écouter le podcast ou à regarder les vidéos, eh bien, j'ai une sorte de pression. La pression augmente parce que j'ai envie de vous proposer les meilleurs contenus possibles. Donc, quand je prépare une vidéo ou un épisode du podcast, je fais beaucoup de recherches, j'essaye vraiment de me préparer au maximum. Et ça, c'est aussi parce que j'ai un côté un peu perfectionniste. Mais en fait, ce désir de perfection est devenu une excuse pour procrastiner. Je me dis que quelque chose n'est pas assez parfait pour être publié donc, au lieu de le publier quand même, j'arrête en cours de route, je me décourage, je procrastine et je ne publie rien. Vous ne pouvez pas savoir le nombre d'épisodes à moitié préparés ou à moitié écrits que j'ai sur mon ordinateur. Il y en a vraiment pas mal et ça, c'est vraiment un problème qui est apparu cette année : la pression, ce désir de perfection qui me conduisent à procrastiner.
Et puis, je pense que le covid a aussi eu quelques effets à ce niveau-là. Par exemple, avec le covid, j'ai vraiment développé ma capacité de déconcentration, pas ma capacité de concentration, mais de déconcentration. J'avais vraiment du mal, cette année, à me concentrer sur quelque chose pendant plus d'une heure. Très souvent, j'arrêtais pour aller lire un article, pour regarder un peu l'évolution du nombre de cas, etc., lire comment les recherches avançaient concernant le vaccin. Bref, j'avais du mal à me concentrer pour préparer une vidéo ou un épisode du podcast. Là encore, je n'avais pas vraiment la tête à ça.
Et tout ça, c'est devenu évidemment un cercle vicieux. Moins je faisais de vidéos, d'épisodes pour le podcast, plus ça devenait difficile, plus j'avais de doutes, de questions existentielles sur ce que j'étais en train d'essayer de faire. En plus, je recevais quelques emails de personnes qui s'inquiétaient parce qu'elles voyaient qu'il n'y avait pas de nouvel épisode du podcast. Donc ces gens se demandaient si j'étais tombé malade, ils voulaient savoir comment ça allait, etc. Et c'était plutôt… ça partait d'une bonne intention, évidemment, mais moi, ça m'ajoutait encore une forme de pression. Donc voilà, c'est pour ça que cette année, ça a été un peu difficile de faire de nouveaux podcasts, de nouvelles vidéos.
Si je vous raconte tout ça, ce n'est pas pour que vous pensiez : «oh là là, le pauvre Hugo, il a trop de travail, il faut arrêter de lui envoyer des emails !» C'est vrai que je dois beaucoup me plaindre dans les podcasts sans m'en rendre compte, parce que souvent, quand vous m'écrivez, vous me dites que vous savez que j'ai beaucoup de travail, etc. alors que moi, j'ai l'impression d'essayer de vous cacher ces choses-là pour ne pas vous inquiéter. Mais a priori, vous le savez quand même donc je pense qu'inconsciemment, j'ai tendance à beaucoup vous parler de mes problèmes, mes questions existentielles et à me plaindre. Ça, c'est aussi mon côté français parce que se plaindre, c'est un peu le sport national en France. Les Polonais aussi aiment beaucoup se plaindre donc voilà, c'est un peu la double dose. Et dans cet épisode, je suis encore en train de le faire, mais de manière un peu plus consciente.
Je sais que parmi vous, il y en a qui travaillent sûrement dix fois, cent fois plus que moi et qui ont des professions beaucoup plus difficiles, beaucoup plus exigeantes que la mienne. Je pense que si je me plains beaucoup, c'est parce que j'étais pas vraiment préparé à avoir une entreprise. C'est un peu paradoxal parce que, comme vous le savez, j'ai fait des études dans une école de commerce. À la base, je suis pas prof de français, j'ai été plutôt formé pour devenir manager dans une entreprise.
