Première & Dernière fois 02
Nous avons tous et toutes des premières et des dernières fois.
Pour beaucoup, le cheminement entre les deux est une véritable aventure.
J'ai décidé de rencontrer des inconnus ou presque inconnus, de partager avec elles
et eux ses confidences intimes et de mesurer l'évolution de leurs désirs entre la première
et la dernière fois.
Paul est un de ces hommes sur lesquels il est impossible de ne pas se retourner.
Charismatique et solaire, ce journaliste de 25 ans se définit comme gay.
Nous allons parler ensemble de ses premières fois et de sa dernière fois.
Bonjour Paul.
Hello.
Est-ce que tu préfères qu'on se tutoie ou est-ce que tu veux qu'on se vouvoie ?
On peut se tutoyer, y'a pas de soucis.
C'est mieux.
On est plus à l'aise comme ça.
Alors cette première fois, c'était quoi ? C'était quand ? C'était avec qui ? C'était
préparé ?
Alors ma toute première fois, mon tout premier rapport sexuel, c'était...
J'avais 15 ans, donc c'est il y a 10 ans maintenant.
Et c'était avec ma copine de collège, qui était une amie en fait.
Enfin, je t'ai laissé son prénom.
Et on va l'appeler Sarah.
Et donc je voyais Sarah qui était en fait la fille de l'ami de ma mère.
Donc on était assez proches.
Et comme c'est le collège, t'as tous les garçons autour, on commençait à parler
de sexe, de qui a déjà quelle âme, qui a déjà baisé, etc.
Et toi t'es un peu à côté des gens.
Sachant que je commençais, c'était vraiment l'époque où tu commences aussi à avoir
tes premiers questionnements sur ta sexualité et sur ce que tu aimes vraiment.
Mais en même temps, il faut jouer la carte de « j'aime les filles comme tout le monde
parce que c'est normal et parce qu'en plus, on a grandi en milieu gâteau, c'était la
bonne chose à faire ».
Et donc avec Sarah, on se fréquentait, on sortait ensemble.
Et puis à un moment donné, j'ai bien senti qu'elle aussi, en plus, il fallait de son
côté que ça se passe.
C'était une après-midi chez elle.
Et voilà.
Alors les souvenirs sont un peu flous.
C'était sa première fois aussi du coup ?
Non, je pense pas parce qu'il y avait une histoire comme quoi elle avait fait assez
archi tôt avant tout le monde.
Ouais, c'est un truc dans le genre.
Elle avait fait avant tout le monde, à 13 ans, un truc dans le genre.
Mais je pense pas qu'elle avait beaucoup d'expérience parce que c'était un peu confus
pour tous les deux.
Alors j'ai des souvenirs de sensations, c'était pas désagréable du tout.
Je bandais.
Ça a pas duré très longtemps.
Juste après, ça a commencé à confirmer le fait que c'était peut-être pas trop
ce dont j'avais envie et ce qui me plaisait sexuellement.
L'anatomie d'une femme, je pense.
Parce que du coup, tu te masturbais déjà ?
Oui.
Et tu pensais à quoi ?
À des garçons.
À des garçons, à mes...
C'est un peu bizarre, à mes grands cousins que je vois aussi.
À des acteurs.
À l'époque, je regardais vraiment pas de porno.
J'ai commencé à regarder du porno assez tardivement, à part taper sur Google vite
fait, garçon à poil, fille à poil.
Toutes les recherches possibles et imaginables.
Et quand je me masturbais à l'époque, je pensais à des garçons.
Mais tu pensais pas du tout à des filles ?
Non, pas une seule seconde.
Mais tu t'es pas forcé cette fois-ci quand même ?
Forcé avec ?
Avec Sarah.
Avec Sarah.
Avec Sarah.
Avec Sarah.
Oui, oui, bien sûr, je me suis forcé, évidemment.
Ah tu t'es quand même forcé ?
Ah oui, oui, enfin oui.
Mais bon, et pendant que je le faisais avec elle, je pense bien que...
Alors encore une fois, les souvenirs sont flous, mais je pense bien que je fermais les
yeux et que je pensais à autre chose qu'elle.
D'autres personnes qu'elle.
Mais du coup, quelques semaines plus tard, il y a eu une autre première fois.
C'est ça.
Quatre, cinq semaines plus tard, j'ai rencontré un ami de mon cousin, qui est devenu mon mec,
avec qui je suis resté quatre ans.
Et en fait, on s'est rencontré à l'anniversaire de mon cousin en question.
On a commencé à discuter, pas mal par MSN à l'époque.
Puis il m'a invité chez lui.
On a passé la soirée ensemble et on a couché ensemble.
Enfin, on a fait l'amour, quoi.
Et donc, j'ai été passif.
Passif chez les homosexuels, c'est celui qui prend dans le huc, comme on dit.
Il savait qu'il était gay et il savait que...
Non, c'était...
On a commencé à discuter et on s'est rendu compte au fur et à mesure qu'on se plaisait
parce que lui aussi, c'était complètement caché pour lui.
Mon cousin ne savait pas à l'époque.
Je pense qu'on a ressenti tous les deux que 26, c'est facile.
Des petits regards, même si j'avais aucune expérience.
Tu sens quand même qu'on te regarde et que le mec a envie de toi.
Et voilà.
Et donc, cette nuit là, techniquement, c'était ma première fois que ça se passait comme ça.
Donc forcément, beaucoup d'appréhension de la fameuse douleur.
Et en plus, à l'époque, j'avais vraiment ce truc dans la tête où...
Non, mais tu vas te faire...
Si tu te fais prendre par derrière, c'est genre...
Tu vas avoir la nuit ravagée, ce genre de trucs.
J'étais en mode, mon Dieu, qu'est-ce que je fais ?
Mais bon, je le fais quand même parce que je suis très excité, parce que j'ai envie de ce mec là.
Donc, c'est pas évident.
J'ai dû beaucoup respirer, je me rappelle.
Avoir pris beaucoup d'inspiration et beaucoup à expirer.
Mais après, c'était autre chose.
Parce qu'en plus, c'était ce mec là que je commençais à avoir.
Donc, je tombais déjà pratiquement amoureux.
J'avais 15 ans, il était un peu plus âgé.
Pour moi, c'était vraiment le délire de ton prince charmant, ça y est, il est là.
Tu l'as trouvé, ciao quoi.
Donc forcément, le fait du plaisir corporel et ce plaisir cérébral là,
clairement, c'était assez évident après ça que bon, ok.
C'est les garçons que t'aimes et puis c'est tout.
C'était une page de tournée quoi ?
C'était une page de tournée.
Même si je n'étais toujours pas prêt à assumer complètement ma sexualité,
c'est-à-dire auprès des gens, de ma famille, de mes amis.
Au moins avec moi-même, je savais que, ok d'accord, c'est ce qu'on va faire.
C'est comme ça que ce qui va se passer.
T'as mis longtemps après à garder cette histoire cachée ?
Ah oui, pendant pratiquement les 4 ans, jusqu'à ce qu'on découvre que
ce que j'ai pas fait de coming out, je me suis fait outer par une tante.
Jusqu'à ce point là, j'ai réussi à garder comme ça.
J'ai réussi à la garder cachée.
J'étais astucieux.
Au lycée, tu faisais semblant d'être hétéro ?
Ouais.
Puis sur la fin, j'ai eu beaucoup de remarques parce que j'étais assez efféminé,
comme on dit, même si ça n'a plus de sens aujourd'hui pour moi.
En tout cas, je ne représentais pas cet archétype du garçon,
comme on peut imaginer.
Et donc, je me suis tapé beaucoup de sales tapettes, sales pédés, etc.
Et donc, pendant longtemps, la réplique était de dire,
j'ai une copine, je serai à l'immeuble, de faire semblant.
Et sur la dernière, première terminale, je commençais à sans avoir vu quoi que ce soit,
je répondais même plus.
Parce qu'en plus, j'avais l'équilibre de mon copain à côté.
Et tu le voyais hors des cours ?
T'arrivais à le voir quand ?
Oui, hors des cours, j'allais en week-end chez lui.
En fait, j'étais en internat, donc les week-ends, c'est facile de dire dans ma famille que j'allais chez un ami,
et j'allais faire des trucs.
Pour le coup, j'ai gardé ça gâché,
pratiquement l'ensemble de notre relation, jusqu'à la fin.
Et votre sexualité commune a évolué ensemble ?
Tu as appris des choses ?
C'est devenu moins difficile ?
Alors, ce truc-là est devenu moins difficile,
le fait de se faire prendre par habitude.
Après, l'acte sexuel par anal est quand même assez compliqué,
parce qu'on dit souvent qu'à la base, c'est parfait pour ça.
Je m'exprime mal.
C'est compliqué parce qu'il y a d'autres choses qui se passent derrière,
donc c'est aussi apprendre à réguler...
Réguler, c'est le mauvais terme.
Gérer tout ça, ce qui peut se passer d'autre que l'acte sexuel par là.
Donc j'ai aussi appris, parce que c'est une grosse question que plein de jeunes homosexuels se posent
quand ils commencent leur vie sexuelle.
Et mon mec de l'époque m'a appris justement à gérer ça aussi, même si...