Mais au fur et à mesure qu'innerFrench se développait, je me suis retrouvé à jouer de moins en moins le rôle de professeur et de plus en plus celui de chef d'entreprise. J'ai eu de plus en plus de formalités à régler, des choses administratives pour la comptabilité, pour le marketing, le côté technique aussi, avec la gestion du site Internet, du podcast, etc. Et toutes ces formalités ont commencé à prendre de plus en plus de temps au détriment du temps que je pouvais passer sur les choses que j'aime vraiment faire, à savoir la création de podcasts, de vidéos, et vraiment l'enseignement pur. Au bout d'un moment, la liste de choses à faire la liste de formalités est devenue tellement longue que j'étais un peu découragé et ça aussi, évidemment, ça a favorisé la procrastination.
Maintenant que je vous raconte tout ça à voix haute, je me rends compte que la solution était évidente depuis le début. La solution, c'était de recruter quelqu'un. Évidemment, j'y avais pensé, mais j'avais pas mal de réticences. InnerFrench, c'est mon bébé, je l'ai créé tout seul et j'étais fier, justement, de gérer toutes ces choses moi-même, de gérer le podcast, la chaîne YouTube, le site Internet, les cours, etc. Et je me considérais un peu comme un homme orchestre, je n'avais pas envie de partager ces responsabilités avec quelqu'un.
L'été dernier, je me suis rendu compte que la charge de travail était vraiment trop importante et qu'il fallait absolument que je recrute quelqu'un. Je m'en suis rendu compte parce que j'ai vu que je ne pouvais pas partir en vacances sans mon ordinateur. J'avais tellement d'obligations, de choses à faire pour que l'entreprise continue de fonctionner que c'était devenu impossible pour moi de partir en vacances sans pouvoir répondre aux emails, etc.
Le problème, c'est que j'avais déjà tellement de travail que je n'avais pas le temps, justement, de recruter quelqu'un. Ça, c'est le scénario typique du serpent qui se mord la queue. Le serpent, vous savez, c'est ce reptile. «Un serpent qui se mord la queue», c'est une expression pour décrire un cercle vicieux. Donc, moi, c'était le serpent qui se mord la queue parce que j'avais besoin de recruter quelqu'un pour me libérer du temps, mais je n'avais pas le temps de recruter cette personne.
À côté de ça, j'avais aussi beaucoup de doutes concernant le recrutement : comment trouver la bonne personne ? Comment former la bonne personne ? La responsabilité que ça représentait : si l'entreprise n'a pas assez d'activité, comment je serai capable de continuer de payer cette personne ? Bref, j'avais beaucoup de doutes et de blocages et j'ai attendu d'être dos au mur pour prendre la décision de recruter quelqu'un. C'est vraiment l'été dernier que je me suis rendu à l'évidence et j'ai accepté que j'avais besoin d'aide, qu'il fallait que je recrute du renfort.
Ce recrutement, il m'a occupé pendant une bonne partie de l'été. J'ai lancé tout un processus avec plusieurs étapes et j'ai reçu plus de 250 candidatures, des candidatures qu'il a fallu que j'étudie attentivement. Je pensais recruter un ou une Française, mais finalement, j'ai recruté une Polonaise, Anna, parce que pendant l'entretien, elle a fait une très bonne impression. Elle parle parfaitement français et en plus d'avoir de l'expérience en tant que professeur, elle a aussi travaillé avec différentes entreprises françaises. Elle a travaillé pendant quelques mois au service clients d'une autre entreprise, une entreprise américaine, Airbnb. Donc je savais qu'elle avait aussi une expertise un peu plus technique et ce sens du service client qui est pour moi très important.
Anna a commencé à travailler pour innerFrench en septembre et elle fait du super boulot. C'est vraiment un plaisir de travailler avec elle. Elle m'a aidé à mettre à jour notre cours intermédiaire Build a Strong Core. Elle aide beaucoup les élèves de ce cours, elle répond à leurs questions, elle prépare des exercices. Et si vous m'avez envoyé un email depuis septembre, vous avez peut-être reçu une réponse d'Anna. Par exemple, si vous avez des problèmes avec vos mots de passe, etc. en général, maintenant, c'est Anna qui s'occupe de répondre à ces emails.