À faire des lavements, des choses comme ça ?
Voilà, à faire des lavements,
à savoir quand, même si t'en fais pas parce que je pense pas qu'il faut en faire tout le temps non plus,
savoir quand t'es plus ou moins prêt à passer à la casserole,
en fonction de ce que t'as mangé.
Ça peut sembler assez technique comme ça, mais au final on s'y fait.
Après, dans notre relation à deux, non, elle a pas vraiment évolué,
dans le sens où avec ce mec-là, j'étais que passif, exclusivement.
Je pense qu'en quatre ans de relation, ça s'est passé dans le sens contraire deux fois.
Et encore.
Donc j'ai appris beaucoup de choses sur moi-même, mais on va dire à moitié.
Je vais découvrir le reste après, quand je t'ai pris avec ce mec-là.
On va faire une petite pause, on va faire un petit jeu.
C'est sur la base du jeu à boire, je n'ai jamais.
Tu connais ce jeu à boire ?
Oui.
Never ever en anglais, c'est ça ?
Voilà, exactement.
Je vais te dire des affirmations, et tu vas me dire si ça te fait penser à quelque chose,
si tu l'as faite, si tu ne l'as jamais faite.
J'ai envie de le faire.
Oui, exactement.
J'ai déjà eu du souci avec du matériel.
Du matériel sextoy, lubrifiant,
truc qui ne sert pas forcément au sexe, mais dont on sert pour le sexe et en fait sa foire.
D'accord.
Non, jamais.
Non, jamais, parce que tu sais, j'ai jamais vraiment utilisé de sextoy.
J'ai dû me goder deux fois, et je ne trouvais pas du tout ça agréable.
Et sinon, avec du matériel, non.
Non.
Non, jamais de problèmes ?
Vraiment pas.
J'essaie vraiment de trouver un truc amusant à dire, mais non.
Tu n'es pas obligé de dire un truc amusant, rassure-toi.
Non, mais pour moi, non.
C'est même plutôt triste en général.
Mes anecdotes de foirage avec du matériel, elles sont tristes, t'inquiète pas.
J'ai déjà pensé à ma liste de courses pendant le sexe.
Oui, oui, oui.
Il y a plein d'autres choses.
Au travail.
Ce que j'avais à faire, ce que je tâchais à faire chez moi, quand vraiment le mec en face est nul,
tu as le temps de penser et de refaire le monde.
J'ai déjà pensé à quelqu'un d'autre.
Oui.
Déjà ma première fois, je pensais avec Sarah.
Je pensais à plein d'autres gens.
C'est elle.
Et oui, ça m'arrive encore de...
Quand ça m'arrive en couple, je commence à me dire non, non, non, non.
Ça dépend.
Je peux, par exemple, quand tu es en couple et que tu couches avec ton mec,
parce que ce n'est pas toujours super quand tu es avec...
Tu peux parfois, voilà, penser...
Ça m'arrive de penser aux meilleures fois où je l'ai fait avec d'autres mecs,
ou à d'autres gens imaginaires.
Des gens imaginaires ?
Enfin, imaginaires.
Non, pas des gens imaginaires, mais des gens...
Des acteurs, des gens comme ça.
Voilà, tu vois.
J'arrête l'étoté si tu m'entends.
Je me suis déjà masturbée dans des endroits pas prévus pour.
Oh oui.
Tu as des exemples ?
Oh mon Dieu.
À la piscine, au travail, dans plein d'endroits, en soirée.
Tu me diras, en soirée, ça peut être prévu pour.
Vraiment, j'ai déjà eu des moments où...
Je pense que j'ai eu des moments où j'avais vraiment une libido...
Enfin, j'ai déjà eu...
J'ai souvent des moments où j'ai des périodes de libido accentuées, vraiment.
Quand ça doit le faire, ça va le faire.
Dans l'endroit, donc oui, dans pas mal d'endroits.
Alors, normalement, il y a une de ces affirmations que je mets dans le quiz,
mais ça va nous permettre de faire une petite transition avec la suite.
J'ai déjà sodomisé un ou une de mes partenaires.
Partenaires...
Partenaires sexuels.
Ah oui, oui, oui.
Mais comme on s'était arrêté à ta première fois qu'un garçon, tu ne sodomisais pas.
Là, en l'occurrence, on va parler de cette première fois où tu as...
Oui.
Il faut que je me rappelle dans les détails, est-ce que ça remonte aussi ?
Ma première fois que j'ai sodomisé un garçon,
c'était mon ex de l'époque avec qui je ne l'ai fait que deux fois dans ce sens-là.
Et je me rappelle la première fois, j'ai dû le convaincre parce que je suis très curieux
et que même si ça m'allait à l'époque d'être dans cette relation où c'était lui qui était actif,
à force de discussions avec des potes, de lectures,
je me suis dit qu'il fallait quand même que je connaisse ce que ça fait,
même si au final, ça ne me plaît pas et que je préfère être que...
Et donc, plus c'est un peu plus compliqué,
et en plus, il avait un super corps pour exploiter,
si je peux dire ça comme ça.
Donc, cette première fois, j'ai dû le convaincre,
le rassurer sur le fait que j'allais y aller doucement.
Parce que lui, c'était sa première fois aussi.
Non, mais il aimait moins ça et je pense qu'on était dans une relation qui était très hétéronormée.
Même lui, je ne le fréquente plus aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'il est devenu,
je ne sais pas s'il est toujours comme ça,
mais à l'époque, en tout cas, il était très hétéronormé.
On est dans une relation où c'était lui, trivialement, je vais dire, l'homme et moi, la femme.
Et à l'époque, en tout cas, ça me convenait parce que je ne comprenais pas autant de choses que je comprends maintenant
et je ne pensais pas comme maintenant.
Donc, rien que dans cette vision-là de voir notre couple,
pour lui, c'était compliqué de se faire prendre.
Donc, j'ai même dû faire des menaces en disant que si je ne le faisais pas,
j'allais le faire ailleurs.
Donc, je l'ai fait.
C'était assez, même pour moi, un peu angoissant parce que
ce qu'il allait aimer et ce que j'allais aimer,
et c'était pas mal.
Un truc assez drôle, c'est que, et je pense qu'en plus, lui, il a bien aimé aussi,
mais un truc qui m'a marqué, je m'en souviendrai toujours,
c'est à un moment donné, je le prends dans une position où on dirait,
enfin vraiment, c'est encore une fois, trivialement,
une position où c'est un peu lui, la meuf et moi, le mec.
C'est horrible de dire des trucs comme ça,
mais en tout cas, à l'époque, c'était comme ça.
Bref, je le prends comme ça et sur le coup, je vois qu'il adore.
Puis, on finit, on va sous la douche et il me regarde dans les yeux,
il me fait « plus jamais tu me prends comme ça ».
Et je dis « mais t'as aimé ou pas ? »
C'est le seul point qui compte là tout de suite.
Et il me dit la question « plus jamais tu me prends comme ça ».
À l'époque, ça m'a excité.
Mais tu vois à quel point on peut être complètement,
complètement conditionné à tout un tas de choses.
Et la deuxième fois, c'était catastrophique parce qu'il ne voulait pas.
Donc après votre relation, tu t'es dit qu'il fallait que tu explores un peu plus.
Voilà. Et après notre relation, quand c'est terminé,
j'avais plus de...
Et ça a aussi contribué au fait que c'est une relation qui m'a fait grandir,
j'ai aussi grandi moins de mon côté.
Donc j'arrive sur le marché du dating et des connexions.
Et j'ai aussi grandi plus dans les coucheries avec plus d'expérience
et surtout une envie de plus me connaître.
Et vraiment, je pense qu'après lui, j'ai été pratiquement que actif.
Et c'est vraiment quelque chose que j'adore au final.
Et je me rends compte aujourd'hui, avec le temps, on est 10 ans plus tard maintenant,
enfin presque 10 ans plus tard maintenant,
je préfère être actif que passif.
Parce que je me sens très bien en tant que versatile
et je peux faire les deux, mais je préfère être actif parce que j'adore les fesses
et puis je suis plus pénis que anal,
on dirait en termes de, comme on dit chez les nanas,
plus clitoris que vagin.
Et c'est un truc, mais je ne sais pas pourquoi expliquer pourquoi j'aime plus que ça.
Et en plus, parce que ne pas avoir mal, ce genre de choses, bien gérer,
je pense que c'est un truc qui peut parfois vite se perdre avec le temps.
Et en fait, c'est un peu le piège et j'ai souvent cette discussion avec des amis.
Dans le même cas, c'est moins souvent t'essayes d'être passif.
En fait, c'est plus difficile de t'y remettre.
Et donc, j'avoue, aujourd'hui, je suis passif pratiquement qu'en couple,
parce que je pense qu'en couple, c'est sain d'être versatile.
C'est ce que je pense.
Mais sinon, en dehors de ça, je fais difficilement d'efforts.
Ou alors, il faudrait vraiment que le mec me donne envie.
Et en plus, aujourd'hui, même pour être passif, j'ai vraiment du mal à être passif.