Donc voilà ça, ça a été une étape importante dans le développement de l'entreprise. J'ai beaucoup de chance parce qu'innerFrench continue de se développer dans un contexte économique qui est très difficile pour beaucoup d'entreprises. Donc, là aussi, comme à chaque épisode, je touche du bois. Le podcast, aujourd'hui, a été téléchargé plus de 6 millions de fois, dont quasiment 4 millions cette année. C'est énorme. Je suis extrêmement chanceux : je fais un métier que j'adore, ça peut aider des milliers de personnes, vous m'envoyez des emails pour me remercier, etc. Et en plus, cerise sur le gâteau, je gagne assez d'argent pour bien en vivre. Donc voilà, je suis vraiment privilégié, j'ai conscience de ça, donc ça m'aide à relativiser un peu tous les problèmes techniques et administratifs qui me prennent la tête au quotidien.
Pour finir cet épisode, je vais vous parler un peu des projets pour 2021. L'objectif numéro un, c'est la régularité. La régularité, ça va être mon maître-mot pour l'année prochaine. Je me suis rendu compte que pour pouvoir être régulier, j'ai besoin de mettre en place un système au lieu d'attendre simplement d'être motivé. Et ça, c'est quelque chose qui vaut pour les langues aussi. C'est un peu la même chose que quand je vous parlais de créer une habitude. Vous ne pouvez pas être seulement dépendants de votre motivation parce qu'il y a toujours des bons et des mauvais jours. Et malheureusement, s'il y a trop de mauvais jours, ça devient un cercle vicieux. Donc moi, mon objectif, c'est de mettre en place un système pour être plus régulier dans la publication de vidéos, de podcasts et ça, ça va impliquer de continuer d'agrandir l'équipe. Donc je pense recruter encore une ou deux personnes l'année prochaine pour m'aider dans la préparation de contenus. (par exemple pour monter les vidéos, pour préparer certains sujets, faire les recherches, etc.). Ça va être un peu la priorité l'année prochaine.
Il y a quelques mois, je vous avais envoyé un sondage pour vous demander ce que vous attendiez du podcast, quelles améliorations vous aimeriez voir, etc. Et une des conclusions de ce sondage, c'était que vous voudriez plus de diversité. Ça tombe bien parce que je suis d'accord avec vous. Je pense qu'il faut plus de diversité dans ce podcast. Donc normalement, l'année prochaine, il va y avoir plus d'interviews. Ça sera pas seulement moi qui traiterai des sujets, mais je vais essayer de faire davantage d'interviews pour que vous entendiez d'autres personnes parler avec un autre style, un autre vocabulaire, etc.
Le grand problème avec les interviews, c'est la qualité du son (comme vous l'avez vu, par exemple dans les interviews que j'avais faites avec mon amie Laure ou avec mon amie Fanny). Comme je n'habite pas en France et comme en ce moment, il y a toutes les mesures liées au covid, on est obligé de faire ces interviews par Internet. Donc voilà, la qualité est pas toujours géniale. Et ça, quand c'est pour un podcast dans une langue étrangère, je sais que ça peut être assez problématique. Donc je vais essayer de réfléchir à ça pour trouver une solution convenable.
J'ai aussi pour projet de faire un nouveau cours, un cours qui s'adressera plutôt aux débutants parce que je reçois beaucoup d'emails de personnes qui comprennent un petit peu le podcast, mais qui auraient besoin d'un cours un peu moins avancé pour couvrir les bases. On va essayer de travailler sur ça avec Anna l'année prochaine et si tout se passe bien, bon c'est peut-être un peu trop ambitieux, mais j'aimerais bien aussi faire un autre cours, plus avancé cette fois, un cours qui sera la suite de Raconte ton histoire.
Voilà, maintenant, vous savez quels sont les projets pour 2021. Si vous avez envie de continuer d'apprendre le français avec moi, normalement, vous pourrez me voir et m'entendre un peu plus souvent que cette année. On va pouvoir enfin tourner la page de 2020 et passer à autre chose.
Pour conclure cet épisode, je vous souhaite à toutes et à tous d'excellentes fêtes de fin d'année en espérant que vous puissiez les passer en famille. Et je vous donne rendez-vous en 2021 pour continuer ensemble notre aventure avec le français.