C'est vraiment quelque chose de compliqué maintenant parce que si je tombe sur un mec
qui veut me prendre et que je vois une once d'hésitation en lui, c'est mort.
Ça ne le fait pas.
Soit je lui dis soit tu te retournes, ça ne fait rien en fait.
Tu te retournes, voilà.
Au moins, c'est clair.
Pour parler de passif actif, c'est quelque chose qu'on connaît assez mal quand on n'est pas gay.
C'est souvent un vecteur de clichés, en l'occurrence, dont tu as déjà parlé,
puisque tu parlais de couple hétéronormé, de rapport hétéronormé à la sexualité.
Tu penses que c'est encore tout à fait juste de définir ces pratiques comme ça ?
On parlait de la versatilité.
Est-ce que c'est quelque chose auquel il faut aspirer plutôt, la versatilité,
quand on peut se le permettre ?
Je pense que c'est à chacun de voir.
Moi, personnellement, oui.
Je préfère être versatile, en tout cas me laisser la possibilité de pouvoir tout faire.
J'ai tendance à, si je me mets en couple avec un mec,
pour moi, c'est vraiment un peu un truc primordial qu'il soit aussi versatile,
qu'on ne soit pas enfermé.
Le problème pour moi avec toutes ces histoires d'actifs passifs,
et qui, en plus, pour moi, ne sont plus les bons termes à utiliser,
parce que souvent, dans un rapport,
c'est le mec passif qui va être le plus actif au final.
J'avoue qu'aujourd'hui, je n'ai pas de terme sous la main pour remplacer ça.
En plus, je ne me suis jamais penché dessus.
C'est en le disant là que je me dis que ce ne sont pas forcément les trucs les plus appropriés.
Personnellement, j'aspire à être versatile et je trouve que c'est le mieux.
Le problème avec ces termes-là et ces définitions-là,
c'est que ça vient avec une vision hétéronormée des couples homosexuels
que je trouve complètement néfaste et trop fort comme mot de presse.
On s'enferme dans des catégories, on essaie de copier des modèles imposés,
des façons de faire qui, très bien si les gens sont heureux comme ça,
et je n'ai rien à redire personnellement,
mais je ne pense pas forcément que ce soit la meilleure des choses.
En tout cas pour moi, à l'heure d'aujourd'hui.
Sur les applis, les choses comme ça, on précise si on est en bon point de soirée ?
La plupart des mecs, je pense que c'est très défini.
Tu peux tomber sur des mecs qui mettent 100% passif,
les passifs, ce n'est même pas la peine de me parler, ce genre de trucs.
Et encore une fois, je comprends, surtout sur des applications comme Grindr,
où la plupart du temps, la plupart des mecs sont là pour une raison bien précise,
c'est qu'à la fin du jour, ils aient bien, ils se sont fait plaisir.
Je comprends.
Mais c'est vrai que moi, je préfère naviguer,
même si encore une fois, je suis contradictoire, parce que tout à l'heure,
je te disais que en période de célibat, je ne fais pas d'effort.
Mais ça n'empêche, pour moi, ça va au-delà d'être juste actif, passif,
parce que souvent, on a tendance à penser que l'actif, c'est l'actif qui pénètre,
c'est l'actif qui se fait sucer, c'est l'actif qui...
C'est vraiment répliquer des rapports hétérosexuels.
Alors que moi, j'adore justement quand je suis saint mec,
et après, je le prends, ou alors, il me bouffe le cul,
et puis c'est moi qui le prends.
Que rien ne soit bloqué, et qu'on soit...
C'est vraiment le truc qui, aujourd'hui, me fait demander total,
quand je sens qu'on est dans des rapports bloqués et dans des cases.
Et tu t'en croises beaucoup, malheureusement ?
Ou tu fais le tri en amont ?
Deux choses l'une, sur les applis, c'est vrai que des profils comme ça,
je réponds même pratiquement pas,
sauf que tu rentres de 5h de soirée très bourrée,
et tout ce que tu veux, c'est niquer.
Parfois, tes petits principes, tu les mets de côté.
Mais de manière générale, j'essaie d'éviter.
Et puis après, quand c'est des mecs que je rencontre en vrai,
j'ai la chance de souvent tomber sur des mecs assez...
Quand c'est des mecs avec qui il y a un peu plus que du cul,
j'ai de la chance, je pense que c'est en discutant,
de tomber sur des mecs qui au final pensent plutôt comme moi.
Hors des cases, hors des étiquettes ?
Voilà. Ou en tout cas qui tendent,
ou qui en tout cas se posent les questions, c'est déjà un premier pas.
On va faire une deuxième petite pause.
On va parler des oeuvres qui accompagnent ta vie sexuelle, ton désir.
Le livre qui m'excite ?
Je lis peu de romans.
Je lis surtout des essais et ce genre de choses.
Oui, donc c'est compliqué du coup.
Voilà. Mais en tout cas, un livre qui m'a un peu émoustillé,
c'est Arrête tes mensonges de Philippe Besson.
C'est un livre dans lequel il raconte son adolescence dans une petite ville
et où il tombe amoureux d'un mec qui se définit comme hétéro,
un peu le gaillard de la cour de récré.
Et ils finissent par avoir des rapports sexuels.
Ça m'a vachement rappelé aussi ce rapport que je pouvais avoir
avec mon meilleur ami à l'époque.
Qui était complètement hétéro,
mais avait ce rapport très charnel avec moi.
On n'a jamais couché ensemble ni quoi que ce soit,
mais moi j'étais fou amoureux de lui.
Je savais qu'il y avait rien à laisser passer.
Mais en tout cas, ça m'a ramené à ça.
Et c'est mes premiers émois, on va dire.
Le film qui me fait vibrer ?
Alors, mais c'est pareil, tu vois.
Je n'ai pas de film où je me suis dit...
Peut-être plus une série.
Queer as Folk.
Parce que c'est vraiment la première fois que je voyais à la télévision.
Je me rappelle, je me cachais le soir pour regarder ça.
C'était la première fois que je voyais à la télévision
des rapports sexuels entre deux hommes.
Des mecs qui parlaient de leur vie en tant qu'homosexuels librement.
Et pour le coup, ça faisait partie des premières fois
où j'étais devant la télé et j'étais complètement excité.
En voyant, c'était Brian Kinley, je crois.
L'image qui me donne des frissons de plaisir ?
Une image dans la vie réelle ?
Alors un truc, parfois je me dis que je dois passer pour un gros pervers.
C'est un truc, et ça pour le coup, c'est aussi bien les...
Non, surtout les hommes.
Une femme aussi, je peux regarder.
Tu sais quand les gens lèvent les bras
et que tu as le ventre qui commence à se dévoiler ?
C'est un truc que je regarde systématiquement
et qui peut m'exciter de dingue.
Mais systématiquement.
Et j'essaye de ne pas le faire parce que vraiment, tu passes pour un gros pervers.
Surtout en plus quand c'est une nana en face de moi.
Elle ne s'attend pas à ce que tu la regardes comme ça.
Elle ne s'attend pas à ce que je la regarde comme ça et que tout d'un coup...
J'essaye de contrôler.
C'est hyper érotique en même temps, c'est pas du tout bizarre.
Oui, je trouve que c'est vraiment un bout de peau qui se dévoile comme ça
sans que la personne ait calculé quoi que ce soit.
Je trouve ça hyper excitant.
La musique qui met le mieux dans l'ambiance ?
Souvent quand je fais l'amour, je vais bien mettre du R&B.
Mais du R&B des années 90.
Surtout du R&B, pas du tout...
Tu sais, le truc hyper commercial qu'on entendait.
Mais plus du chanté par les hommes, genre Joe, Jagged Edge, Guinea Ween,
Anthony Hamilton.
Ces voix un peu de croneurs, c'est le truc qui m'excite le plus.
Tu mets de la musique pendant le sexe du coup ?
Souvent. J'aime bien.
Le parfum qui réveille mes sens ?
Pour compris le bruit, pardon.
Le parfum qui réveille mes sens, est-ce que tu en as un ?
Euh... Ouais.
C'est un peu crado.
Un truc qui m'excite vachement.
Je pense que ce soit la fin de la journée chez l'homme sous les aisselles.
Mais pas non plus le mec qui vient de faire le marathon de Paris et qui rentre...
Non, juste vraiment la fin de la journée, c'est une odeur qui me rend dingue.
Il y a un homme qui t'excite un peu quand même de base, pas le type dans le métro ?
Oui, oui.
Un mec que je vois, mon mec...
En tout cas, il y a un mec qui m'excite.
Après, si le type dans le métro est mignon, pourquoi pas ?
On va parler de ta dernière fois.
Alors aujourd'hui, tu es célibataire depuis quelques mois.
Tu as téléchargé des applis de rencontre et tu en as gardé une.
Grinder, on peut dire les marques ?
Oui, tu peux dire les marques.
Donc c'est plutôt efficace comme application.
C'est une application de rencontre pour rencontrer des gens, pour le coup.
Oui, je pense que sur Grinder, tu as plusieurs options dans la case recherche.
Recherche, tu as recherche tout de suite, relation, je ne sais plus quoi.
Mais je pense qu'en grosse partie, Grinder sert surtout à trouver un mec avec qui baiser, un ou des.
Et tu en vois beaucoup ? Ou tu en as vu beaucoup ?
Oui, j'ai un énorme appétit sexuel, donc j'en vois pas mal.
Comment tu fais ? Tu t'organises ?
Mais pas que sur Grinder.
En fait, sur la dernière année, j'ai souvent été en couple avec des petites périodes de célibat.
Et pendant le célibat, je pense que sans le faire exprès,
je ramasse toujours un tas de numéros de mecs que je relance à chaque nouvelle période de célibat.
Tu vois ce que je veux dire ?
Et donc, comme je dis souvent à mes potes, j'ai mon petit RM comme ça qui tourne.
Et après, il y a des nouveaux mecs que je rencontre, soit en sortant dans des bars en soirée
ou alors sur Grinder, effectivement.
Et après, sur Grinder, oui, j'en rencontre pas mal.
Comment tu te définis sur Grinder ? Tu as une présentation ?
Non, j'ai rien écrit. Il y a une photo de moi.
Mon visage parle pour lui-même.
Et voilà, une photo de moi avec mes mensurations.
Il y a quelque chose dont on n'a pas encore parlé.
Tu es noir. Est-ce que sur les applications de rencontres, tu as déjà souffert de l'exotisation ou du racisme ?
Bien sûr, les mecs qui viennent te parler en te disant tout de suite...
En fait, tu as deux choses sur Grinder.
Les mecs qui t'exotisent totalement, qui t'envoient...
Sur leur profil, c'est écrit « recherche noir, recherche maghrébin pour me baiser »
ou « salope blanche pour noir ».
C'est le truc. Les mecs qui viennent te parler en t'envoyant direct les photos de leurs trous de balle,
genre même pas de ni bonjour ni merde, en disant « recherche grand noir pour me baiser ».
Déjà, bonjour. Ok, on est là pour baiser, mais bonjour quand même.
Oui, c'est un truc que je côtoie au quotidien et pas que sur Grinder,
même dans la vraie vie, en soirée, tu sors et à un moment donné, ils mettent la chanson, j'oublie,
« chaud, chaud, chocolat ».
Pareil, ça fait partie des trucs qui m'ont vraiment marqué,
où un mec, il vient, il chante ça devant toi, il fait « tu vas me mettre ton gros chocolat noir ».
T'es là, mais « wow, wow, wow, wow ».
Est-ce qu'on peut se calmer trois secondes ?
Et vraiment, tout le problème de l'exotisation, aussi bien sur Grinder ou dans la « vraie vie »,
c'est que souvent, ces gens-là ne te voient pas pour qui tu es, et alors tu peux être qu'un physique,
mais t'es vraiment le noir de plus, et c'est vraiment, je trouve, qui est le plus gênant.
Et de l'autre côté, t'as aussi tout le rejet, tous les gens qui mettent « pas de noir, pas d'asiat »,
sur leur profil.
Alors, il n'y a pas de soucis, encore une fois, c'est ce que j'essaye toujours d'expliquer,
il n'y a pas de soucis avec les préférences, mais il faut savoir d'où elles viennent,
qu'elles sont inculquées, par tout un système et toute une histoire,
sans rentrer dans une espèce de sociologie,
toute une histoire de notre monde, en fait, sur les codes de beauté,
calqués sur les Occidentaux, et même des héritages du colonialisme, je pense.
Donc ça ne vient pas de nulle part, et surtout, t'es pas obligé de les afficher, en fait.
Aujourd'hui, ça va, aujourd'hui, quand je vois ça, je m'en fous.
Et à l'époque, quand je grandissais, justement, quand j'étais ado,
et que je me découvrais, il n'y avait pas Grindr, je ne l'utilisais pas, en tout cas.
J'ai vu ça que dans mon âge un peu plus adulte, on va dire ça,
mais j'imagine les petits mecs noirs, maghrébins ou asiats,
qui ont 18 ans, qui viennent télécharger Grindr,
et qui voient tout de suite, d'une certaine façon, qu'ils sont moins bien.
Non, non, non, non, non.
Je pense que ça peut être un truc assez déroutant,
et qui ne contribue pas à la confiance en soi.
C'est ce que je dis souvent aux mecs, qui ne comprennent pas, en me disant,
ouais, non, mais on peut avoir ses préférences.
Ça va au-delà de toi et de qui tu es, en fait.
À quel moment tu es...
Ça fait un peu niagnant de dire ça, mais à quel moment tu es altruiste,
et tu te dis, en fait, si un mec noir vient me parler, je ne lui réponds pas,
plutôt que d'afficher ça là, en fait. Point.
Mais toi, aujourd'hui, tu arrives à t'en protéger, du coup,
de cette violence-là sur les appuis ?
J'ai appris à.
J'ai appris à.
C'est aussi parce que, sans me faire gonfler les chevilles,
c'est que j'ai la chance d'avoir accès au mec dont j'ai envie.
Alors oui, parfois, j'ai ressenti que ce mec-là,
il ne voulait pas de moi parce que j'étais noir.
Je pense que tu peux le comprendre.
Il y a des mecs qui te le disent.
J'ai entendu dire, tu es super beau, mais quand même, me taper un noir,
c'est un peu bizarre pour moi.
Pas merci, parce que ce n'est pas un compliment.
Donc, j'ai appris à me blinder de ce genre de choses,
même si c'est un état constant.
Mais parfois, tu as des moments où tu vas moins bien,
où ça t'atteint un peu plus.
Mais j'ai la chance de faire assez abstraction de tout ça.
Même si je n'hésite pas à en parler, à confronter les gens qui pensent comme ça.
Je pense que c'est hyper important, même pas pour moi, mais pour ceux d'après.
Tu as du courage de se...
Ce n'est pas grand-chose.
Et du coup, cette dernière fois, c'était sur une appli ou pas ?
C'était quand, déjà ?
Ma dernière fois, c'était je pense, samedi dernier.
Oui.
C'était en soirée. Je suis allé à une soirée pas loin de Saint-Ouen.
Et sur la piste, j'ai rencontré un mec, on s'est maté,
on s'est fait chaud, et puis il m'a dit, tu veux rentrer ?
J'ai dit oui.
C'était bien ?
C'était cool.
C'était vraiment mon genre de mec. Enfin, genre de mec.
Il faisait partie du genre de mec que je peux avoir.
J'ai plusieurs genres, on va dire ça comme ça.
Donc, ouais, un mec avec un grand, avec un joli derrière, donc parfait.
Donc, tu as été actif encore ?
Tu vas le revoir ?
Peut-être, on a échangé de numéro, mais...
Oui, j'ai son numéro, mais il n'est pas enregistré.
Je pense que oui, on va se revoir un jour.
Jusqu'à ce que son numéro disparaisse dans le flux de numéros.
Dans d'autres choses.
C'est quoi ton désir pour la suite ?
Tu aspires à être plutôt en couple, plutôt à papillonner comme...
Maintenant ?
Comme je te disais tout à l'heure, j'ai vraiment...
En fait, je me suis rendu compte après ma dernière rupture que depuis six ans,
je n'ai pas été célibataire plus de six mois, même moins cinq.
Parce que je suis vraiment le genre de mec qui, quand il rencontre un mec cool,
ne se pose pas de questions et se dit, vas-y, c'est cool, ça se passe bien, on se kiffe, essayons.
C'est ce que je dis toujours. D'ailleurs, mes amis m'appellent Monsieur Essayons.
On essaye et puis on voit.
Après cette rupture-là, je me suis dit, on va peut-être essayer de...
de prendre le temps d'être célibataire, de réévaluer ce que je veux, ce que j'attends d'un mec.
Parce que pendant longtemps, j'ai été dans cette course au mec,
où il me faut un mec à penser que la seule manière de vivre, c'était en couple et pas autrement.
Et aujourd'hui, par chance, pour moi, je m'en détache, même s'il y a toujours des relents.
Je n'ai pas d'attente pour la suite.
Je pense que je suis arrivé plus ou moins au stade aujourd'hui où je suis aussi bien seul
qu'en couple.
Et vraiment, pour être en couple, c'est une relation stable, pas prise de tête,
où on a envie de tous les deux de plus ou moins les mêmes choses.
Et c'est pour ça que quand j'essaie justement et que ça déconne,
je suis vraiment aussi bien seul.
Je ne vais pas me prendre la tête plus que ça, tu vois ce que je veux dire.
Donc j'aspire à juste être...
Continuer à garder mon semblant de stabilité, à être bien et à bien niquer.
C'était Première dernière fois.
Merci Paul de nous avoir raconté dix ans d'expérience sexuelle
et d'être aussi positif surtout.
Je t'en prie, c'était un plaisir de parler de moi.
Vous venez d'écouter Première dernière fois,
un podcast de Lucille Bélan, produit par la société de la femme.
C'est un podcast qui est un peu comme un podcast de la femme.
C'est un podcast de Lucille Bélan, produit par Slate.fr.
Si vous avez aimé, n'hésitez pas à vous abonner sur iTunes, Spotify, Deezer
ou votre application de podcast préférée.
Vous pouvez aussi laisser un commentaire
et pourquoi pas lui mettre cinq étoiles.